La force de fuir : Michael K de J.M. Coetzee

Lecture et analyse

paru dans lundimatin#284, le 19 avril 2021

Alain Parrau revient ici sur le livre de J.M. Coetzee, Michael K, sa vie son temps, pour lequel son auteur a reçu le Prix Nobel en 2003. En insistant sur le motif de la fuite et le personnage de Michael K, il livre dans ce texte passionnant une analyse de certains aspects du pouvoir (les camps, la nourriture, la lumière, etc.) et de la manière de s’y soustraire.

« Puis il enleva ses chaussures, les pendit à son cou, marcha sur la pointe des pieds jusqu’à la clôture, derrière les latrines, lança le baluchon de l’autre côté, et grimpa. À un moment, à cheval sur la clôture, son pantalon accroché au barbelé, il dessina une belle cible devant le ciel d’argent bleuté ; mais il se libéra et fila » [1].

Dessiner une cible, puis se libérer et s’enfuir : toute la vie du personnage central du roman de J.M. Coetzee est marquée par la tension entre immobilité et mouvement, enfermement et évasion. Traversé de forces contradictoires, celles du pouvoir et de la résistance au pouvoir, Michael K suit des routes, des chemins à l’intérieur d’un territoire, parcoure des espaces et des temps singuliers. Ces trajets sont aussi ceux du « Je », une série d’épreuves et d’obstacles à surmonter, à travers lesquels le personnage s’efforce de découvrir qui il est, ce qu’il veut vraiment, comment vivre. Ces déplacements ont lieu dans une atmosphère lourde de menaces, celle d’une guerre civile, d’émeutes urbaines, de foules de « centaines de milliers d’individus trottinant comme des cafards, affolés par la guerre », d’interventions brutales de la police et de l’armée, d’arrestations et d’emprisonnement. L’Afrique du Sud des années quatre-vingt, la violence de l’apartheid, la répression menée par cet Etat forment le fond politique et historique du roman. Mais les mots « ennemis », « guerre », « déserteur », « insurgé », « extermination », « camp », « couvre-feu », ne renvoient dans ce texte à aucune conjoncture précise : ce sont les noms des forces qui enveloppent Michael K, le menacent ou parfois l’attirent, les signes et emblèmes des personnes et des institutions qui vont surgir devant lui au cours de son errance, pour tenter de l’interrompre ou lui imposer telle ou telle direction. Michael K refuse d’être partie prenante dans cette guerre [2], c’est un « simple d’esprit » [3], « une âme qui a eu la grâce de n’être effleurée ni par les doctrines ni par l’histoire » [4]. Cette extériorité obstinée de Michael K à l’antagonisme politique qui transparaît dans les situations décrites n’est pas revendiquée en tant que telle : à peine semble-t-elle choisie. Elle paraît plutôt venir d’un en-deçà de la conscience, puiser sa force dans une nature élémentaire, brute, celle d’une pierre par exemple, « une petite pierre dure, à peine consciente de ce qui l’entoure, absorbée en elle-même et dans sa vie intérieure. Il traverse toutes ces institutions, ces camps, ces hôpitaux et Dieu sait quoi d’autre comme une pierre. Il traverse les intestins de la guerre » [5]. Sur cette passivité, sur ce refus se heurtent et s’épuisent tous les discours, celui de Robert, l’homme révolté du « camp de réinsertion » qui veut « réveiller » Michael K [6], comme celui du médecin militaire qui veut le soigner et le « rééduquer ». Parce qu’il ne dialogue pas, ne répond pas, parce qu’il se place en dehors de la logique de l’opposition, de la revendication ou du combat d’idées, Michael K est un puissant révélateur des forces qui déchirent cette société en crise, imposent aux individus des choix décisifs et façonnent leur intimité. L’Etat lui-même, malgré ses organes de contrôle et de répression, ses institutions disciplinaires, reste finalement impuissant face à Michael K. Il n’est pas un ennemi, mais un déchet, un rebus, quelqu’un « qui n’aurait jamais dû naître dans un monde comme celui-ci » [7], quelqu’un dont l’insignifiance et l’inertie muette possèdent le pouvoir mystérieux d’échapper à la loi du pouvoir, et d’en exhiber la limite : « L’Etat vit sur le dos de fouilleurs de terre comme Michael ; il dévore le produit de leur labeur et leur chie dessus en retour. Mais quand l’Etat a tamponné un matricule sur Michael et l’a avalé, il perdait son temps. Car Michael a traversé les entrailles de l’Etat sans être digéré ; il est sorti de ses camps aussi intact que de ses écoles et de ses orphelinats » [8].

« Un artiste de l’évasion »

Seul, âgé de trente et un ans, Michael K travaille depuis plusieurs années comme jardinier municipal au Cap. On ne sait pas s’il est blanc, noir ou métis. Il est affecté depuis sa naissance d’un bec-de-lièvre ; sa mère, domestique, ne s’est jamais habituée à « cette bouche qui refusait de se fermer » et a rapidement placé son fils dans un orphelinat. La blessure physique est aussi sociale et psychologique : dès le début Michael K est un être marqué, infériorisé, privé d’autonomie [9]. Mais il n’est pas encore le vagabond, le fugitif, le sans abri à la recherche d’un lieu qui lui soit propre. Il se décide à quitter la ville pour répondre au souhait de sa mère, malade, qui veut retourner à la campagne, retrouver avant de mourir la ferme de son enfance. Le projet maternel met Michael en mouvement, et avec lui vont surgir les profondeurs d’une société en proie à la violence, à l’indifférence et à la suspicion ; les institutions et les hommes d’un Etat qui contrôle, arrête, enferme et, parfois, tue.

