Face à la levée de boucliers pour défendre Tesson, les poète·sses ne se rendent pas

Sara Mychkine

paru dans lundimatin#413, le 30 janvier 2024

Suite à la publication de la tribune refusant Sylvain Tesson comme parrain du Printemps des Poètes, une levée de bouclier a envahi l’espace médiatique. Le cœur de la polémique a pris l’accent d’une pseudo-défense de la liberté d’expression. Cette défense apparaît comme une simple distraction du point soulevé par la tribune : la banalisation de l’extrême droite par le biais du champ culturel.

Suite à la publication de la tribune et le déferlement de réactions, qu’elles soient chez Valeurs actuelles, le JDD, Boulevard Voltaire et compagnie ou au sein même du gouvernement (cc Rachida Dati et Bruno Lemaire), je n’ai pas estimé qu’il était nécessaire de contre-réagir. D’abord parce que l’ensemble de ces réactions vient juste confirmer le point soulevé par la tribune, à savoir les relations étroites de Sylvain Tesson avec l’extrême-droite et l’inscription du gouvernement de Macron dans la continuité de celle-ci. Ensuite, parce que l’extrême-droite a déjà trop de poids dans l’espace public et que je ne souhaite pas y contribuer en relayant son expression, d’autant moins quand elle est aussi méprisante envers les signataires, dont la valeur est toute aussi importante à mes yeux que celle des individu-e-s considéré-e-s comme de « grand-e-s écrivain-e-s ».

Je vous remercie encore pour tout ce que vous êtes et votre dignité que je tiens à ré-affirmer ici.

Si les multiples articles parus dans le JDD, Le Figaro, Causeur, Valeurs Actuelles, Boulevard Voltaire ou encore l’éditorial de Pascal Praud lui étant consacré ont systématiquement insisté sur le statut "inconnu" de la grande majorité des signataires, qualifié-e-s également de "nains", de "pseudo-pléiade de 600 poètes autoproclamés et inconnus sinon de leurs familles", de "médiocres", de "poignée de poètes anonymes et d’enseignants obscurs" ou encore de "cafards", ce statut d’"inconnu-e", de personnes dont le nom n’est simplement pas connu aussi largement que Sylvain Tesson en France (rappelons que tout succès est relatif), est précisément, à mon sens, ce qui fait l’immense force de cette tribune que nous avons été plus de 2000 à avoir signée.

Car ces 2000 ne sont pas uniquement poète-sse-s et enseignant-e-s mais également libraires, bibliothécaires, directeur-ice-s de maison de la poésie, éditeur-ice-s, traducteur-ice-s, lecteur-ice-s, retraité-e-s, soignant-e-s, ouvrier-e-s, musicien-ne-s, comédien-ne-s, médecins, critiques, danseur-euse-s, ou encore accompagnateur-ice-s de montagne, chercheur-euse-s, animateur-ice-s d’ateliers d’écriture, bouquinistes... Ce sont toutes les personnes qui font vivre la poésie contemporaine, jour après jour, par leur travail, par leur passion, par leur agentivité. Qu’elles la lisent, qu’elles constituent son public ou qu’elles la construisent par leurs métiers. Dans les maisons d’éditions comme dans tous les lieux qui l’accueillent et la portent, les librairies, les maisons de la poésie, les bibliothèques, les universités, les revues littéraires, les lieux culturels mais aussi les ehpad, les hôpitaux ou les prisons.

Il y a quelque chose d’extrêmement révélateur dans ce mépris dont regorgent les articles et prises de parole visant à défendre la nomination de Sylvain Tesson comme parrain du Printemps des Poètes.

Il témoigne d’abord que les personnes en ayant pris l’initiative n’ont aucune connaissance de la poésie contemporaine et ne participent aucunement, ou que peu, à sa vie. Impossible, en effet, pour les personnes qui y participent quotidiennement de parcourir la liste des signataires et de n’y voir que des inconnu-e-s. Nous y retrouvons des libraires que nous avons rencontré-e-s, des poète-sse-s que nous aimons, des bibliothécaires avec qui nous avons discuté, des éditeur-ice-s dont nous connaissons le catalogue, des animateur-ice-s d’ateliers d’écriture avec qui nous avons travaillé, des lecteur-ice-s que nous ne considérons ni comme des cafards (dans l’acception péjorative spéciste du terme), ni comme des personnes médiocres, méritant, au contraire, tout le respect et toute la dignité censées être accordée à chaque être indépendamment de leur statut.

