Spectacle fasciste

Mikkel Bolt Rasmussen

paru dans lundimatin#312, le 8 novembre 2021

Le retour de violents affects identitaires nourris de nationalisme, de racisme et de fanatisme religieux laisse entendre que le fascisme représenterait bien plus qu’un ensemble d’ennemis que l’on saurait identifier et combattre. S’agit-il d’une sorte de maladie se lovant dans les replis psychiques de la subjectivité « néolibérale » mutilée ? L’absence de partis de masse qui s’en revendiquent explicitement, exception faite du Bharatiya Janata Party indien, ne nous autorise pas à supposer que le fascisme serait disparu. Il est revenu de toute évidence, mais sous une forme curieusement évaporée, étalée sur les réseaux sociaux et incarnée par des chefs pops médiocres qui lui donnent une apparence encore plus contradictoire et rétrograde que dans les années 1930.

L’initiative individuelle et le marché règnent sans partage après quarante ans de capitalisme néolibéral mondialisé, mais face à l’escalade des conflits et la crise interminable, ils réclament un État fort pour réprimer les éléments racisés – migrants, musulmans, mexicains, juifs, etc. – au sein des classes dangereuses. Les dégâts économiques et le chômage issus de la pandémie de COVID-19 n’ont fait qu’empirer les choses. Pour empêcher un véritable changement de paradigme qui nous permettrait de quitter la « société animale stabilisée », c’est-à-dire tous les dispositifs et les modes de vie qui font de notre espèce un animal incapable de se reproduire hors du capital et du travail salarié, – resurgit le fascisme, mobilisant par son nationalisme agressif les forces sociales de la société de masse fragmentée [1].

Nous vivons une crise prolongée depuis quarante ou cinquante ans. Elle était longtemps masquée sous des sommes impressionnantes de crédit et la modernisation locale de l’Asie du Sud-Est. Mais en 2007-2008 la crise éclata au grand jour, devenant la nouvelle norme. Ce qui avait commencé comme une crise financière mais qui était en réalité une crise économique s’est rapidement transformé en crise aussi bien politique que sociale, alors que les gouvernements, incapables d’ajuster leurs politiques, poursuivaient tout bonnement les mêmes pratiques : un mélange fragile d’austérité et d’impression d’argent (pour les banques). Le résultat vida le système démocratique national, servant prioritairement les intérêts des entreprises et d’une petite élite, de ce qu’il lui restait de substance. Les dernières dix années virent le retour aussi bien d’un mouvement de révolte discontinu à l’échelle mondiale que d’agendas racistes et de politiciens fascistes capables d’insuffler une nouvelle vie aux procédures électorales. Une fois entrés en scène, ces nouveaux chefs fascistes se mirent à défendre les systèmes démocratiques nationaux qu’ils prétendaient combattre. Le fascisme est une contestation contre le long et lent démantèlement de l’État social issu de l’après-guerre, ou d’une certaine idée du monde à l’époque. Ses chefs brandissent l’image de cette époque radieuse d’avant la mondialisation, le chômage et l’émergence des nouveaux sujets politiques venus menacer l’ordre naturel patriarcal. Les personnes migrantes, racisées, musulmanes, juives, les femmes, les minorités sexuelles et les communistes sont montrées du doigt comme ayant causé un déclin historique et moral auquel les chefs fascistes promettent une rétro-ingénierie excluant de nouveau ces sujets indésirables pour restaurer la communauté d’origine.

Mais le fascisme est également une contestation de la contestation. Comme l’expliquait George Jackson dans Devant mes yeux la mort…, il vise l’annulation préventive de la possibilité même de l’émergence d’une opposition radicale à la mondialisation néolibérale et au nexus du l’État-nation capitaliste [2]. Le fascisme entrave la formation d’un véritable front anticapitaliste dont on voit la forme embryonnaire dans les nombreuses révoltes, émeutes et assemblées qui se succèdent partout sur la planète suivant un rythme d’arrêt et de reprise.

