Le fléau couronné

Phil A. Neel

paru dans lundimatin#251, le 27 août 2020

Phil A. Neel est un géographe américain, son premier livre, Hinterland, paru en 2018, a suscité beaucoup d’enthousiasme dans le mouvement subversif nord américain (une traduction française sortira le 9 octobre prochain aux éditions Grevis). Nous avons reçu cette traduction d’un article récent paru dans le Brooklyn Rail et qui laisse à penser que le marxisme peut encore avoir quelques idées intéressantes à partager, d’abord dans ses formes iconoclastes et parfois un peu opaques.

La Sainte des couronnes

Au printemps, le poids hivernal de la neige ruisselle sur les marches de pierre de la basilique en petits ruisseaux chatoyants, un microcosme des nombreux ruisseaux scintillant à travers les contreforts des Dolomites inflexibles, ou peut-être plutôt un miroir du réseau alpin complexe d’Alte Vie et de via ferrata : étroits, hauts sentiers de marche et d’escalade taillés dans les montagnes pendant la Première Guerre mondiale, lorsque les autres routes étaient rendues impraticables par les mines. L’hiver s’éclaircit rarement rapidement à travers ces contreforts où se trouvent Fèltre et sa basilique, la description la plus célèbre de la ville est donnée en quelques lignes par un auteur romain anonyme : « Fèltre, condamnée par la rigueur des neiges éternelles / par moi aussi, qui dorénavant ne vous approcherait guère, adieu ! » [1] Les mots sont souvent attribués à César lui-même, bien que cela puisse bien sûr être apocryphe. Mais ce qui est apocryphe est en quelque sorte naturel à cet endroit précis : la basilique qui contient les reliques de Sainte Corona, dont la réalité historique est elle-même encore en question. [2]

Plus récemment, une autre attribution apocryphe est apparue, avec des rumeurs selon lesquelles Sainte Corona agirait en tant que gardienne face aux épidémies. En toute rigueur historique, ce n’est pas vrai [3]. Mais cela n’a pas beaucoup d’importance, étant donné l’attachement populaire à la sainteté. L’hagiographie a tendance à suivre la langue vernaculaire, après tout, et une sainte portant le nom d’une pandémie mondiale dont l’emblème est une paire de palmiers luxuriants mais inquiétants - les instruments de son exécution - est bien placée pour devenir une icône de notre époque. La réalité historique de son patronage est tout aussi intéressante, cependant, puisque Sainte Corona a traditionnellement été une sainte patronne non associée au soulagement de la maladie, mais plutôt à l’argent, au jeu et à la chasse au trésor. Son nom, qui signifie « couronne », dérive d’une prétendue vision qu’elle avait de couronnes descendant du ciel pour elle et son martyr affilié-saint Victor. Ceci a conduit les futurs chasseurs de trésors, joueurs et spéculateurs à l’invoquer dans leurs transactions et à lui attribuer leurs succès. En ce sens-là c’est tout à fait cohérent, car une grande partie de la crise économique actuelle n’est pas simplement le résultat d’un choc exogène sous la forme de la pandémie, mais plutôt le point de rupture initial d’une longue accumulation de spéculations risquées menées avec tout ce capital excédentaire qui n’avait nulle part ailleurs où aller [4]. Il y a alors un peu plus que de l’ironie en imaginant le virus et l’effondrement économique qui a suivi comme l’inverse du patronage de Corona : la sainte Couronnée comme créancière d’un système social dont les comptes sont depuis longtemps à découvert, qui vient enfin réclamer son dû. Mais en même temps, en tant que patronne des chasseurs de trésors, nous pourrions ajouter que Corona est, techniquement, la patronne du pillage.

Ce motif des couronnes témoigne également d’un courant sous-jacent plus vicieux dans la peste actuelle et la révolte qui a finalement éclatée en son sein, au caractère à la fois économique et politique sous la sanglante bénédiction de Notre-Dame aux Palmes. Parce que la couronne n’est pas seulement le symbole de la chasse au trésor, du jeu et de la spéculation, mais aussi, bien sûr, l’emblème de l’État. Tout comme les deux thèmes sont ici unifiés en un seul symbole, la pandémie a commencé à dévoiler la fusion longtemps tenue obscure du pouvoir de l’État et de la nécessité du marché. Puis, comme si ce point n’était pas assez clair, la figure du pillard se faufilant à travers des marées de gaz lacrymogène dans une émeute anti-police a souligné le même point avec une délicieuse détermination. Nous voyons maintenant d’un seul coup comment une très large action coordonnée en dehors du marché est évidemment possible, et pourtant, elle n’est finalement réalisée que pour la protection à court terme de la vie des riches et la protection à long terme de leurs intérêts économiques. C’est un parallèle très parlant de voir que la mobilisation coordonnée et multiétatique de l’argent, du temps et des ressources qui est jugée impossible pour les travailleurs médicaux ou l’allégement des loyers et des hypothèques est en un clin d’œil libérée dans les deux plans de sauvetage conséquents dévorés par les entreprises les plus riches et le déploiement par les États d’unités de police et de gardes nationales suréquipées, qui semblent soudainement ne pas avoir de problèmes d’approvisionnement en masques à gaz. Pendant ce temps, les appels à l’abolition de la police sont retraduits par tous les libéraux de premier plan en appels à la réduction de leurs budgets, mais même cela déclenche la publication d’un essaim de stupéfiantes infographies montrant à quel point l’assiette fiscale locale dans chaque ville américaine est canalisée vers la répression de la population de cette ville. De plus en plus clairement, des masses de gens commencent à voir comment cette capacité étatique est, en fait, assez étendue et assez efficace - et comment elle est mobilisée pour nulle autre fin que la protection des riches et de leurs biens.

Ce qui est révélé, c’est le fait fondamental que la couronne n’a jamais honoré la tête du « marché » compris dans un sens pur, ni n’a jamais été dans notre histoire sise sur la tête de « l’État » comme une sorte de bureaucratie autonome capable de conduire le progrès de la société à travers cette procédure quasi magique appelée « politique ». [5] En réalité, tant le « marché » que l’« État » ne sont que de simples appendices de ce plus grand corps, que la plupart des gens comprennent vaguement comme « l’économie », mais qui est également plus étendu que ce nom pourrait le laisser entendre. Cette unité peut être illustrée dans une image très brève répétée en des itérations mineures dans toutes les villes américaines lors des émeutes récentes : un escadron de policiers bourdonne pour protéger le caractère sacré d’un Walgreens à moitié pillé. Mais cette unité est plus grande que cela, bien sûr, car c’est, après tout, un système planétaire entier - au fond un système social pliant chaque être humain dans le monde à sa logique-machine d’accumulation sans fin, mais en même temps plus profond que cela car il brise également tous les tissus du monde non humain jusqu’à ce que chaque fragment puisse être reconstitué dans le corps monstrueux recouvrant le monde, les marchandises animées par l’énergie morte de l’échange. C’est la bête que nous appelons le capitalisme, qui étend son monde infernal sur l’ensemble de la croûte terrestre, remonte jusqu’aux plus hauts échelons de l’atmosphère et descend dans les cavernes les plus profondes de la microbiologie. Dans tous les domaines, il engendre sa multitude de monstruosités, qui ont toutes derrière elles le pouvoir ultime de sa couronne et dont chacune en manie un fragment comme une lame, leurs crises taillant de nouvelles cicatrices dans l’histoire de l’espèce humaine.

