Grève de la faim de Koufontinas : la Grèce retient son souffle

Yannis Youlountas

paru dans lundimatin#278, le 11 mars 2021

Nous avions évoqué la semaine dernière la grève de la faim de Dimitris Koufontinas, ancien membre du mouvement du 17 novembre. Toute cette semaine, les rues d’Athènes et de Grèce se sont embrasées faisant craindre au gouvernement un soulèvement similaire à celui qui avait fait trembler le pays en 2008 après l’assassinat par la police du jeune Alexandros Grigoropoulos. Depuis Athènes, l’activiste et réalisateur Yannis Youlountas rend compte quotidiennement de la situation sur son blog. Nous en reproduisons ici les derniers comptes rendus.

4 mars - Koufontinas : « je continue ! »

Le prisonnier a appris par son fils que la demande de suspension de sa peine venait d’être rejetée. Il s’y attendait depuis le début. Il a décidé d’aller jusqu’au bout de sa grève de la faim et de la soif « pour la justice ». Mais de nouveaux obstacles viennent de surgir…

C’est dans sa chambre d’hôpital à Lamia, sous haute surveillance policière, que Dimitris Koufontinas a eu confirmation de ce dont il était certain par avance : jamais l’État ne cessera de s’acharner sur lui. Contrairement aux pires fascistes tranquillement installés dans leur cellule VIP puis relâchés en libération conditionnelle, il est un véritable ennemi de l’État et du système de domination et d’exploitation. Aujourd’hui encore, le pouvoir semble bien décidé à lui faire payer jusqu’à son dernier souffle. Cela rappelle l’itinéraire d’autres prisonniers présents ou passés, en France et ailleurs. Tous ces enfermés vivants, pendus ou fusillés qui ont traversé les siècles, osant attaquer, chacun à leur façon, les représentants du pouvoir et leurs hommes de main, notamment une partie des anarchistes et révolutionnaires de la fin du XIXe siècle.

Sa mort est-elle certaine maintenant ?

Difficile de répondre pour l’instant, car un autre événement vient de se produire simultanément : nous venons d’apprendre qu’on refuse maintenant à Dimitris Koufontinas la visite régulière des deux médecins qu’il a pourtant choisi depuis le début de son hospitalisation. Oui, vous avez bien lu : l’État qui contrôle déjà nos vies, veut en plus prendre le contrôle d’une grève de la faim et de la soif, c’est-à-dire d’une lutte à mort contre lui. Concrètement, les médecins doivent attendre de savoir si l’on voudra bien leur accorder une visite ou pas la semaine prochaine ! Officiellement, Dimitris Koufontinas, aurait reçu trop de visites ! Pourtant, il est à l’agonie et, à l’évidence, il a besoin d’assistance et de la présence des siens à son chevet.

Ce n’est pas tout. Pour bien comprendre la situation actuelle et, tout d’abord, pourquoi Dimitris Koufontinas est encore vivant, il faut savoir que le sérum administré juste avant le début de la grève de la soif a toujours un effet assez long en terme d’hydratation et de protection antibiotique. D’où la survie du gréviste durant dix jours, comme c’est souvent le cas dans ce genre de situation. De plus, en raison d’une complication qui aurait pu avoir des conséquences cérébrales graves (ce qui lui aurait fait perdre le contrôle de la situation, en terme de décision), Dimitris Koufontinas a accepté un remède ponctuel à base d’oligo-éléments qui l’a légèrement hydraté également, il y a quelques jours. Cependant, il a refusé toute autre forme d’hydratation durant ces dix jours, notamment le sérum qu’on lui a proposé, mais dont il n’a pas voulu. Dans ce contexte, ne plus être assisté par ses médecins de confiance représente un autre danger pour Dimitris : que sa vie soit prolongée contre son gré pour faire reculer l’échéance d’un risque d’émeutes ou de représailles, tout en le laissant perdre la raison, la conscience de sa situation et donc sa faculté de décider.