Partir : ce simple projet est déjà entravé. Pour quitter le Cap il faut un permis, les autorités ayant instauré un contrôle des déplacements individuels. Dans l’attente de cette autorisation, Michael s’installe avec sa mère dans la chambre de cette dernière, un ancien réduit sombre et humide, sans éclairage ni ventilation. On peut voir sur la porte un avertissement significatif : « un crâne et des tibias peints en rouge, surmontant la légende DANGER » [10]. Quitter cette chambre et cette ville devient effectivement une question de vie ou de mort. Une émeute aussi soudaine que terrifiante se produit un soir dans leur quartier : « assis côte à côte sur le lit, osant à peine respirer, ils se convainquirent que la guerre, la vraie, était arrivée à Sea Point et qu’elle avait fondu sur eux » [11]. Secouée d’explosions de violence imprévisible, envahie de sans-abri et d’indigents, la ville devient source de peur et d’angoisse : « S’ils sombraient dans cet océan de bouches affamées, se dit K, quelle chance de survie auraient-ils, sa mère et lui ? » [12]. Aucune explication n’est donnée, le texte nous faisant simplement sentir la menace et la nécessité, physique et mentale, de partir.

Cette menace initiale, ainsi que la réticence évidente des autorités à leur accorder l’autorisation de quitter le Cap, poussent Michael à choisir l’illégalité : il décide de partir sans permis. Avec sa mère qu’il installe dans une charrette improvisée, ils forment un couple étrange, un peu burlesque ; mais dans les rues apparaissent toutes sortes de véhicules hétéroclites, témoins de la même volonté acharnée de fuir, flot immaîtrisable d’une foule apeurée : « On commençait à voir dans les rues des véhicules de plus en plus étranges : des chariots de supermarché équipés de guidons de manœuvre ; des tricycles munis d’une caisse à l’arrière ; des paniers montés sur des châssis de charrette à bras ; des cageots à roulettes ; des brouettes de toutes tailles » [13]. Ce premier départ est interrompu par l’intervention de soldats ; Michael et sa mère rebroussent chemin. Deux jours plus tard ils repartent, empruntant cette fois-ci des petites routes moins surveillées.

Michael K arrivera à destination, mais seul. Sa mère décède dans un hôpital peu après leur départ, et c’est avec une boîte contenant ses cendres qu’il continuera son trajet. Entre-temps, il aura été menacé d’être dévalisé par des inconnus ; arrêté par un soldat « braquant sur son cœur une carabine automatique », qui le prend pour un voleur ; contraint de se cacher pour éviter les routes et leurs convois militaires. À l’entrée d’une ville, un barrage de police le surprend ; il est condamné, avec cinquante autres personnes, à réparer une voie de chemin de fer détruite par un glissement de terrain. Frappés, mal nourris, enfermés dans des wagons, ces hommes sont utilisés comme une main-d’œuvre gratuite, exploitable sans merci : « Ils trimèrent jusqu’à minuit, semblables à des somnambules. Lorsque enfin on les ramena à leur wagon, ils s’endormirent entassés les uns contre les autres sur les banquettes ou affalés sur le sol nu, les fenêtres fermées pour se protéger du froid mordant des hauteurs [...] Épuisé, gelé, K se coucha en serrant dans ses bras la boîte de cendres » [14]. Peu après tous ces hommes sont abandonnés dans une gare de triage « pour les laisser reprendre leurs vies interrompues » [15]. Lorsque Michael arrive enfin dans la ferme de sa mère, celle-ci est à l’abandon et en partie détruite. Il s’y installe pourtant, défriche et irrigue un terrain, sème des graines de potiron, se nourrit d’oiseaux qu’il tue avec un lance-pierres : « Il vivait au rythme du lever et du coucher du soleil, dans une enclave qui échappait au temps. Le Cap, la guerre, le parcours qui l’avait amené à la ferme s’enfonçaient de plus en plus dans l’oubli » [16]. Mais l’arrivée d’un déserteur qui se prétend le petit-fils du propriétaire l’oblige à quitter la ferme. Il repart, est à nouveau arrêté ; condamné pour avoir « quitté sans autorisation sa circonscription de résidence, être dépourvu de pièce d’identité, avoir violé le couvre-feu, et avoir fait du tapage en état d’ébriété » [17], il est incarcéré dans un « camp de réinsertion », d’où il s’enfuira pour retrouver la ferme et reprendre sa vie « hors d’atteinte des calendriers et des horloges, dans un coin qu’avait touché la grâce de l’oubli, entre la veille et le sommeil » [18]. Cette vie à l’abri de la violence de l’histoire sera de nouveau brutalement interrompue par l’arrivée de soldats ; considéré par erreur comme un « insurgé », il est incarcéré dans un autre « camp de rééducation », mais son état est tel qu’il est hospitalisé à l’infirmerie du camp et pris en charge par un médecin militaire [19]. Il s’évadera de nouveau pour revenir, à la fin du livre, dans le quartier de Sea Point au Cap, son point de départ.