Il est donc normal que nous soyons confrontés à un fléau couronné, et que ce fléau couronné ait déclenché à travers le monde un fléau symétrique de couronnes, car chaque État - mais surtout ceux que l’on pense en être les plus capables – fait preuve d’une extraordinaire incompétence face à la pandémie qui n’a d’égale que sa capacité tout aussi horrible à répondre à la rébellion par la brutalité. Le résultat c’est que tous les repères traditionnels de la politique ont vu leurs amarres coupées, alors que tout le monde cherche de nouvelles façons de parler de politique et de pandémie dans le même souffle. Les deux voies qui semblaient au premier abord les plus évidentes (et donc les plus suspectes) étaient l’accent mis sur les mesures localistes - incarné dans la plus petite échelle par l’entraide de gauche et, à plus grande échelle par l’isolationnisme radical de droite - et les mesures qui envisageaient un renforcement agressif de l’État comme seule base possible pour une politique future capable de faire face à la réalité d’une crise à la fois économique, microbiologique et climatique. En fin de compte, Notre-Dame des Palmes montrera comment les deux chemins mènent à leur propre perte. L’ampleur et la portée de la révolte ont déjà commencé à invalider l’appel à l’État (qui est, après tout, celui qui conduit la répression) tout en forçant les mesures localistes à montrer simultanément leurs couleurs politiques (en se rangeant du côté des plus violentes émeutes ou contres-elles) et à une échelle bien au-delà de leur objectif communautaire- qui consiste maintenant, par exemple, à redistribuer les stocks de biens pillés aux personnes dans le besoin ou à gérer un campement de protestation permanent sur plusieurs pâtés de maisons. Le défi, pour nous, n’est alors pas seulement de montrer comment ces premières articulations politiques ont été erronées ou vouées à l’échec, mais plutôt de concevoir une politique communiste capable de faire face à ce fléau couronné et aux nombreuses autres qui suivront, chacun enfantant et traçant ses révoltes.

Agonie

Pour commencer, il faut bien entendu comprendre qu’il s’agit autant d’une contagion sociale que microbiologique, tant dans la façon dont la pandémie elle-même a été produite que dans l’inégalité de sa propagation [6]. Comme pour toute chose, il est vrai que les effets du virus se répartiront plus durement selon les classes sociales. Cela a déjà été documenté en grande partie : le chômage monte en flèche menant de facto à une grève des loyers massive et la précarité de la main-d’œuvre est croissante dans les secteurs encore fonctionnels - où en moyenne des travailleurs plus pauvres, plus jeunes, moins blancs et plus dispensables sont littéralement sacrifiés pour apaiser les désirs insensés du S&P 500. Ce contexte économique explique, au moins en partie, la facilité avec laquelle la révolte actuelle a immédiatement glissé vers le pillage - et pas seulement des produits de luxe (mais vers ceux-ci aussi, bien sûr - mon slogan préféré a été observé de première main : "Gucci Store ! Gucci Store !"), mais aussi de simples produits alimentaires, d’énormes quantités de médicaments et des articles ménagers du quotidien. En même temps, si l’existence de classes sculpte nos vies dans tous ses détails atroces à partir de la pierre brute de notre réalité sociale (elle-même réduite depuis longtemps au corps-machine de l’économie), alors la race est son ciseau nécessaire, traçant les lignes de division qui définissent la sculpture d’une agonie de marbre. Il n’est donc pas surprenant que, lorsque l’économie a été mise à rude épreuve - la sculpture, à certains endroits, soit trop cassante et se brise au moindre choc, tandis qu’à d’autres, soudainement, elle ne cède pas -, ce ciseau semble être manié avec une précision violente et choquante.

En effet, au-delà de l’exclusion du système salarial (i.e. la répartition inégale du chômage au niveau mondial et dans certains pays en fonction de la race) et de la plus grande oppression désormais clairement reconnue qui en découle, on note au niveau national : le surplus de violence de la police, de la surveillance, de l’incarcération ; et au niveau international : la longue histoire de la colonisation, de la subordination impériale et du sous-développement qu’il implique, la race est également définie par un excès de violence moins connu, mais dont les racines sont bien plus profondes. Contrairement à la race elle-même, cette violence est, au fond, biologique. En termes techniques, nous pouvons dire qu’elle implique la mauvaise répartition de ce qui peut avoir un effet négatif sur la santé et, en plus de cela, la culture de facteurs de stress psychosomatiques qui créent à leurs tours de la mauvaise santé, réduisant inégalement la santé générale sur une ligne de démarcation qui, au sein de ce processus et après coup, devient un clivage « racial ». Mais ce fossé est la race elle-même, ou au moins elle en est une composante majeure [7]. Ce n’est pas un hasard si tant de meurtres commis par la police, y compris celui de George Floyd, sont ensuite niés par des médecins corrompus aux autopsies bâclées, qui leurs servent de prétexte pour justifier la mort de ceux qui sont non armés, menottés, victimes immobiles par des « conditions de santé préexistantes ». La pandémie a montré très clairement comment ces conditions étaient inégalement réparties en premier lieu.

En d’autres termes, le système de classes est construit sur un siphonnage massif et systémique de la force. Une forme de cet accaparement est familière : les travailleurs donnent du travail, souvent à un rythme et une intensité qui détruisent littéralement leur corps. Qui parmi nous n’a pas une sorte de douleur articulaire au-delà de 30 ans, causée par un travail répétitif ? Et qui ne connaît pas au moins un collègue de travail (peut-être une connaissance de second ordre, l’ami d’un ami, si vous avez de la chance) tué ou mutilé dans "l’exercice de ses fonctions", pour emprunter une tournure de phrase chère aux chiens de garde ? Si ce n’est pas le cas pour vous, si de telles choses vous semblent inconnues ou improbables, nous vous suggérons de vous regarder dans le miroir des comptes bancaires de votre famille. Mais au-delà de ce vampirisme franc, il existe un second type de siphonnage de la force, que l’on pourrait mieux décrire comme un système massif et ordonné d’eugénisme doux visant à organiser un massacre plus modéré, acceptable pour le milliardaire moyen de la côte. Dans sa forme la plus active, il s’agit du malthusianisme libéral promu par de nombreuses ONG sur le modèle de la Fondation Gates, qui plaide ouvertement en faveur du dépeuplement de l’Afrique (bien que par des moyens politiques doux, des brevets sur les médicaments et les semences et une propagande éducative, plutôt que par une extermination explicite). Mais c’est aussi une violence latente inhérente à la société de classe dans son ensemble : la force des pauvres est siphonnée à travers un programme d’empoisonnement de masse, de malnutrition et de terreur psychologique qui génère une augmentation de la maladie et de la mort et même des dommages épigénétiques qui vont au-delà d’une seule génération. [8]

S’il est vrai qu’à un niveau essentiel ou abstrait, nous pouvons voir clairement que la dynamique de fond est motivée par le maintien continu de la fracture de classe, c’est, plus que tout, un de ces cas où il est impossible de percevoir correctement le phénomène sans noter la façon dont l’appartenance de classe est sculptée par la race. Selon le CDC [9], les Noirs américains ont en moyenne deux fois plus de risques d’avoir et de mourir de presque toutes les grandes maladies chroniques [10]. Parallèlement, il existe une disparité raciale tout aussi évidente en ce qui concerne l’exposition au plomb et à d’autres produits chimiques toxiques. L’eau non potable de Flint, dans le Michigan, est probablement l’exemple le plus connu, mais la réalité est que cette pollution industrielle est la norme, plutôt que l’exception, dans les villes fortement isolées de la rust bell. Ce n’est pas non plus un simple effet de la désindustrialisation et des polluants résiduels. « L’allée des cancers » en Louisiane est une étendue de 135 km d’usines chimiques et de raffineries de pétrole en activité qui ont longtemps exposé les habitants, majoritairement noirs, à des toxines diverses, entraînant l’apparition d’affections rares et des taux de maladies chroniques et de cancers massivement élevés (les gens y ont jusqu’à 800 fois plus de risques de contracter un cancer qu’ailleurs aux États-Unis). Ce n’est pas une coïncidence si cette partie de la Louisiane est précisément celle où l’épidémie de coronavirus a le plus frappé au cours des premiers mois, les paroisses de la zone ayant enregistré les taux de mortalité par habitant les plus élevés de tous les comtés américains [11].