De Wilhem Reich, Deleuze et Guattari nous savons le fascisme n’est pas seulement une affaire de partis et de chefs politiques, mais un phénomène micropolitique lié au désir [3]. Les masses désirent le fascisme : il n’a pas fallu duper le peuple pour qu’il soutienne Trump, Le Pen, Salvini ou le Brexit. Comme phénomène micropolitique, le fascisme s’immisce partout, pas seulement au sein de l’État. On le retrouve dans la famille, au bureau, à la campagne et dans la métropole. Il est présent avant qu’il ne se manifeste sous la forme de ce qu’on appelle d’ordinaire le fascisme. Le fascisme, autrement dit, « est inséparable de foyers moléculaires, qui pullulent et sautent d’un point à un autre, en interaction, avant de résonner tous ensemble dans l’État national-socialiste » [4].

Reich, Deleuze et Guattari nous font voir le fascisme comme état préalable – visible, en l’occurrence, dans la manière dont les États-Unis traitent les Autochtones et les Afro-américains, du colonialisme et de l’esclavage jusqu’à la brutalité policière et l’incarcération de masse – se transformant en projet (macro)politique par le biais de diverses formations fascistes. Désormais, la violence fasciste contre les femmes, les personnes noires et les minorités s’est dûment érigée en programme politique, n’étant plus reléguée à la « sphère privée » ni à la forme lente et systémique de la reproduction capitaliste. Le suprématisme blanc est devenu un projet politique. La violence politique fascisme s’est organisée, et on reconnaît désormais la volonté se libérer de toutes contraintes pour jouir de l’exclusion violente de l’autre comme un objectif politique en soi.

Le potentiel fasciste n’a jamais vraiment disparu. George Jackson et une longue liste de révolutionnaires noirs n’ont jamais cessé de le répéter alors même que le « compromis social » de l’après-guerre était à son apogée. Pendant un certain temps ce potentiel prenait d’autres formes que celle de groupes liés à l’État ou de partis politiques convoitant le pouvoir, mais il n’a jamais cessé d’être là. Le déceler était une simple question de perspective, et d’où porter le regard.

Toutes les identités

Beaucoup d’encre a coulé sur le talent qu’ont les néofascistes pour séduire la classe ouvrière blanche. Trump, Salvini et Meloni, Le Pen, Farage et Bolsonaro, comme Pia Kjærsgaard et le Parti populaire danois auparavant, parvinrent tous à attirer une bonne partie du vote ouvrier dans les élections. Ce phénomène est évidemment lié au fait que les partis de centre-gauche sont devenus les gestionnaires des politiques néolibérales et des privatisations, sabrant dans l’assistance sociale pour redistribuer les fonds aux élites. Mais il est également lié à la disparition de la classe ouvrière comme formation politique analogue à une caste et comme relation vécue incarnée dans des organisations, des partis et des institutions culturelles. Comme l’a montré G.M. Tamás, entre le milieu du XIXe siècle et la fin des années 1960 la classe ouvrière disposait de sa propre culture de lutte contre l’ordre établi, rivalisant la bourgeoisie pour contrôler l’économie capitaliste [5]. En Europe, le mouvement ouvrier organisé se préoccupait rarement d’abolir l’État-nation et l’économie basée sur l’argent, cherchant plutôt à améliorer les conditions de vie des travailleurs et à mettre en place une vaste infrastructure institutionnelle d’où faire pression sur l’État capitaliste pour obtenir des droits politiques et de meilleures conditions de travail. Dans le monde développé (ou plutôt surdéveloppé), cette politique mena à la création de l’État social de l’après-guerre, où le capital et le travail se sont « réconciliés » dans l’atteinte de taux de productivité vertigineux. Adorno l’appelait la société de classe sans classes. Leurs meilleures conditions de vie poussèrent beaucoup d’ouvriers à abandonner l’idée d’une transformation radicale de la société pour mettre fin de la domination de classe. Les anciennes structures de classe ont été reconfigurées au point de sembler disparaître, tandis que de larges pans de la classe ouvrière intégraient la classe moyenne. Comme l’a remarqué Jacques Ellul, la classe moyenne est devenue à cette époque une classe invisible, incorporant une bonne partie de la classe ouvrière tout en se stabilisant au point de faire oublier son statut de classe, pour simplement coïncider la société moderne [6]. Cette histoire est celle de l’émergence d’une série de formes qui universalisèrent le pouvoir de classe, rendu invisible. Du moins en apparence, on aurait cru que dans les pays surdéveloppés tout le monde faisait partie de la classe moyenne. Même les ouvriers migrants étaient les bienvenus, malgré le fait qu’ils continuaient à subir le racisme au quotidien. La liberté individuelle remplaça la lutte des classes en cours de processus. L’énergie révolutionnaire avait été neutralisée.

