Contre la mort noire. Pour un antifascisme révolutionnaire

Entretien avec le collectif Rouvikonas d’Athènes

paru dans lundimatin#134, le 21 février 2018

Dans le cadre d’une enquête sur la montée du fascisme, nos amis du journal italien Qui e Ora ont interviewé quelques membres du collectif anarchiste Rouvikonas d’Athènes.

Saccages des bureaux d’une entreprise qui recense les emprunteurs insolvables, attaque contre une mairie après qu’une femme de ménage y soit morte d’épuisement, visites musclées du service en charge de couper l’électricité aux mauvais payeurs, intrusion au domicile du ministre de la justice responsable de la rédaction du nouveau texte de la loi antiterroriste, attaques de l’ambassade de Turquie, d’Espagne ou d’Arabie Saoudite. Pas une semaine ne passe sans qu’un coup d’éclat du collectif anarchiste ne fasse la Une des journaux.

Leurs actions filmées et revendiquées, sont, disent-ils, une « manière de participer à la vie sociale ». Pour autant leur politique ne se résume pas à leurs apparitions spectaculaires. Dans une Grèce en crise où le fascisme croît, ils entendent s’imposer en opposant à leurs ennemis une éthique désirable. Ils ne veulent pas être un groupe mais cherche plutôt à « devenir une tendance » cela afin de « devenir un gros problème ».

L’entretien en version originale italienne est disponible ici.

Qui e Ora : Pourquoi avez-vous choisi le nom de Rouvikonas ? Qu’est-ce qu’il signifie ?
Rouvikonas : Notre groupe tire son nom d’un fleuve italien, le Rubicon. Pour nous, il est significatif pour son histoire. En effet, comme vous le savez, le Rubicon, dans la Rome antique, représentait une frontière que la loi interdisait de franchir avec les armes. Les généraux romains engagés dans les conquêtes de la république romaine avaient l’obligation à leur retour de franchir le Rubicon en désarmant leurs armées. Jules César, au contraire, passa le Rubicon à la tête de son armée en violant ouvertement la loi romaine et en provocant ainsi la seconde guerre civile. De ce geste naît l’expression « les dés sont jetés », ou l’expression « franchir le Rubicon ». Franchir le Rubicon signifie donc dépasser un « point de non-retour » et c’est pour cela que nous avons choisi ce nom.

QeO : Pourquoi donc avez-vous choisi ce moment historique précis pour former un groupe comme le votre ? Nous savons que, à la suite des processus insurrectionnels commencés en 2008, le mouvement grec a traversé une phase d’ouverture incroyable et d’enracinement social, mais qui a ensuite progressivement fini par se refermer sur lui-même. Votre collectif semble au contraire suivre une inclination différente, en étant toujours plus ouvert et attentif aux diverses instances sociales… Pourriez-vous nous expliquer les raisons de ce choix et de sa temporalité ?
R : Nous n’avons pas décidé seulement maintenant de prêter attention aux différentes instances sociales, mais c’est seulement récemment que nous avons réussi à traduire en praxis cette inclination, conscients d’y être parvenu plutôt en retard par rapport à ce que le présent nous impose. Pendant plus de deux ans, Rouvikonas a été un « groupe de solidarité avec les prisonniers politiques et les activistes qui étaient poursuivis » par l’État et par ses mesures répressives. Nous pourrions dire que c’était un groupe mono-thématique… Mais, à travers l’expérience de certains d’entre nous dans l’espace social K*Box d’Exarchia à Athènes, nous avons ressenti la nécessité de former un groupe politique multiforme qui est devenu ce que nous sommes aujourd’hui : une organisation politique qui a la capacité de proposer et de mettre en œuvre des stratégies et des tactiques de lutte contre toute forme d’autoritarisme. Nous avons aussi choisi d’impliquer d’autres parties du mouvement pour construire un parcours en mesure d’affronter les multiples thématiques que notre époque nous impose. Il faut s’exprimer et agir directement sur les problèmes tels qu’ils se présentent à nous.

Rouvikonas opte ainsi pour une tactique de lutte multiforme, sans exclure a priori ou idéologiquement aucun type de pratique : des occupations temporaires aux concerts, des rassemblements aux actions directes contre des objectifs symboliques. En outre, nous avons décidé de revendiquer chacune de nos actions et prise de parole, avec le nom de notre collectif, à la place de la signature générique « des anarchistes » utilisée par le passé. Cela parce que nous pensons qu’il est plus honnête d’assumer la responsabilité de ce que l’on fait, même si cela signifie s’exposer aux critiques et aux différentes formes de pressions venant de l’extérieur, qu’elles soient positives ou négatives.
Nous croyons, en effet, que le moment est arrivé d’assumer nos responsabilités [1].