Pendant ce temps, les différentes angoisses qui accompagnent la vie quotidienne contribuent à des effets psychosomatiques encore plus graves ainsi qu’aux milliers de fléaux annexes de la maladie mentale. Les taux de suicide chez les adolescents de la réserve de Pine Ridge (où le chômage est de 70 % et où 40 % de la population se trouve sous le seuil de pauvreté national) sont plus de deux fois supérieurs à la moyenne nationale, et l’espérance de vie globale est extrêmement faible, comparable uniquement à celle que l’on trouve dans les régions du monde les plus déchirées par la guerre ou la famine [12]. On oublie aussi souvent que les réserves américaines ont servi de principal dépotoir pour les résidus radioactifs, avec quelque 200 tonnes de déchets nucléaires déversés dans la rivière Cheyenne en 1962, une source d’eau pour Pine Ridge. De même, d’anciennes mines d’uranium à ciel ouvert ont contaminé la nappe phréatique dans la réserve de Laguna Pueblo au Nouveau-Mexique, et une série de mines de ce type et d’accidents industriels qui en ont résulté ont touché les terres Navajo à l’ouest [13]. Dans ces endroits, tout comme dans les zones rurales blanches les plus pauvres, les maladies mentales se combinent à des maladies chroniques et à une infrastructure de santé publique pour l’essentiel inexistante qui implique que les gens n’aient souvent d’autre choix que de s’automédicamenter, ce qui entraîne une prolifération de l’abus de substances qui à la fois exacerbe les conditions générales de traumatisme et est ensuite, rétroactivement et à tort, utilisée pour rejeter la responsabilité de leurs propres conditions sur les pauvres. Lorsque tous ces facteurs se combinent, les résultats sont particulièrement meurtriers : la nation Navajo, qui a un passé similaire de désinvestissement systématique de la part de l’État associé à une exploitation industrielle (plus gravement par l’extraction d’uranium) entraînant une contamination toxique à long terme (en particulier un empoisonnement à l’arsenic) et une prolifération de maladies chroniques et de maladies mentales, avait un taux d’infection qui se classait au troisième rang des plus élevés de la nation à la fin avril [14] .

Si certaines de ces pollutions industrielles peuvent remonter à de nombreuses années, elles ne peuvent se résumer à un simple "reste" d’oppression, envisagé comme les vestiges d’un passé raciste en voie de démantèlement. D’une part, il ne s’agit manifestement pas d’un phénomène généré par un "racisme" générique motivé par des préjugés, puisque la base de classe de la fracture est très claire dans le cas d’endroits comme les Appalaches, où les principaux sites de production de charbon comme les comtés de Perry ou de Pike dans le Kentucky sont depuis des décennies au bas du classement des États-Unis en matière d’espérance de vie, bien que leur population soit blanche à plus de 97 %. [15] La race sculpte la classe, mais elle ne la remplace jamais. D’autre part, le problème n’a pas diminué au fil du temps parmi une quelconque partie de la population pauvre. Au contraire, c’est exactement le contraire qui se produit, comme le montre un aperçu de la littérature médicale :

Plus de 133 millions d’Américains (45 % de la population) souffrent d’une ou plusieurs maladies chroniques. Les minorités raciales/ethniques ont 1,5 à 2 fois plus de risques que les blancs de souffrir de la plupart des principales maladies chroniques. Les maladies chroniques sont responsables de 7 décès américains sur 10 et représentent 78 cents de chaque dollar dépensé en soins de santé. Malheureusement, les problèmes liés aux maladies chroniques semblent s’aggraver. Par exemple, entre 1960 et 2005, le pourcentage d’enfants américains atteints d’une maladie chronique a presque quadruplé (de 1,8 à 7,0 %), les jeunes issus de minorités raciales/ethniques étant touchés de manière disproportionnée. L’augmentation des taux de maladies chroniques chez les enfants implique que des taux plus élevés de ces maladies se produiront à l’âge adulte. [16]

Et comme nous le voyons maintenant avec une clarté cristalline, les maladies chroniques, à côté de la malnutrition et du stress chroniques, prédisposent au pire lorsqu’une pandémie arrive.

Extase

Notre-Dame des Palmes a, pour le moins, installé dans nos vies une apesanteur soudaine. Les gens qui n’auraient sans doute jamais envisagé le concept d’Histoire le sentent maintenant qui les ballotte dans sa marée sombre et implacable. Avant la révolte, cela donnait même aux traits les plus banals de nos vies cloîtrées un côté artistique presque religieux, comme si la sainte elle-même était aussi peintre et que cette cascade de moments était son chef-d’œuvre. Mais le sien n’est pas l’art d’un grand dessein, avec des figures peintes à la perfection. Au contraire, c’est un art de l’imparfait dépeint à la perfection, du dégénéré, un art qui voit la sainteté dans l’effritement baroque du monde et cherche à le reproduire avec une précision tout aussi baroque. C’est vous et moi assis dans nos survêtements de confinement, allongés comme le Silène ivre de Ribera (1626). Ou bien ce nouvel employé d’un Target [17] les bras ballants au milieu des ruines, c’est le portrait craché du jeune Bacchus du Caravage (1596) avec un masque chirurgical serré contre ses joues de chérubin rougies alors qu’il regarde le grand foutoir de marques d’athleisure couché dans des tas de cendres laissés derrière eux par des pillards itinérants, en gardant ce même regard hébété de plaisir perdu qui dilate les pupilles à l’infini, ce qui est l’essence même de l’expérience de la chair.

Et oui, elle peint aussi pour nous ce manifestant pour la fin du confinement qui est surarmé et sur le point d’entrer dans le Capitol du Michigan, hurlant pour que le gouverneur lui laisse son entreprise d’entretien des pelouses, suppliant sous le poids de tout l’équipement tactique qu’il a si bien placé grâce à sa carte Amazon que le gouverneur l’appelle un bon garçon et permette à ses employés de risquer leur vie pour lui, la plus mesquine de la petite-bourgeoisie - ce visage dans sa peinture vient juste après, cependant, une fois que le sang s’est effacé des cris et que l’adrénaline monte comme une marée boueuse révélant ce regard singulier, la barbe tachetée, la bêtise carrée, comme le visage d’Holopherne dans la peinture de Gentileschi, légèrement confus mais presque résigné à sa propre décapitation. Il y a des natures mortes d’épiceries pillées dans la rue obscure, des bidons de lait pâles qui scintillent de rosée contre la nuit noire des réverbères brisés. Il y a Philly Elmo, le visage rouge comme un drapeau communard, le poing noir levé sur un fond brûlant.

