Fiction journalistique / Réalité radiophonique

Le journal d’après, une invitation pour la fête de la musique à Nantes

paru dans lundimatin#245, le 2 juin 2020

De la nécessité de se retrouver enfin, pour fêter les lendemains qui chantent en temps de crise. Une invitation à regagner les rues, non sans fracas, la nuit du 21 juin.

« Proposer quelque chose qui ait de la gueule »
Franck Riester le 15 mai 2020, à propos de la fête de la musique.

Il n’est rien de pire, de plus factice, qu’une fête sous contrôle. Et dans ces temps tourmentés on aurait pu croire que la seule fête de l’été tolérée par Macron allait ressembler à un puits rempli de fous, un spectacle féodal Vendéen qui aurait définitivement allumé les projecteurs sur les aspirations profondes de notre président et sur son rapport complexe mais équivoque à l’Histoire de la France.

Mais après la promesse de ce dernier de renouer dans un avenir post-pandémie avec les chamailleries du 1er mai, c’est au tour du ministre de la culture Franck Riester de se livrer à une proposition du plus bel effet pour annoncer l’édition 2020 de la fête de la musique, et de le faire en des termes pour le moins invitants si ce n’est carrément provocateurs.

L’annuelle proposition du gouvernement visant à célébrer la musique se tiendra donc bel et bien le dimanche 21 juin, jour du solstice d’été, malgré le contexte de crise sanitaire. Si la levée progressive du confinement et l’allègement des mesures barrières ne vaut toujours (à l’heure ou nous écrivons ces lignes) que pour ce qui nous replonge, après deux mois de suspension, dans la routine interminable du travail et de la consommation, il y a bien quelque chose d’étonnant dans cette invitation a rejoindre les rues pour “permettre aux Français de chanter” comme l’annonçait le 15 mai dernier ce cher Franck Riester.

On anticipe le caractère éminemment insipide de la proposition du ministre et de son contenu, la possibilité de concerts “en ligne” ayant été évoquée pour solutionner l’épineuse question de la distanciation sociale... Bien qu’il soit encore trop tôt pour prédire la forme exacte que prendra l’évènement cette année, on peut dès a présent se dire que, s’il a lieu dans la rue, il ressemblera sans l’ombre d’un doute à une expérience poussée d’autodiscipline, à l’achèvement biopolitique de la musique sans la fête, à l’injonction à la joie sans l’ivresse, à la contrainte de la danse sans les corps. Ces mécanismes nés de l’état d’exception, deviennent chaque jour un peu plus la norme. C’est ceux-là mêmes qui opèrent insidieusement depuis des années pour sécuriser, aseptiser, lisser l’ensemble des rassemblements festifs et musicaux. Tout les organisateurs de concert vous le diront, désormais la sécurisation, les jauges, les normes ERP (Établissement recevant du public) priment sur la programmation musicale. Popularisée par le plan Vigipirate, l’habituelle fouille pratiquée par les agents de sécurité sera peut-être doublée d’un lavage de main au gel hydroalcoolique ou encore d’une vérification du port du masque… La fête sans sourire et sans odeur. En terme de contrôle toujours, on peut également anticiper l’utilisation à outrance des barrières “herras” ou “vauban” pour guider, orienter, mais surtout enfermer la population lors de ses déambulations dans les centre-villes.

En effet les cœurs de villes, qui étaient jusqu’alors le lieu privilégié des fêtards pour s’enivrer jusqu’au bout de la nuit devraient, d’ici le 21, quitter le statut de “haut-lieu des festivités” pour basculer dans celui de “site sécurisé du rassemblement”. L’état d’urgence, sanitaire ou non, transforme l’espace et son usage. Enfin, en ce qui concerne le maintient de l’ordre, il y a fort à parier qu’un dispositif policier délirant quadrille les métropoles et que tout manquement aux règles imposées par le gouvernement soit immédiatement sanctionné, comme cela fut le cas pour la plupart des tentatives de manifestations post-confinement. Alors peut-être verrons-nous à nouveau des musiciens verbalisés, des danseurs menottés, puis la foule gazée. Et si notre cher Riester semble avoir oublié la danse macabre des forces de l’ordre qui a provoqué il y a un an à Nantes la mort de Steeve Maia Caniço, personne d’autre que lui et ses complices ne veut subir de nouveau les pratiques meurtrières du « savoir faire français » en matière d’ordre public, qu’on se le tienne pour dit.