« Tu es un grand artiste de l’évasion, un fugitif parmi les plus grands : je te tire mon chapeau ! » [20]. Ainsi s’exprime, admiratif, le médecin militaire. Mais l’évasion n’est pas chez Michael une révolte réfléchie ; acte solitaire d’un individu à l’écart de tout engagement politique, elle ne propose aucune figure d’une protestation collective. Un trait remarquable du personnage de J.M. Coetzee est son refus de la violence alors même que, sous des formes subtiles ou brutales, il la subit partout : à l’hôpital, dans les camps, sur les lieux de travail, dans la rue. L’idée d’une violence libératrice ne l’effleure jamais ; il ne participe pas à l’émeute, et son seul contact avec les « insurgés » reste affectif, non politique [21]. Seule la nécessité de manger le pousse à tuer un animal ; mais il doit surmonter une peur et une culpabilité qui révèlent à quel point l’exercice de la violence lui est étranger : « Il avait du mal à croire qu’il était devenu ce sauvage au couteau brandi ; il ne parvenait pas non plus à se défaire d’une peur : quand il allait plonger la lame dans le cou du bouc tacheté de brun et de blanc, le couteau n’allait-il pas se replier et lui couper la main ? » [22].

Michael se défend avec la seule arme qu’il lui reste : la fuite, l’évasion. Celle-ci n’est pas seulement le refus de l’affrontement, la marque d’une infériorité ou d’une incapacité. La force de fuir est aussi une puissance : si elle met à nu la violence du pouvoir, c’est dans la mesure où elle l’offense. L’offense ne se réduit pas à un face à face entre l’individu et l’Etat. Lorsqu’il s’évade, Michael inscrit dans l’espace et le temps une trace qui ne s’effacera plus, un accroc que le pouvoir ne peut annuler. L’évasion affirme la liberté irréductible du sujet, une liberté qui brille aux yeux de tous – et pour cette raison, dans les camps de concentration, les tentatives d’évasion étaient cruellement punies, dans une mise en scène publique qui visait à réaffirmer la toute puissance du pouvoir. Dans un passage éclairant de son livre Empire, Antonio Negri rapproche Michael de Bartleby, le héros de la nouvelle de Melville : « Michael K est aussi une figure du refus absolu. Mais tandis que Bartleby est immobile, presque pétrifié dans sa passivité pure, K est toujours debout, toujours en mouvement [...] Son refus de l’autorité est aussi absolu que celui de Bartleby, et ce refus absolu atteint lui aussi, dans sa simplicité, un degré de pureté ontologique » [23].

Le sommeil et la terre

« ‘Je n’ai jamais vu personne d’aussi endormi que toi, dit Robert – Oui’, répondit K, surpris que Robert l’ait remarqué, lui aussi » [24]. « Endormi » doit être pris au pied de la lettre : Michael dort beaucoup tout au long de ses déplacements. Au début, après la mort de sa mère, et avant d’atteindre la ferme, il témoigne d’une facilité à dormir exceptionnelle : « N’ayant rien à faire, il dormait de plus en plus. Il découvrit qu’il pouvait dormir n’importe où, n’importe quand, dans n’importe quelle position : sur le trottoir, à midi, malgré les passants qui enjambaient son corps ; debout contre un mur, la valise entre les jambes. Le sommeil s’installa dans sa tête comme un brouillard bienveillant ; il n’avait pas la volonté d’y résister » [25]. Plus tard, lorsqu’il se retrouve pour la deuxième fois dans la ferme de sa mère, il mène une vie rythmée par le travail de la terre (il fait pousser des potirons, des courges, des melons) et de longues périodes d’oisiveté, bientôt envahies par le sommeil : « Il dormait de plus en plus. Il ne s’attardait plus au dehors une fois sa besogne finie, assis à regarder les étoiles, à écouter la nuit, il n’allait plus se promener dans le veld ; il se fourrait dans son trou et sombrait dans un sommeil profond » [26]. Il pense alors à sa vie comme à celle d’un « parasite endormi dans un boyau ». Michael perd peu à peu toute conscience du temps : « Pendant de longues périodes, il restait plongé dans une torpeur grise, trop las pour s’arracher au sommeil » [27] ; « Il accédait parfois à l’état de veille sans savoir s’il avait dormi un jour, une semaine ou un mois » [28]. Cette période d’enfouissement dans le sommeil sera interrompue par l’arrivée de la police, qui l’envoie dans un camp de « rééducation ».

Parce que Michael ne trouve nul abri pour dormir [29], il réussit à faire du sommeil lui-même un abri [30]. Le sommeil dit non aux exigences et aux menaces du jour, un non obstiné et têtu, où s’affirme simplement le désir d’être soi sans être inquiété. Le sommeil est une évasion immobile, une façon de fuir le lieu où l’on est, confirmée par ce rêve aérien : « Il s’endormit facilement et rêva qu’il courait aussi vite que le vent le long d’une route dégagée, tandis que le chariot flottait derrière lui sur des pneus qui effleuraient à peine le sol » [31]. La passivité du dormeur le soustrait au monde ; mais dans cet irrépressible retrait, Michael se lie secrètement aux animaux et à la terre, il devient lui-même un animal « fouilleur de terre » : « Je ressemble plutôt à un ver de terre, pensa-t-il [...] Ou à une taupe, qui jardine, elle aussi, et ne raconte pas d’histoire parce qu’elle vit dans le silence » [32]. Comme l’animal du Terrier de Kafka, Michael s’est construit lui aussi un « terrier tartiné de boue » ; comme lui, il rêve de pouvoir dormir à l’abri de la terre, protégé par elle : « Il entreprit de ramper vers son trou comme un ver, une seule idée en tête : que la nuit tombe vite, que la terre m’engloutisse et me protège » [33]. Le médecin militaire imagine Michael comme « un être qui, à l’état de veille, est toujours penché sur la terre, qui, lorsque son heure sonne enfin, creuse sa propre tombe, s’y glisse paisiblement, et tire la lourde terre par-dessus sa tête comme une couverture, le visage fendu d’un dernier sourire, après quoi il se tourne et sombre dans le sommeil, enfin rentré chez lui » [34].