Dans chacune de ces images, nous voyons avec une clarté assourdissante l’absurdité de notre enfer présent. Ce n’est pas un monde fait pour vous ou moi ou pour quiconque pourrait se dire humain. C’est un monde de machines construit pour une espèce différente, pour la créature appelée capital, et sa forme larvaire, la marchandise, revêtue brièvement avant que ses millions de membres ne fleurissent et que ses appendices aiguisés ne se tendent pour saisir tout et n’importe quoi, pour alimenter le circuit de l’accumulation sans fin. Peut-être avez-vous fait de mauvais rêves, comme beaucoup d’entre nous. Peut-être que ces derniers mois, vous avez ressenti une certaine présence, votre cerveau a vu les rues vides et les gens masqués et n’a pas pu s’empêcher de supposer que le troupeau de l’humanité se cachait et que vous devriez l’être aussi. Il y a quelque chose parmi nous. Rationnellement, vous avez bien sûr conclu que la menace est, en effet, invisible, mais seulement parce qu’elle est microbiologique. Et pourtant, cette présence vous hante toujours, comme une ombre qui se trouve juste derrière vous, provoquant un picotement là où la peau est particulièrement sensible, où le cou rencontre l’épaule, comme si votre peau sentait une autre chair qui s’étend. Cette présence n’est pas le virus, et elle n’est pas non plus imaginaire. C’est le corps ombrageux de cette grande bête qu’est le capital, rendu presque visible dans le coin de votre œil à cause de la façon dont Notre-Dame aux Palmes a figé le monde pour nous. Le Capital est une créature caméléon, plus visible lorsqu’elle se déplace sur une toile de fond gelée, lorsque l’économie stagne et que toutes les absurdités s’accumulent et se rendent visibles aux yeux de chacun : la nourriture détruite en masse alors que les files d’attente s’étendent sur des kilomètres devant les banques alimentaires, des petites « villes dans les villes » construites par les sans-abri dans les fossés et les ruelles sous les grandes aires urbaines remplies d’immeubles vides.

Aujourd’hui, toutes les lignes de démarcation sont coupées avec une netteté de plus en plus marquée, alors que certains d’entre nous se tournent vers cette bête, tentent de la saisir et, bien sûr, elle nous échappe à nouveau parce que nous ne sommes pas encore assez forts, bien que nous soyons puissants dans nos incendies, nos pillages glorieux – une œuvre véritablement baroque, en effet, les éclats de lumière coupent ce monde sombre avec la précision d’un chiaroscuro. Les couronnes dorées et les palmes lumineuses scintillent sur ce fond noir qui semble bâiller de plus en plus au fil des années. De telles images sont construites à partir de l’entrelacement de la terreur et de la beauté, chaque agonie étant mesurée par une extase. L’agonie est évidente. L’extase n’est aujourd’hui qu’une petite touche de lumière, la lueur vive d’un feu de joie qui nous attend dans le futur. Vous pouvez le voir peut-être dans les rues de chaque ville américaine en feu, où la peste a d’abord attiré chez eux les plus conservateurs des libéraux pacifistes, ne laissant que l’espoir et les jets de pierre. Aujourd’hui, les politiciens, les militants et les "leaders de la communauté" sont sortis de leur cachette pour faire disparaître toute notre colère, par la force ou par une pacification soigneusement orchestrée - une invitation à "poursuivre le dialogue" ou à les rejoindre. La petite musique des militants a toujours été bien plus répressive, dans ses effets, qu’un bâton de police. Néanmoins, si la pandémie nous a montré l’absurdité de notre monde actuel, elle a également mis en évidence que la puissance pour le changer existe.

La Sainte Division

Nous étions déjà séparés de nous-mêmes et des autres, mais maintenant, Notre-Dame aux Palmes nous a classés en trois castes : les moines, les soldats et les bâtards. Vous êtes peut-être un moine, contraint de vivre une vie de grâce angoissante. Votre cloître est rétroéclairé par mille fenêtres Zoom tourbillonnantes alors que vous vous frayez un chemin à travers le texte labyrinthique du site Internet de recherche d’emploi de votre État. Si vous lisez des articles sur la peste, le moine est le public visé, le consommateur par excellence, vraiment, dépouillé de toutes choses. Et si vous êtes moine, vous avez peut-être commencé à sentir le vide de ces choses, comme beaucoup d’autres. Les premiers achats en ligne sont finis, les paquets Amazon Prime éparpillés, comme des dés sur le pas de la porte, se font rares, comme si les paris devaient être placés avec plus de précautions, car vous réalisez que le jeu n’est pas en votre faveur. Dans la plupart des endroits, les magasins ont rouvert entièrement ou en partie, et pourtant ils restent vides. Non seulement la consommation a perdu le caractère thérapeutique qu’elle avait autrefois, mais lorsque la détermination de ce désir a commencé à dériver, vous avez également réalisé à quel point votre vie était amarrée à elle - à quel point l’expérience sociale elle-même était tenue en otage par la marchandise.

N’est-il pas curieux, après tout, que votre vie sociale se soit terminée non pas parce que vous ne pouviez pas supporter deux mètres entre vous et vos amis, mais plutôt parce qu’une si grande partie de votre sociabilité était fondée sur des expériences entièrement médiatisées par la consommation économique ? Et maintenant, n’est-il pas évident, intuitivement au moins, que notre paysage a été façonné non pas pour la vie humaine mais plutôt pour la communion des objets ? À un certain moment, dans l’isolement, on perd presque la conscience de son propre corps, qui est une créature sociale, après tout. Et lorsque vous vous faufilez pour voir vos amis dans un parc, ou que vous soulevez des poids dans une salle de gym clandestine, vous ressentez un choc énorme lorsque vous réalisez à quel point les contacts sociaux peuvent être intenses. Vous vous rendez compte qu’un mètre quatre-vingt est la taille pour une tombe, et que vous êtes enterré.

C’est ce confinement qui a rendu possible la joie dans la communauté propre à notre révolte actuelle. Est-ce vraiment une coïncidence que cet étrange moment où toutes nos vies ont été réduites à la pure consommation de marchandises soit couronné par un tel élan d’extase massive, dans lequel les marchandises en masse dans chaque ville ont été rapidement désacralisées - pas seulement pillées, il faut s’en souvenir, mais pillées et ensuite distribuées gratuitement entre les gens ? Ce pillage a été, dans certains endroits, motivé par la nécessité et la survie, bien sûr (comme dans le cas de la nourriture, des médicaments, des couches, etc.), mais dans une égale mesure, il a été presque une compulsion communiste de base, indépendamment du besoin. Un désir commun de luxe, peut-être. Une autre scène heureuse que nous avons pu voir de nos propres yeux est celle où le Men’s Warehouse du centre-ville a été cambriolé alors que personne ne semblait vouloir de ces marchandises. Un pilleur solitaire s’est ensuite simplement rendu auprès de chaque voiture qui passait, distribuant à toutes les fenêtres et mains ouvertes des shorts de golf kaki.