La conflagration sociale de Mai 68 réintroduit en partie une perspective révolutionnaire, faisant éclater en morceaux le rêve d’une société sans classe sur le modèle keynésien. Mais la révolution n’a pas eu lieu, Mai 68 était un large mélange de révolte, d’insurrection et de réformes où les jeunes, les femmes et les personnes migrantes rejetaient l’État providence démocratique et le compromis fordiste concernant rapport entre les salaires et la productivité. Ce rejet prit la forme d’un profond élargissement de conscience étalé sur plusieurs années. Mai 68 redécouvrit en partie les offensives prolétariennes de 1917-1921, mais sans aller jusqu’à énoncer un projet révolutionnaire ou la création d’une société communiste sans État ni argent. Sa révolte ressembla davantage à une série d’expériences se recoupant en partie, où des populations majoritairement jeunes proposaient de nouveaux modes de vie marqués par le refus du travail et de la consommation, rejetant ainsi les fondements du compromis entre l’État capitaliste et les organisations ouvrières (du moins en Occident).

Le refus aussi bien de la nouvelle vie de consommation que des vieux dirigeants prétentieux ayant négocié le compromis fordiste – De Gaulle, Adenauer, Waldeck Rochet – céda paradoxalement la place à une nouvelle stratégie d’exploitation capitaliste. La révolte fut écrasée mais elle fut également recyclée alors que sa dimension « sociale » était vidée de tout contenu politique pour être mise au service du nouveau régime d’accumulation. L’authenticité devint un slogan néolibéral. La revendication d’une nouvelle vie se transforma en recherche désespérée de bonheur individuel et de doses identitaires rapides. Les expérimentations du long Mai 68 se sont mutées en styles de vie hédonistes, alors même que sa politique se dissolvait dans l’affairisme et la spéculation boursière.

La période entre 1968 et 1974 vit la transition entre la critiques moderne et celle, « postmoderne », qui critiqua à son tour l’ancienne culture d’opposition encastrée dans l’idéologie du progrès et du travail propre au mouvement ouvrier pour intégrer de nouvelles cultures contestataires liées à l’écologie et aux relations sociales plutôt qu’à la classe. Cet élargissement, ou cette « rupture dans la théorie de la révolution » – pour reprendre l’expression de Théorie communiste – se traduit néanmoins rapidement par un affaiblissement historique où l’idée d’une vie différente était internalisée par ce que Giorgio Cesarano appelle « la révolution capitaliste » du début des années 1970, où les anciennes cultures ont été remplacées par un nouveau conformisme basé sur l’accès facile aux marchandises [7]. Cesarano identifiait dans ce phénomène la mise en place d’un nouveau pouvoir opérant de l’intérieur. De désir de consommer est celui d’obéir à un ordre qui n’a jamais été donné. Ce nouveau pouvoir liquida ce qu’il restait de culture collective dans la classe ouvrière, pavant la voie aux nouveaux modes de vie basés sur la consommation individuelle. Désormais, on ne se rassemble plus que dans la mesure où l’on est séparés. L’idée d’une communauté nouvelle refit brièvement surface en Mai 68, mais disparut tout aussi subitement, n’en laissant que la « tolérance répressive » des entités comme l’État-nation, la famille, la propriété privée et l’individu avec sa vie sexuelle « libérée ».

La classe ouvrière s’est éclipsée ; mais pas la lutte des classes. Depuis quarante ans la classe régnante s’est affairée à soutirer toujours plus de richesses d’un système qui génère de moins en moins de profit. La force du mouvement ouvrier reposait sur la redistribution entre le capital et les travailleurs des marges issus des gains de productivité. Mais à partir du début des années 1970 la classe capitaliste afficha un refus obstiné de partager les recettes dans le contexte de la stagnation des gains de productivité. Il en résulta un chaos où de plus en plus personnes exclues du travail salarié devait trimer pour joindre les deux bouts sous le contrôle de la police. Nous voici dans le capitalisme tardif, d’où renaîtra le fascisme en promettant de donner un avantage aux véritables dépositaires de la nation : le peuple, celui des Américains blancs, des Français pure laine, des vrais Italiens et des Danois de souche. Quant aux personnes musulmanes, migrantes ou issues de l’immigration, elles devront décamper, déménager ou disparaître : elles ne font pas partie du peuple. Les ressources se font rares, mais les Blancs auront un accès prioritaire à ce qu’il en restera après que la classe dominante aura touché sa part. Voilà la promesse bidon du fascisme version capitalisme tardif.

