Angoisse
Chaque fois, c’est la même chose.
Il faut marcher dans la tête de tous ces ennemis putatifs.
Ne pas leur laisser le bénéfice du doute.
C’est ainsi. Le doute ne profite plus à celui que l’on peut écraser.
Le doute ne profite point à celle que l’on peut parjurer.
Il faut sans cesse se mettre en état d’empathie pour celui ou celle qui a juré votre perte.
Non pas pour les rendre plus humains mais pour déceler comment leurs cerveaux fonctionnent, comment leurs âmes amenuisées s’animent, comment leur intellect sélectif perçoit la situation.
Il faut à la manière d’un courtier, utiliser les lois de la physique quantique, quantifier en permanence leurs stratégies aussi éphémères et étriquées soient-elles ; les synthétiser, les faire siennes même si on les vomit de toutes ses synapses.
Et élaborer à son tour, une tactique non pas une stratégie, mais une tactique dont résonne le tic-tac anthropophage de toutes ces choses que l’on n’a pas pu faire.
Ces instants que l’on a perdu à jamais pour soi, pour ses enfants, pour son binôme : pour ceux qui nous accompagnent qu’on ne peut laisser, délaisser, délester.
Toute votre formation d’infortune qui vous a supporté au long cours dans l’adversité, vous a servi de leurre dans les escarmouches les plus audacieuses, pour qui vous vous êtes arqueboutés tel un bouclier humain lorsque la bataille faisait rage ; est présente à chaque décision qu’il faudra pendre, pondérer et enfin prendre.
Cette formation vous suivra jusqu’à votre perte car le temps cannibale vous a fait perdre le sel de votre vie, vous a condamné à l’amertume des remords et l’acrimonie des regrets.
Il faut survivre à cette lente mort lancinante qui transforme chaque lever de soleil en une dragée de supplice et chaque coucher en une amère ostie.
Pendant ce temps saisi au vol pour mieux le conjurer, le veule ennemi se délecte de son sirupeux quotidien qu’il pense dompter comme un mustang dans un cirque.
Admirez vos trajectoires elliptiques apprivoisées car les nôtres sont autant de jets de fureur, d’ardeur et de plénitude.
Kamel Daoudi