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#174 | 14 janvier
 

Un peu de retard pour l’édition de cette semaine, d’autres articles sont en cours...

 
 
Grand débat national - Le pouvoir face au grand loto des mots
 

Brigade d’Intervention Linguistique



Ainsi apprenons-nous par voie de presse que le Président demande la mise en place d’un Grand Débat National pour « mieux comprendre » le mouvement et les « revendications » des gilets jaunes.

Ce qui au fond revient à dire et à faire ce à quoi s’essaient les plateaux TV, radios et journaux depuis deux mois, à savoir tenter de répondre à la question qui les (journalistes et présentateurs, membres du gouvernement) taraude le plus : « mais au fond, qu’est-ce qu’un gilet jaune ? », ce qui en dit bien plus sur eux que sur le porteur du gilet en question.

Aussi, on peut considérer ce « débat » comme la continuation d’un grand phénomène d’ethnologie aux relents XIX°istes, et devrait-on dire plutôt de zoologie, exercé par les classes dominantes et les gouvernants sur les plus dominés et démunis d’entre nous.

 
 
 
 
 
Cesare Battisti : ce que les médias ne disent pas
 

Wu Ming



Après 37 années de cavale, l’ancien activiste italien a finalement été arrêté en Bolivie et est en cours d’extradition vers l’Italie. Le cas de Cesare Battisti est emblématique à de nombreux égards. Condamné en 1993 pour deux meurtres et complicité de deux autres assassinats commis en 1979 pendant les années de plomb, l’ancien militant des Prolétaires Armés pour le Communisme a toujours clamé son innocence. Jugé par contumace sur la base d’aveux de repentis et à partir de lois antiterroristes ahurissantes, il avait bénéficié jusqu’en 2004 de la "doctrine Mitterrand" qui offrait l’asile à tous les italiens ayant renoncé à la lutte armée et ne pouvant espérer bénéficier de procès équitables dans leur pays d’origine. En 2004, donc, et alors qu’il est devenu un écrivain reconnu à Paris, le gouvernement Chirac accepte de rompre l’engagement de la France et accepte une énième demande d’extradition italienne. Battisti prend alors la fuite pour se réfugier au Brésil où il espère une plus grande mansuétude de la part du gouvernement Lula. Mais c’était sans compter, 14 ans plus tard, sur l’arrivée au pouvoir du président d’extrême droite Jair Bolsonaro : « Le Brésil n’est plus une terre de bandits. Matteo Salvini le “petit cadeau” va arriver. » a-t-il tweeté après l’arrestation en Bolivie du fugitif qu’il souhaitait livrer à l’Italie.

Nous publions ici un texte du fameux collectif d’écrivains italiens Wu Ming écrit le 21 juin 2004 au moment où la polémique sur l’éventuelle extradition de Battisti par la France battait son plein. 14 ans plus tard, 39 ans après les faits pour lequel l’activiste a été condamné à perpétuité, ce texte n’a jamais été autant d’actualité.
(Nous remercions Arlette Raynal et Serge Quadruppani pour la traduction.)

 
 
 
 
 
Exigeons l’amnistie des Gilets Jaunes : Signez la pétition
 

#AmnistiePourLesGJ



Une pétition vient de paraître afin d’exiger l’amnistie de centaines de gilets jaunes condamnés ou poursuivies depuis le début du mouvement. On trouve parmi les premiers signataires le philosophe Alain Badiou, le gilet jaune Eric Drouet, le prix Goncourt Eric Vuillard ou encore Assa Traoré du comité Adama.
Pour signer cette pétition il suffit de se rendre sur la page Amnistiegj.fr qui compte déjà plus de 26 000 signataires. Nous la reproduisons ici.

 
 
 
 
 
Lettre jaune #17 : Les Totalitaires
 

« A l’inverse de leurs chants énamourés sur la Liberté, ceux d’en haut sont maintenant prêts à employer tous les moyens nécessaires pour éliminer ceux d’en bas  : interdiction de manifester librement, gardes-à-vue préventive, vol de cagnotte, condamnations en série, fichier de surveillance… »



Depuis le début du mouvement des gilets jaunes de mystérieuses Lettres Jaunes sont diffusées sur les ronds-points et les réseaux sociaux. Avec toujours autant de justesse et de poésie, cette 17e missive renvoie dos à dos l’uniformisation produite par la globalisation et l’identité fictive promue par ceux d’en haut.