Les événements ultérieurs ont prouvé que la position supposée du moine n’est pas vraiment la bonne, car, statistiquement, vous êtes probablement un soldat - dans un sens ou dans l’autre. Dans la lettre qui accompagnait le chèque de soutien aux ménages, Trump déclarait ’une guerre totale contre cet ennemi invisible’. Mais, comme pour toute guerre, il y a un grand fossé entre ceux qui la déclarent et ceux qui la mènent. En tant que travailleur de première ligne, vous êtes bien sûr qualifié de héros et, bien sûr, vous n’êtes pas mieux payé pour cette attribution. Et en tant que soldat tout autant prolétaire, qui relance des palets de lacrymogènes tombés auprès des voitures de police incendiées, vous êtes bien sûr qualifié de terroriste et, bien sûr, vous n’avez pas encore reçu votre chèque de Soros. Ce que nous appelons la lutte des classes pourrait difficilement être plus clair, puisque votre travail de jour vous enrôle dans cette vaste armée de salariés, où vous risquez votre vie pour que tous les circuits économiques essentiels continuent leur cycle - tout comme votre travail de nuit vous enrôle dans cette autre vaste armée de salariés et de non-salariés, où vous risquez votre vie pour que tous les circuits économiques essentiels se brisent comme la corde usée du nœud coulant qu’ils sont.

Et cela laisse entrevoir le sous-texte secret de la guerre, à savoir que le véritable ennemi n’est peut-être pas si invisible, après tout. Aucun des symboles peints pour nous par la Vierge aux Palmes n’est particulièrement subtil. Chaque métaphore semble crier sa signification dans l’obscurité. Et nous pouvons espérer que peut-être maintenant, au moins, le mince pansement de l’idéologie (le ’bon sens’ sans critique de ’la façon dont le monde fonctionne’) commence enfin à se fissurer. C’est la guerre et vous êtes un soldat, alors autant vous battre comme tel. Mais votre ennemi n’est pas un virus invisible sur lequel vous n’avez aucun pouvoir - à moins que vous ne fassiez partie de cette petite minorité de scientifiques qui se sont battus pendant des années pour mettre au point un vaccin contre les coronavirus, pour ensuite être systématiquement étouffés par les grands conglomérats pharmaceutiques et les politiciens qu’ils paient pour manipuler le flux des subventions fédérales à la recherche - non, au contraire, la guerre est ce que nous avons toujours appelé la lutte des classes, et vos ennemis aujourd’hui sont les mêmes bâtards qu’avant.

Et qu’en est-il de ces bâtards ? On nous dit que ces gens - les riches, les vraies élites urbaines, ceux qui possèdent le monde de la production, qui étaient et pourraient un jour être à nouveau appelés ’la bourgeoisie’ - ont ajouté quelque 282 milliards de dollars à leur richesse depuis le début de la pandémie [18]. Beaucoup, ayant été prévenus à l’avance par des réunions confidentielles, ont retiré des actions à risque à l’avance et ont versé de l’argent dans les quelques industries qui connaissent un boom lors de telles catastrophes. À lui seul, Jeff Bezos avait ajouté 25 milliards de dollars à sa fortune personnelle dès la mi-avril. Il est vrai, bien sûr, que certaines industries souffrent, comme en témoignent les pétroliers qui tournent au ralenti au large des côtes de tous les pays du monde. Ces industries seront, à terme, renflouées à vos frais et poursuivront ensuite leur longue et dévastatrice crise mondiale. Mais dans les rangs les plus bas de ces bâtards, on trouve aussi toujours le lèche-bottes sacrificiel : le petit propriétaire qui pleure parce qu’il ne peut plus se permettre de ne pas travailler, l’insupportable propriétaire de bar ou de restaurant qui sait à peine faire un cocktail ou dresser une table, l’entrepreneur en construction qui porte des Carhartt et qui vit de ce que sont (soyons honnêtes) les chèques d’aide sociale rédigés par un spéculateur immobilier de Manhattan. Alors même que les grands conglomérats font glisser la dague sacrificielle sur la gorge du lèche-bottes - ce que nous appelons le nettoyage du marché des entreprises non compétitives - un dernier merci se fraye un chemin hors des poumons de ces bâtards rampants.

Ce sont ces petits propriétaires et ces idiots pleins de ressentiment qui font partie des policiers les plus violents et des milices d’autodéfense qui ont fait face aux émeutes. De telles révoltes font sortir toutes sortes de gens, et alors que le discours des ’agitateurs venus de l’extérieur’ continue d’unir les ailes gauche et droite de la politique officielle dans une absurdité manifeste - alors que chaque grande zone de métro du pays est en feu, abritant de fait la majorité de la population, sérieusement d’où les gens pensent-ils que ces ’étrangers’ viennent ? - nous devons reconnaître que les véritables résistances font sortir de véritables forces de droite dans l’opposition, et que ces forces opèrent dans la rue autant que les révoltes elles-mêmes. Dans le genre le plus banal, vous aurez ces lèche-cul particulièrement dociles qui, pour une raison quelconque, se lèvent littéralement tôt le matin pour aller en ville effacer le nom de George Floyd des poteaux calcinés d’un Cheesecake Factory. À un degré plus dangereux, vous avez l’escalade de la violence de la police elle-même. Mais en plus de leur propre violence professionnalisée, nous avons vu avec une grande clarté comment la police est plus que disposée à aider les nombreux groupes proto-fascistes moins formels qui ont fait l’objet de tant de reportages ces dernières années - et c’est par de tels groupes de ’vigilantes’ et de flics hors service proches du KKK que nous devons nous attendre aux actes de répression les plus flagrants. Mais en même temps, il est bon de rappeler que ce ne sont pas vraiment les forces dominantes de la répression en Amérique. Il s’agit plutôt de menaces plus ou moins localisées, quoique très visibles, rendues plus intimidantes par leur degré de violence à nu, mais pas autant répandues ou dangereuses que la répression offerte par l’appareil judiciaire officiel, qui va commencer à siphonner des centaines ou de milliers de jeunes dans le vaste labyrinthe des salles d’audience et des cellules de prison surpeuplées de ce pays. Après tout, pour chaque meurtre extrajudiciaire d’une personne noire en Amérique, il y a une centaine de meurtres judiciaires parfaitement légaux, menés à bien par la mort lente d’années, de décennies, voire de vie entière sans libération conditionnelle.

Essentiel et dispensable

La pandémie et ses soldats sacrifiables ont également mis en évidence une hypothèse qui, jusqu’à récemment, n’existait que dans les pages obscures des livres enflammés distribués par les cadres anarchistes vieillissants des entrailles de la baie de San Francisco : il existe ce que l’on appelle un "prolétariat essentiel", composé de tous les travailleurs qui sont nécessaires pour faire fonctionner l’infrastructure la plus élémentaire et la plus squelettique de la société. Il ne s’agit pas de la masse des travailleurs qui, ensemble, contribuent à la rentabilité et à la stabilité du système - c’est-à-dire de ceux que l’on pourrait considérer comme la ’classe ouvrière’ au sens large. Non, il s’agit de personnes occupant des emplois apparemment disparates, unifiés seulement par le fait que leur activité particulière a été rendue nécessaire par la fusion qu’opère le capitalisme entre sa propre survie et la survie de l’espèce humaine :

Le prolétariat essentiel est ce groupe de travailleurs qui peut arrêter de vastes secteurs de l’économie en arrêtant son travail. [Ils] sont employés dans les industries de base de l’économie, des industries qui ne peuvent fonctionner qu’avec un niveau relativement élevé de main-d’œuvre dans leurs opérations [...] Les travailleurs de base comprennent les ouvriers d’usine, les éboueurs, les travailleurs de l’électricité, les travailleurs de la distribution (poste, rail, transport routier, ferries, dockers, etc.) [...] [19]

Cette citation est tirée d’un texte obscur (Le communisme nihiliste) qui n’est populaire qu’auprès d’un certain nombre de communistes en perdition, suffisamment peu nombreux et clairsemés pour que leur seule influence au-delà d’Internet soit de faire en sorte que ce petit livre noir avec une photo sinistre sur sa couverture puisse au moins se disperser à travers le monde pour s’installer dans des squats, des infokiosques et des bibliothèques personnelles sur tous les continents, posé là pour dormir jusqu’à ce que l’histoire draine de ses pages les quelques prédictions les plus lucides comme celle-ci.