Voilà le vrai visage de l’État et, en particulier, de ce gouvernement infesté de transfuges de l’extrême-droite nostalgiques de la dictature des Colonels. Alors pourquoi le ministre de la Justice a-t-il suggéré à l’avocate de Dimitris Koufontinas de tenter cette procédure judiciaire à Lamia, alors qu’elle n’a finalement mené à rien ? Tout simplement pour essayer de déplacer la responsabilité de sa future mort du champ politique au judiciaire. Mitsotakis et sa clique ne veulent pas rester toute leur vie les responsables de la mort de Koufontinas, avec tous les risques que cela signifie vis-à-vis d’une partie des soutiens du prisonnier. Ils préfèrent mettre sa mort sur le compte d’une décision de Justice stricte et sans indulgence à son encontre. Ils font aussi un calcul électoral, bien sûr, alors qu’ils sont traités d’assassins par toute la gauche grecque. Une façon de se défiler et de botter en touche. Mais pour les révolutionnaires, ce stratagème sordide n’a pas d’importance, sauf que Dimitris Koufontinas semble condamné et, pire encore, condamné à mourir sans en maîtriser le processus, privé de ses médecins de confiance.

Ce soir, la mobilisation n’a pas faibli dans les rues, malgré les nouvelles mesures restrictives contre le covid19, décision opportuniste imposée par le gouvernement (interdiction totale de circuler). Un appel est même lancé à l’international pour se mobiliser un même jour : ce samedi 6 mars, en soutien au gréviste de la faim et de la soif au seuil de la mort. Un appel de l’assemblée athénienne à manifester diversement notre solidarité par-delà les frontières qui prétendent nous séparer.

Les premières nouvelles de la nuit sont intenses. Il semble que les représailles aient déjà commencé. Les chats noirs sont de sortie ce soir.

5 mars - ATHÈNES S’ENFLAMME !

5 mars 2021. Dimitris Koufontinas est encore vivant, mais son état de santé s’est encore dégradé cette nuit.

Cette nuit, plusieurs incendies se sont déclarés dans la capitale : ici des bureaux, là une banque, mais aussi des voitures de luxe, des distributeurs de billets, des poubelles… De même, la grande manifestation d’hier était sous le signe des flammes et de la lumière.

La mobilisation est chaque jour plus nombreuse, malgré les restrictions menaçantes. Puis, la nuit, des petits groupes surgissent et disparaissent ici et là, dans la pénombre à l’écart des réverbères. Les « chats noirs », comme on dit ici.

Athènes est aussi le nom de la dernière chance de voir Koufontinas mettre un terme à sa grève de la faim et de la soif. Aujourd’hui ou, au plus tard, demain, une autre décision va être rendue, mais cette fois par le Comité central des transferts (KEM). Elle va concerner sa demande initiale de quitter le pénitencier de haute-sécurité de Domokos (où il avait brutalement été envoyé dans un cachot) pour la prison de Korydallos à l’ouest d’Athènes, où il a purgé ses 15 premières années de détention et où se trouvent les autres membres de l’organisation révolutionnaire « 17 novembre » qui sont encore emprisonnés. En résumé, comme le disent certains proches de Dimitris Koufontinas, « ce sera Athènes ou la mort ». Cette phrase, « Athina i thanatos » sonne comme « Elefteria i thanatos » : la liberté ou la mort, devise de la Grèce. Quand on sait que l’étymologie d’Athènes est « l’immortelle » (a privatif + thanatos), on comprend mieux l’articulation des mots « Athènes ou la mort », qui sonne encore mieux en grec : « Athina i thanatos ».