Une parenthèse me semble nécessaire, par ailleurs, pour relever cette utilisation du mot "nain-e-s" comme un terme péjoratif, en ce qu’il relèverait d’une moindre humanité des personnes qui en seraient qualifiées, tandis que le mot "géant-e", lui, serait un terme mélioratif, visant à magnifier la sur-humanité de la personne qu’il désigne. Cette parenthèse sera brève. Très simplement, je ne souscris pas à cette hiérarchie d’humanité dans lequel s’inscrivent les défenseur-se-s de Sylvain Tesson. Les personnes naines, et les cafards d’ailleurs, ont tout autant mon respect que les personnes désignées comme "géant-e-s", les personnes inconnues sont aussi dignes, dans mon regard, que les personnes connues, les poète-sse-s non publié-e-s ou auto-édité-e-s sont aussi légitimes à se dire poète-sse-s que celleux qui le sont (faut-il rappeler que Rimbaud s’est lui-même dit poète et voyant avec seulement de la poésie auto-éditée et en étant ce quasi-parfait inconnu ?).

La teneur de ces articles ne dit donc rien des signataires sinon leur force, leur solidarité, leur amour et leur participation active à la vie de la poésie contemporaine, et tout des personnes qui les ont signés - et par elles des soutiens et du cercle proche de Sylvain Tesson -. Leur mépris pour les personnes "inconnues", pour les classes moyennes et populaires, pour les travailleur-euse-s dont on ne connaît pas le nom. Leur conception de l’humanité comme une hiérarchie rigide où seule la parole des "géant-e-s" est légitime et digne d’être entendue tandis que celle des inconnu-e-s, jugée illégitime, relèverait du moindre-humain et du non-humain. Leur ignorance profonde, enfin, de ce qu’est le quotidien de la poésie contemporaine que tous-tes ces inconnu-e-s participent activement, et régulièrement à titre gratuit (ou pour un revenu dérisoire), à construire.

Il faut savoir que le Printemps des Poètes avait déjà été l’objet de vives critiques en 2018 sous l’impulsion de Jacques Bonnaffé. Suite à l’inauguration du printemps par un défilé de la Garde Républicaine, une mise en scène imaginée par Sophie Nauleau, actuelle directrice de l’évènement (il s’agissait alors de sa première année de fonction), l’acteur et metteur en scène s’était insurgé, en criant le poing levé : "Mais elle est où, elle est où la poésie ?" avant d’être prié de quitter les lieux et interdit d’assister à la conférence de presse, un acte qu’il avait qualifié justement d’ "attitude de gendarme indigne de représentants du printemps de la poésie". De nombreuses personnes avaient, par la suite, confié en avoir pensé autant que Jacques Bonnaffé, évoquant une véritable « calamité », sans pour autant que cette indignation commune ne donne suite, Jacques Bonnaffé ayant été le seul à l’exprimer publiquement.

Par ailleurs, la nomination elle-même de Sophie Nauleau comme directrice du printemps des poètes en 2018 avait fait l’objet de vives critiques. Ces dernières soulignaient alors l’influence démesurée de Gallimard sur l’évènement (maison d’édition actuelle de Sylvain Tesson) alors même que la maison ne contribue plus autant à la vitalité de la poésie contemporaine, majoritairement portée par des maisons d’éditions indépendantes, les "inconnu-e-s" évoqué-e-s plus tôt, l’institutionnalisation de la poésie contemporaine dû à l’évènement, hiérarchisant le travail des poète-sse-s avec sa programmation officielle et son travail d’archives dont les critères de sélection ne sont pas explicités ou encore, comme nous l’avons souligné dans la tribune, la concentration de l’argent public alloué à la poésie par l’évènement, précarisant, de fait, les poète-sse-s et l’ensemble des structures ne s’inscrivant pas en son sein (ou s’y inscrivant de façon autonome).

En ce sens, il est assez logique que Sylvain Tesson ait été nommé cette année, marquant la 25e édition du printemps des poètes, comme parrain par Sophie Nauleau et son conseil d’administration.

Cette nomination s’inscrit dans la droite lignée de son année de prise de fonction comme directrice du printemps des poètes, liant l’évènement, et de fait la poésie, à une prise de position politique personnelle, traçant les contours de l’événement selon ses intérêts et, par conséquent, sous la coupe de Gallimard (dont son compagnon, co-créateur du printemps des poètes et signataire de la contre-tribune, a dirigé pendant une vingtaine d’années la collection poésie avant de la céder à Jean-Pierre Siméon, ancien président du printemps des poètes), adhérant à la conception d’une poésie écrite sous l’égide d’un récit national, strictement hiérarchisée et au sein de laquelle il est légitime de concentrer toute l’attention du public sur quelques auteur-ice-s au prix de l’invisibilisation de milliers d’autres.