L’évasion ouvre l’espace ; l’enfouissement le referme. Mais dans les deux cas Michael veut échapper à la violence du pouvoir. Lorsqu’il imagine que des déserteurs ou des policiers en congé pourraient venir à la ferme et faire de lui leur serviteur, c’est à la terre qu’il demande protection : « Ne vaudrait-il pas mieux se cacher nuit et jour, ne vaudrait-il pas mieux s’enfouir dans les entrailles de la terre, plutôt que de devenir leur chose ? » [35]. La terre qu’il parcourt librement, ou celle dans laquelle il s’enfonce, est irréductible à la loi du pouvoir. Elle porte en elle une souveraineté inatteignable, indestructible, celle de la nature, qu’évoque aussi Robert Antelme dans L’Espèce humaine lorsqu’il écrit que les vaches, les nuages, les arbres « sont plus forts » que les SS [36]. Michael, qui se sent lié par « un cordon de tendresse » à son potager, a un contact émotionnel, immédiat et pratique avec cette souveraineté : le jardinage, le travail de la terre, qui lui permet de se nourrir et au nom duquel il renonce à suivre les « insurgés », comme s’il était le gardien d’une vérité que la guerre risquait de faire oublier : « Alors, il fallait que des hommes restent en arrière pour maintenir en vie le jardinage, ou au moins l’idée de jardinage ; parce qu’une fois que ce cordon serait coupé, la terre durcirait et délaisserait ses enfants » [37]. Partir avec les insurgés, ce serait rompre ce lien vital, solitaire, presque secret, au profit du combat, de l’entrée dans une communauté de pensée et d’action ; ce serait entrer dans l’histoire. Mais Michael, comme le dit le médecin militaire, « qui rêve de couvrir le désert de fleurs de potiron », est parvenu « à vivre à la manière ancienne, dérivant au fil du temps, soumis aux saisons, n’essayant pas plus de changer le cours de l’histoire que ne le fait un grain de sable » [38]. Tant qu’il n’était qu’un simple jardinier municipal, à l’abri du besoin, il ne percevait pas l’importance décisive de ce rapport à la terre ; seule l’expérience du dénuement, la volonté de vivre dans un lieu à l’écart de toute société humaine lui révèlent cette vérité. Michael n’éprouve pas le désir de chercher dans la nature une « alliée », comme le fait Antelme, car il est devenu lui-même une sorte d’homme à l’état de nature, mangeant, en attendant la maturation des légumes de son potager, des insectes, des larves, des racines, « comme s’il avait jadis été un animal » [39]. La terre est la condition de toute vie et de toute histoire ; mais elle n’est pas non plus absolument hors de l’histoire, dès lors que le travail constitue la médiation entre l’une et l’autre. Et contrairement au déporté (« Je ne peux pas créer quelque chose qui se mange. C’est cela l’impuissance » écrit Antelme), Michael peut « créer quelque chose qui se mange ».

La nourriture et le pouvoir

« Tandis qu’il s’occupait des graines et surveillait, attendant que la terre porte des fruits nourrissants, son propre besoin de nourriture s’amenuisait de plus en plus. La faim était une sensation qu’il n’éprouvait pas et dont il se souvenait à peine. S’il se nourrissait, mangeant ce qu’il pouvait trouver, c’était qu’il n’avait pas encore rejeté la croyance que les organismes qui ne s’alimentent pas meurent » [40]. Alors même qu’une grande partie de son temps est consacrée à la nourriture, aux moyens de s’en procurer et de la produire, Michael perd la sensation de la faim. Cette perte, comme le sommeil excessif qui l’envahit peu à peu, fait de lui un être près de se métamorphoser : « Je deviens une autre espèce d’homme, pensa-t-il, s’il existe deux espèces d’hommes [...] De jour en jour, je deviens plus petit, plus sec, plus dur » [41]. La perte de la faim est la perte du manque par excellence, celui qui définit le vivant en tant que tel, la perte de l’épreuve du « rien à manger » où l’homme se découvre absolument impuissant, livré à la loi nue et implacable du besoin : « Comment manger ? Quand il n’y a rien, il n’y a donc vraiment rien ? Il est possible qu’il n’y ait vraiment rien. Oui, c’est cela que veut dire : il n’y a rien » écrit Antelme [42]. Au regard de l’expérience du déporté, de l’homme affamé (du fait de l’oppression, de la guerre, de récoltes insuffisantes), Michael semble effectivement appartenir à une autre espèce : libéré du besoin, du manque, tel un être auto-suffisant qui pourrait presque, devenant de plus en plus maigre, de plus en plus léger, s’élever au- dessus de la terre, voler : « J’ai toujours voulu voler. J’étendais les bras et je pensais que je volais au-dessus des barrières, entre les maisons » [43]. Maigrir, au point de devenir aussi léger qu’une brindille, ou qu’un insecte : « Tu es un phasme qui a atterri, Dieu sait comment, au milieu d’une vaste plaine déserte », lui dit le médecin militaire [44]. Maigrir, s’évader : si éloignées qu’elles paraissent, ces deux réactions de l’homme menacé ont un point commun essentiel, elles disent toutes les deux non à la violence du pouvoir. La perte de la faim se transforme, au camp de « rééducation », en privation volontaire, le refus de manger de Michael devient protestation de tout son corps contre la vie mutilée qui lui est imposée. Lorsqu’il arrive au camp, il présente tous les signes d’une malnutrition prolongée et pèse moins de quarante kilos. « Pourquoi tenez-vous à m’engraisser ? », demande-t-il au médecin militaire. La réponse éclate comme une vérité obscène : « Mange, refais tes forces pour pouvoir les épuiser de nouveau à nous obéir » [45].

