Cyril Dion est-il un bouffon ?

« C’est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fous. »

paru dans lundimatin#255, le 21 septembre 2020

« Emmanuel Macron ne respecte pas sa parole », a déclaré Cyril Dion il y a quelques jours à la radio à propos de la Convention Citoyenne pour le Climat. Et voilà que certains disent (encore) que Cyril Dion est un bouffon. D’autres pourtant pensent qu’il ne fait pas rire. Le débat fait rage dans la petite planète écolo.

Par notre envoyé spécial dans le monde de Dion.

Voilà donc que l’on a entendu Cyril Dion il y a quelques jours s’adresser aux Français, dans ce que certains appellent avec précipitation son rôle de bouffon du roi Macron. C’était sur RTL, ou Europe 1, on se sait plus, mais cela aurait pu être aussi bien dans une matinale de France Inter, cet évêché médiatique de la République. Donc Dion s’est rendu à l’invitation d’on ne sait plus quel journaliste pour réagir « à chaud » aux propos de Macron sur la nécessité impérieuse de la 5G, sur la complexité du monde, à ses railleries à propos des Amish et des lampes à huile... Mais aussi pour se livrer à quelques digressions sur la Convention Citoyenne pour le Climat dont Dion fut l’un des garants. Il faut dire que la dite Convention avait émis un avis qui demandait la suspension, justement, de la 5G, et peut-être même du capitalisme en général. Mais Macron a dit non. On entendit donc Cyril Dion dire aux Français, en substance, titillé par le sagace présentateur de l’émission : « Macron ne respecte pas sa parole. C’est grave. On en tirera les conséquences. La Convention citoyenne va devenir garante d’elle-même. On sait que les politiciens sont des arnaqueurs, et ceatera ». Bon.

Mais, pour les citoyens oublieux, dans notre époque assaillie par le flux ininterrompu d’informations, qu’est-ce donc que la Convention Citoyenne pour le Climat ? Qu’est-ce que ce machin concocté par les illuminés du gouvernement à la suite du bordel des gilets jaunes qui avaient, dans leur outrecuidance, approché de trop près le Palais de l’Elysée, et des velléités de la part de quelques jeunes écolos de participer à de futures incursions ? Soyons brefs : ce fut un truc participatif d’un autre genre, pensé pour que des citoyens puissent délibérer à propos de l’Apocalypse et émettre leur avis participatif (informés par des spécialistes tout aussi participants), sur les manières d’arrêter la fin du monde. Et pour cela il fallut donc constituer un panel représentatif de citoyens choisis en fonction de la représentativité de leur représentation. Donc un catalogue de Français constitué par une boite de sondages qui sélectionna des profils censés constituer notre corps social, c’est-à-dire, une sorte de version miniaturisée du Léviathan accueilli dans le sein du Père Macron. Donc ce corps représentatif de la société française, elle-même représentative d’elle-même en tant que société, se réunit pendant quelques mois pour participer, s’informer, s’éclairer, délibérer et aviser dans le but de mettre une fin à la fin du monde qui vient.

Il paraît, comme on le disait plus haut, qu’une des mesures proposées était d’en finir avec le capitalisme mais Macron a refusé (le salaud). Alors ils proposèrent au moins de mettre un arrêt provisoire au développement de la 5G en France. Mais le Président de Dion s’est encore foutu de leur gueule en leur donnant du sobriquet Amish, en les appelant des nostalgiques des lampes à huile et ceatera. Et voici que le Garant de la vertu de la Convention Citoyenne, notre Cyril Dion, alors là, fichtre Dieu, il s’est fâché. Il est alors allé sur RTL pour dire tout le mal qu’il pensait de Macron, à quel point il était désabusé. A quel point il était sérieusement fâché. On connait la suite...

Donc revenons donc à notre agitateur écolo. On a entendu des gens dire que nous avons eu droit (encore) aux bouffonneries de Dion. Mais non. Là, nous sommes formels. Cyril Dion n’est pas un bouffon. Devenir un bouffon est un métier exigeant. Soyons sérieux. Dion, à qui on peut accorder un certain talent pour gagner de l’argent en faisant de très mauvais films, n’a pas le talent d’un bouffon ni celui de nous faire rire. Soyons justes, on ne peut pas tout savoir faire : des mauvais films et le bouffon.

Mais pourquoi, nous dira-t-on, perdre du temps au sujet des fausses bouffonneries de Cyril Dion ? Mais parce que nous on aime les bouffons et leur esprit carnavalesque. Parce que Cyril Dion déshonore la longue tradition des bouffons. Parce qu’un Carnaval ne sera jamais une Convention Citoyenne. Et parce que, disons-le une fois pour toutes, CD n’est pas un vrai bouffon.