Cependant, il y a peut de chance que le KEM donne son aval à ce retour à la case départ. Car cette structure est présidée par une membre notoire du parti de droite Nouvelle Démocratie, proche de Mitsotakis, et entourée de gens qu’elle a nommés pour la plupart. Bref, la décision d’aujourd’hui ou de demain sera une décision purement politique. C’est en réalité Mitsotakis qui va montrer s’il veut tenter de calmer le jeu ou pas. Soit Mitsotakis (via le KEM) autorise Koufontinas à retourner à Korydallos, à défaut de rester dans sa prison rurale, et dans ce cas le prisonnier cessera immédiatement sa grève de la faim et de la soif et s’y rendra dès qu’il en sera physiquement capable, soit Mitsotakis refuse cette maigre compensation et continue à s’acharner sur lui (difficulté pour les médecins que Koufontinas a choisi de le visiter, menace de retourner dans son cachot de Domokos loin d’Athènes, impossibilité de retourner voir son fils en permission…).

Bref, ce sera soit Athènes, soit la mort. Et Athènes le sait qui s’enflamme désormais pour tracer le chemin du retour de Koufontinas. Mais Mitsotakis préférera-t-il la mort, avec tout ce que ça implique ? À suivre aujourd’hui ou demain, si Dimitris Koufontinas parvient à survivre jusque là.

5 Mars - KOUFONTINAS RÉANIMÉ CONTRE SA VOLONTÉ

Il y a une heure, atteint d’une insuffisance rénale aiguë, le gréviste de la faim et de la soif a failli mourir.

Depuis quelques jours, plusieurs ministres puis le procureur avaient prévenu, en haussant le ton : laisser mourir le prisonnier serait passible de poursuites. Il y a une heure, les médecins et infirmiers de l’hôpital de Lamia se sont donc pliés aux ordres : ils viennent de réanimer Dimitris Koufontinas alors qu’il était sur le point de mourir et qu’il avait clairement demandé à ce que personne n’intervienne.

Depuis plusieurs mois, Dimitris Koufontinas subit l’acharnement du gouvernement Mitsotakis. En particulier, il est désormais privé des permissions qui lui permettaient de voir son fils depuis trois ans et il a brutalement été transféré de sa cellule dans un pénitencier agricole à un cachot sordide dans une prison de haute sécurité. Cela fait 19 ans au total qu’il est en prison après s’être lui-même rendu à la police en 2002 pour assumer sa part de responsabilité au procès de l’organisation révolutionnaire 17 novembre.

Voici le communiqué que vient de diffuser l’hôpital de Lamia :

« Nous informons que le patient de notre hôpital, Dimitris Koufontinas, hospitalisé depuis 18 jours au sein de l’unité de soin intensif, a présenté une insuffisance rénale aiguë suite au refus prolongé de prendre des aliments et des liquides, aujourd’hui 5 mars 2021. Le personnel médical et infirmier de l’USI, face au refus persistant du patient de s’alimenter et de recevoir des liquides, dans le respect de la législation en vigueur et en exécution d’une ordonnance du procureur, a immédiatement pris les mesures de réanimation nécessaires pour soutenir ses fonctions vitales, ainsi que tous les efforts possibles pour assurer sa santé, comme le stipulent la déontologie médicale et la législation connexe. Il est actuellement traité dans un état critique. Le personnel médical continue de fournir ses services, toujours en conformité avec le code de déontologie médicale. »

À savoir que, sur ordre, les médecins choisis par Dimitris Koufontinas sont toujours dans l’impossibilité de revenir l’assister. Tout comme sur ordre du gouvernement et du procureur, le prisonnier en grève de la faim et de la soif est aujourd’hui totalement dépossédé de sa liberté de vivre et de mourir.

L’État montre, ici encore, qu’il s’octroie le droit de vie et de mort sur l’individu qui lui résiste.

COMPLÉMENT D’INFORMATION (deux heures plus tard)

Il est confirmé que Dimitris Koufontinas ne souhaitait pas être réanimé (comme il l’avait déclaré publiquement) et que le personnel médical a tout de même décidé de l’empêcher de mourir sous la double pression du ministère de tutelle et du procureur qui avait transmis à l’hôpital de Lamia une ordonnance.

Mais ensuite, que s’est-il passé ?