La construction du "gigantisme" d’un-e écrivain-e est loin d’être le seul fait de son talent, comme semblent le penser les ardent-e-s défenseur-euse-s de Sylvain Tesson. Il est le fait d’une multitude d’instances de légitimation parmi lesquels les maisons d’éditions, mais également les critiques littéraires, les prix, les traductions, les invitations dans des institutions culturels et/ou évènements, etc, tels que le Printemps des Poètes, viennent toutes jouer un rôle, contribuant à construire l’image de l’écrivain-e comme un être ayant « objectivement » et « universellement » un talent immense dont la reconnaissance ne peut que s’imposer à nos yeux "inconnus" ébahis.

Or, le passage des écrivain-e-s par ces instances de légitimation se fait ultra-majoritairement par l’initiation et l’entretien de relation personnelles et interpersonnelles lors de manifestations culturelles, qu’il s’agisse, pour les plus importantes, du marché de la poésie ou encore du festival du livre de Paris mais également durant une pluralité de petits évènements rythmant la vie quotidienne de la poésie, et plus largement de la littérature, tels que les rencontres en librairies, les festivals portés par des structures indépendantes, ou encore par des rencontres dans des sphères intimes, tels que les cafés, les soirées privées, etc. L’aspect social de la vie d’écrivain-e et de poète-sse est donc, en réalité, tout aussi important pour la légitimation de leur qualité, de leur talent que leurs œuvres en elles-même.

En ce sens, s’il faut le prouver encore et pour une énième fois (ce qui, suite aux 10 ans de Me Too et au récent témoignage de 14 femmes d’agressions sexuelles de la part de Gérard Depardieu, est profondément désolant), il n’est pas possible de séparer l’homme de l’artiste. Encore moins lorsque celui-ci est vivant.

Sylvain Tesson a eu l’intelligence, ou la lâcheté c’est selon, de ne pas avancer son positionnement politique frontalement dans son oeuvre, contrairement à Houellebecq, bien qu’il y fasse de nombreux clins d’oeil plus ou moins allusifs : « Il y a un petit jeu entre Jean Raspail et moi, révèle Tesson en 2006 au détour d’une interview à la revue Royaliste Les Épées. Je dissémine dans mes livres des phrases qui viennent des siens. C’est une manière de faire des clins d’oeil, de se dire que l’on reste lié sans avoir à se téléphoner ou, pire, “à boire un verre ensemble”. Jean Raspail a une vision du monde que j’aime : crépusculaire. Il est sensible à l’esthétique de l’engloutissement, de la chute des mondes, ce moment où l’on contemple quelque chose pour la dernière fois dans les feux d’un soleil moribond. » (Emmanuel Fontaine, « Retour des steppes, entretien avec Sylvain Tesson », Les Épées, n•19, avril 2006. Citation extraite par François Krug dans Réactions françaises. Enquête sur l’extrême-droite littéraire. Éditions du Seuil. 2023. p. 60).

Par conséquent, les lecteur-ice-s de Sylvain Tesson peuvent complètement parcourir la majorité de son oeuvre et se l’approprier sans partager le moins du monde des affinités avec l’extrême-droite mais l’homme, lui, et c’est bien l’homme, au même titre que l’artiste, qui est nommé et invité comme parrain du printemps des poètes, en partage bien. Qu’elles s’illustrent par la préface de l’écrivain de Là-bas, au loin, si loin... de Jean Raspail (notons d’ailleurs que, malheureusement pour nos détracteur-ice-s, le fait que nous nous soyons trompé-e-s dans le titre du livre de Jean Raspail préfacé par Tesson n’efface en rien la logique de notre argumentation), par les passages chez Radio Courtoisie ou encore par son hommage intentionnel et constant à Dominique Venner durant l’animation de l’émission "Un été avec Homère" sur France Inter.

Ceci étant éclairci, cette vague de réactions aura, au moins, eu le mérite de préciser un certain nombre de réflexions que je portais déjà et qu’un court texte de Nicolas Mathieu, posté le 21 janvier (pour celleux qui ne le connaissent pas, écrivain ayant remporté le prix Goncourt en 2018, l’info a une importance pour la suite) est venu encore approfondir :

"On ne parlera pas de cette sombre affaire Tesson en particulier. Ni des mobiles qui poussent des auteurs et des autrices à faire front commun non plus contre des idées mais contre un homme. Le SAV des prises de position est devenu un job à temps plein et ce temps qu’on y consacre semble de plus en plus vide. Un peu la flemme. Juste deux trois remarques. J’ai durant toute ma vie admiré le travail d’auteurs de droite, de réacs, voire même de salauds, et n’ai jamais pensé qu’il fallait aligner ni la littérature ni mes goûts sur mon appétit de progrès. Je nourrirai sans doute jusqu’au bout les mêmes passions embarassantes parce que compliquées : l’amour, les livres, la politique. Jamais la politique ne l’a emporté. Jamais mes idées n’ont été les maîtresses de mes autres pentes. Jamais je n’ai pensé que l’éventualité d’un monde meilleur valait qu’on sacrifie un bon bouquin. Le monde est assez détestable et le serait d’autant plus qu’on y admettrait pasd’autres horizons que le sien. Je me suis parfois entendu à merveille avec des gens dont je réprouvais les idées, et des gens de mon camp peuvent tout à fait m’exaspèrer. Pour finir, je crois qu’il faut craindre autant que le mal certains moyens que l’on met à favoriser l’avènement du bien."