Le pouvoir, ici, n’affame pas, il veut nourrir, mais pour transformer le corps de Michael en chose disponible, exploitable, « pour qu’un jour proche il puisse se mêler à la vie du camp et avoir la possibilité de défiler le long du champ de courses, de crier des slogans, de saluer les couleurs et de s’entraîner à creuser des trous et à les combler à nouveau » [46]. Le corps en tant que tel devient l’enjeu décisif de la relation entre individu et pouvoir : soumission ou résistance, corps objectivé et manipulé ou corps traversé par le désir de liberté, jusqu’au risque de la mort [47]. La volonté de nourrir Michael est bien celle du biopouvoir analysé par Foucault, la volonté « d’infiltrer en profondeur le corps réifié et de prendre ainsi possession de l’organisme dans son ensemble » [48]. Dans un passage extraordinaire du livre le médecin militaire, bouleversé par la révélation d’une vérité qui va le transformer radicalement, le faire passer « du côté » de Michael, s’adresse ainsi à lui : « Ton corps rejetait la nourriture dont nous te gavions, et tu devenais de plus en plus maigre. Pourquoi ? me suis-je demandé ; pourquoi cet homme refuse-t-il de manger, alors qu’il meurt visiblement de faim ? Puis, à force de t’observer, jour après jour, j’ai lentement commencé à entrevoir la vérité : tu implorais en secret, à l’insu de ta conscience (pardonne-moi ce terme), une autre sorte de nourriture, une nourriture qu’aucun camp ne pouvait te fournir. Ta volonté restait docile, mais ton corps implorait qu’on lui donne sa nourriture à lui, et rien d’autre » [49]. La réponse butée de Michael aux objurgations du médecin, « Je ne peux pas manger de nourriture de camp » [50], est exactement le pendant de celle de Bartleby répondant aux ordres que lui donne l’avoué : « J’aimerais mieux pas » [51]. Gilles Deleuze, dans son étude sur la nouvelle de Melville, présente cette phrase de Bartleby comme « la formule de sa gloire » ; et il ajoute ceci, qui s’appliquerait aussi bien à Michael : « Un homme maigre et livide a prononcé la formule qui affole tout le monde » [52].

Le refus de manger de Michael constitue pour les médecins un mystère incompréhensible. « S’il veut mourir de faim, laisse-le mourir », dit un collègue exaspéré au médecin militaire, qui lui répond : « Ce n’est pas qu’il veut mourir. C’est qu’il n’aime vraiment pas la nourriture d’ici. Il ne l’aime vraiment pas du tout. Il ne veut même pas d’aliments pour bébé. Peut-être qu’il ne mange que le pain de la liberté » [53]. Ce médecin est la seule personne qui se laisse toucher, affectivement et intellectuellement, par Michael ; qui accepte de l’être, d’aller au-delà de l’indifférence ou de l’exaspération qu’il provoque. Les échanges avec son collègue de l’infirmerie, les pensées qui naissent en lui au contact de Michael, traduisent le lent travail d’une vérité qui va peu à peu trouver son langage, et faire du médecin son porte-parole. « On aurait dit qu’il sortait de Dachau », dit encore son collègue à propos de Michael [54]. La référence aux camps nazis n’est pas fortuite ; cette vérité muette, emprisonnée dans un corps dévasté, rappelle celle dont témoigne le « musulman », l’homme réduit à l’impuissance absolue, méprisé, que le pouvoir n’atteint plus : « Les ordres ne servaient à rien, et la violence, elle non plus, n’avait aucun effet. La passivité du ‘musulman’ offensait le pouvoir » [55]. Michael est proche de Jacques, ce détenu qui refuse toute compromission avec la loi du camp, et que « les kapos et les toubibs haïront de plus en plus parce qu’il est de plus en plus maigre et que son sang pourrit » [56] ; Jacques qui va bientôt mourir, et dont la déchéance physique signe la défaite des puissants. Avec Jacques, avec Michael, le pouvoir n’a jamais gagné.