Dans ce contexte, toute tentative de recomposer la classe ouvrière ne saurait être que parodique. Il est beaucoup plus facile de ressusciter l’idée d’une communauté nationale perdue en brandissant l’épouvantail d’un dangereux « parasite » ennemi menaçant l’intégrité et le bien-être de la communauté nationale : les Musulmans, les Mexicains, les Juifs ou les Marxistes, tous aussi parasitaires. Visualiser les lois impersonnelles de l’accumulation capitaliste est insuffisant contre la pseudo-concrétion fasciste : le voilà, votre ennemi, voyez sa beau sombre, ses vêtements étranges et ses habitus culturels suspects. Ce que font Trump, Salvini, Orbán, Thulesen Dahl et Bolsonaro c’est de « fabriquer » un peuple en s’en prenant aux Noirs, aux Mexicains, aux Roms, aux immigrants musulmans ou aux Autochtones amazoniens.

La vacuité de la société capitaliste se cache sous nos yeux. La classe ouvrière n’est plus. Les « ouvriers » ne sont guère plus invoqués que comme une identité politique canalisant la haine des étrangers. La lutte des classes verse désormais dans la politique identitaire malsaine, tandis que la vieille dichotomie gauche-droite dévoile sa vacuité comme ritournelle de la politique spectaculaire des vieilles démocraties nationales. Les permutations et manipulations constantes sont à l’ordre du jour. La politique verse dans l’affairisme depuis si longtemps que la seule opposition concevable proviendrait de grotesques chefs fascistes dont les fausses alternatives ne font que confirmer le vide des institutions démocratiques et différer indéfiniment la négation de l’État-nation et de l’économie de l’argent. Les superstitions religieuses et les nouvelles-vieilles formes de nationalisme s’immiscent de toutes parts, elles ne sont pas l’apanage exclusif de l’hégémonie meurtrie des États-Unis. Partout ou presque, la satisfaction instantanée de Facetune et les allusions encore plus vides à la communauté perdue vont de pair. Le spectacle 2.0 fournit la scène idéale pour ces réenchantements nostalgiques – et de plus en plus violents – de relations sociales fantasmées.

L’ouvrier a disparu, abandonné par les partis de gauche et de centre-gauche, dupé par la promesse d’un emploi stable, du crédit à la consommation et de gadgets bon marché. Le rêve d’un monde où chaque génération successive (du moins en Occident) disposerait de meilleures conditions de vie ne se réaliserait pas, hormis pour un club sélect. La destruction et les inégalités capitalistes se sont en quelque sorte traduites en un sous-développement et une décomposition temporelle. Les inégalités sont revenues au galop, n’étant plus réservées aux anciennes colonies ou à l’arrière-cour des métropoles d’antan. Elles sont maintenant un cauchemar même pour la progéniture des heureux élus qui avaient été compensés. Plus pauvres que leurs parents, titrait un fameux rapport publié en 2016 par le McKinsey Global Institute. Pour la première fois depuis les années 1950, les jeunes occidentaux devaient s’attendre à de pires conditions de vie que leurs parents, annonçait le rapport [8].

Aujourd’hui, tout est question d’identité, même la classe. Pour paraphraser Stuart Hall, l’identité semble être devenue la modalité à travers laquelle la classe est vécue. L’intersectionnalité fournit le chiffre de cette énigme, l’incapacité de confronter et de surmonter théoriquement et politiquement cette (unité dans la) séparation. Le prolétariat est fragmenté, divisé, incapable de former un mouvement. La composition actuelle des classes coïncide avec leur décomposition. Mobiliser cette masse frustrée sous une autre forme qu’une foule raciste n’est pas une tâche facile.