J’ai trouvé le texte fascinant parce qu’il cristallise ce qui, chez les genstes « de gauche », pousse à la critique et à la désolidarisation des « woke » qui, sous couvert de volonté de justice social, porteraient, en réalité, un projet politique mis en œuvre avec des moyens similaires à ceux des fachos, en l’occurrence à travers la restriction, voire l’interdiction de libertés fondamentales.

Le premier point de ma réflexion porte donc sur cette question de liberté.

Je me l’étais formulé au moment de l’élection de Javier Milei comme président argentin, lui, dont l’ensemble de la campagne s’est fondé sur la notion de liberté totale et inconditionnée (le boug se définit comme anarcho-libertaire) alors même qu’il exprime, entre autres, dans cette même campagne, sa totale opposition à l’avortement (et donc sa volonté de restreindre la liberté des femmes et personnes susceptibles de porter des enfants à disposer de leurs corps).

La question, formulée de manière simple, c’est : quand on parle de liberté(s), on parle de liberté(s) pour qui ?

C’est la question de l’adresse, en réalité, qui demande à être posée pour l’ensemble des droits fondamentaux garantissant le droit à la vie : l’égalité, la sécurité, etc.

Quand on parle d’égalité(s), on parle d’égalité(s) pour qui ?

Quand on parle de sécurité(s) (notion extrêmement présente dans le discours de Macron et son gouvernement pour justifier la multiplication des CRA, le déploiement du système carcéral et policier, la répression toujours accrue), on parle de sécurité(s) pour qui ?

Car, visiblement, le même dispositif déployé pour garantir la sécurité des « français-e-s » s’emploie à violer et tuer des enfants et des hommes racisés, n’hésite pas une seule seconde à lancer plus de 5000 grenades sur les personnes manifestant à Saintes Solines, quitte à en blesser gravement, etc, la liste est longue.

La question de l’adresse est donc nécessaire à adresser quand on parle de garantie de liberté(s) ou d’autres droits fondamentaux et chose intéressante, c’est d’abord comme écrivaine que je me suis rendue compte de son importance, si bien que la distinction faite par Nicolas Mathieu entre l’amour, la littérature et la politique est, à mon sens, assez illusoire.

Ce que la question de l’adresse induit, c’est qu’il peut y avoir et il y a eu un dévoiement de la définition de liberté par le capitalisme (dans lequel j’imbrique ici le système colonial et hétéropatriarcal) dont Javier Milei incarne l’une des illustrations les plus frappantes.

Quand il défend la liberté totale et inconditionnée comme projet politique, il défend le fait que ses libertés individuelles soient totales et inconditionnées (et à travers lui, celles de tous ceux, entrepreneurs, politiques, etc, qui en bénéficieront également) tout en étant complètement transparent sur le fait que le déploiement indéfini de ses libertés individuelles va engendrer la restriction ou l’interdiction des libertés individuelles de millions de personnes.

Je crois profondément que la liberté, hors du système capitaliste, s’entend au sens d’une libération collective où la garantie et l’usage de nos libertés individuelles passe par la garantie et l’usage des libertés individuelles des autres, quels qu’iels soient.

Un exemple pour l’illustrer, auquel s’ajoute la précision nécessaire de Gog Corbeau, que je remercie, à savoir que la transition est bien plus qu’une histoire de respects de pronoms : c’est le respect de l’intégrité de l’individu et de son autodétermination de sexe/genre :

Le pronom iel pour les personnes non-binaires ainsi que les pronoms et noms des personnes trans permettent de garantir qu’iels sont libres et ont le droit d’exister. Une personne cis peut, au nom de ses libertés individuelles, choisir d’utiliser les pronoms et noms des personnes trans et non-binaires. Auquel cas, elle fait bien usage de ses libertés tout en garantissant la liberté et le droit à exister de son interlocuteur-ice. Ou choisir de ne pas les utiliser auquel cas elle fait usage de ses libertés individuelles tout en interdisant la liberté et le droit à exister de son interlocuteur-ice. Quel choix restreint le plus les libertés ici ?

Par ailleurs, cette notion collective de la liberté où l’usage des libertés individuelles s’inscrit dans la garantie de celle des autres existe déjà dans le système juridique actuel français à travers la notion de non-assistance à personnes en danger par exemple (vous ne pouvez pas, au nom de vos libertés individuelles, choisir de passer votre chemin devant une personne en train de mourir suite à un accident de voiture et sacrifier ses libertés individuelles garanties et incarnées par son droit à la vie), la notion de provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence et tout ce qui vaut une condamnation pénale (même si oui, il faut abolir le système carcéral).

