Invasion à Brasilia, Bolsonarisme et Bricolages institutionnels

Sur l’invasion de la place des Trois Pouvoirs
Diego Lanciote

paru dans lundimatin#367, le 23 janvier 2023

Cette semaine, Diego Lanciote propose plusieurs éclaircissements nécessaires concernant les évènements du 8 janvier à Brasilia, où les partisans de Bolsonaro ont envahi plusieurs institutions d’Etat. Il y décortique les arrangements entre personnalités politiques, les bricolages institutionnels, le rôle des Forces Armées et les affects du bolsonarisme : « quand un bolsonariste regarde le peuple, il se voit lui même ».

On peut considérer l’événement de l’invasion de la Place des Trois Pouvoirs à Brasilia au dimanche, le 8 janvier 2023, comme un prolongement des effets qui ont commencé à se dessiner juste après la victoire de Lula aux élections présidentielles. Ce scénario est caractérisé surtout par la méfiance au système électoral brésilien, provoqué par Bolsonaro et ses épigones, depuis et même peu avant la campagne électorale de 2022. La position a été la suivante : parce que les urnes électorales sont électroniques, elles sont susceptibles à la fraude. A ce moment-là, le but des institutions d’État, notamment celui de la Cour Suprême Électorale, a été d’assurer que le processus électoral soit incontestable, à la fois pour légitimer le processus électoral dans son ensemble, et à la fois pour légitimer le système de vote électronique, afin qu’aucun des deux ne puissent être contestés, d’aucune façon.

Dans ce contexte, il faut souligner le rôle ambiguë joué par les Forces Armées : en même temps que le haut commandement militaire affirmait sa neutralité par rapport aux élections, en respectant son rôle d’encadrement constitutionnel, elles ont néanmoins demandé à la Cour Suprême Électorale de participer au dépouillement des urnes, c’est-à-dire que les Forces Armées ont demandé l’accès complet aux entrailles du système électoral afin de produire un rapport sur la confiance ou non dans le système de vote électronique, et cela sans aucune pouvoir légal en la matière.

Cette ambiguïté se doit d’être précisée : comment une institution d’État, une institution de la République Fédérative qui n’est pas constitutionnellement un pouvoir, qui n’appartient ni au Législatif ni au Judiciaire ni à l’Exécutif (et qui plus est une institution supposée être complètement indifférente aux couleurs politiques quelles qu’elles soient), comment les Forces Armées peuvent demander un contrôle, même indirecte, du processus électoral ? Le “comment” on connaît la réponse : en considérant les limites constitutionnelles des Forces Armées, ce rapport rédigé à propos de la confiance aux urnes électroniques ne produit pas d’effets légaux éventuels sur la contestation des élections, donc les Forces Armées, en le produisant, n’excèdent pas leur rôle constitutionnel. C’était juste un “avis”, disait-ils. Mais si le “comment”, si étrange soit-il, n’implique aucun effet juridique, le “pourquoi”, par contre, touche directement la politique dans toute son ambigüité : les Forces Armées produiront donc un rapport sur le processus technique électoral pour “assurer” qu’il est impossible d’y avoir des fraudes ou plutôt pour fomenter la méfiance, au cas où ils trouvent une faille, et ainsi favoriser Bolsonaro et ses partisans ? Tout dépend, bien sûr, du résultat du dit rapport, même si on peut déjà constater que c’était la voix de Bolsonaro qui était entendu par les militaires. La Cour Suprême Électorale a permis l’intrusion des militaires, et l’ambiguïté a poursuivi son chemin. Résultat du rapport des militaires : aucune fraude.

