Pour des pétards contre la flamme olympique

Message de solidarité
Saccage 2024

paru dans lundimatin#393, le 4 septembre 2023

Le 16 juillet 2021, Daisuke Kuroiwa a lancé quelques pétards pendant une cérémonie de la flamme olympique, devant le stade de Musashino à Tokyo, pour exprimer sa colère contre cette fête toxique. Suite à son interpellation, il est incarcéré 139 jours au centre de détention de Tachikawa dans l’attente de son procès. Un an plus tard, il est condamné à un an de prison avec sursis. Il a fait appel le jour du verdict et le procès en appel se tiendra en septembre. Pour le soutenir, le collectif Saccage 2024 a rédigé un message de solidarité. Il a été envoyé en japonais et voici sa traduction française. 

Comme beaucoup de soutiens à Daisuke Kuroiwa l’ont pointé avant nous, les Jeux Olympiques souffrent “du manque de légitimité” (l’amicus brief par Takashi Sakai). Le tribunal du district de Tokyo a ordonné une peine extrêmement sévère, un an de prison avec sursis, pour des pétards pendant une cérémonie de la flamme olympique à Tokyo. Il va de soi qu’il s’agissait d’un acte contestataire appartenant à la tradition de la non-violence. Face à cette réaction disproportionnée, on peut se demander si ce verdict n’est qu’une expression déplacée de la conscience de l’illégitimité. 

Dans le dossier d’appel par l’avocat de la défense, on peut lire : "Dans la candidature aux Jeux Olympiques, le référendum n’est pas obligatoire. (...) En général, les citoyens n’ont qu’un moyen indirect de manifester leur avis par l’élection des députés ou maires". C’est tellement vrai. Les derniers Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) approuvés par les habitant·e·s via référendum remontent aux JOP d’hiver 2010 de Vancouver. Depuis, chaque référendum olympique s’est soldé par un "NON". La seule exception a été Oslo en 2013, ville dont les élu·e·s ont retiré la candidature ultérieurement. Peut-être pour cette raison, il n’y a plus eu de référendum autour de la candidature aux JOP depuis 2020. Cracovie (Pologne), Hamburg (Allemagne), Calgary (Canada), Sion (Suisse) toutes ces villes ont retiré leurs candidatures parce que le vote du "NON" l’a remporté au référendum. Si les Jeux Olympiques et Paralympiques sont prévus à Paris, à Milan-Cortina, à Los Angeles et à Brisbane, c’est parce qu’il n’y avait pas de référendum dans toutes ces villes. À date, le Comité international olympique (CIO) n’arrive toujours pas à désigner l’hôte des Jeux d’hiver 2030. On peut parier que ce ne sera pas par référendum qu’une ville hôte sera désignée. La ville de Sapporo (Japon), qui était la plus grande favorite jusqu’à l’éclatement de l’affaire de corruption des JOP de Tokyo, refuse obstinément le référendum en ignorant les lettres, les pétitions et les voix dans la rue qui le réclament. Cette obstination montre clairement de quoi ils ont peur. 

Depuis Berlin 1936, les JOP sont avant tout un événement médiatique. Les journaux, les chaînes de télévision et de radio du pays hôte relaient la propagande du ’mouvement olympique’, parce que l’édition des JOP dans leur pays représente une grande opportunité pour leur business. Certaines chaînes paient des millions, voire des milliards dans le cas extrême de la NBC (chaîne états-unienne), pour le droit de diffusion. Quand la propagande du CIO est aussi hégémonique, pour ses opposant·e·s c’est l’action directe qui s’impose.

Même si les JOP 2024 de Paris ne semblent pas menacés par le Covid-19, ils souffrent également d’un manque de légitimité. Le chef du comité d’organisation, Tony Estanguet, n’a pas peur de manquer de respect pour les organisateurices brésilien·ne·s ou japonais·e·s et il aime persister à dire que les JOP de Paris sont "inédits, uniques et différents". A-t-il raison ? Pour le village olympique, des travailleurs immigrés ont été chassés de leur logement. Des sans-abris sont déjà transféré·e·s de la capitale vers d’autres régions. Pôle emploi n’offre que des formations liées à la sécurité des événements sportifs en Île-de-France. Le CROUS a annoncé la réquisition de quelques milliers de logements étudiants dans la région parisienne pendant l’été 2024. Les accidents, dont un mortel, s’enchaînent sur les chantiers olympiques. Enfin et surtout, le parquet national financier a perquisitionné un cabinet de conseil spécialisé dans le sport, fondé par deux cadres du Comité d’organisation de Paris. Le cabinet en question, Keneo, appartenait, jusqu’à 2020, au géant japonais Dentsu, qui se trouve au centre de l’affaire de corruption des JOP de Tokyo. 

Si le CIO souffre de la raréfaction des villes hôtes potentielles, c’est parce que les saccages commencent à être connus, ne serait-ce que vaguement. Cela amène à une situation où des villes candidates, de plus en plus rares, ne font pas de référendum par peur de l’opinion négative de leurs habitant·e·s, et fait naître un cercle vicieux dans lequel la démocratie est négligée. 

Est-ce que ce cercle vicieux sera bientôt brisé ? Ou est-ce que les Jeux Olympiques et Paralympiques feront toujours rage dans les années 2030 et saccageront encore tout ce qui est autour d’eux ? Dans un monde sans neige à cause du réchauffement climatique, les JOP d’hiver continueront-ils avec de la neige artificielle ?