La définition de la liberté, et à travers elle celle de la « censure », se place donc, à mon sens, dans la continuité de cette citation de Baldwin : « Nous pouvons être en désaccord et continuer à nous aimer, à part si votre désaccord s’enracine dans mon oppression et le déni de mon humanité et de mon droit à exister. »

Ce qui est à déterminer ne se situe donc pas dans l’aspect collectif, et non seulement individuel de la/des liberté(s) (qui permet une simplification de cette notion et son utilisation à tort et à travers dans des projets politiques d’extrême-droite et ultra-capitalistes) mais bien dans le curseur de cette articulation du collectif : à partir de quand y-a-t-il oppression et déni de mon humanité/de l’humanité de l’autre et de mon droit/son droit à exister ? À partir de quand y-a-t-il oppression et déni de mes libertés individuelles/des libertés individuelles de l’autre et de mon droit/son droit à exister ?

Ce qui nous conduit au second point, à savoir la question de la censure.

Cette question est intéressante parce qu’elle revient constamment sous la forme de critiques vives qui, qu’elles le veuillent ou non, contribuent à désubstanstialiser un certain nombre de revendications de justice sociale au titre qu’elles seraient, comme l’avance Nicolas Mathieu, à « craindre autant que le mal ». Ici, donc, critiquer la nomination de Sylvain Tesson comme parrain du printemps des poètes par la voie d’une tribune serait à craindre au même titre que le gigantesque autodafé organisé par les nazis le 10 mai 1933, détruisant tous les livres qualifiés de « dégénérés » et s’inscrivant « contre l’esprit allemand ».

Si l’analogie montre déjà toute l’absurdité du raisonnement, plusieurs choses demandent vraiment à être clarifiées parce qu’il (ce raisonnement) montre des confusions majeures de la part de celleux qui l’avancent.

Première clarification, et simplement, quelle est la définition de la censure et quelle est la définition de censurer ?

D’après le Larousse, on peut retenir 2 définitions de la censure (il y en a 8 en tout, je retiens ces deux-ci car ce sont celles qui sont convoquées dans cette argumentation) :

1. Examen préalable fait par l’autorité compétente sur les publications, émissions et spectacles destinés au public et qui aboutit à autoriser ou interdire leur diffusion totale ou partielle. (En France, les films doivent comporter un visa de censure, le visa d’exploitation, délivré par le ministre de la Culture après avis d’une commission.)

2. Action de censurer, d’interdire tout ou partie d’une communication quelconque

Et 2 définitions de censurer (il y a en 4 en tout, j’en retiens 2 pour les mêmes raisons) :

1. Littéraire. Critiquer vivement quelqu’un, ses actions, ses ouvrages, etc.

2. Interdire tout ou partie d’une communication destinée au public

Aux vues de ces définitions, 2 clarifications sont nécessaires.

La première, qui reprend les définitions 1 et 2 de censure et la définition 2 de censurer.

Pour exercer une censure, pour censurer, il faut avoir l’autorité et le pouvoir de le faire. Les signataires de la tribune n’ont non seulement ni l’un, ni l’autre (seuls le ministère de la culture, le ministère de l’éducation, le CNL et/ou la directrice et le conseil d’administration du printemps des poètes sont en mesure de le faire) mais le recours au moyen de la tribune affirme, sans qu’aucun doute ne soit possible, qu’iels n’en ont pas la volonté.

Une tribune, encore par définition, est une « Émission, page de journal, etc., offerts par un média à quelqu’un, à un groupe pour qu’il exprime publiquement ses idées, une doctrine, etc », et non un acte d’interdiction. C’est un moyen d’expression et de contestation populaire des instances d’autorité et de pouvoir précisément quand on n’est ni en position d’autorité, ni en position de pouvoir pour exprimer son refus d’une quelconque autre manière. Elle s’inscrit donc dans la définition 1. de Censurer du Larousse, à savoir : « Littéraire. Critiquer vivement quelqu’un, ses actions, ses ouvrages, etc. ». Mais, dans cette définition, non seulement tous les articles des journaux critiquant vivement la tribune et le statut de ses signataires relèvent alors d’une action de censure, mais également les propos des membres du gouvernement de Macron et le texte même de Nicolas Mathieu.

Par ailleurs, il n’est inscrit nul part dans la tribune : « Nous demandons à interdire la publication des livres de Sylvain Tesson. » ou « Nous exigeons de toutes les maisons d’édition publiant l’œuvre de Sylvain Tesson qu’elles cessent sa publication. » ou encore « Nous ordonnons à toustes les lecteur-ice-s de Sylvain Tesson et à toustes les français-e-s d’arrêter d’acheter les livres de l’écrivain. », ce qui ne serait toujours pas de la censure mais indiquerait notre volonté d’y recourir.