« Nous devrions fixer au mur de l’hippodrome une plaque commémorant ton passage, dit encore le médecin militaire. Mais il n’en sera pas ainsi. La vérité, c’est que tu vas périr obscurément et qu’on va t’enterrer dans une fosse anonyme [...] Et personne ne se souviendra de toi sauf moi » [57]. Plus loin, il fait une référence explicite à Kafka : « Tu n’étais pas un héros, tu ne prétendais pas l’être, pas même un héros du jeûne » [58]. « Un héros du jeûne », ou « Un champion de jeûne » est le titre d’un court récit de Kafka, écrit et publié en 1922. Le personnage, qui jeûne en public, est passé du music-hall au cirque où son attraction n’intéresse plus personne, si bien qu’on finit par se débarrasser de lui et installer à sa place une panthère bien nourrie [59]. Contrairement au personnage de Kafka, qui se prive de nourriture pour réussir un « exploit », la privation de Michael semble n’obéir à aucun objectif particulier : « Il n’y avait derrière ton dépérissement ni idée ni principe » [60]. Il faudrait préciser : ni idée ni principe conscients. C’est le corps de Michael qui parle, sa maigreur effrayante est sœur de celle de Kafka, non pas du personnage du récit mais de l’écrivain lui-même. Elias Canetti a souligné que l’amaigrissement, chez Kafka, était une « stratégie » du corps pour échapper au pouvoir, à la fois celui qu’il pourrait exercer et celui qu’il pourrait subir : « Par une réduction corporelle, il se privait de pouvoir et, ce faisant, y participait moins, cette ascèse étant elle aussi dirigée contre le pouvoir » [61]. Une ascèse dirigée contre le pouvoir : quelle meilleure définition trouver au refus de se nourrir de Michael ?

Le livre de J.M. Coetzee est un des plus grands romans sur le pouvoir moderne. À la fin de l’ouvrage, Michael en donne la formule, qui pourrait s’appliquer à nombre de situations contemporaines : les camps, plus la charité. « Maintenant ils ont des camps pour les enfants dont les parents sont partis, des camps pour les agités qui ont l’écume aux lèvres, des camps pour les gens qui ont de grosses têtes et pour ceux qui ont de petites têtes, des camps pour les gens sans moyens de subsistance apparents, des camps pour les gens installés dans les déversoirs d’orage, des camps pour les filles des rues, des camps pour les gens qui ne savent pas combien font deux et deux, des camps pour les gens qui ont oublié leurs papiers à la maison, des camps pour les gens qui vivent dans les montagnes et font sauter les ponts la nuit [...] J’ai échappé aux camps ; si je fais attention à ne pas trop me montrer, peut-être que j’échapperai aussi à la charité » [62]. La charité est le supplément d’âme de l’enfermement : elle lui donne une légitimité morale, inscrit la violence de l’incarcération dans une volonté de redressement de l’individu. Mais elle attend surtout de Michael une histoire, un récit, celle d’une vie innocente marquée par la souffrance et l’injustice. Une « belle histoire » en somme, qui provoque l’émotion et justifie par avance la charité : « Ils veulent que je leur ouvre mon cœur et que je leur raconte l’histoire d’une vie passée en cage. Ils veulent entendre parler de toutes les cages où j’ai vécu, comme si j’étais une perruche, une souris blanche ou un singe » [63]. Et pour leur plaire, Michael aurait dû inventer « l’histoire d’une vie passée en prison », l’histoire d’un homme que les gardiens maltraitent et insultent : « Une fois mon histoire terminée, les gens auraient secoué la tête, pleins de chagrin et de colère, et m’auraient donné à manger et à boire ; les femmes m’auraient ouvert leur lit et m’auraient materné dans le noir. Mais la vérité, c’est que j’ai été jardinier, d’abord pour la municipalité, puis pour moi, et que les jardiniers passent leur temps le nez dirigé vers le sol » [64]. Michael n’est pas « émouvant » ; en refusant de plaire à ses interlocuteurs, il les frustre du « plaisir qu’on prend à sa propre sensibilité » [65]. Il est celui qui, pour vivre, ne doit laisser « aucune trace de sa vie » [66] : « Pas de papiers, pas d’argent ; pas de famille, pas d’amis ; aucun sens de ta propre identité. Le plus obscur des obscurs ; obscur à un point qui fait de toi un prodige », lui dit le médecin militaire [67]. La disparition de l’identité sociale et familiale réduit Michael à un corps ; son nom est celui d’une vie que seul le contact avec le pouvoir sauve de l’oubli, telle celles de ces « hommes infâmes » dont parle Foucault : « Pour que quelque chose d’elles parvienne jusqu’à nous, il a fallu pourtant qu’un faisceau de lumière, un instant au moins, vienne les éclairer. Lumière qui vient d’ailleurs. Ce qui les arrache à la nuit où elles auraient pu, et peut-être toujours dû, rester, c’est la rencontre avec le pouvoir : sans ce heurt, aucun mot sans doute ne serait plus là pour rappeler leur fugitif trajet [...] Toutes ces vies qui étaient destinées à passer au-dessous de tout discours, et à disparaître sans avoir jamais été dites n’ont pu laisser de traces – brèves, incisives, énigmatiques souvent – qu’au point de leur contact instantané avec le pouvoir » [68].