QeO : Quelles sont les modalités que vous choisissez pour communiquer et « faire parler » de vos actions ? Et selon vous, quelles sont les réactions suscitées par votre manière d’agir ?
R : Chacune de nos actions est accompagnée d’un communiqué, et souvent aussi d’une vidéo que nous réalisons durant l’action même. Le matériel est ensuite diffusé sur Internet. Ce choix vient du fait que nous voulons déterminer nous-mêmes les modalités par lesquelles se communiquent nos actions. Nous voulons proposer les images et le langage qui représentent le mieux notre agir et notre façon de penser. Nous voulons que le message que nous entendons diffuser soit clair, mais surtout que nos actions et notre voix ne soient pas manipulées et tordues par les médias mainstream, qui choisissent souvent de nous représenter comme un mouvement anti-social. Nous croyons que les gens ont toute faculté et capacité pour comprendre ce qui se passe autour d’eux, et pour discerner ce qui est vrai de ce qui est manipulé et déformé. Mais il faut s’en donner la possibilité. Dans l’époque où nous vivons, internet et les réseaux sociaux représentent une réalité manipulée pour influencer en conséquence l’opinion publique… mais nous sommes convaincus qu’au fond, le monde sait bien ce qui se passe réellement. Pour cela nous choisissons de représenter de manière claire et adéquate ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons. Et c’est pour cela que Rouvikonas choisit le plus souvent d’attaquer les symboles de ce qui met, aujourd’hui, une grande partie de la société à genoux, comme certaines institutions par exemple. Mais agir de manière efficace à partir de problèmes sociaux requiert un certain à-propos et une certaine ponctualité de l’action par rapport à l’émergence de questions particulières, en prenant toujours en considération nos idées et notre stratégie politique. Nous n’agissons pas pour recueillir le consensus des autres parties du mouvement ni de secteurs sociaux particuliers, bien que nous jugeons nécessaire l’existence d’une relation d’osmose continue qui sache mettre en relation ce que nous décidons de faire avec les perceptions de ce qui nous entoure. Nos actions concernent des milieux différents et s’articulent sur plusieurs niveaux. Certaines concernent plus étroitement le mouvement, comme les actions contre les médecins qui s’étaient montrés négligents vis-à-vis de certains prisonniers politiques, ou l’action dans laquelle nous sommes entrés dans la maison du Ministre de la Justice Atanasio, responsable de la rédaction du nouveau texte de la loi antiterroriste. D’autres se référent au contraire à des thématiques plus sociales. Nous choisissons des objectifs qui intéressent directement la société et donc nous-mêmes, parce que nous croyons faire partie de la société en ne nous concevant pas comme un en-dehors de celle-ci. En se sens, nous avons choisi d’attaquer un siège de la Tiresia A.E., une entreprise privée qui, en plus de recueillir les données sur l’endettement des particuliers avec les banques (phénomène qui concerne plus de 6,5 millions de personnes en Grèce), poursuit directement, pour le compte des banques elles-mêmes, les saisies et la perception des crédits. Nous avons aussi agi contre la Taiped, une entreprise qui s’occupe de la privatisation des biens publics et contre l’Elp (Entreprise pétrolière grecque) et l’inspection pour le commerce naval, responsables de la pollution environnementale et des morts au travail de certaines personnes employées sur les embarcations. Nous avons aussi fait d’autres actions directes contre certains bureaux, locaux ou entreprises, responsables de licenciements abusifs sans indemnités et même de certains épisodes de mort sur le lieu de travail.

