LE DEVIN : Attention aux ides de mars
Shakespeare, Jules César, acte I, scène 2
Les dirigeants sont parmi les premiers à attraper le virus. Ils sont tous atteints, surtout les asymptomatiques – les « super-spreaders », les hyper-contagieux – qui nous infectent avec leur avidité au-delà de tout besoin. Il faudra les confiner tous.
Et si on nous lance Et vous, brutes ? on enlèvera les glaces dans les palais du pouvoir pour en faire des miroirs de vérité qui réfléchiront ses torts. Puis on les remettra en place pour qu’ils en gardent à jamais la mémoire. Non parce qu’ils sont chers et beaux, mais parce que, une fois exposés à la laideur, ils ne s’en remettront pas.
Attention aux ides si on nous laisse mourir.
C’est dans le dernier souffle de ceux à qui l’on donne l’espoir d’être guéris que se révèle le désir de vivre. Cet espoir fait partie de nos droits naturels. C’est notre droit suprême. Car il nous pousse à revendiquer un monde qualitativement meilleur.
Il nous incombe de réfléchir à la manière dont nos actions d’aujourd’hui peuvent préfigurer, une fois la crise passée, celles de l’avenir. On objectera peut-être que ce n’est pas le moment de penser aux utopies. Pourtant, il n’en est pas de meilleur. L’épidémie nous a plongés dans une expérience naturelle qui s’impose de plus en plus comme une expérience sociale sans précédent.
Nous avons tant à apprendre de ce que nous vivons aujourd’hui, et nous en apprendrons encore tout au long des années à venir. Notre seul espoir en tant qu’êtres humains est que ces leçons profiteront, universellement, à tous.
Alors il nous faudra aiguiser nos esprits critiques, chaque jour de plus en plus. Si les calendes se jouent comme prévu, ajoutant du feu au rire et à la rage qui nous consument, nous sortirons de la farce aux ides de Mai.
Nous en sortirons affûtés, affilés, tranchants.
Entre temps, restons sur place. Entre temps, il nous reste à rester à l’affût.
On a de la chance quand l’impuissance au sommet se répand.
24 mars 2020
Victor Strukalo