Aujourd’hui, nous pouvons voir ce fait sans la médiation d’une obscure sous sous-culture mondiale, comme si les droits du film « L’Année Du Seigneur 2020 » étaient achetés par CNN et qu’une voix caverneuse était engagée pour en enregistrer le livre audio. Bien sûr, le terme utilisé dans le texte et celui utilisé dans le langage populaire aujourd’hui ne sont pas parfaitement identiques. Néanmoins, sous nos yeux, nous pouvons observer l’ensemble du prolétariat mondial divisé en essentiel et en superflu. Nous voyons comment les deux se chevauchent et comment ils ne se chevauchent pas, et combien ce schéma est si fortement déterminé par la race - si clairement, en effet, que même les plus obstinés et les plus ignorants doivent maintenant au moins jeter un coup d’œil sur le processus nu par lequel la race est produite et reproduite quotidiennement. De plus, nous voyons se dévoiler la grande division mondiale de la souffrance : que se passe-t-il exactement lorsque la partie du prolétariat essentiel située dans les grands complexes industriels de Chine et du Vietnam cesse de travailler ? Cela ne peut qu’impliquer la question suivante : que se passerait-il si vous cessiez de travailler ? Si les entrepôts d’Amazon ferment ? Si les déchets n’étaient plus collectés ? Si les millions de travailleurs en première ligne de l’industrie alimentaire refusaient un jour d’être les otages de l’économie, et si la couronne brisée de l’État était confrontée au ciment dur de la lutte des classes ?

Dans le même temps, certains constats fondamentaux sur la nécessité de l’organisation communiste sont devenus au moins faiblement perceptibles, notamment par l’émergence de ce communisme latent et immuable qui est toujours implicite dans l’émergence des révoltes. Premièrement, en ce qui concerne le prolétariat ’essentiel’ et son pouvoir, il semble que de nombreuses personnes qui, autrefois, ignoraient complètement la politique, ou fondaient toute leur pratique politique sur la poursuite de réformes insignifiantes et éphémères parallèlement à la ’conscientisation’, sont maintenant confrontées, ironiquement, à la thèse fondamentale avancée par les auteurs vulgaires et obscurs du Communisme nihiliste :

« Tout est fabriqué dans le monde, et le pouvoir découle du contrôle de cette fabrication. Si la fabrication est arrêtée, alors la source de ce pouvoir est interrompue [...] Quand l’industrie arrête tout dans la société, qui autrement est absolument déterminée par elle, elle est libérée de sa pesanteur. Dans cette crise particulière du capitalisme, tout l’enfer se déchaîne ; alors vient le temps de l’organisation. Vous pouvez appeler ça prise de conscience si vous voulez, ça nous est égal. » [20]

En d’autres termes, la nécessité de s’organiser avec et en tant que membres du prolétariat essentiel est devenue évidente, et les conditions sont bien sûr déjà réunies. En même temps, la question est maintenant forcément bouleversée, car les troubles industriels qui ont alimenté la révolte ont été balayés par une série d’émeutes qui, jusqu’à présent, ont été largement limitées aux secteurs de circulation les plus éphémères - c’est-à-dire aux allées du centre-ville et aux grandes surfaces qui servent de centre d’échange final pour les marchandises, ou aux symboles traditionnels du gouvernement, de l’hôtel de ville jusque littéralement la Maison-Blanche, qui ont toujours servi de lieux de pouvoir vides et qui, même si elles sont envahies et pillées, se révèlent finalement creuses.

Cette révolte, formée de nombreuses émeutes et de nombreux actes de solidarité, a maintenant commencé à atteindre la même limite que toutes les émeutes ou activités de solidarité finissent par atteindre. Elle s’est heurtée au ’plancher de verre’ qui nous sépare de l’appareil hautement productif que la pandémie a rendu si visible. [21] Il s’agit en partie d’une question de division internationale du travail, comme l’a expliqué le collectif communiste Chuǎng il y a une demi-décennie, en référence à un précédent cycle de luttes :

Les émeutes d’Athènes, de Barcelone, de Londres et de Baltimore, pour ce qu’elles signifient, ont peu de chances de briser le ’plancher de verre’ pour parvenir à la production. Même s’ils le faisaient, le résultat serait que des gens rempliraient de simples espaces logistiques - ports, magasins à grande surface, cours de triage, universités, hôpitaux et gratte-ciel, tous rapidement réduits à des déserts de pièces vides et de conteneurs d’expédition après que les choses intéressantes aient été pillées - ou tout au plus une poignée d’usines de hautes technologies fabriquant des marchandises spécialisées, sans accès aux matières premières ou aux connaissances nécessaires pour les faire fonctionner. En Chine, cependant, les connaissances en ingénierie et les compétences techniques de base sont très répandues, les chaînes d’approvisionnement sont étroitement liées et sont nombreuses au sein des agglomérations industrielles, et le blocage de la production d’un seul complexe d’usines peut empêcher une part importante de la production mondiale d’être mise sur le marché [22].

Cependant, comme il paraît peu probable que de tels événements se répandent en Chine de nos jours, il semble que ces prédictions soient sorties des pages et se retrouvent dans les rues, comme beaucoup d’entre nous au cours du premier mois de cet été chaud qui se sont retrouvés dans ces déserts de pièces vides et de conteneurs d’expédition, se faufilant entre les bras de mannequins mutilés après que toutes les choses intéressantes aient été pillées.

La fonte des neiges

L’hiver froid du premier confinement a maintenant fondu irrémédiablement dans les flammes d’un été chaud que l’on n’avait pas vu depuis des générations. Même dans les Fèltre glacées, la neige s’écoule claire et froide comme de l’eau à travers les contreforts des Dolomites, et nous nous demandons tous combien de temps il faudra pour que Notre-Dame, dans sa basilique, ressente la chaleur des autres villes en feu – en espérant que cette révolte ne soit pas uniquement américaine, mais puisse redonner la lueur des flammes à l’Italie du Nord où, autrefois, elle brûlait si vivement parmi les brigades des autres soldats tombés au combat, leurs drapeaux aussi rouges que le visage de Philly Elmo. Il est vrai qu’il y a des limites à ces événements, et il est vrai que, comme tout cycle de l’histoire, les révoltes ne font que croître et apprendre à travers une frustrante séquence de répétition et d’échec. Rien de tout cela ne signifie que de telles choses sont sans espoir.

