Nouvelles du front écologique

17 arrestations dans la région rouennaise par l’antirerrorisme, 2 mises en examen pour association de malfaiteurs à Aix-en-Provence, un bétonneur désarmé près d’Agen

paru dans lundimatin#423, le 19 avril 2024

Ce lundi 8 avril, à l’aube, la Sous-direction anti-terroriste (SDAT) appuyée par les services judiciaires locaux a interpelé 17 personnes dans la région Rouennaise. Selon le procureur d’Evreux, ils sont soupçonnés d’avoir participé au désarmement d’une centrale à béton Holcim (anciennement Lafarge) à Val-de-Reuil le 3 décembre 2023. À Aix-en-Provence, vendredi 5 avril, ce sont deux nouvelles mises en examen pour association de malfaiteurs qui ont été prononcé par la juge en charge de l’instruction concernant le désarmement de Lafarge là encore, mais à Bouc-bel-air le 10 décembre 2022. Enfin, le GIEC (Groupe d’Idéalistes Enrayant le Capitalisme) a revendiqué près d’Agen le désarmement de plusieurs machines présentes sur un chantier NGE. Cela en soutien et solidarité avec la lutte en cours contre la construction de l’A69 où l’entreprise est active.

N’importe quel joueur de Fortnite ou lecteur de Clauswitz le sait : il ne faut jamais indexer sa stratégie sur celle de l’ennemi. Pas plus qu’il ne faut sous-estimer sa force ou surestimer ses capacités stratégiques. Néanmoins, force est de constater que se joue en ce moment même une course contre la montre entre le mouvement écologiste renaissant et l’appareil sécuritaire français. D’un côté, nous avons la montée en puissance de mobilisations de plus en plus populaires, massives et radicales qui semblent convaincues qu’il n’y a plus rien à attendre du monde politique et qu’il faut donc s’en remettre à l’action directe et au désarmement citoyen. De l’autre, le déploiement d’une force brute et épaisse (Sainte-Soline) et la mobilisation des services d’enquêtes les mieux dotés, soit la police antiterroriste de la SDAT (Bouc-bel-Air et maintenant Val-de-Reuil).
Pourquoi parler de course contre la montre ? Comment comprendre cette débauche de moyens répressifs, lorsqu’on sait que l’État, en tout temps, ne lutte pas contre les illégalités mais s’en fait le gestionnaire ? [1] Solliciter les moyens de l’antiterrorisme pour traquer et mettre en examen des militants écologistes ne va pas de soi. Certes, il faut légalement une petite pirouette. Pour l’usine Lafarge de Bouc-bel-Air, une cahute enflammée autorisait la saisine de l’« élite » de la police. Concernant Val-de-Rueil, si l’on s’en tient aux déclaration du procureur, c’est la « séquestration en bande organisée » qui donne le feu vert. Si l’on s’en tient au communiqué de revendication de l’action publié dès le lendemain, les participants s’étaient empressés de contester cette accusation fantaisiste :

Évidemment, malgré les calomnies d’autorités qui n’ont plus que le mensonge pour garder la face, personne n’a été « séquestré » durant cette action de 10 minutes montre en main qui ne visait pas des individus, mais une filière industrielle écocidaire, et nous ne sommes pas sans savoir que les gardiens et vigiles ont reçu l’ordre de ne pas intervenir lors des actions de ces journées contre le béton.


En l’état, qu’un vigile ait été enfermé 10 minutes dans son local ou qu’il s’y soit enfermé lui-même n’a que peu d’importance, ce qui compte c’est que les chefs d’inculpations permettent de solliciter l’antiterrorisme et de bénéficier de ses moyens d’enquêtes exceptionnels.

Mais à cette tambouille administrativo-judiciaire s’ajoute un autre coup de force, symbolique, médiatique et affectif celui-là : pouvoir accoler les mots « écologistes » et « terroristes ». Ah oui, c’est vrai, Gerald Darmanin l’avait fait et annoncé...

Nous ne reviendrons pas ici sur les tenants et les aboutissants de l’antiterrorisme, lundimatin déborde déjà d’articles de fond sur la question. Ce qui nous intéresse c’est de réfléchir à pourquoi et comment il se met en place actuellement au coeur du mouvement écologiste. Notre hypothèse est qu’il s’agit, face à la montée en puissance de nouvelles formes de contestation, de casser leur dynamique en terrorisant toutes celles et ceux qui les ont déjà rejointes ou souhaiteraient le faire. B.A BA des stratégies contre-insurrectionnelles, frapper les coeurs et les esprits. Les forces sécuritaires françaises savent que l’audace et la joie qui émanent d’un mouvement tel que les Soulèvements de la terre ne seront pas endiguées par quelques promesses politiques toujours-déjà trahies, dès lors, la seule issue possible est répressive et surtout dissuasive. Gageons que les 17 personnes perquisitionnées et interpellées dans la région de Rouen ce matin ne l’ont pas été pour les quelques milliers d’euros qu’elles ont peut-être fait perdre à l’entreprise Lafarge mais pour tenter d’apeurer les milliers de personnes qui ont participé aux Journées contre le béton (lundimatin avait couvert ces 4 journées exceptionnelles.)