Une chose est certaine. Ce n’est pas le CIO qui dira : "Bon, on arrête un spectacle has been comme ça". La tâche d’enterrer les JOP sera menée par celles et ceux qui luttent contre le capitalisme de fête. Pour cela, il nous faudra deux, trois, plusieurs Daisuke Kuroiwa. Il nous faudra plus de pétards qui rappellent tous les favelas détruits, tous les sans-abris chassés, tous les morts sur les chantiers olympiques et tous les anciens membres du CIO condamnés de corruption.

Fuck the Olympics, vive les pétards. 

Le 10 août 2023.

En savoir plus sur le procès de Kuroiwa (en japonais uniquement) : https://kyuenmusasino.hatenablog.com/

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反「聖火」爆竹で有罪判決を受けた日本の同志への連帯メッセージ

Saccage 2024(パリ五輪に反対するコレクティブ)

すでに多くの支援者が指摘されているとおり、オリンピックは「正当性の低落」(酒井隆史氏意見書)に苦しんでいます。東京地裁は非常に重い、懲役一年という判決を、聖火リレーイベントで鳴らされた爆竹に下しました。これが非暴力の伝統にある異議申し立て行動であることは明白です。このような過剰な反応=反動(réaction)は、正当性の低落という負い目の表出なのでは、とすら思えます。

「弁護団・控訴趣意書」の中には、「オリンピック招致については、住民投票が必須とされておらず(...)、一般に市民は、議員や首長の選挙を通じて間接的に意思表示をするしかない」とあります。これは本当にその通りで、住民投票により市民の承認を得て開催された最後のオリンピックは、2010年バンクーバー冬季五輪となります。2010年代に招致希望都市で行われた住民投票では、オスロ(2013年)のみを例外としてすべて「NO」という結果になっているのです。そして2020年代に入るとオリンピック招致をめぐって住民投票が行われること自体がなくなってしまいました。クラクフ(ポーランド)が、ハンブルグ(ドイツ)が、カルガリー(カナダ)が、シオン(スイス)が招致から手をひいたのは、住民投票で反対が上回ったからです。これからオリンピックがパリで、ミラノで、ロサンゼルスで、ブリスベンで開催されるのは、これらの都市において住民投票が行われなかったからです。現在絶賛難航中である2030年冬季大会の開催都市選定において、住民投票によって開催都市が決定されることはまずないでしょう。数々の要求にもかかわらず住民投票を頑なに拒否する現在の札幌市の対応は、何が恐れられているのかを如実に示しています。

36年ベルリン五輪以降のオリンピックは、何よりもまずメディアイベントです。開催国の新聞・テレビ・ラジオは例外なく翼賛的になります。営利企業であるメディアにとって、自国開催のオリンピックは重要なビジネスチャンスです。何百万ユーロ、極端な場合は米NBCのように何十億ユーロもの放映権を支払う放送局もあります。国際オリンピック委員会(IOC)のプロパガンダがこのように優勢である以上、必然的に直接行動という選択肢が有力なものとなります。

Covid-19によって開催が脅かされてこそいませんが、正当性の低落に苦しんでいるのは一年後に迫ったパリ五輪も同じです。組織委員長のトニー・エスタンゲは、ブラジルや日本に対して実に失礼なことに、「これまでの五輪と違う」と強調することを好んでいます。はたして本当にそうでしょうか?選手村建設のために移民労働者が強制退去されました。パリ首都圏の野宿者が地方に強制移動させられている、という報道もすでに出ています。首都圏の職業安定所が紹介する職業訓練は「スポーツイベント警備」関連一色となっています。CROUSという公的機関が運営する首都圏の学生寮は、来年の夏にオリンピックのために差し押さえられ、数千人の学生たちが追い出されることが決定しています。建設現場では事故が多発し、労働者一名がすでに死亡しています。またパリ五輪組織委の重職についている人物2名が創業したコンサル会社にすでに家宅捜索が入っているのですが、驚くべきことに同社は2020年まで電通イージス・ネットワークの100%子会社だったのです。

近年IOCが開催希望都市の減少に苦しんでいるのは、このようなオリンピック災害が漠然とではあっても知られるようになったからです。だからこそ希少な開催希望都市で住民投票を行うことはできなくなり、ますます民主主義が蔑ろにされる、というスパイラルが生まれているのです。

このスパイラルはどこかで断ち切られるのでしょうか?それともオリンピックは2030年代になっても猛威を振るい、とり巻くすべてを破壊していくのでしょうか?温暖化で雪の降らなくなった世界で、冬季オリンピックは人工雪を使って続けられるのでしょうか?

一つだけ確かなことがあります。IOCが自分たちから「もうこんな時代遅れなスペクタクルはやめよう」と言い出すことはまずない、ということです。オリンピックを葬るのは、不服従を貫く人々の仕事となるはずです。そのためには第二、第三、もっと多くの黒岩さんが必要となります。すべての破壊されたファベーラを、追い出された野宿者を、建設現場での死者を、そして汚職で有罪を食らったIOC委員を思い出すため、もっと多くの爆竹が鳴らされる必要があります。

Fuck the Olympics、ビバ爆竹。

2023年8月10日。

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