Au lieu de cela, chaque nouvelle vague d’émeutes et de révoltes dans le monde a fait progresser ce mouvement sous-jacent plus général - que nous appelons le ’parti historique’- en ajoutant de nouveaux registres tactiques sur le terrain et en rendant des activités autrefois rares comme le pillage de plus en plus naturelles pour les nouvelles générations de jeunes toujours plus radicaux. Chaque vague mérite d’être soutenue, et tout communiste digne de ce nom devrait apporter son soutien non seulement en paroles, mais aussi en actes, plutôt que de s’asseoir derrière la sécurité assommante d’un écran et de souligner les limites évidentes de chaque lutte qui existe actuellement. À long terme, la possibilité de percer le plancher de verre ne devient vraiment envisageable qu’après une série de révoltes de ce type, au cours desquelles ce plancher de verre est rendu perceptible. Lorsque cette frontière est atteinte et que ces lieux sont vidés, le moment est venu de distribuer les biens pillés et de réaffecter les territoires saisis. Malgré les proclamations enivrantes de la CHAZ dans toute sa gloire initiale, nous n’en sommes pas encore là, ni même près. Le fait est que ceux qui considèrent les activités d’aide mutuelle ou les petits projets de permaculture comme une sorte de fin en soi seront finalement humiliés par des résultats complètement inadaptés face aux besoins gargantuesques.

Car une fois cette étape franchit, une autre limite est immédiatement atteinte, celle de la production, qui se présente d’abord non pas comme un problème de capacité de production, mais comme une question d’approvisionnement alimentaire. Comme quelques travailleurs en colère l’ont fait valoir ailleurs : ’ Le plaisir de la communisation pourrait durer trois jours maximum avant que vous ne commenciez à avoir faim ’ [23]. Dans un scénario idéal, cette prise de conscience s’accompagne de nouvelles vagues de travailleurs s’organisant de haut en bas de la chaîne de production, ou du moins d’une certaine forme de radicalisme ravivé au sein de certains segments clés de ce ’ prolétariat essentiel ’. En réalité, l’avancée et l’épuisement de l’émeute et les progrès de l’organisation du travail sont susceptibles d’être disjoints, en particulier lorsqu’il s’agit des formes de travail plus qualifiées ou plus dispersées géographiquement qui sont des types de soutien nécessaires au milieu d’une véritable insurrection. En dire plus, ou rêver d’une vaste révolution internationale, est purement spéculatif, et pas particulièrement utile. Mais il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, la grande majorité des syndicats et des organisations ’socialistes’ restants qui s’organisent réellement parmi ces travailleurs non seulement prennent le parti de la contre-insurrection dans leurs paroles (tout en marmonnant sur la réforme), mais contribuent aussi à réprimer activement toute révolte de ce type qui se produit.

À plus grande échelle, cependant, la question est au moins maintenant éclairée par Notre-Dame aux Palmes. Le confinement est une chose étrange, qui, à bien des égards, provoque le type de transformations dans la conscience individuelle qui n’est normalement engendré que lors d’actions collectives :

D’une manière étrange, l’expérience subjective est un peu comme celle d’une grève de masse - mais qui, par son caractère non spontané, imposé et, surtout, par l’hyper-atomisation qu’elle provoque, illustre les problèmes fondamentaux de notre propre présent politique asphyxié aussi clairement que les véritables grèves de masse du siècle précédent ont éclairé les contradictions de leur époque. La quarantaine est donc comme une grève vidée de ses caractéristiques ordinaires, mais néanmoins capable de provoquer un choc profond à la fois sur le plan psychique et économique [24].

Plusieurs millions de personnes réfléchissent au moins à certaines des questions qui, jusqu’à très récemment, étaient du ressort exclusif des utopies de la science-fiction et des groupes de réflexion communistes. La première de ces questions est la prise de conscience que, malgré l’effondrement apparent d’une grande partie de l’économie, les choses les plus importantes, les plus humaines, sont bien demeurées. Certains d’entre nous pourraient (assez stupidement) se sentir coupables de l’admettre, mais ce bref moment de ne pas avoir à travailler (ou de ne pas avoir à travailler très dur), tout en pouvant encore manger et se loger, était en fait très cool ; et n’est-il pas étrange que nous nous soyons tous convaincus depuis si longtemps que défendre cette capacité de base d’une société à notre niveau de puissance productive (où nous pouvons, en fait, nourrir, loger et rendre tout le monde en bonne santé, gratuitement) est à la fois utopique et totalitaire ?

Il est certain que nous avons tous l’impression d’être au bord d’une falaise et que des questions se profilent à l’horizon sur ce qu’il adviendra de l’approvisionnement en nourriture, de ceux qui n’ont pas encore d’abri, de moi, de vous, de nos amis et de notre famille si le propriétaire tente réellement d’appeler la police pour qu’il vienne expulser tout le monde. Et toutes ces choses sont maintenant aggravées par la question de savoir ce qui se passe après que les magasins aient été pillés ou brûlés jusqu’au sol, ou lorsque les flammes se sont propagées par inadvertance dans les quartiers résidentiels, ou quand les accusations commencent à s’accumuler après que les membres progressistes du conseil municipal et les dirigeants de la communauté ont rejeté la demande populaire d’amnistie. Oui, c’est une véritable crainte, car ce sont de véritables menaces. Et soudain, il y a un nouveau type de motivation étrange que beaucoup commencent à ressentir : l’envie d’aider, de défendre, de protéger cette grâce mystérieuse qui existe comme une brève ouverture, un bref aperçu de quelque chose d’autre qui ne se révèle que momentanément à travers la forêt de l’angoisse. Que pouvons-nous penser d’autre, vraiment, lorsque nous voyons que les émissions de carbone ont, pour la première fois peut-être de toute notre putain de vie, en fait diminué d’un cran - et que ce n’est pourtant pas assez ? Que le massacre de la sixième extinction de masse pourrait, pour un instant connaître un léger reflux dans sa marée de sang apparemment inexorable ? Encore une fois, la réalité semble maintenant nous crier le mot ’communisme’ à chaque instant. La Vierge aux Palmes a peint le tableau, et vous ne pouvez pas fermer les yeux plus longtemps.

[1Feltria perpétuo niveum damnata rigore

[2C’est le sanctuaire des SS. Vittore e Corona , contenant au moins certaines des reliques de ces deux saints. D’autres reliques, ainsi qu’un sanctuaire d’orfèvrerie complexe, se trouvent dans une cathédrale à Aix-la-Chapelle, en Allemagne.

[3Il semble que l’association de Sainte-Corona à la prévention des maladies puisse être attribuée à un village spécifique en Autriche, et ne semble pas avoir dépassé ce stade jusqu’à présent. Pour plus de détails, voir : Matthew Taub, La Sainte-Corona est-elle une gardienne contre les épidémies ? Atlas Obscura, 31 mars 2020. https://www.atlasobscura.com/articles/saint-corona-epidemics.