Je vois dans cette crispation des genstes de « gauche » qu’incarnent Nicolas Mathieu, des genstes de droite et d’extrême-droite, face à la prétendue « censure », une volonté de garder des œillères devant l’organisation de l’espace culturel et de l’espace public français et le récit national qu’il porte, de manière à ne pas adresser leur contribution dans le maintien de cette organisation.

Et il me semble impossible ici de ne pas faire le lien avec la crispation autour de la question de la place des statues glorifiant l’histoire coloniale française dans l’espace public où c’est cette même pseudo-« censure » qui est mise en avant alors même que, comme j’espère l’avoir éclairé, non seulement il n’est pas question de censure mais il n’est pas question d’y recourir non plus.

Je renvoie ici au travail de Seumboy sur les archives coloniales présenté sur sa chaîne YouTube Histoires Crépues qui, s’il fallait le démontrer pour une énième fois, montre bien que les militant-e-s décoloniales et l’ensemble des militant-e-s œuvrant pour la justice sociale, ne luttent pas pour que les archives et œuvres des systèmes que nous dénonçons soient interdites mais demandent à ce que le récit qui les entoure et leur place change dans l’organisation de l’espace public et culturel français.

Ce qui m’amène à la seconde clarification nécessaire, déjà quelque peu évoquée plus haut : la confusion majeure entre l’œuvre et le récit qui l’entoure/sa place dans l’organisation de l’espace public et culturel français, les trois étant inextricablement liés mais bien distincts.

Toute œuvre est co-construite. À son existence propre est nécessairement tissée le récit qui en est fait par des instances de légitimation (qu’elles soient maison d’édition, critiques, institutions octroyant des prix, galeries, musées, etc) et le public (pour qui, il est important de le noter, le récit de l’œuvre transite par les instances de légitimation). Cette co-construction est telle qu’avec le temps, il devient extrêmement difficile, voire impossible de distinguer l’existence propre de l’œuvre du récit qui l’entoure et de la place qu’elle occupe dans l’organisation de l’espace culturel et de l’espace public, quelqu’ils soient.

Et, pour l’illustrer, un exemple simple : peut-on aujourd’hui voir la Joconde de Léonard de Vinci simplement pour ce qu’elle est ? Et non avec le discours de 5 siècles des critiques, historien-ne-s de l’art, des musées, du public l’ayant instituée comme une œuvre majeure, preuve du génie de Léonard de Vinci, preuve du rayonnement mondial et « universel » du musée du Louvre, preuve de ce « même rayonnement » de la France dans le monde entier ?

Si cette co-construction de l’œuvre est systématiquement cachée par les milieux artistiques, que ce soit le milieu de l’art contemporain ou le milieu littéraire, afin de maintenir cette fiction de la toute-puissance objective et universelle du génie et d’occulter sa construction sociale (donc le maintien de l’ordre social qui s’effectue à travers elle. Cf. Le talent est une fiction. Déconstruire les mythes de la réussite et du mérite, Samah Karaki. Editions JC Lattès. 2023.), elle devient apparente dès lors qu’on y appartient.

Je m’interroge donc vivement sur le fait que cela ait pu échappé à un écrivain ayant remporté le Prix Goncourt alors même que les réflexions de Mohamed Mbougar Sarr suite à son obtention du Goncourt en 2021 (publiées sur sa page Facebook) en font profondément état. À quel point le véritable enjeu est-il pour lui, ici, de maintenir cette fiction du talent et du génie afin de garantir sa mise en scène de grand écrivain, Goncourt 2018 ?

Même chose pour l’expression de lassitude assez méprisante envers la multiplication des tribunes traduite dans son texte par le « SAV des prises de positions ».

Oui, il y a bien une multiplication des tribunes ces dernières années. Et elles témoignent de l’échec d’un gouvernement à porter un projet politique portant celui de l’ensemble de la société française. En ce sens, elles sont rassurantes et salutaires. Et si je peux comprendre que de la tristesse puisse être ressentie face à cette multiplication (car elle témoigne également de l’absence de pouvoir réel de millions de personnes à contrer un projet politique dans lequel non seulement elles ne se retrouvent pas mais dont elles subissent les conséquences violentes, précarisantes, etc), l’expression d’une lassitude me semble assez abjecte. Elle contribue à désubstantialiser les revendications de justice sociale portées par le biais de ces tribunes et témoigne d’une certaine hypocrisie de Nicolas Mathieu.

Critiquer le « SAV des prises de position » dans un texte prenant position posté sur une plateforme comptant 112 000 personnes, ça demande quand même de L’AUDACE.