En tant que partie de la société, nous regardons, nous jugeons et nous répondons aux responsables des agressions que nous subissons. C’est notre manière de participer à la vie sociale. Du reste, il n’y a personne qui ne se soit indigné à la suite de ces actions contre les bureaux ou contre le siège de Tiresia… c’est en ce sens que nous nous sentons partie prenante d’un mouvement plus large et, de toute façon, de quelque chose qui va bien au-delà de notre groupe. En solidarité avec les réfugiés, nous avons décidé d’attaquer la résidence de l’ambassadeur allemand, une action de ce type n’avait jamais été faite avant et nous avons assumé un gros risque au vu de la présence de gardes armés dans le bâtiment. Après cette action, nous avons aussi organisé avec d’autres un grand cortège. Pour ce qui concerne les réactions des gens à nos actions… les effets sont souvent divers et contrastés. Ainsi un tel réclame à grands cris notre arrestation tandis que tel autre au contraire nous démontre son soutien. Alors que pour ce qui concerne la réaction de l’État et ses mesures répressives, nous pouvons dire que jusqu’à présent nous avons été condamnés pour des crimes « mineurs », pour un total cumulé de 452 mois de prison. Vu comment fonctionne le système pénal et pénitentiaire grec, si nous voulions, nous pourrions tous être libres, en payant une caution pour acheter notre liberté. Mais nous ne nous faisons pas d’illusions, nous savons que n’importe quel gouvernement mis sous pression prendra des contre-mesures et dans ce cas, peu importera qu’il soit de droite, de gauche, ou du centre. Le gouvernement de Syriza pourrait très bien déclarer Rouvikonas comme étant une organisation terroriste…

QeO : Comment mettez-vous en relation votre intervention politique avec les territoires que vous habitez ? Comment défendez-vous vos quartiers ?
R : La défense de notre quartier, Exarchia, veut dire avant tout une défense face à la mafia, face aux attaques de l’État contre les différentes formes de cannibalisme social. L’enracinement des organisations criminelles de type mafieux à Exarchia est un phénomène qui remonte à de nombreuses années et dure, à notre avis, depuis trop longtemps. Après plusieures années, nous avons été contraints, en tant que Rouvikonas et avec plusieures autres réalités qui habitent le quartier, parmi lesquelles, par exemple, l’espace social K*Box, à opter pour un affrontement direct avec ces organisations mafieuses. Une fois, certains membres de ces organisations ont tiré directement contre le K*Box, alors que les menaces et les abus de la part des dealers du quartiers sont continues et diffuses. C’est pour cela que nous avons été contraints à un affrontement direct. Le sommet de cet affrontement a eu lieu avec une manifestation armée qui a défilé dans les rues du quartiers. Cela a provoqué une attaque violente de la part des médias mainstream envers les camarades, la criminalisation du groupe Rouvikonas, et de manière plus générale une vague répressive qui a touché tout le mouvement qui lutte contre la mafia à Exarchia. Mais tout cela ne nous a pas fait changer d’avis. Nous avons compris que l’unique solution est de faire front commun, aussi bien contre les organisations mafieuses, que contre l’État et la police qui s’avèrent être complices de celles-ci. En effet, la police permet qu’on deale librement à Exarchia, de manière à transformer le quartier en un ghetto séparé et isolé du reste de la ville, pendant que l’objet de leurs mesures répressives sont les anarchistes. Mais les menaces de la police ou des mafieux ne nous arrêteront pas. Nous défendrons notre quartier jusqu’au bout avec patience et persévérance. Cela restera une de nos priorités tant qu’on ne sera pas libéré de ces dynamiques.

QeO : Nous savons que quiconque assume le pouvoir, indépendamment de la couleur politique qu’il endosse, qu’il soit conservateur ou progressiste, de gauche ou de droite, vise simplement au « gouvernement de la population ». Cela vaut indubitablement aussi pour le gouvernement grec de Syriza, bien que ce parti se propose de représenter l’insatisfaction et la rage populaire. Les représentants de Syriza, après avoir fait partie des mouvements sociaux en défense des droits individuels, sociaux et politiques, ont réussi à prendre le pouvoir en formant un gouvernement de coalition entre l’extrême-droite et l’extrême-gauche. Ils ont ainsi réalisé la stabilité de gouvernement, tant attendue aussi bien par les forces politiques européennes que par les grandes puissances économiques étrangères, en rapportant la paix sociale durant la difficile période d’approbation des réformes politiques d’austérité et du référendum sur la sortie de la Grèce de l’Union Européenne. Qu’est-ce que vous pensez du gouvernement de Syriza et comment a changé, au cours du temps, le consensus populaire qui a mené à son élection ?
R : Nous voyons le gouvernement de Syriza comme le voit la majeure partie des gens. Il s’agit d’un gouvernement de poules mouillées affublées d’une écharpe [d’élu, ndt], qui a donné de fausses espérances aux Grecs et à une bonne partie du monde, après avoir fait partie du mouvement et y avoir conduit une opération latente d’entrisme pour accumuler un consensus. Ils ont réussi à se substituer au précédent gouvernement de droite en se faisant passer pour les porte-paroles des diverses instances sociales. Ils ont vendu de l’espoir sans réussir à les satisfaire et c’est pour cela que leurs électeurs sont désormais mécontents et insatisfaits. Incapable de mener un quelconque processus de transformation réelle, Syriza incarne une « gestion au visage humain » du présent. Du reste, dans un système de capitalisme avancé, l’unique possibilité réservée est une gestion des choses meilleure et plus efficace, fonctionnelle au sein du capitalisme lui-même. La sociale-démocratie et ses politiques, en Grèce comme dans le reste de l’Europe et du monde, ne peuvent réaliser aucun changement. Pour pouvoir finalement trouver les solutions à nos problèmes, il faut partir de l’abolition de l’état et du capital.