Même avec la victoire de Lula, le fait est que les élections présidentielles ont montré la force du bolsonarisme. Lula a obtenu 50,90% des votes, 60.345.999 votes ; Bolsonaro, 49,0%, 58.206.354 votes. Lula n’a obtenu que 2,1 millions de votes de plus que Bolsonaro. Depuis le 30 octobre 2022, le jour même du deuxième tour électoral, le fils de Bolsonaro, le député fédéral Eduardo Bolsonaro, était en Floride, aux État-Unis, où il se trouvait en bonne compagnie avec Donald Trump, Jason Miller et Steve Bannon : il faut contesté le résultat des élections. Vingt-deux jours après le résultat définitif des élections, le parti de Bolsonaro, PL, conteste les résultats électoraux. Le président du PL (Parti Libéral, parti de Bolsonaro), Valdemar Costa Neto, envoie une demande d’invalidation des votes du deuxième tour des élections à la Cour Suprême Électorale, en affirmant que les urnes fabriquées jusqu’en 2020 avaient des défaillances. Selon l’audit du PL, Bolsonaro aurait gagné les élections avec 51,05%. Mais pourquoi les urnes du deuxième tour seraient contestables et les mêmes urnes utilisées au premier tour ne le seraient pas ? Encore une fois, pourquoi contester seulement l’élection présidentielle si les mêmes urnes ont été utilisées pour les élections en générale (le gouverneurs des unités fédératives, le législatif fédéral etc.) ? Unanimement, la Cour Suprême Électorale a rejeté la demande, en justifiant qu’il y avait techniquement “l’intention délibérée d’encourager les mouvements criminels et anti-démocratiques”. Le PL a été condamné à payer R$ 22.991.544,60 (plus ou moins 4.084.621,23 €). Échec juridique, même s’il a coûté cher, ne veut pas forcément dire échec politique. Surtout en considérant que le juge, qui était le président de la Cour Suprême Électorale, le Ministre Alexandre de Moraes, a été constamment la cible d’attaques de la part de Bolsonaro et de ses partisans, depuis quasiment le début de son gouvernement. C’était lui qui menait les investigations et les processus, avec des conséquences criminelles pour Bolsonaro et pour sa famille. Car en tant que juge du Tribunal Suprême Fédéral, c’était lui aussi qui menait l’enquête sensible sur les Fake News etc. L’évidence sautait aux yeux pour les bolsonaristes : le même juge qui est toujours apparu comme l’ennemi de Bolsonaro, a empêché que “le peuple” puisse voir la vérité, la fraude des urnes. Pour les bolsonaristes, la défaite électorale de Bolsonaro a été orchestré par les “communistes”, les “bandits” du PT, ceux qui ont corrompu tout l’État Brésilien. Il ne reste que “le peuple” pour y remédier. Le Ministre Moraes a été un épouvantail diabolisé, sans doute, mais de manière très efficace.
À la suite de la défaite de Bolsonaro, le silence. L’ex-président n’a rien commenté, n’a rien dit, lui qui a été un laconique vantard enflammé, soit en provocant les institutions soit en appelant les siens à la confrontation aux institutions. Le silence et le geste de “fuite” aux États-Unis semblent établir quelque lien entre le “Capitole des États-Unis” et le “Capitole Brésilien”, le “Capitole Caipira”. Le 1er janvier, jour où Lula assume ses fonctions présidentiels, Bolsonaro part aux États-Unis pour ne pas lui remettre la “ceinture présidentiel”. À la place de l’ex-président, on a vu un geste très symbolique, c’était le “peuple” qui a remis la ceinture à Lula, le “peuple” représenté par le chef de la tribu des kayapos, Raoni Metuktire, 90 ans, par Francisco, un gosse de 10 ans, qui était à la veillée de Lula pendant sa période de prison à Curitiba, par Weslley Viesba Rocha, 36 ans, DJ et ouvrier métallurgiste, par Murilo Quadros, 28 ans, professeur, par Jucimara Fausto dos Santos, la cuisinière qui était à la veillée elle aussi et par Ivan Baron, jeune activiste dans la lutte anti-capacitistes victime d’une paralysie cérébrale. On ne peut pas oublier la petite chienne de Lula, appelée “chienne de la résistance”, adoptée par Janja, épouse de Lula, pendant la veillée. Le “peuple”, donc.
Pendant ce temps là, depuis novembre 2022, des groupes bolsonaristes étaient campés autour des casernes de l’Armée dans tout le pays, y compris et surtout à Brasilia. Les détails sont importants. Il y a toute la question de la compétence légale par rapport aux territoires autours des casernes : ils sont considérés comme des territoires militaires. Cela signifie que la police fédérale était en dehors de sa juridiction pour intervenir, pour défaire les camps. On voit se dessiner ici la condition décisive pour rendre possible l’invasion du 8 janvier. La position des militaires à propos des camps restait encore très ambiguë. En décembre 2022, c’est-à-dire avant l’investiture de Lula comme président, le futur Ministre de la Défense choisi par Lula lui-même, José Múrcio Monteiro, s’était déjà prononcé sur la question des camps : “Nous n’expulserons personne par la force”. D’un côté, l’argument tournait autour de deux aspects : premièrement, les militaires trouvaient le mouvement des camps bolsonaristes inoffensif et ils semblaient pouvoir se refroidir sans aucune intervention ; d’un autre côté, les militaires disaient qu’ils ne se sentait pas à l’aise pour expulser les campeurs par la force, car ils étaient tous brésiliens et donc pas des ennemis étrangers. Bref, l’attitude des militaires se fondait sur le droit constitutionnel de manifester, tant que ces manifestations restaient pacifistes. Toutefois, il était clair que ces gens-là n’étaient pas pacifistes et qu’ils incarnaient la méfiance à propos des élections, méfiance dont le contenu, au fond, a été non seulement contre l’État Démocratique de Droit, mais aussi d’une limpide tonalité fasciste, même s’ils n’avaient pas encore agi dans ce sens (ce qui n’est pas conforme aux faits, comme nous le verrons). Apparemment une institution d’État, les Forces Armées, était en parfaite symbiose avec le gouvernement Bolsonaro. Le Tribunal de Comptes de l’Union en 2020, a estimé que 6.157 postes étaient occupés par des militaires dans l’administration publique fédérale, dont 2.300 sur des postes civils au gouvernement de manière irrégulière, selon la CGU en 2022. Sous le gouvernement Dilma Rousseff, les postes occupés par des militaires ne dépassait pas 3500, dont 186 aux postes les plus élevés de l’administration fédérale. Le poste de vice-président au gouvernement Bolsonaro était occupé par le générale Hamilton Mourão, sans oublier d’autres militaires à des postes très élevés aux ministères et aux entreprises publiques (comme, par exemple, la Petrobrás), dont peut-être le nom le plus notablement tragique était celui du général Eduardo Pazuello, qui occupait le poste de Ministre de la Santé et qui était le (ir)responsable de la lutte contre la pandémie du COVID-19.
Il est donc très intéressant de noter que la permanence et la durée de ces camps semblaient beaucoup se nourrir du silence absolu de Bolsonaro, éloquent silence qui faisait glisser la mémoire des bolsonaristes vers l’évènement du Capitole yankee de janvier 2021 ; l’appel à la mémoire relancé par son départ en “auto-exil”, très significatif, aux États-Unis, de celui qui a pour “devoir et compromis de vie de sauver le peuple” et qui se considérait encore, sur Twitter, “président du Brésil”. Sans mépriser, bien sûr, la force des réseaux sociaux, des massifs groupes de WhatsApp et de Telegram, ont été le terrain sans frontières des articulations politiques des bolsonaristes. En outre, peut-être est-il possible d’inférer une sorte de “synecdoque politique” du genre selon lequel la partie est prise pour le tout (pars pro toto). Pour les bolsonaristes, le “peuple” n’était pas quelque chose d’abstrait, mais empirique, c’est-à-dire le “peuple” visible, tangible, bref, offert aux sens. Quand un bolsonariste regarde le “peuple”, il ne voit que ses égaux bolsonaristes dans la rue et autour de lui, il ne se voit que lui-même en miroir dans l’autre et il prend cette foule, leur foule, par la totalité, comme s’il s’agissait du “peuple” tout entier. S’il n’y a que des chemises et des drapeaux verts et jaunes dans la rue, s’il n’y a que le “peuple” tout entier dans la rue, il s’ensuit qu’il ne serait pas possible que Bolsonaro ait perdu les élections : “regarde comme on est nombreux, comme on est le peuple tout entier”. Ainsi l’empirisme vulgaire a joué son rôle et la foule s’affirmait comme une vérité déformée par les chiffres du résultat électorale. Ces gens-là se sont pris pour le tout, pour toute la nation, pour tout le “peuple”.
Or, tout le monde savait déjà qu’il se passerait quelque chose ce dimanche 8 janvier 2023, même si les rapports de sécurité du gouverneur du District Fédéral mentionnaient que tout était bien sous contrôle, selon le protocole officiel de sécurité. À mesure que les camps bolsonaristes se vidaient partout dans le Brésil, une foule de bus commençait à arriver à Brasilia. Les gens ont débarqué en masse devant le “Quartel-General” de l’Armée. Ils avaient tous carte blanche pour y débarquer et y rester. Rappelons-nous : “Nous n’expulserons personne par la force”. Les forces de police du District Fédéral, en observant la marche de la foule verte et jaune en direction de la Place des Trois Pouvoirs, étaient tout à fait permissives au passage de la foule bolsonariste, c’est-à-dire ils ont pratiquement laisser passer tout le monde dans les rues qui donnaient accès à la Place des Trois Pouvoirs. Sans aucun effort, il suffit de “googler” pour trouver des selfies des flics avec les bolsonaristes, y compris des selfies faits par les flics eux-mêmes, par ce beau et bon dimanche d’été. Ce qui est sûr, c’est qu’à partir de ce moment la foule était déjà incontrôlable.
La sécurité de Brasilia est la compétence de la police du District Fédéral, donc de son Gouverneur, en l’espèce, Ibaneis Rocha Barros Junior, réélu en 2022 et connu pour sa symbiose avec Bolsonaro. Mais il est devenu évident que le protocole de sécurité a été modifié pour donner accès à la foule bolsonariste. Par qui ? Si le Gouverneur est, en dernier instance, le responsable du plan de sécurité, c’est le Secrétaire de Sécurité Publique qui en est le responsable immédiat. Il s’agit de Anderson Torres, ex-Ministre de Justice et Sécurité Publique du gouvernement Bolsonaro et son allié incontestable. Quelques jours avant l’invasion, le 6 janvier 2023, l’actuel Ministre de la Justice de Lula, Flávio Dino, avait déjà signé une ordonnance qui pouvait affecter Anderson Torres au poste de Secrétaire de la Sécurité Publique. Il convenait au Gouverneur Ibaneis Rocha de justifier, dans les 15 jours suivants le 6 janvier, le maintien d’Anderson Torres à ses fonction. Il n’a pas eu le temps. Le protocole du 8 janvier, malgré les rapports officiels selon lesquels tout était bien arrangé pour la sécurité de la Place des Trois Pouvoirs, a été changé substantiellement. Pendant l’invasion de la foule bolsonariste, Ibaneis, en reconnaissant la gravité de l’événement, a suspendu le protocole précédemment modifié et a mis à la rue toutes les forces de police disponibles, en exonérant aussi Anderson Torres de sa fonction comme Secrétaire de la Sécurité Publique.
Le gouvernement fédéral a agi au plus vite, incompétent juridiquement pour contenir l’invasion, sans le contrôle de la police du District Fédéral. Il y avait donc une série d’options dont le minimum aurait été l’intervention fédérale à travers un décret présidentiel et le maximum l’invocation des militaires à travers la “Garantie de la Loi et de l’Ordre”. Le Ministre de la Justice, Flávio Dino, redige le décret, il impliquera l’intervention directe du Gouvernement Fédérale. L’intervenant, Ricardo Cappelli, assume la sécurité du District Fédéral et deux heures après sa nomination les envahisseurs ont été tous expulsés, en laissant derrière eux les images de destruction que le monde entier a vu. Peu à peu ils sont arrêtés jusqu’au lendemain, le 9 janvier, jour pendant lequel le Ministre Alexandre de Moraes décide aussi que le gouverneur Ibaneis doit être démis temporairement de ses fonctions. Environ 1200 arrestations auront lieu au total.
Au moment de l’invasion, Lula se prononce et tient Bolsonaro pour responsable. Il ne répond que le 9 janvier vers 1:17 a.m. sur Twitter en affirmant qu’il “jouait toujours dans les limites de la Constitution” quand il était président et en réfutant “les accusations, sans preuves” attribuées par l’actuel chef de l’exécutif du Brésil. Et Anderson Torres ? Où était-il, le responsable direct du protocole de sécurité de Brasilia, au moment de l’invasion ? Il était parti en voyage… aux États-Unis, à Orlando, Floride. Par coïncidence, Bolsonaro était à Kissimme, précisément à 35 kilomètres de… Orlando. Anderson Torres avait-t-il rencontré Bolsonaro ? À cause de douleurs abdominales dues au coup de couteau qu’il avait reçu pendant les campagnes électorales le 6 Septembre 2018 (encore un appel à la mémoire, toujours à travers le silence !), Bolsonaro a été hospitalisé au 9 janvier à Orlando, un jour après l’invasion. Curieusement, l’hôpital de Orlando dans lequel Bolsonaro affirmait qu’il était hospitalisé, le Florida AdventHealth Celebration, a nié que Bolsonaro était hospitalisé là-bas.