Serait-il juste alors un idiot utile qui joue au bouffon du roi ? Mais quel roi ? Même le roi est un faux. Lui, par contre, oui, ça ressemble davantage à un bouffon qui se pavane dans les décors vermoulus de la République entouré de quelques figurants, dont, par exemple, un présumé violeur, un ancien maire qui dit-on aurait obtenu quelques fellations d’une prolétaire en échange d’une promesse de logement. Donc peut-être que le roi Macron est un vrai bouffon (on a là encore de sérieux doutes : peut-être faudrait-t-il simplement l’appeler le roi Bouffon ?) devant son parterre de startupeurs fanatiques de la 5G (et de l’économie en général). Le roi Macron, comme le roi du Maroc (mettons, on dit ça au pif) serait le bouffon de l’économie qui, elle, est bien sérieuse pourtant mais dont ses fanatiques militants se marrent de temps en temps avec des faux-rois du genre Macron ou le roi du Maroc (on dit ça comme ça : on aurait pu dire aussi bien Rama X). Alors, de temps en temps, le roi de la République, pour compenser son air de bouffon de l’économie, s’accroche avec un grand sérieux au sérieux de la République et nous menace des conséquences policières que pourrait avoir notre élan séparatiste, en cela secondé par le présumé violeur, un laquais quelconque sorti tout droit d’une province de l’éternelle IIIe République, ministre de l’intérieur (cela va de soi : en République tout se passe dans son intérieur, ça a la phobie du dehors).

Alors Dion, dans ce décor plutôt loufoque, il pourrait essayer de nous faire rire. Mais, franchement, il ne réussit pas. Dans le genre bouffon il est complètement éclipsé par le faux-roi Macron avec qui les startupeurs se tapent des barres jusqu’à en étouffer (nous a fait savoir un conseiller de la présidence qui souhaite rester dans l’anonymat). Comment CD peut être le bouffon d’un faux-roi qui mime lui-même un bouffon ? En voilà des mises en abîme baroques. Mais lui, notre Cyril, est vraiment sérieux. Il n’y a rien à faire, c’est plus fort que lui. Et si nous lui en voulons à la fin c’est que, justement, il se prend vraiment trop au sérieux.

Bon, pendant que CD fait son sérieux, au risque de paraître un bouffon, la Californie et l’Oregon brûlent après l’Australie. La forêt amazonienne est en train de devenir un minuscule parc national entouré de champs de colza-OGM. A propos de la fonte des glaces dans les Pôles, passons. Ne parlons plus du plastique dans les océans. Que dire de la prochaine guerre civile aux USA, passage obligé de la fin d’un empire pour que des milliers de Routes de la Soie cybernétiques fleurissent ? Et que dire, pour en rester dans le monde enchanté de la République indivisible, du lac de Villiers devenu un filet d’eau entouré d’un amas de boues malsaines, des 35° à la mi-septembre à Paris, de l’invasion de guêpes tel un fléau biblique pendant l’été, du Conseil de Défense pour gérer une épidémie, de la cohorte sans fin de tabassés par la police française qui s’en vante sur facebook ? Que dire de plus sur le présumé violeur au ministère de l’intérieur et du misogyne nommé au ministère de la Justice ? Dion pourrait nous faire rigoler. Mais non, il est trop sérieux. Cyril Dion est un homme d’un sérieux désarmant.

On a même retrouvé la signature de Dion dans un appel adressé aux amis de la ZAD de NDDL. Il est dans tous les mauvais coups ce Dion. Ce fut le sketch écolo de l’été à la suite des journées d’Arles Agir pour le vivant, où se retrouvèrent, à côté de la BNP et de quelques boites de design pour des aéroports, des talentueuses et talentueux représentants et représentantes des nouvelles hybridations cosmologiques et du ré-émerveillement du monde, ainsi qu’un dénommé Morizot, alias le Diplomate, qui voudrait justement politiser l’émerveillement, intronisé qu’il a été comme un des penseurs émérites du nouveau monde du XXIe siècle finissant. Célébré par qui, justement ? Et bien justement par Le Monde, le journal de la gouvernementalité, quel que soit le gouvernement de la fin du monde.

Cyril Dion était déjà dans le coup de L’An zéro de l’écologie macroniste, gigantesque Woodstock écolo- startup qui devait ramener entre 30 000 et 60 000 illuminés au Plateau des Mille Vaches. Avant que quelques habitants avisés et courageux, des résistants dont ces terres ont le secret, ne leur fassent plier bagages.

On nous dira : mais pourquoi perdre du temps à écrire ne serait-ce que dix lignes sur le faux-bouffon Cyril Dion ? Parce que nous aimons les bouffons. Que nous tenons à leur honneur multiséculaire. Parce que les bouffons, les vrais bouffons, ont toujours ridiculisé les rois comme leurs simulacres. Il ne faudrait pas oublier le proverbe espagnol qui nous dit sous forme d’avertissement : « Que jamais un bouffon ne s’asseye à ma table ». Que Dion ait partagé quelques déjeuners avec le roitelet Macron nous montre bien qu’il n’est pas un vrai bouffon. Disons-le une fois pour toutes : Cyril Dion déshonore la tradition des bouffons.

Dion, tout content qu’il puisse être de son sérieux, devrait se souvenir des mots célébrés du vieux poète qui aimait si fort les bouffons : « Quel fou je fais ! J’étais si tranquille à la maison. Mais chut ! le voyageur se doit d’être toujours content ».

Alors si Cyril Dion et ses amis, des bouffons dégénérés (excusez ces mots désobligeants : il n’est ici question que de la cruelle impossibilité de sengager dans des formes génératives) ne nous font ni rire ni pleurer, alors ils nous font QUOI  ? La suite lors des prochaines émeutes qui agiront pour le vivant. Sans conventions.

En attendant on se débrouille, sans garants et sans nous prendre trop au sérieux. Car,

« C’est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fous. »

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