« Il faut se hâter
L’Histoire va fermer. »
Monchoachi Retour à la parole sauvage
le jour n’est plus une fois de plus
la nuit non plus
l’automne obstinément se refuse
couleurs suspendues
de même l’air
de même les pas
les heures pourtant, implacables
et les écrans, chaque écran, le moindre
peu importe s’ils sont dans mon champ de vision ou non
peu importe si le son est réduit, coupé
si je suis à un mètre ou deux, quatre ou cinq
si je suis à cinquante, vingt ou trente centimètres
ou encore dans une pièce voisine, à la fenêtre
le recul, la bonne distance, ne sont plus de mises
il est trop tôt... ou trop tard
mon propre corps est engagé
il l’a toujours été
témoin de gré et de force
de chair et de sang
mon propre corps,
ou devrais-je dire mon propre cadavre
notre propre cadavre
ce regard vitreux
bourreaux et victimes confondus ?
rien ne se confond, rien
notre cadavre n’est pas identique
il n’est pas du même
il n’est pas ce miroir, cet universel
cadavre numérique tout au plus
affaire humanitaire,
de droits battus, débattus et rebattus
le temps de boire la mer à Gaza, je suppose
que les cendres retombent
qu’elles refroidissent
qu’elles finissent par s’entasser,
d’ouvrir une nouvelle voie vers le désert
acacias, pistachiers atlantiques et palmiers surgissant
à perte de vue
nous ne sommes pas à un trompe-l’œil près,
nous ne sommes pas à quoi que ce soit près
l’horizon est ce fil ténu
ce rouge sang obscur oxydé
dire le nom, c’est commencer une histoire,
disait Samuel Makidemewabe, poète Indien Swampy Cree du Canada
dire le nom c’est raconter une histoire, écrit encore Monchoachi,
et écouter les noms, c’est recueillir une histoire
Ghassan Salhab
Dessin : Ali Khodr