QeO : Vous semble-t-il possible, dans un futur proche, qu’une nouvelle vague insurrectionnelle secoue la Grèce ? Que la rage sociale explose à nouveau ? Si cela devait se passer, est-ce que cela prendrait les formes d’un nouveau cycle de révoltes ou plutôt d’un véritable processus révolutionnaire ? Comment vous comporteriez vous à cet égard ?
R : Si à cause de la crise devait éclater une nouvelle insurrection en mesure d’ouvrir la voie à un véritable processus révolutionnaire, on réaliserait finalement ce que nous voulons tous. Mais malheureusement, cela ne nous semble pas être le scénario le plus plausible. Selon nous, pour qu’on arrive vraiment à un point de non retour, il faudrait un travail, une organisation et des capacités énormes en mesure de donner une portée européenne à ce processus. L’Europe entière devrait être impliquée dans une partition révolutionnaire. C’est justement en ce sens que Rouvikonas n’est pas, et ne veut pas être un groupe fermé. Notre désir n’est pas d’être une équipe mais de devenir une tendance. En explicitant et en communiquant toujours mieux nos idées et notre position politique, nous voulons créer des occasions pour rencontrer d’autres personnes, créer des passages dans le corps social et faire croître les mouvements. Nous voulons devenir un gros problème, beaucoup plus grand que celui que nous pensons avoir représenté pour les autorités étatiques jusqu’à présent. Cela ne nous intéresse pas de constituer un groupe de 20-30 personnes qui paieront cher leurs choix politiques, mais nous voulons êtres toujours plus et toujours plus dangereux. Nous promouvons et nous souhaitons une radicalisation de la société. Et c’est toujours en ce sens que, selon notre opinion, même les groupes armés devraient se considérer comme un part intégrante du mouvement. Nous nous rendons compte que les conditions sont nombreuses et les équilibres difficiles pour qu’on puisse se donner une telle harmonie. Cela présupposerait, avant tout, une certaine harmonie et une capacité de communication entre les groupes qui optent pour la lutte armée et le mouvement de masse. En outre, on devrait savoir faire abstraction d’une logique de hiérarchie des pratiques, dans laquelle les avant-gardes ou les groupes armés assument le leadership ou tout du moins un rôle prédominant dans le mouvement. En outre, il faudrait être en mesure d’accomplir des choix équilibrés et judicieux dans la manière de lire la réalité et d’agir en conséquence, afin que certaines actions ne portent pas préjudice au mouvement entier dans sa complexité et sa multiplicité.

QeO : Parmi les différents phénomènes qui ont touché la Grèce dans les dernières années, il y a aussi la montée d’Aube Dorée… Selon vous, quelles sont les raisons de sa force et de sa popularité ? Et quelle est la réponse du mouvement à ce phénomène ?
R : La montée d’Aube Dorée est due sans équivoque à la crise. Dans le présent comme par le passé, en Grèce comme dans le reste de l’Europe et en général à un niveau global, la rhétorique fasciste est la première à faire brèche en tant de crise… et c’est pour cela qu’une organisation comme Aube Dorée a réussi à accumuler une force et une popularité en peu de temps. Mais la vérité est qu’Aube Dorée ne naît pas de nulle part. Les fascistes ont toujours été présents en Grèce. La guerre civile grecque qui commence selon nous en 1932, même si ce n’est pas la lecture officielle, année au cours de laquelle les communistes sont déclarés hors-la-loi, a pris les traits d’un véritable coup d’état seulement en 1936 et jusqu’en 1940, puis de nouveau de 1967 jusqu’à 1973. Deux guerres civiles se sont donc succédées, la première de 1944 à 1946 et ensuite jusqu’en 1949, puis la seconde de 1967 à 1973, avec un écho jusqu’en 1981. Cela signifie pour nous que tous les fascistes n’ont pas disparu d’un coup en 1981, mais qu’ils ont assumé d’autres formes pour ensuite réapparaître à nouveau pour ce qu’ils sont. Par exemple, beaucoup ont milité dans les rangs du parti de la démocratie chrétienne « Neo Democratia ». Selon nous, la réponse du mouvement doit articuler deux plans, comme on a essayé en partie de le faire. Si d’un côté il est nécessaire de créer des bases antifascistes pour défendre les territoires, de l’autre il faut soustraire du terrain aux fascistes et à leur rhétorique en agissant dans les luttes les plus incisives au niveau social.