[4Cette idée a été largement diffusée ailleurs. Les meilleurs articles sur le sujet sont les suivants : John Smith, Why the coronavirus could spark a capitalist supernova, Open Democracy, 31 mars 2020. https://www.opendemocracy.net/en/oureconomy/why-coronavirus-could-spark-capitalist-supernova/ ; Aaron Benanav, Crisis and Recovery, Phenomenal World, 3 avril 2020. https://phenomenalworld.org/analysis/crisis-and-recovery ; Bue Rübner Hansen, Pandemic Insolvency : Why This Crisis Will be Different, Novara Media, 26 mars 2020. https://novaramedia.com/2020/03/26/pandemic-insolvency-why-this-economic-crisis-will-be-different/ ; Michael Roberts, The post-pandemic slump, Blog de Michael Roberts, 13 avril 2020. https://thenextrecession.wordpress.com/2020/04/13/the-post-pandemic-slump/

[5Cette illusion a une histoire bien plus ancienne, bien sûr, et elle est ancrée dans une forme particulièrement dégénérée de « marxisme », telle que filtrée par la grande tragédie russe. En effet, les seules fois où « l’État » a porté seul la couronne du pouvoir réel ont été celles où tous les autres appendices de l’économie ont été massacrés dans la grande effusion de sang de la guerre et de la révolution. Épargné, il s’est emparé de la couronne dans la terre gorgée de sang et a dansé sur les champs de bataille du XXe siècle, peignant le mirage que l’État était la demeure du socialisme, jusqu’à ce qu’il tombe, épuisé, aux pieds de l’économie mondiale réincarnée.

[6Voir : « Contagion Sociale », Chuang , février 2020. https://lundi.am/Contagion-sociale

[7Les autres composantes majeures, telles que la soumission à la violence excessive de l’État et une exposition beaucoup plus grande à l’exclusion de l’économie salariée, ont été documentées de manière très détaillée ailleurs et constituent les points de référence les plus courants pour la compréhension de la race pour la plupart des communistes. Ces points ne sont nullement erronés, mais ils sont parfois mobilisés d’une manière qui tente de réduire le capitalisme à de simples explications « économiques » ou « politiques », en mettant l’accent sur l’exclusion du salaire (en parlant de « populations excédentaires racialisées ») et l’exposition à la violence directe de l’État (en parlant de la gestion de ces populations par une sorte de « nécropolitique ») et en traitant les questions de santé, d’environnement et même de géographie générale comme secondaires. Au lieu de cela, une compréhension correctement communiste de la race devrait voir au travers de ces facteurs politico-économiques pour saisir l’échelle socio-écologique beaucoup plus grande de l’enfer capitaliste, dans lequel l’exclusion économique et politique est soutenue par une violence indirecte beaucoup plus fondamentale dans la vieille (et souvent littéralement héritée ) et mauvaise distribution des problèmes de santé provenant de la géographie inégalitaire de la dévastation environnementale (ici incluant à la fois l’environnement à grande échelle des écosystèmes, des bassins versants, etc. mais aussi l’environnement à petite échelle du corps humain et de son microorganisme, qui sont tous deux inclus dans le concept de Marx du métabolisme de la nature où le corps humain et le corps non-humain agissent l’un sur l’autre). Il est important de se rappeler l’accent mis par Marx lui-même sur le fait que toutes les formes de production impliquent fondamentalement une interaction métabolique entre les humains et le monde non humain, et que le capitalisme déséquilibre ce métabolisme. Il s’ensuit qu’un tel déséquilibre produira des géographies de destruction inégales, qui se décomposent selon les mêmes lignes d’inégalité sociale que celles observées ailleurs. Quelques universitaires, cependant, se distinguent pour avoir souligné ces points, comme la géographe Ruth Wilson Gilmore, qui a écrit sur le lien entre race, environnement et santé publique, et comme Kohei Saito, qui a fourni le compte rendu théorique le plus détaillé du contexte plus général de la poussée du capitalisme en direction de la dévastation de l’environnement.

[8Les mécanismes exacts qui conditionnent de tels changements épigénétiques n’ont commencé que récemment à être systématiquement étudiés, mais les disparités raciales qui les sous-tendent sont déjà claires. Voir : Alexis D. Vick et Heather H. Burris, « Epigenetics and Health Disparities », Curr Epidemiol Rep., Volume 4, Numéro 1, 2017. pp.31-37. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5327425/

[9Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (agence fédérale américaine) NDT

[10Voir le rapport hebdomadaire sur la morbidité et la mortalité des CDC, 5 mai 2017 : https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/66/wr/mm6617e1.htm?s_cid=mm6617e1_w

[11James Pasley, “Inside Louisiana’s horrifying ‘Cancer Alley,’ an 85-mile stretch of pollution and environmental racism that’s now dealing with some of the highest coronavirus death rates in the country,” Business Insider, 9 April 2020. https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/66/wr/mm6617e1.htm?s_cid=mm6617e1_w

[12L’espérance de vie est de 48 ans pour les hommes et de 52 ans pour les femmes, contre 62,7 et 65,6 ans, par exemple, en Afghanistan. Pour un aperçu de l’épidémie de suicide, voir : Amanda Cordova, « Guest Post : Teen suicide epidemic on Pine Ridge Reservation », The Colorado Independent . 25 octobre 2019. https://www.coloradoindependent.com/2019/10/25/mental-health-suicide-teen-pine-ridge/

[13. Pour un compte rendu systématique de ces cas et de nombreux cas similaires, voir : Dorceta Taylor, Toxic Communities : Environmental Racism, Industrial Pollution and Residential Mobility. NYU Press, 2014. pp.56-62

[14Jeva Lange, “The Navajo Nation outbreak reveals an ugly truth behind America’s coronavirus experience,” The Week, 21 April 2020. https://theweek.com/articles/909787/navajo-nation-outbreak-reveals-ugly-truth-behind-americas-coronavirus-experience

[15Kulkarni, SC., A. Levin-Rector, M. Ezzati and C. Murray. “Falling behind : life expectancy in US counties from 2000 to 2007 in an international context”. Population Health Metrics. Number 9, 2011.https://pophealthmetrics.biomedcentral.com/articles/10.1186/1478-7954-9-16

[16James H. Price, Jagdish Khubchandani, Molly McKinney and Robert Braun, « Racial/Ethnic Disparities in Chronic Diseases of Youths and Access to Health Care in the United States », Biomed Res Int. 2013. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3794652/

[17Chaine de grande distribution régulièrement prise pour cible par les manifestants lors du soulèvement George Floyd. NDT

[18Pour l’étude complète, voir : Chuck Collins, Omar Ocampo and Sophia Paslaski, “Billionaire Bonanza 2020 : Wealth and Windfalls, Tumbling Taxes, and Pandemic Profiteers,” Institute for Policy Studies, 2020. https://ips-dc.org/billionaire-bonanza-2020/

[19Monsieur Dupont, Nihilist Communism, Ardent Press, 2009. p. 22

[20Ibid, p. 25 et 27

[21Le terme « plancher de verre » remonte à un autre groupe communiste obscur, cette fois français, qui écrivait sur les limites de l’une des premières grandes émeutes qui ont eu lieu au cours des dernières décennies de révoltes, elle-même déclenchée par un meurtre policier à Athènes. , Grèce : Théo Cosme, « The Glass Floor », Les Émeutes en Grèce , Senonevero, avril 2009. http://senonevero.communisation.net/1/article/les-emeutes-en-grece

[22« No Way Forward, No Way Back », Chuang , Numéro 1 : Dead Generations , 2016. http://chuangcn.org/journal/one/no-way-forward-no-way-back/

[23AngryWorkers, Class Power on Zero Hours, PM Press, 2020.

[24« Social Contagion », Chuang , février 2020. http://chuangcn.org/2020/02/social-contagion/

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