Contrairement aux apparences, cette course contre la montre ne se joue pas entre militants écologistes et forces répressives de l’État mais entre la détermination que produit mécaniquement un regard lucide sur le monde et la peur et l’impuissance qu’insuffle l’image de ses hordes cagoulées et armées qui enfoncent les portes et enferment celles et ceux de bonne volonté. Si l’on s’en tient au communiqué diffusé par les journées contre le béton tout porte à croire que pour le moment ces opérations policières de terreur et d’isolement buttent sur le réel. Des dizaines d’organisations peu connues pour leur amour de la violence et de l’illégalisme ont déjà consigné leur soutien aux interpellés : Attac, Sud-Rail, Collages féministes, les jeunes écologistes Normandie, le PCF 76, etc.

Aix-en-Provence : 2 mises en examen

Suites de l’affaire du désarmement de l’usine Lafarge de Bouc-bel-Air. Deux nouvelles mises en examen ont été prononcées par la juge d’instruction ce vendredi 5 avril. Convoquées, ces deux personnes ont pu être assistées d’un rassemblement de soutien lors duquel plusieurs prises de parole ose sont tenues. Des membres de la Ligue des Droits de l’Homme, du comité affaires sensibles de Lyon, de la Quadrature du Net ainsi que le comité local des Soulèvements de la Terre se sont succédés au micro devant le tribunal :

Des voix contre le béton et son monde from primitivi on Vimeo.

Le GIEC contre NGE

Sur une note plus optimiste et enjouée, le GIEC angevin a rendu un rapport accablant contre l’entreprise NGE qui participe à la construction de l’A69. Le voici.

Il y a quelques jours, nous avons enrayé les moteurs de toutes les machines sur le chantier NGE du Pont et du Barreau de Camélat reliant Brax à Colayrac-Saint-Cirq près d’Agen.
À l’appel du GIEC de Haute-vienne, et à la suite de la section girondine du GIEC, nous avons voulu montrer notre soutien à la lutte contre l’A69, en sabotant les jouets dévastateurs de cette entreprise. Il nous a semblé opportun de viser ce chantier qui devrait être inauguré en grande pompe en mai prochain, pour montrer que les monstres du BTP ne sont en rien intouchables. Nous avons apprécié introduire des produits abrasifs dans tous les réservoirs d’huile et de carburant des machines présentes sur la zone. Cela permet à l’entreprise de participer à son autodestruction et ce n’est pas sans nous faire rire : plus NGE continuera les travaux, plus ses machines en fonctionnant se détruiront de l’intérieur, plus elle perdra de l’argent en cherchant à en gagner.

Ce désarmement intervient après des mois de lutte acharnée à la Crem’Arbre contre la brutalité du pouvoir. Ces derniers jours, une des branches de ce pouvoir (ici l’Office Français de la Biodiversité) a reconnu l’illégalité des abattages des arbres occupés par les écureuils. Il aura fallu une petite mésange en train de nidifier pour que l’OFB se prononce sur l’illégalité déjà flagrante des actions de la mafiA69. L’État frappe pendant des mois, puis un beau jour de printemps vient accorder cinq mois de répit, sous prétexte d’illégalité – temporaire bien sûr. Rien ne nous surprend plus dans l’absurdité de ce système et c’est pourquoi nous répondons aussi bien par les mots que par l’action.

Nous avons vu les vilaines ruses de la flicaille pour attraper les écureuil.le.s, usant des besoins de première nécessité pour en faire des proies, nous avons vu le harcèlement psychologique pour les empêcher de dormir, de manger, d’être entendu.e.s. Il est pour l’instant trop risqué pour nous de rendre la pareille, mais qu’ils ne dorment pas sur leurs deux oreilles, cela arrivera à point nommé.

Nous avons donc ciblé ce chantier, car ce pont est à la croisée de deux projets dévastateurs. En plus d’être lié à la construction de l’autoroute Toulouse-Castres via son principal promoteur NGE, il est aussi le premier ouvrage d’art de la Ligne à Grande Vitesse (LGV) qui se construit dans le Sud-Ouest (Bordeaux-Toulouse/Bordeaux-Dax). En effet, cet enjambement de la Garonne, est le prémisse de la route qui desservira la prochaine « Gare d’Agen » construite essentiellement pour accueillir la LGV. Cette dernière implique 4800 hectares de terres artificialisées, 14 milliards de dépenses à minima (financé en partie par le contribuable via une taxe, la TSE), des dizaines de maisons expropriées puis détruites et on vous passe les détails.

Dans cette alliance contre les autoroutes automobiles et ferroviaires, nous félicitons les écureuil.le.s et les zadistes de Saïx, ainsi que tous les collectifs pour leur ténacité face à ces projets mortifères. L’impunité qui règne pour ses promoteurs alimente chaque jour notre rage et nous espérons que d’autres continueront de se réapproprier ce geste.

Nous appelons à une massification de la conspiration.
Nous appelons à en finir avec ces entreprises et avec ceux qui les protègent.
Nous appelons à ne plus attendre des changements d’un État mais à les provoquer ici et maintenant.

Ceci est une menace.

No Macadam ! No Passarail !

GIEC (Groupe d’Idéalistes Enrayant le Capitalisme)

[1S’il fallait encore s’en convaincre, il suffit d’ouvrir Le Monde de ce jour pour s’apercevoir que les magistrats financiers en sont réduits à devoir rédiger des tribunes pour quémander à l’État les moyens d’accomplir leur mission.

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