Dernier point de ma réflexion, et le plus fondamental à mon sens, celui de la question du bien et du mal soulevé dans le texte de Nicolas Mathieu de deux manières.

La première, et celle utilisée tout le long du texte exceptée pour la dernière phrase, selon laquelle, après l’homme et l’artiste, il faudrait séparer l’homme et ses idées.

En effet, lui-même, il le dit, a, tout en étant « de gauche », « durant toute [sa] vie admiré le travail d’auteurs de droite, de réacs, voire de salauds » et s’est « parfois entendu à merveille avec des gens dont je réprouvais les idées, et des gens de mon camp peuvent m’exaspérer. »

Je ne reviendrai pas longuement sur toute la question de la confusion autour de la censure et de l’existence propre d’une œuvre/le récit qui l’entoure/sa place dans l’organisation de l’espace culturel et public français qui viennent déjà montrer que ses remarques sont absurdes. Il n’a jamais été question d’interdire la publication des livres de Sylvain Tesson ou d’interdire à ses lecteur-ice-s de le lire mais simplement de demander un changement autour de la place qu’occupe Sylvain Tesson dans l’espace culturel et public français et dans le récit qui entoure l’écrivain et par lui, inévitablement de son œuvre (comme ça déjà été fait, par ailleurs, avec Céline ou pour sortir du champ de la littérature stricte, Heidegger).

(On notera le point Godwin toujours à l’œuvre : ce qui est fait logiquement pour l’histoire nazie et les antisémites devient inenvisageable pour l’histoire coloniale française et les racistes).

La vision simpliste du bien et du mal avancé par Nicolas Mathieu, qui se veut, par ailleurs, adresser et rendre justice à la nuance et la complexité des êtres-humain-e-s, me donnerait presque envie de commencer par reprendre Aimé Césaire en disant qu’en apprenant les relations étroites de Sylvain Tesson avec l’extrême-droite : « On s’étonne, on s’indigne. On dit : « Comme c’est curieux ! Mais, Bah ! C’est le nazisme, ça passera ! » Et on attend, et on espère ; et on se tait à soi-même la vérité, que c’est une barbarie, mais la barbarie suprême, celle qui couronne, celle qui résume la quotidienneté des barbaries ; que c’est du nazisme, oui, mais qu’avant d’en être la victime, on en a été le complice ; que ce nazisme-là, on l’a supporté avant de le subir, on l’a absous, on a fermé l’oeil là-dessus, on l’a légitimé, parce que, jusque-là, il ne s’était appliqué qu’à des peuples non européens ; que ce nazisme là, on l’a cultivé, on en est responsable, et qu’il est sourd, qu’il perce, qu’il goutte, avant de l’engloutir dans ses eaux rougies de toutes les fissures de la civilisation occidentale et chrétienne. »

« La quotidienneté des barbaries », ou la « banalité du mal », pour reprendre Hannah Arendt, c’est ça la véritable complexité des êtres humain-e-s, complexité terrible à regarder en face qui implique que oui, on peut être responsable de la logistique de la solution finale et plus tard, vivre tranquillement avec sa femme et ses 4 fils en Argentine, aller au restaurant boire des coups avec des amis tout en exerçant différents métiers manuels comme ça a été le cas d’Adolf Eichmann jusqu’à son procès et sa condamnation en 1961-1962.

Que oui, on peut coloniser, piller, couper des mains et par ailleurs, être charmant-e-s et bienveillant-e-s avec ses ami-e-s. Que oui, on peut être un-e raciste qui sort faire des ratonnades, un-e policier-e qui viole, tue des enfants et des hommes racisés et que, pour autant, on rentre chez soi le soir. Que oui, on peut incester ses enfants, on peut violer et s’efforcer d’être toujours bienveillant-e sur son lieu de travail. C’est ça la véritable complexité des êtres humain-e-s et elle ne pourrait pas être plus d’actualité. Les images de soldat-e-s israélien-ne-s qui rient en pillant des maisons vides et délabrées à côté de milliers de cadavres dont iels sont responsables, qui lancent des bombes dans des costumes de dinosaure, les israélien-ne-s qui lancent à la télé comme la plus fine des blagues qu’iels ne peuvent pas aller dormir sans avoir vu quelques bombes détruire des maisons et tuer des palestinien-ne-s, c’est ça le mal. C’est terriblement banal.

Non seulement ça l’est, mais pour qu’il puisse se déployer dans toute sa violence, sans plus aucune limite, il doit l’être. Les israélien-ne-s sont en mesure de soutenir et mener un génocide jusqu’au bout, sans aucun remord, parce que toute cette violence, parce que la déshumanisation des palestinien-ne-s est devenue tellement banale, a été tellement normalisée qu’il n’est plus possible pour elleux de le considérer comme le mal qui revêt à leurs yeux cet aspect mythique et grandiose que lui donne également Nicolas Mathieu.

