Des dizaines de bateaux pour Gaza

Une flotte s’élancera dès la fin du mois
Vivian Petit

paru dans lundimatin#485, le 14 août 2025

Après les échecs de la flottille de la liberté et de la marche pour Gaza, une nouvelle coalition internationale a annoncé le 4 août dernier à Tunis qu’une centaine de voiliers prendra la mer à la fin du mois d’août. Deux objectifs principaux sont mis en avant : briser le blocus d’une part, attirer l’attention sur la complicité internationale dans le génocide d’autre part.

Avec 2 millions d’habitants pour 360 km², la bande de Gaza est le territoire le plus densément peuplé au monde. Si la ville de Gaza existe depuis l’Antiquité, la « bande » a été créée en 1948 pour regrouper 200 000 des 700 000 Palestiniens expulsés par les milices sionistes lors de la création de l’Etat d’Israël. Occupée depuis 1967, l’enclave est soumise à un blocus terrestre et maritime imposé par Israël avec la complicité de l’Egypte depuis 2007. Aujourd’hui, c’est 1,2 million de personnes qui sont concentrées par l’armée israélienne dans ce qu’il reste de Rafah, soit une superficie de 60km². Ces dernières semaines, Netanyahou n’a pas caché qu’il entend vider Gaza-ville de ses habitants.

Aujourd’hui, selon l’ONU, l’aide humanitaire acheminée à Gaza représente à peine 15% du stock de nourriture nécessaire, plus de 200 personnes sont déjà mortes de faim et la totalité de la population est soumise à un risque de famine. Aussi, en deux mois, plus de mille personnes ont été abattues par l’armée israélienne à l’occasion d’une distribution alimentaire. Selon l’OMS, entre mars et juillet 2025, Israël a empêché l’entrée à Gaza d’une centaine de professionnels de santé. En outre, en bloquant l’acheminement des réactifs utilisés pour tester le sang des donneurs, Israël a provoqué une épidémie d’hépatite.

C’est dans ce contexte que s’est tenue le 4 août à Tunis, dans les locaux de l’Union générale des travailleurs tunisiens, la conférence de presse où fut annoncé le départ prochain de plusieurs dizaines de bateaux pour Gaza (une quarantaine au minimum), dans ce qui est décrit comme « la plus grande mission maritime civile depuis le début du siège en 2007 ». La majorité des bateaux partiront d’Espagne le 31 août. D’autres s’élanceront à leur suite le 4 septembre de Tunisie. Deux objectifs principaux sont mis en avant : briser le blocus d’une part, attirer l’attention sur la complicité internationale dans le génocide d’autre part.

Si l’initiative peut prendre une telle ampleur, c’est notamment grâce au regroupement et à la fédération des différentes campagnes précédentes, qu’il s’agisse des appels à augmenter le nombre de départs à la suite des arraisonnements des bateaux qui ont récemment tenté de rompre le blocus de Gaza, du convoi parti du Maghreb en juin dernier ou de la marche pour Gaza en Egypte, qui avait regroupé 4 000 personnes venues de cinquante pays.

La coalition internationale à l’origine de cette importante flottille se nomme la Global Sumud Flotilla. Le terme arabe sumud, concept au cœur des initiatives internationales de solidarité avec la population palestinienne, est parfois improprement traduit en Occident par le terme « résilience ». Comme l’explique la psychiatre palestinienne Samah Jabr, « Le sumud et la résilience psychologique présentent des similitudes mais diffèrent dans leurs contextes et leurs applications. Alors que le sumud reflète la constance, la persévérance et la capacité à supporter les épreuves et l’adversité, la résilience fait référence à la capacité à se remettre rapidement des difficultés, à s’adapter au changement et à continuer à avancer face à l’adversité. » Aussi, « le sumud met l’accent sur l’espoir, la solidarité communautaire et la volonté d’endurer les épreuves sans renoncer au rêve d’autodétermination et de justice. »

Cette conception entre en résonance avec ce qui fut développé par Maria Elena Diela, membre du Global Sumud Flotilla à l’occasion de la conférence de presse de Tunis : « Le peuple palestinien n’a pas besoin d’être sauvé. Il peut se sauver lui-même. Nous écoutons simplement ce qu’il demande, et il demande que ses droits soient respectés : le droit de vivre, le droit de manger, le droit de se déplacer, le droit d’être libre, le droit d’être libre dans la dignité. »

L’objectif de la flottille est fondamentalement éthique, exigeant la fin du siège, des tactiques de famine, de la déshumanisation systématique des Palestiniens et du génocide. En plus de tenter d’acheminer une aide symbolique en brisant le blocus, les participants dénoncent la complicité des gouvernements occidentaux et arabes, auxquels ils entendent opposer l’action des peuples. À l’occasion du départ des bateaux, des rassemblements de solidarité avec la population de Gaza se tiendront dans des dizaines de pays pour porter cette exigence.

En France, la campagne est relayée par Waves of Freedom, association créée en juillet 2025 par des participants à la marche internationale pour Gaza. Son président, Yacine Haffaf, est un chirurgien qui a participé à plus de 25 missions humanitaires pour le compte de Médecins Sans Frontières, de la Croix-Rouge et de Palmed. Bien que familier des situations de guerre, il est revenu particulièrement marqué de ses missions à Gaza. Waves of Freedom tente d’affréter un bateau pour se joindre à la flottille et, pour cela, doit réunir les fonds avant le 16 août. Un appel à dons est lancé.

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