« Je ne peux pas manger de nourriture de camp » : la réponse de Michael, après avoir exaspéré le médecin militaire, l’attire irrésistiblement : « Lentement, à mesure que ton non obstiné prenait de plus en plus de poids, j’ai commencé à sentir que tu n’étais pas seulement un patient parmi tant d’autres [...] Debout au seuil de la pièce, respirant doucement, écoutant les gémissements et les frôlements des autres dormeurs, j’attendais ; et montait en moi la sensation de plus en plus forte qu’autour d’un de ces lits, d’un seul de ces lits, il y avait un épaississement de l’air, une concentration de ténèbres, un tourbillon noir qui mugissait dans un profond silence au-dessus de ton corps, qui te signalait, sans faire même frémir l’ourlet du drap » [69]. Michael n’a pas besoin de parler ; sa présence seule suffit à bouleverser le médecin, littéralement « saisi » par la puissance dont ce corps endormi est l’incarnation muette : vérité prisonnière du mutisme, de la passivité de Michael, mais qui maintenant est reconnue. En choisissant de devenir sujet de cette vérité, de suivre ce « simple d’esprit » réduit à l’état de squelette, le médecin militaire – l’homme chargé par l’Etat, avec « un vieil hippodrome et une grande quantité de fil barbelé », de « modifier des âmes humaines » [70] – lui prête sa voix, en révèle l’universalité : « Michael signifie quelque chose, et cette signification ne m’est pas personnelle » [71].

Le refus de l’ordre politique et social auquel le médecin participait s’impose alors avec la force d’une promesse, celle d’une libération du corps et de l’âme ; déserter devient la réponse du médecin à l’appel silencieux de Michael, réponse qui passe d’abord par l’acte de « renouer » avec la terre, avec ce qui échappe au pouvoir : « Nous pourrions peut-être commencer par nous débarrasser de nos uniformes, par nous salir les ongles et nous voûter un peu pour nous rapprocher de la terre » [72]. Tout comme Michael est le frère du « moujik » russe, ces hommes « sans voix ni écriture » qui subissent tout le poids de l’oppression, le médecin est proche de Soljénitsyne, celui qui s’identifie aux hommes du dernier rang pour trouver ainsi un accès à la vérité [73].

Mais Michael restera jusqu’au bout un fugitif ; il fuira la seule personne qui le comprenne, comme si la vérité elle-même devait jusqu’à la fin se soustraire à la lumière violente du jour, à la clarté bienveillante de la reconnaissance ou de l’amitié ; comme si Michael refusait d’être enfermé dans sa propre vérité : « Est-ce que c’est un effet de mon imagination, ou est-ce qu’en vérité, à ce moment-là, tu te mettrais à consacrer à la course tes énergies les plus vives, de sorte qu’il serait évident pour le dernier des spectateurs que tu es en train de fuir l’homme qui te poursuit en criant, l’homme en bleu qui a l’air d’un persécuteur, d’un fou, d’un chien assoiffé de sang, d’un policier ? » [74]. Michael s’enfuit avec son secret, comme le fait Dora Bruder à la fin du livre de Patrick Modiano : « J’ignorerai toujours à quoi elle passait ses journées, où elle se cachait, en compagnie de qui elle se trouvait pendant les mois d’hiver de sa première fugue et au cours des quelques semaines de printemps où elle s’est échappé à nouveau. C’est là son secret. Un pauvre et précieux secret que les bourreaux, les ordonnances, les autorités dites d’occupation, le Dépôt, les casernes, les camps, l’Histoire, le temps – tout ce qui vous souille et vous détruit – n’auront pas pu lui voler » [75].

[1J.M. Coetzee, Michael K, sa vie, son temps, traduit par Sophie Mayoux, Seuil, 1985, p.119.

[2« Je ne suis pas dans cette guerre » est une des rares phrases qu’il prononce dans le roman (p.167).

[3« J’étais muet et stupide dès le début, je resterai muet et stupide jusqu’à la fin. Il n’y a pas de honte à être

simple d’esprit. Les simples d’esprit ont été les premiers à se faire enfermer » (p.215).

[4Selon les termes du médecin militaire qui le soigne, dans la deuxième partie du roman (p.182).

[5p.164. C’est le médecin militaire qui s’exprime.

[6« Tu n’es qu’un bébé, dit Robert. Tu as passé toute ta vie à dormir. Il est temps que tu te réveilles » (p.110).

[7p.186-187.

[8p.193-194. C’est le médecin militaire qui s’exprime.

[9« Jusqu’alors, il s’était toujours trouvé quelqu’un pour lui dire ce qu’il devait faire » (p.85).

[10p.15.

[11p.22.

[12p.23.

[13p.31.

[14p.57.

[15p.59.

[16p.77.

[17p..89.

[18p.140.

[19C’est ce médecin qui s’exprime dans la deuxième partie du roman, où il fait un portrait magnifique et

bouleversant de Michael.

[20p.199.

[21Les « insurgés » arrivent une nuit près de la ferme de Michael ; il se cache, les observe de loin. Ils

apparaissent alors comme des êtres étranges et merveilleux, lui donnant un moment le désir de « trotter

derrière eux comme un enfant qui suit une fanfare », de leur donner à manger et, surtout, d’écouter leurs

histoires : « Les histoires qu’ils raconteront seront différentes des histoires que j’ai entendues au camp, parce

que le camp est fait [...] pour des gens qui n’ont à raconter que l’histoire de leur survie » (p.133).

[22p.69.

[23Antonio Negri et Michael Hardt, Empire, Exils Editeur, 2000, p.254-255.

[24p.104.

[25p.47.

[26p.139. Cf. les analyses éclairantes de Pierre Pachet sur le sommeil dans La Force de dormir, op. cit.

