Je viens

[Sumbolon]

paru dans lundimatin#264, le 28 novembre 2020

Miraculeuse, l’humanité jaillit d’une délicate alliance entre un vivant et son image. Depuis, l’humain symbolise comme il respire.
L’aube de la civilisation ressemble à l’aube de chaque vie humaine : on est entré dans la loi comme on entre dans le langage. D’un même élan, on franchit à jamais le seuil du devoir. Cette condition primale se reflète et s’actualise jusque dans nos conditions matérielles d’existence, qui peuvent se résumer ainsi : travailler pour expier — et expier quoi, sinon une dette ? En effet, une parenté étymologique révèle parfois un implacable déterminisme : en se parant du devoir, on se retrouve en dette.

La dette apparaît partout là où s’exprime la valeur — car elle la fonde ! C’est là la thèse que nous défendrons. Nous partirons de son acception la plus générale pour parvenir à celle, plus familière, qui la réduit au fric. Car si l’argent nous ramène effectivement à la question de la dette, celle-ci déborde en revanche largement la question de l’argent. Ainsi, avant d’étudier les ressorts de la dette économique et d’en saisir toutes les subtilités, il nous faudra d’abord approcher la forme immémoriale depuis laquelle elle puise son efficace : Sumbolon [1].

Je viens au bon moment
Je viens rendre au néant l’objet de vos lâches convoitises
Je viens parachever l’oeuvre du monde que vous habitiez
Je viens détruire

Je viens pour rien
Je viens parce que je viens, pourrais-je écrire
Mais ce serait là dévoyer mes dires en vous singeant encore
Je ne viens pas pour venir, jamais
Je viens, c’est tout, sous un tonnerre de conséquences

Je viens mourir
Je viens renaitre

Je viens, avec la liberté de celui qui ne sait pas, vous assurer de votre inconsistance

Je viens briser les miroirs pour changer les visages
Je viens étrangler la voix des forts
Je viens brûler des millénaires d’ornements rationnels

Je viens faire court

Je viens démailler l’entrelacs de vos vies volées
Je viens refondre les âmes dans l’âme du monde
Je viens dénier tout droit à la publicité de vos mensonges
Vos mensonges
Vos mensonges
Vos mensonges
Vos mensonges qui se répètent, c’est là la vérité qui parle

Je viens réenchanter le vide
Je viens aussi vous dire d’arrêter de vous dire vide
Car ce n’est pas en vous rabaissant que vous redonnerez de la hauteur aux choses
Et puis, nul ne vous pardonnera
Pardonnez-vous
Je viens

Sumbolon

[1Sumbolon inaugure le bal de cette série de textes par l’annonce de son arrivée en fanfare. Le Je qui s’exprime ici est, comme d’habitude, entièrement fictif. Il exprime cette tentative à la fois vaine et grandiose de dire souverainement quelque chose.

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