À son tour, Anderson Torres a affirmé que lui et sa famille étaient en vacances à Orlando et qu’il n’avait jamais rencontré Bolsonaro. Ne serait-ce pas la répétition d’une scène, celle du 13 décembre 2022, jour de la confirmation officielle de Lula comme président élu, que une foule de bolsonaristes a essayé d’envahir la préfecture de la Police Fédérale à Brasilia, tandis qu’Anderson Torres, à l’époque Ministre de la Justice, dînait tranquillement avec sa famille ? Personne ne le pense : à cause de l’horaire de l’invasion, il ne s’agissait pas du diner, mais plutôt du déjeuner du dimanche avec la famille. Au 10 janvier, Moraes décide de la prison pour Anderson Torres, qui est encore aux États-Unis.
Une chose est certaine : le bolsonarisme, s’il n’est pas seulement une affaire des foules enflammés, est aussi très incrusté dans les entrailles des institutions publiques. Si la permissivité des Forces Armées, avec tout son ambiguïté, a été fondamentale pour rendre possible l’invasion, la modification du protocole de sécurité a pratiquement laissé ouvertes les portes pour faire passer le bétail. Rien de nouveau sous le soleil, surtout si on se rafraîchit la mémoire au sujet des barrages routiers réalisés par la Police Fédérale, afin de bloquer les autoroutes, dans le but d’empêcher les électeurs de voter au second tour présidentiel, surtout au nord est du Brésil, région du plus grand soutien à Lula. La position effective, ou plutôt la manoeuvre du gouvernement fédérale pour l’intervention fédérale dans la sécurité publique de Brasilia, afin de contenir la foule au lieu d’invoquer les militaires à travers la “Garantie de la Loi et de l’Ordre”, nous montre l’envergure du conflit inavoué avec les militaires.