Il semblerait donc que ce choix, pour le moins audacieux, de maintenir l’événement s’explique par la volonté du gouvernement de prouver deux choses :

L’une étant qu’il maîtrise la situation et que sans lui tout rassemblement ne peut se faire sans conséquences graves pour la santé des autres, et l’autre qu’il est et restera le garant de nos libertés fondamentales - comme celle qui consiste à écouter une fois dans l’année le groupe de surf rock de son voisin Eric, assis a la terrasse d’un bar bondé, dans l’attente du sublime refrain de leur morceau phare I love you my baby don’t mess with me - Mais, si comme beaucoup de gens, vous doutez de la capacité de ce gouvernement à proposer des moments qui nous fassent sentir et vibrer et, qu’à l’aube d’une crise économique sans précédent (doublée d’une crise écologique déjà en cours) vous êtes à la recherche d’autre chose... alors l’invitation qui suit est faite pour vous.

Depuis le début du confinement à Nantes, une radio éphémère a surgi sur les ondes. Des émissions, du direct, des lectures croisées, des soirées arrosées, une série d’ingrédients pour parler de ce qui nous arrive, pour tenter d’enfoncer quelques certitudes et pour chercher la sortie de ce tunnel qui semble infini.

Après deux mois de diffusion, nous envisagions de mettre un terme à ce surgissement radiophonique pour retrouver le chemin de la rue, et voilà que nous est parvenu par on ne sait quel réseau souterrain une lettre signée par des experts en physique quantique destituante accompagnant quelques épisodes du journal d’information de BFM radio daté du mois de juillet prochain. C’est quand le présent s’arrête que le futur s’offre à nous, alors nous avons fait le choix de prolonger de quelques semaines cette radio éphémère pour partager sur nos ondes avec vous les lundi 25 mai, 1er et 8 juin et le samedi 20 juin prochain à 20h tapantes le contenu déjà controversé de ces journaux de l’après. Et pour finir en fanfare c’est en direct des rues de Nantes que nos équipes suivront la fête de la musique qui pourrait bien cette année ressembler à un séisme d’une telle puissance qu’il fasse péter l’échelle de Riester dans le désastre en cours.

Mais avant de vous faire goûter les contenus surprenants de nos dévoués confrères, il nous a semblé nécessaire de vous donner accès à la lettre de cet ubuesque comité d’experts.

« Chers amis, bonsoir.

Suite à l’écoute d’un journal d’information venu du 13 juillet 2020, il nous a semblé important d’éclairer nos contemporains sur les possibles liés au non-évènement que l’on appelle encore en France « fête de la musique » annoncé a la date du dimanche 21 juin 2020. Ce journal, dont les titres font état d’une situation aussi dystopique que désirable dans l’hexagone et dans le monde, semble en effet insister sur cette date. Décrite à de nombreuse reprises comme étant le point de départ d’une série de bouleversements, bons et mauvais, de tout ce qui préexistait. Il semblerait qu’il nous faille prendre la mesure de l’enjeu qu’elle représente. Pour nous préparer au mieux à cette date historique, nous vous transmettons ces quatre éditions qui préfigurent notre futur proche en annonçant des lendemains qui hurlent !!! »

Pour nous retrouver ces prochaines semaines les lundi de 20h à 22h et le week-end des 20 et 21 juin :
Sur les ondes nantaises : 107.9
Sur internet  : www.sanscontactfm.com

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