Non, les « méchant-e-s » ne sont pas constamment en train de coloniser, d’incester, de violer, de tuer, d’être violent-e-s, de quelque manière que ce soit. Oui, on peut déshumaniser une personne jusqu’à la torturer et vouloir l’annihiler, le faire et en humaniser une autre, dans la même journée. Oui, nous avons toustes une responsabilité dans cette banalisation et cette normalisation du mal qui ne peut pas se résolver par un « je me suis entendu à merveille avec des gens dont je réprouvais les idées ».

La banalisation du mal passe, que l’on en soit conscient-e ou non, aussi par le fait de normaliser des relations avec des personnes violentes, qu’elles soient racistes, hétéropatriarcales, classistes, validistes, grossophobes. Par le fait de normaliser tout ce qu’on porte nous-même de violence.

Il ne s’agit pas ici d’ériger une norme de pureté, non seulement je pense que dans ce système auquel nous participons toustes de fait, personne ne l’est, mais de tendre vers un regard lucide sur les contradictions que l’on porte puis de faire un choix sur celles dont nous assumons la responsabilité de porter et celles avec lesquelles il est nécessaire de prendre une décision, peu importe sa forme.

Ce qui peut aller de « Dans quelles circonstances est-ce ok de prendre l’avion ? » à « Est-ce que je suis ok avec le fait que ma sœur soit raciste, que mon ami soit un violeur ou mon oncle, un incesteur ? ».

Et ce sont des questions auxquels nous sommes toustes confronté-e-s. Qui, comme je l’ai dit et je le réitère, ne se résolvent pas par un « j’ai eu des discussions et des amitiés avec des personnes dont par ailleurs, je ne rejoignais pas les idées ».

Ce positionnement, loin d’être un témoignage d’ « ouverture d’esprit », témoigne, pour moi, d’une certaine lâcheté et vient contribuer à la banalisation du mal, d’où le nombre effarant de personnes racistes, d’incesteureuses, de violeureuses, de personnes validistes, etc, dans toutes les couches de la société.

Qu’on se le dise, si toustes leurs amixs, leurs sœurs, leurs frères, etc, les quittaient en leur disant qu’iels refusent d’entretenir une amitié avec une personne, aussi charmante soit-elle avec elleux, violentes pour d’autres, on verrait, sans doute, leur nombre grandement diminuer. C’est toute la véritable complexité des êtres humain-e-s. Même les « méchant-e-s » ont besoin de validation sociale, de relations, d’ami-e-s, de famille, de se sentir aimé-e.

Si maintenant on estime en effet qu’on ne peut pas sacrifier des livres (et par là, il est bien entendu de changer le récit qui les entoure et leur place dans l’espace culturel français et non d’interdire leur publication) pour le « progrès », je ne vois pas comment un quelconque changement social est possible et il y a, pour moi, un réel problème de priorité.

Pire encore, il y a une réelle incompréhension et non-compréhension de la stratégie du « gramscisme de droite » de l’extrême-droite, Nouvelle Droite (à savoir « agir dans le champ idéologique et culturel, préalablement à la prise de pouvoir effectif (politique) ») par les genstes « de gauche » incarné par Nicolas Mathieu qui vont sans doute conduire Marine Le Pen au pouvoir lors des prochaines élections présidentielles.

Qu’iels sachent, en tout cas, que de leur côté, la stratégie est claire. Marion Maréchal avait ainsi affirmé dans un article publié par Le Nouveau Magazine littéraire en Juin 2018 qu’« il est temps d’appliquer les leçons d’Antonio Gramsci » (Marion Maréchal, figure de proue d’un « gramscisme de droite » ?. Le Nouveau Magazine littéraire, 29 juin 2018). Et l’emploi de l’expression « victoire idéologique » par Marine Le Pen montre que, de son côté, la stratégie suit son cours également sans que l’action n’ait à se dérouler directement sur un plan politique les engageant frontalement.

Bref, Gramsci doit se retourner dans sa tombe en lisant Nicolas Mathieu. Et le texte de l’écrivain, s’il se veut adresser toute la nuance et la complexité des êtres humain-e-s sous couvert de défendre la littérature*, montre simplement qu’encore une fois, si les genstes « de gauche » ne se réveillent pas et cessent de jouer leurs petits intérêts personnels, le fascisme va continuer à grignoter du terrain sur le plan idéologique et culturel pas seulement en France mais dans toute l’Europe jusqu’à finalement une prise de pouvoir effectif politique.

*on peut très bien comme écrivain-e-s défendre des idées avec radicalité et écrire une littérature faite de personnages complexes, illustrant les contradictions terribles des êtres humain-e-s, comme l’illustre entre autres l’œuvre de Toni Morrisson ou James Baldwin, la liste est longue, n’hésitez pas à compléter.


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