Libérer Antonin Bernanos, détenu depuis 9 mois

Jeudi 2 Mars, Nanterre : journée de soutien à Antonin et à tous les inculpés du mouvement social

paru dans lundimatin#95, le 1er mars 2017

Antonin Bernanos est incarcéré depuis 9 mois à la prison de Fleury-Mérogis. Il est accusé par un témoin sous X (qui s’est avéré être un policier du Renseignement) d’avoir participé à l’attaque d’une voiture de police lors du mouvement contre la loi travail.

Ce jeudi 2 mars, une journée de soutien est organisée à l’Université de Nanterre dont nous publions le programme plus bas (voir la page de l’évènement facebook).

L’enjeu politique de la détention et donc de la libération d’Antonin Bernanos excède absolument la question de sa culpabilité ou de son innocence quant aux faits reprochés. L’enquête a prouvé ce que nous avions décrit dans un article publié au moment de son arrestation, à savoir qu’il s’agissait essentiellement d’une opération de communication menée conjointement par le ministère de l’Intérieur et les services de renseignement de la Préfecture de police de Paris.

L’enjeu premier consistait à cibler des militants politiques, non pas pour leur participation supposée aux faits mais afin de dissuader et d’effrayer les portions les plus jeunes et dynamiques de la mobilisation contre la loi travail.
En d’autres termes, il s’agit de déterminer la latitude laissée aux services de renseignements pour cibler, arrêter et mettre en détention des militants politiques sur la base de leurs seules déclarations et dans le but de décourager une contestation beaucoup plus large.

Si Antonin Bernanos est une victime parmi tant d’autres de la répression inédite qu’a dû essuyer le dernier mouvement social, il en est aussi l’un des exemples les plus extrêmes. L’utilisation médiatique, policière et politique de son arrestation, tant par le gouvernement que par l’extrême-droite, éclaire de manière criante la manière dont on compte nous gouverner.

Nous reproduisons aussi un extrait d’un entretien qui vient de paraître sur le site Prison Insider.

J’ai souhaité commencer à écrire sur ma seconde incarcération.

En effet, dans l’affaire pour laquelle je suis actuellement placé en détention provisoire depuis bientôt 9 mois, j’ai été incarcéré à deux reprises.
Une première fois à la maison d’arrêt de Villepinte, après 48 heures de garde à vue et 24 heures au dépôt au tribunal de grande instance de Paris. Nous étions alors quatre jeunes de 18 à 30 ans mis en examen dans le cadre d’une procédure criminelle.

La juge d’instruction en charge de notre dossier avait demandé le placement en détention provisoire pour le plus âgé d’entre nous et pour moi-même, alors âgé de 21 ans, et un placement sous contrôle judiciaire – soit une liberté « encadrée » - pour les deux autres, dont mon petit frère de 18 ans, Angel.

Au vu de la situation assez critique, pour nous qui n’étions jamais allés en prison, et qui ne nous étions jamais réellement préparés à cette éventualité, nos avocats respectifs s’étaient concertés et avaient demandé un « débat différé » devant le juge des libertés et de la détention, qui statuerait de notre mise sous écrou ou non, dans le but officiel de préparer notre défense, mais avant tout pour laisser la pression médiatique retomber autour des faits qui nous étaient reprochés.
Nous allions donc partir en prison en attendant les quatre jours de délai en vue de notre audience, envoyés à Fresnes pour l’un, deux autres à Fleury et moi à Villepinte.

J’aurais pu écrire plus longuement sur cette « découverte » de la prison, mais pour ce premier texte, j’ai préféré me concentrer sur les jours qui ont précédé ma seconde incarcération.
Il est difficile d’écrire sur sa vie, et sur des moments aussi douloureux, d’autant plus quand on le fait du fond d’une cellule de 9 mètres carrés, assis en tailleur sur un lit, avec pour seul support un plateau repas en profitant d’un moment d’accalmie de son co détenu.
Alors il m’est plus facile de commencer par le plus marquant, même si mes textes ne suivent pas exactement l’ordre chronologique réel des évènements.