Alors, nous, hommes d’en bas, nous Gilets jaunes, nous incarnons les particularités. Nous défendons les caractères, les nuances, les hasards. Nous défendons d’autres manières de vivre ! Nous défendons la diversité du vivant et non son appauvrissement ! (..) Nous défendons l’enracinement d’hommes et de femmes particuliers, fruit de l’immense capacité du vivant à produire de la variété et non de la plate identité ! L’univers d’en haut veut produire un Homme hors-sol et monstrueux ! Le monde d’en bas veut retrouver la chaleur, la couleur, et la curiosité de l’altérité ! »

 
 
 
 
 
Pour 2019, Macron souhaite une « écologie industrielle », mais pas nous
 

« Le but premier de l’écologie industrielle n’est paradoxalement pas l’écologie : ce qui est en jeu ici, c’est bien l’idée de perpétuer coûte que coûte un système économique non viable et une production toujours plus grande. »



Nous avons, nous aussi, entendu les vœux qu’Emmanuel Macron a formulés lundi soir pour la nouvelle année 2019, même si on s’est demandé si cela valait la peine de déroger à la loi de sobriété qui interdit l’usage du poste de télévision. À vrai dire, on était bien trop curieux de le voir s’empêtrer dans ses contradictions pour ne pas écouter, car on se demandait un peu de quoi Macron allait pouvoir se flatter au sujet de l’écologie. L’année 2018, qui devait make the planet great again, fut au contraire l’année de toutes les défaites écologiques : projet Montagne d’Or en Guyane, autorisation pour Total d’importer de l’huile de palme pour la fabrication d’agrocarburants, autorisation du glyphosate pour quelques années encore, démission de Nicolas Hulot, absence des représentants français à la COP 24… Et depuis le 18 décembre, pour couronner cette année décidément très « verte », l’État français est maintenant poursuivi par quatre associations environnementales pour « inaction climatique » [1].

 
 
 
 
 
Ronds-points : des lieux pour changer de position
 

Alina Reyes



J’appellerai Rond-point cette œuvre de Sonia Delaunay, en référence à l’actualité et à ses Gilets jaunes. Elle figure, avec une philosophie assez orientale, la complémentarité, le mouvement, la pénétrabilité, la changeabilité qui s’opèrent dans un tel espace. Par les lignes, et par la couleur. Et par une circularité ouverte.

La société française est figée. Les « élites », à savoir les bourgeois nés de bourgeois ou ayant intégré l’ordre bourgeois, s’y comportent en maîtres de maison qui trouvent naturel de posséder les biens et de se faire servir par le peuple, qui doit produire et fournir à bas salaire le travail nécessaire à la vie et à la survie de tous. Imaginons BHL en ses appartements et autres palais, servi par toute une domesticité : il ne lui manquerait plus que de les traiter de fainéants pour figurer exactement la France de Macron.

 
 
 
 
 
Homo Domesticus - James C. Scott
 

Une Histoire profonde des premiers États [Fiche de lecture]



Un fidèle lecteur de lundimatin nous a transmis cette fiche de lecture du dernier ouvrage de James C. Scott, (on peut la retrouver sur le blog de la bibliothèque fahrenheit) qui peut s’avérer utile au moment l’institution étatique semble si forte et fragile à la fois.
« L’État est à l’origine un racket de protection mis en œuvre par une bande de voleurs qui l’a emporté sur les autres »
À la recherche de l’origine des États antiques, James C. Scott, professeur de science politique et d’anthropologie, bouleverse les grands récits civilisationnels. Contrairement à bien des idées reçues, la domestication des plantes et des animaux n’a pas entraîné la fin du nomadisme ni engendré l’agriculture sédentaire. Et jusqu’il y a environ quatre siècles un tiers du globe était occupé par des chasseurs-cueilleurs tandis que la majorité de la population mondiale vivait « hors d’atteinte des entités étatiques et de leur appareil fiscal ».
Dans la continuité de Pierre Clastres et de David Graeber, James C. Scott contribue à mettre à mal les récits civilisationnels dominants. Avec cette étude, il démontre que l’apparition de l’État est une anomalie et une contrainte, présentant plus d’inconvénients que d’avantages, raison pour laquelle ses sujets le fuyait. Comprendre la véritable origine de l’État c’est découvrir qu’une toute autre voie était possible et sans doute encore aujourd’hui.

 
 
 
 
 
 
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