QeO : Pour rester dans le thème, pourquoi selon vous racisme, populisme et fascisme sont-ils des phénomènes aussi endémiques au niveau global ? Que signifie être antifasciste aujourd’hui ?
R : Si, aujourd’hui en Europe, malheureusement, le nationalisme, le populisme et le fascisme sont en forte croissance, cela est dû d’un côté aux politiques de l’Union Européenne et de l’autre à la faiblesse des mouvements et à leur incapacité de faire le nécessaire et de présenter une alternative réellement crédible et désirable. C’est pour cela qu’aujourd’hui l’antifascisme militant, bien qu’il soit nécessaire, ne suffit plus, comme cela ne suffit plus de se définir tous comme antifascistes… Être antifasciste aujourd’hui implique de pouvoir proposer une option à la hauteur de l’époque. Pour nous, le fascisme représente une menace fonctionnelle à la démocratie, au maintien de la paix sociale et à la conservation de l’état des choses présent. Avec l’évocation du fantôme d’un retour au régime fasciste, on inspire des craintes et des peurs en rendant supportables et préférables les politiques démocratiques. Bien que ce soient justement les gouvernements démocratiques qui imposent les pires politiques économiques d’austérité, qui produisent pauvreté, faim et misère ou qui produisent les législations spéciales anti-terroristes les plus répressives et autoritaires qui soient, la hantise du retour au fascisme ou au nazisme inspire toujours cette crainte nécessaire au maintien de l’ordre démocratique.

QeO : Nous savons que beaucoup de gens vous demandent pourquoi vous n’avez pas décidé de former un parti politique ou pourquoi vous ne participez pas aux élections en utilisant les possibilités et les instruments que les institutions démocratiques offrent. Qu’est-ce que vous répondez à ça ?
R : À cela nous répondons que, si l’on admettait que nous réussissions à utiliser ces moyens sans qu’ils nous corrompent, et l’histoire démontre bien à quel point c’est impossible, ce serait l’utilisation même de ces moyens qui nous conduirait à la défaite. Ce seraient en effet les mêmes pouvoirs économiques et politiques impliqués dans la logique électorale et de gouvernement qui anéantiraient notre option éthique. Parce que c’est notre idée même de société qui refuse ces formes de pouvoir. Et c’est pour cela que ne participons à aucun processus électoral. La liberté, l’autogestion et le communisme, parce que c’est cet ensemble que nous appelons anarchie, nous le voulons ici et maintenant. Nous ne sommes pas des romantiques et nous savons que tout ne se condensera pas dans un unique moment révolutionnaire. L’anarchie doit exister après la révolution, mais elle doit aussi exister avant. Nous pensons que l’anarchie peut exister en tout lieu et à partir de là où l’on est. Dans un groupe, dans une assemblée de quartier, dans un collectif et même dans les relations personnelles. On peut faire exister les idées libertaires révolutionnaires et en faire une possibilité dans le présent. C’est pour cela que nous pensons qu’il est possible de demander à quiconque de risquer tant de choses pour combattre avec nous, pour faire exister ces idées. Autrement, on peut bien se résigner à cet état, à habiter les seuls espaces ou interstices qu’il nous concède, mais alors pourquoi discuter ? Avec qui ?
Dans ce monde, après des siècles d’exploitation et de domination, rendre évident qu’une autre manière de vivre est possible, c’est un début mais aussi la fin. [2]

[2Dichiarazione della loro identità politica http://www.athens.indymedia.org/post1573616/

Un grand merci aux traducteurs.

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