Après deux jours et trois nuits passés au quartier arrivants de la maison d’arrêt de Villepinte, entassés à trois dans une cellule vétuste et minuscule, et totalement isolé de mes proches et de toutes informations concernant mes prochaines échéances – hormis via les chaines de télévision qui semblaient ne pas se lasser de ressasser en boucle les informations concernant mon affaire – j’étais finalement extrait vers le palais de justice de Paris pour l’audience face au juge des libertés et de la détention (JLD).
Arrivé tôt le matin dans la « souricière », un entrepôt de cages superposées pour les prisonniers extraits au palais de justice, j’étais enfermé dans un box dans l’attente de mon audience.
J’appelais mon frère et mes deux camarades que j’entendais répondre au loin, dans le brouhaha général qui régnait dans la souricière. Après plusieurs heures d’attente, je voyais enfin mon frère, menotté et trainé par un gendarme, partir en direction des salles d’audience. Je l’appelais, l’encourageais d’un sourire, d’un clin d’oeil, et lui me répondait de son air rassurant et combattif. Lorsqu’il revint, après plusieurs longues minutes qui m’ont paru être des siècles, son visage avait des traits qui tranchaient radicalement avec ceux qu’il arborait un peu plus tôt. Il leva la tête vers moi pour me dire simplement « mandat de dépôt... ».

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Conflits Sociaux En Etat d’Urgence

Jeudi 02 Mars | Université de Nanterre

10H30 13H30
CONFÉRENCE PLEINIÈRE | Regards croisés sur la police, la justice et la prison.
Organisée par les professeurs de sociologie d’Antonin
En présence de :

Michel Kokoreff - Sociologie, Genre Travail et Mobilités - Déviances policières, émeutes et action collective.
Fabien Jobard - Sociologie, Centre Marc Bloch – Un acte de torture policière : aberrant ou structurel (par Skype)
Geoffroy de Lagasnerie - Sociologue et philosophe, Ecole Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy - L’État pénal : définitions, réactions et angles d’attaques.
Jérémy Gauthier - Sociologie, Centre Marc Bloch - Les logiques du maintien de l’ordre.
Anne Le Huerou - Langues et civilisations russes, Institut des Sciences sociales du Politique – Violences policières et carcérales en Russie : un problème structurel, des tentatives de réponses dans un système sous contrainte.
Yasmine Bouagga - Sociologie, laboratoire Triangle, Lyon - Ethnographie de la prison
Gwenola Ricordeau - Sociologie, Clersé, Lille - Les proches de détenus, un angle mort des analyses du système carcéral.

13h30 à 14h30
PAUSE REPAS | Cantine Solidaire organisée par les étudiants de L’Oklm

14h30-17h30
TABLES RONDES sur les thèmes police, justice, prison.
Organisées par les étudiants mobilisés pour Antonin sur la fac de Nanterre, « Libérons Antonin ».

Table Ronde 1 de 14h30 à 16h00

Abdel Azziz Kraiker - pour la famille Kraiker, comité de vigilance contre les violences policières à Pantin.
Samir Elyes - Militant de quartier, Bouge qui bouge.
Pierre Douillard Lefevre - Essayiste, sociologue auteur de L’arme à l’oeil
Serge Quadruppani Ecrivain, journaliste. L’appareil sécuritaire : puissance toujours plus autonome.
Laurent Bonelli - Sciences politiques, Institut des Sciences sociales du Politique - État sécuritaire et mesures anti-terroristes.

Table Ronde 2 de 16h00 à 17h30

François Bes - Coordinateur du pôle d’enquête de l’Observatoire International des Prisons, OIP.
Yasmine Bouagga - Sociologue, Laboratoire Triangle.
Antoine - Militant CGT et libertaire de Valenciennes, arrêté et emprisonné pendant les manifestations contre la loi travail, condamné à 10 mois de prison avec sursis et interdit de manifester pendant 2 ans.
Genevieve Bernanos - Liberté pour Antonin
Giovanna Ricon Murillo - Acceptess T - Détention des personnes transgenres.

17h30-18h00
Réfléxions sur la journée et organisation de mobilisations futures pour les inculpés du mouvement social.

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