C’est tout à fait étonnant le fait objectif de la transcendance de la politique par rapport au juridique, derrière les mirages juridiques on se tient à des effets politiques pris dans des contradictions éclatantes. L’intervention fédérale comme dispositif mesuré en réponse à l’invasion semble être l’application du “principe de proportionnalité”, énoncé ipsis litteris par le Ministre de la Justice Flávio Dino. Cependant il s’agissait aussi d’une manœuvre vertueuse afin de contourner la présence direct des militaires. Même si en l’occurrence ils étaient sous l’autorité de la Présidence de la République, il est manifeste qu’il y avait un risque d’insubordination, pour lequel le Gouvernement Fédéral n’a pas voulu payer le prix pour voir. La permissivité laissée aux camps bolsonaristes autour des casernes semble être en accord avec le principe selon lequel les Forces Armées ne doivent jamais interférer avec les affaires internes du pays, tandis qu’en les laissant là, tranquilles, elles ont apporté les conditions nécessaires au développement d’un mouvement anti-démocratique qui prévoyait clairement quelque chose, comme un coup d’État. Derrière le jeu des apparences juridiques se cache une tropicale et féroce tempête politique d’été, mais le château de cartes juridique est toujours là, comme s’il n’avait pas changé et tout le monde, tous les protagonistes savent ce qui se passe, en empruntant une expression de Machiavelli, dans la “vérité effectuale des choses” (sic). Et ce château-là essaie encore à peine d’amener ses cartes soldats à couper la tête d’une hydre qui a beaucoup des têtes.