Considérons les Gilets jaunes en France. Un mouvement hétéroclite s’il en est, qui a commencé comme une protestation contre une taxe sur l’essence pour aboutir à l’occupation de ronds-points à travers le pays. Le mouvement était né de discussions en ligne, sans aucun lien avec les syndications ouvriers et les organisations de gauche. Son symbole n’était pas le drapeau rouge mais le gilet jaune, que chacun doit obligatoirement avoir dans sa voiture en France. Leurs gilets visibilisaient les manifestants dans un monde où ils sont condamnés à l’invisibilité et la souffrance sociale ; un monde où les familles rurales de la classe moyenne inférieure doivent choisir entre l’essence dont elles ont besoin pour se rendre au supermarché et la nourriture qu’elles pourraient y acheter. Le mouvement s’en prenait à Macron et à l’élite financière qu’il représente, mais son refus n’était canalisé par aucune instance de représentation politique. C’était tout simplement impossible. Les gilets jaunes étaient tout simplement « contre », et n’entendaient pas abandonner leur mode de vie basé sur le pétrole. Leur mouvement était une réaction, mobilisant aussi bien les gens qui n’avaient plus les moyens de continuer leur mode de vie que ceux qui voulaient vivre différemment. Mais il ne proposait pas de véritables demandes ou de vision d’ensemble. Le fait qu’on y brandissait des drapeaux français tout en désacralisant l’Arche de Triomphe, l’un des symboles les plus sacrés de la nation française, en dit beaucoup sur son caractère contradictoire. Les gilets jaunes ont montré à quel point notre époque est instable et combien il est devenu difficile de passer de propositions identitaires à une perspective révolutionnaire. Comme les autres mouvements de contestation actuels, les gilets jaunes cherchaient des stratégies mais, incapables d’en établir, se sont contentés d’interrompre le statut quo, de refuser le (dés)ordre actuel. Il en alla de même pour le mouvement qui a suivi le meurtre de George Floyd, qui ne proposait rien sinon d’attaquer l’État par l’intermédiaire de la police.

La leçon des luttes actuelles contre l’État mène donc au même paradoxe que le fascisme propre au capitalisme avancé, où les conflits politiques sont toujours transposés en termes identitaires. Nous faisons face à un désordre objectif dont l’expression subjective passe par des types de refus divergents, incluant le retour fasciste à un passé proche, mais rencontrant tous une même limite objective. Le salaire de la blancheur – qui va s’érodant – ne retrouvera pas son ancienne gloire en érigeant des murs aux frontières, en interdisant d’entrée les Musulmans, en réindustrialisant le pays ou en blâmant des ennemis racisés. Mais il parviendra sans doute pour un temps à conjurer les vrais défis qui s’imposent, remplissant ainsi la véritable fonction du fascisme.

Mikkel Bolt Rasmussen

Traduit par Philippe Blouin depuis le site de nos amis états-uniens Ill Will

[1La notion de « société animale stabilisée » a été élaborée par Giorgio Cesarano dans son Manuale di sopravvivenza. Bari : Dedalo, 1974, p. 66 – également publié en français sous le titre Manuel de survie aux Éditions La Tempête, en 2019. Ce concept a été repris par Tiqqun dans « L’Hypothèse cybernétique », Tout A Failli , Vive le Communisme ! Paris : La Fabrique, 2009, p. 248.

[2Comme le dit Jackson, « le but ultime du fascisme est la destruction complète de toute conscience révolutionnaire » (notre traduction). Voir Devant mes yeux la mort. Paris : Gallimard, 1972).

[3Wilhelm Reich. La Psychologie de masse du fascisme. Paris : Payot, 2016 ; Gilles Deleuze et Félix Guattari. Mille plateaux. Capitalisme et schizophrénie. Paris : Éditions de Minuit, 1980.

[4Gilles Deleuze et Félix Guattari. Mille plateaux. Capitalisme et schizophrénie. Paris : Éditions de Minuit, 1980, p. 261.

[5G.M. Tamás : “Telling the Truth about Class”. In Socialist Register 2006 : Telling the Truth, édité par Leo Panitch et Colin Leys. Londres : Merlin Press, 2005, pp. 228-268.

[6Jacques Ellul. Métamorphose du bourgeois. Paris : Calmann-Lévy, 1967.

[7François Danel. Rupture dans la théorie de la révolution. Textes 1965-1976. Marseille : Senonevero, 2008 ; Giorgio Cesarano et Gianni Collu. Apocalypse et révolution. Paris : Éditions La Tempête, 2020.

[8McKinsey Global Institute. Poorer than Their Parents ? Flat or falling incomes in advanced economies. 2016 ; https://www.mckinsey.com/featured-insights/employment-and-growth/poorer-than-their-parents-a-new-perspective-on-income-inequality

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