Dans la catastrophe ou rien

Natanaële Chatelain

paru dans lundimatin#416, le 21 février 2024

Un texte comme une tentative...
Défendre une zone d’inconfort pour s’opposer à l’endoctrinement massif d’un néolibéralisme qui infeste notre instinct afin d’y substituer ses propres automatismes. Tout le monde, bien rangé, obnubilé par les mises à jour d’un système qui ne valide que lui-même. Quel langage nous reste-t-il si nous soldons notre conscience (la spontanéité et l’expérience) pour une non-conscience ? Toute l’âme tapissée par ce monde de compétition qui avale nos mémoires et disloque les rencontres avant qu’elles ne puissent advenir, sinon déjà démises de leur potentialité et réduites à un produit. Ce qu’il nous reste : la zone d’inconfort...

La géographie massacrée s’étend... Le mensonge
fait son beurre... Goutte-à-goutte des fascismes
sur la lèvre engourdie de nos émotions.

Sape du foyer vital : le gardiennage social
nous accommode aux renoncements, fausse
les imprévus. Brouillage.
J’entoure ma peur, j’entoure mon souffle.
La fatigue est là comme une rage qui n’arrive pas à sortir.
Ce n’est pas une culture qui nous a été transmise,
ce sont des récitations de domination.

Bâillon sur ma voix – ce n’est pas moi qu’on croit.
Évincée d’office. Tant mieux ! Je suis
surnuméraire.
Ma vie en trop, mon corps en trop, comme viatique
contre les vœux de bonheur aménagé, contre
la routine qui nous fait.
Ébouriffée ma raison... pas taillée
ma raison... elle ne cédera pas
à l’espace du désastre administré.
L’injonction au réarmement ne m’aura pas.

Je respire la boue de nos intérieurs propres
jusque dans les eaux acides des rivières.
Je suis une écrevisse sensible à la moindre molécule de synthèse.
Me voilà couverte de résidus toxiques. Je suis l’eau
au goût d’éther... Les barrages ont arraché ma figure.

Je ne me mêle pas de tout, je suis mêlée à tout...
c’est ça ma nature,
mon nom transi dans le commun des mortels.
Je cherche dans l’imparfait, dans l’organique.
J’y plante ma tente.
Je ne veux pas m’en remettre. Je ne m’en remets pas,
c’est ça mon langage, mes mots, ma voix.
Je me heurte à tout, exprès.
J’exagère ma naissance pour ne pas me laisser définir –
les machines nous ont tellement, tellement simplifiés !
Je dépasse les bornes : pas taillée
ma raison.
Vivre, c’est se jeter au monde. Je re-commence.
La rigueur est toujours locale – un bourdonnement
pris dans l’aile saturée du sens.

Natanaële Chatelain à Paris, février 2024

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