On peut observer des effets immédiats, mais tendanciels, c’est-à-dire toujours susceptibles de changer selon la conjoncture. Reste pourtant ouverte l’antinomie entre le Gouvernement Fédéral et les Forces Armées, et même si elle est voilée par le brouillard du royaume des ambiguïtés, il est fort possible de voir éclater un conflit des forces. La question essentielle par rapport au scénario de l’invasion, me semble-t-il, pourrait être celle-ci : pourquoi réessayer une tactique farcesque qui n’a pas fait long feu aux États-Unis ? Il ne s’agit pas d’une question d’histoire, mais de politique en acte, surtout après que Bolsonaro ait publié et peu après supprimé une vidéo, datée du mardi 10 janvier, dans laquelle il avait écrit que "Lula n’a pas été élu par le peuple, il a été choisi et élu par le STF [Cour Suprême Fédérale] et le TSE [Cour Suprême Électorale]“. Le “peuple”…

Enfin, le 12 janvier Lula a dit que les Forces Armées ne sont pas “le pouvoir modérateur comme ils pensent l’être” et, a ajouté, “Je suis persuadé que la porte du Palais du Planalto a été ouvert pour que ces gens-là passent car il n’y a pas de porte brisée”.

lundimatin c'est tous les lundi matin, et si vous le voulez,
Vous avez aimé? Ces articles pourraient vous plaire :