Plusieurs proches de Dimitris Koufontinas sont entrés en contact avec lui après sa réanimation, notamment ses deux médecins personnels, et lui ont fortement conseillé d’accepter le sérum d’hydratation qu’il refusait de prendre, « au moins pour un soir ». Après avoir encore refusé, il s’est finalement laissé convaincre exceptionnellement pour une raison précise : la dernière décision le concernant n’a pas encore été rendue. Elle le sera d’ici quelques heures. Même s’il y a peu de chance que cette décision soit favorable, le Comité central des transferts (KEM). examine en ce moment sa demande initiale de retourner du pénitencier de haute-sécurité de Domokos (où il avait brutalement été envoyé dans un cachot) à la prison de Korydallos à l’ouest d’Athènes, où il a purgé ses 15 premières années de détention et où se trouvent les autres membres de l’organisation révolutionnaire « 17 novembre » qui sont encore emprisonnés. La décision du KEM (présidé par des proches de Mitsotakis) devrait être rendue ce soir ou demain.

Soit le KEM va autoriser Koufontinas à retourner à Korydallos, à défaut de rester dans sa prison rurale, auquel cas le prisonnier cessera immédiatement sa grève de la faim et de la soif et s’y rendra dès qu’il en sera physiquement capable, soit il va refuser cette maigre compensation et, dans ce cas, le prisonnier continuera jusqu’au bout sa grève de la faim et de la soif. Réponse dans quelques heures, peut-être quelques minutes.

6 mars - « KOUFONTINAS NOUS MONTRE LE VRAI VISAGE DU POUVOIR »

6 mars 2021. Dimitris Koufontinas est encore vivant, après avoir frôlé la mort hier. Ses médecins personnels restent privés du droit de pénétrer dans l’hôpital gardé par la police. L’État joue la montre, fait durer la dernière décision attendue, tout en l’empêchant de mourir. Une torture mentale et physique que les manifestants ont dénoncée hier soir avant d’être violemment réprimés. Nouveaux rassemblements en ce moment, partout en Grèce, appuyés par des actions solidaires ailleurs dans le monde. Le fils de Dimitris vient d’être arrêté à l’instant…

Cette phrase a été prononcée par une de mes connaissances hier : une dame proche de ma famille paternelle en Grèce, voisine discrète qui jusqu’ici n’avait jamais parlé politique avec nous. Elle avait toujours semblé distante avec les luttes et les actions solidaires, plutôt passive devant sa télé quand on passait voir si tout allait bien. Et là, tout à coup, malgré la propagande médiatique au sujet du « criminel sanguinaire qui menace la République » (comme l’ont encore présenté plusieurs ministres), la voilà qui exprime enfin sa révolte pour la première fois : « Je n’aime pas Koufontinas, mais ce qu’ils lui font est horrible ! Ils ne peuvent pas le laisser un peu tranquille ? » et d’ajouter : « Moi aussi, je soutiens Koufontinas face à tous ces pourris. Il nous montre qui sont les vrais monstres. Dans son malheur, Koufontinas nous montre le vrai visage du pouvoir. »

Une nouvelle génération de révoltés ?

Hier soir à Athènes, les manifestants n’ont pas pu rejoindre la place du Syntagma devant le parlement. Le pouvoir craint que la situation s’envenime et devienne incontrôlable. Plusieurs ministres ont évoqué le risque d’un décembre 2008 bis (émeutes partout en Grèce après l’assassinat du jeune Alexis Grigoropoulos par un policier dans le quartier d’Exarcheia). En conséquence, les mesures anti-covid19 ont été opportunément durcies, il y a trois jours, au moment-même où les manifestations se multipliaient et devenaient plus nombreuses, rassemblant un arc très large d’opinions politiques. Hier soir, des amendes de 300 euros ont frappé des manifestants pour cause d’interdiction de circuler et de couvre-feu. La mention « déplacement pour venir en aide à quelqu’un dans le besoin » a été brutalement supprimée dans le formulaire officiel à télécharger, car c’est la case que cochaient les nombreux manifestants partout en Grèce. Présent dans la manifestation d’Athènes, le fils de Dimitris Koufontinas, Ektoras Koufontinas, a été empêché, lui aussi, de marcher pour son père, de même que les juristes en première ligne qui ont subi les canons à eau, après un face-à-face tendu avec les MAT (CRS). La soirée s’est terminé par des affrontements du côté d’Exarcheia : le quartier anarchiste reste encore une zone de repli lors de tensions en centre-ville, bien qu’il ne soit plus aussi bien protégé qu’avant. 8 des nombreuses interpellations se sont transformées en arrestations, principalement pour transport ou utilisation de cocktail Molotov. 7 des 8 personnes arrêtées sont mineures : confirmation de l’émergence d’une nouvelle génération parmi les révoltés, phénomène qu’on a également pu vérifier autour des manifestations lycéennes et étudiantes très nombreuses ces derniers mois. Une génération écœurée par la politique de Mitsotakis, qui n‘attend rien d’un hypothétique retour au pouvoir de Tsipras dans deux ans, et qui étouffe dans le contexte de pandémie qui fait l’objet de mesures très restrictives en Grèce.