[27p.143.

[28p.144.

[29Michael dort dans la rue, sur un lit de cartons ; à l’hôpital, dans une grande cage en grillage pleine de linge

sale ; sous un surplomb rocheux ; dans un bungalow à moitié démoli ; dans un fossé ; dans un wagon entassé

avec les autres prisonniers ; dans une carcasse de voiture ; sur une pile de vieux sacs ; à même la terre ; dans la

ferme dévastée de sa mère ; dans une grotte ; sur la plage de Sea Point. Il ne trouve un lit que dans le camp ou

à l’infirmerie, c’est-à-dire là où il ne peut être véritablement lui-même.

[30C’est cette possibilité de faire du sommeil un abri que le pouvoir veut détruire, en imposant des conditions

matérielles qui rendent le sommeil « normal » impossible, dans les camps par exemple (cf. dans ce volume le

chapitre sur les rêves concentrationnaires). Cette volonté du pouvoir peut aller jusqu’à l’utilisation de la

privation de sommeil comme moyen de torture : voir par exemple le témoignage d’Arthur London, L’Aveu,

Gallimard Folio, 1986.

[31p.84.

[32p.215.

[33p.131.

[34p.193. C’est moi qui souligne.

[35p.130.

[36L’Espèce humaine, op.cit., p.104.

[37p.133.

[38p.183.

[39p.125.

[40p.124.

[41p.85-86.

[42L’Espèce humaine, op.cit., p.151.

[43p.161.

[44p.180.

[45p.196.

[46p.161.

[47« Mais le corps est aussi directement plongé dans un champ politique ; les rapports de pouvoir opèrent sur

lui une prise immédiate ; ils l’investissent, le marquent, le dressent, le supplicient, l’astreignent à des travaux,

l’obligent à des cérémonies, exigent de lui des signes » (Michel Foucault, Surveiller et punir, Gallimard TEL,

1975, p.33).

[48Jürgen Habermas, Le Discours philosophique de la modernité, Gallimard, 1988, p.338.

[49p.196.

p.176.

51

Herman Melville, Bartleby, traduction de Michèle Causse, Garnier-Flammarion, 1989, p.20. La phrase

anglaise, « I would prefer not to », a été rendue en français de plusieurs façons. Deleuze la traduit par « Je

préférerais ne pas ».

[50p.176.

[51Herman Melville, Bartleby, traduction de Michèle Causse, Garnier-Flammarion, 1989, p.20. La phrase

anglaise, « I would prefer not to », a été rendue en français de plusieurs façons. Deleuze la traduit par « Je

préférerais ne pas ».

[52Gilles Deleuze, « Bartleby, ou la formule », postface à l’édition Garnier-Flammarion, p.171.

[53p.176.

[54p.177.

[55Wolfgang Sofsky, L’Organisation de la terreur, op.cit., p.255.

[56L’Espèce humaine, op.cit., p.98.

[57p..183. Le camp de « rééducation » a été installé dans un ancien hippodrome.

[58p.196.

[59Cf., sur le récit de Kafka et le phénomène des « jeûneurs professionnels », le chapitre « La privation

volontaire » dans le livre de Pierre Pachet Aux Aguets, Maurice Nadeau, 2002.

[60p..197.

[61Elias Canetti, L’Autre Procès, op.cit., p.113.

[62p..215. On retrouve dans l’énumération de Michael la population hétérogène, réfractaire aux nouveaux

modèles disciplinaires (prisons, casernes, usines), qu’on enferme au XIXe siècle : « A la naissance de la prison moderne correspond la création des maisons de travail forcé pour les ‘vagabonds oisifs’ et les misérables, les marginaux et les prostituées, voire, lors de la révolution industrielle, les enfants. Pendant la première moitié du XIXe siècle la Grande-Bretagne se dota d’un vaste réseau de workhouses dans lesquelles furent internées des centaines de milliers de personnes » (Enzo Traverso, La Violence nazie, op.cit., p.36).

[63p.214.

[64Ibid.

[65C’est la définition du kitsch que donne Ruth Klüger dans son texte « La mémoire dévoyée : Kitsch et camps »,

in Refus de témoigner, Viviane Hamy, 1997, p.324.

[66p.121.

[67p.172.

[68Michel Foucault, La Vie des hommes infâmes, dans l’anthologie Philosophie, Gallimard, Folio essais, 2004,

p.567-568.

[69p.197. Dans la nouvelle de Melville, l’avoué est lui aussi bouleversé par Bartleby : « Avec tout autre que lui, je

serais aussitôt entré dans une rage folle et, faisant fi des mots, l’aurais ignominieusement banni de ma

présence. Mais il y avait en Bartleby quelque chose qui me désarmait étrangement, bien plus, qui

miraculeusement me touchait et me déconcertait » (p.22).

[70p.161.

[71p.198.

[72p.193.

[73Cf. Les analyses de Claude Lefort dans Un homme en trop, Seuil, 1976, pp.31-38.

[74p. 200.

[75Patrick Modiano, Dora Bruder, Gallimard Folio, 1999, p.144-145. Le récit rapporte l’enquête menée par le

narrateur sur la vie d’une adolescente, Dora Bruder, à partir d’un avis de recherche trouvé dans un vieux

journal de 1941. Elle fut déportée à Auschwitz le 18 septembre 1942.

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