Mobilisation sans frontières

Autre nouvelle qui touche beaucoup les soutiens de Koufontinas : la mobilisation internationale aujourd’hui semble très importante. Même George Ibrahim Abdallah, le plus ancien prisonnier de France, qui est encore enfermé après 37 ans de prison (10 ans de plus que Mandela !) alors qu’il est libérable depuis 1999, participe à cette journée internationale de soutien à Koufontinas : le prisonnier libanais a décidé de se mettre en grève de la faim aujourd’hui, en soutien à son camarade grec. Autre exemple : la participation de Jean-Marc Rouillan, que j’ai été chargé d’appeler de la part du comité de soutien de Koufontinas. Jean-Marc a tout de suite dit oui à une demande de rencontre-débat par Skype autour de la souffrance carcérale pour l’assemblée de Thessalonique, lui qui a également passé de nombreuses années en prison et qui a continué à subir l’acharnement de l’État par la suite. De nombreuses régions du monde nous arrivent sans cesse des messages de soutien et des actions en solidarité avec le gréviste de la faim et de la soif qui est en train de mourir à Lamia, au centre de la Grèce.

Koufontinas privé de ses médecins

Dans le même temps, les médecins personnels de Dimitris Koufontinas restent privés du droit de pénétrer dans l’hôpital gardé par la police. Thodoris Zdoukos et Katerina Douzepi ont fait la déclaration suivante :
« L’état de santé du gréviste de la faim et de la soif Dimitris Koufontinas est extrêmement critique, car il a développé une insuffisance rénale aiguë et il existe maintenant un risque fort de coma ou de mort subite. En raison de la gravité de la situation, en tant que médecins du choix personnel de Dimitris Koufontinas que nous avons visité à plusieurs reprises à la prison de Domokou puis à l’unité de soins intensifs de l’hôpital de Lamia, nous avons demandé à l’administration de l’hôpital général de Lamia la possibilité de pouvoir continuer à venir, à la demande de notre patient. Nos collègues de l’unité de soins intensifs sont d’accord. Pourtant, malgré nos efforts répétés pour obtenir le permis correspondant, cela n’a pas été possible. Hier, le directeur de l’hôpital, Andreas Kolokythas, apparemment à la demande du gouvernement, a encore refusé — sous prétexte des mesures de protection contre le covid19 — de nous envoyer les certificats pour notre déplacement et notre entrée. Aujourd’hui, il ne répond même plus à nos appels sur son téléphone personnel, ni à son bureau, ni par courriel. Nous appelons le ministère de la Santé et le directeur de l’hôpital général de Lamia de cesser cette tactique et de nous permettre de visiter notre patient Dimitris Koufontinas à sa demande, en nous envoyant les certificats nécessaires.
Katerina Douzepi, anesthésiste, et Theodoros Zdoukos, médecin généraliste »

Interdiction de mourir

Pour le moment, ni le directeur de l’hôpital général de Lamia ni le ministre de la santé n’ont daigné répondre à la lettre ouverte des médecins de Dimitris Koufontinas. Pour ajouter à cette torture mentale et physique, le Comité central des transferts (KEM) n’a pas pris le temps de décider, hier, du transfert ou pas de Dimitris Koufontinas dans sa première prison, celle de Korydallos à l’ouest d’Athènes. Bien que l’urgence de cette réponse soit notoirement connue vu l’état de santé du gréviste de la faim et de la soif, la présidente du KEM n’a pas trouvé utile de se dépêcher. Elle promet une réponse « dans les prochains jours », provoquant la colère des soutiens du prisonnier qui peut mourir d’un moment à l’autre. La présidente du KEM, Sofia Nikolaou, est aussi la secrétaire générale de la politique anti-criminalité, membre du parti de droite Nouvelle Démocratie et proche du premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis. Concernant l’état de santé du gréviste de la faim et de la soif, elle a répondu aux journalistes : « Nos médecins veillent sur lui, ils ne le laisseront pas mourir. Ils l’ont déjà réanimé une fois, ils le referont si nécessaire. Hier, après l’avoir réanimé, nos médecins n’ont pas eu besoin de le forcer pour lui administrer le sérum, car il a finalement accepté. Mais si nécessaire, ils lui administreront contre sa volonté. Ce n’est pas à lui de décider. »

Le fils de Koufontinas arrêté à l’instant

À l’instant, le nouveau rassemblement place du Syntagma, devant le parlement, vient d’être violemment réprimé et dispersé par la police. Ektoras, le fils de Dimitris déjà privé du droit de voir son père, vient d’être brutalement embarqué par les flics parmi d’autres manifestants pourchassés. Des affrontements ont lieu actuellement dans plusieurs rues d’Athènes. Par son acharnement, ses provocations et sa férocité, le gouvernement pourrit quotidiennement la situation. Une attitude qui pourrait bientôt se retourner contre lui, car la révolte gronde en Grèce.

7 mars 2021. Dimitris Koufontinas est encore vivant.

Ayant accepté le sérum vendredi, après avoir failli mourir, Dimitris Koufontinas est en sursis, mais le coma ou la mort subite le guettent. Toujours pas de réponse du Comité central des transferts (KEM) qui joue la montre avec cruauté, concernant sa demande de transfert à la prison de Korydallos à l’ouest d’Athènes.

Cette nuit dans la capitale grecque, de nombreuses ripostes ont à nouveau été recensées, principalement contre des banques et des bâtiments de l’État. En particulier : à Cholargos, le bureau des impôts a été soufflé par une bombe incendiaire et, au centre du Pirée, le bâtiment du ministère de la marine a fait l’objet d’un ravalement nocturne avec des tags et de la peinture rouge et noire. Ces derniers jours, ont été recensées plus de 300 ripostes nocturnes uniquement à Athènes, pour la plupart avec des signatures anarchistes, et une centaine d’autres ailleurs en Grèce.

Les dernières tentatives de manifester ayant subi une forte répression, de nombreuses interpellations et arrestations, et à minima une distribution systématique d’amendes de 300 euros pour non respect du confinement, beaucoup de soutiens du gréviste de la faim et de la soif sont poussés à l’action clandestine contre le pouvoir toujours plus autoritaire.

L’occasion de voir, la nuit dans les rues d’Athènes, à quel point le nombre de sans-abris a augmenté ces derniers mois. Le pouvoir cherche-t-il actuellement des épouvantails, des ennemis, des monstres à montrer du doigt, pour faire oublier qu’il est, comme disait Nietzsche [1], « le plus froid des monstres froids » ?

Le point sur la situation est également disponible sur le site https://enough-is-enough14.org avec d’autres sources, textes et photos, ainsi que des traductions en anglais et en allemands de mes publications.

[1« L’Etat est le plus froid des monstres froids : il ment froidement ; et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : Moi l’Etat, je suis le peuple » Friedrich NIETZSCHE, Ainsi parlait Zarathoustra, 1883

lundimatin c'est tous les lundi matin, et si vous le voulez,
Vous avez aimé? Ces articles pourraient vous plaire :