Ce dimanche on apprend qu’une copine a été victime de viol lors d’une fête. L’épouvantable, c’est la banalité de cet événement. Statistiquement, si ce n’était pas notre copine ce soir-là, cela aurait été le sort d’une autre personne. Statistiquement, lorsque ces mots sont en train d’être écrits, il y a une victime de plus à déplorer, à ajouter à la liste des autres de cette journée.
Les corps brisés s’entassent dans le silence. Solennellement, nous accumulons une haine qui ne s’évapore même plus lorsque nos corps brûlent dans la danse et les cris. Nous avons été patientes : on attend depuis des siècles la gueule couverte de bleus. Alors, un crachat à vos faces quand vous dites que nous sommes belles.
Car en réalité nous sommes laides ! Laides des coups, nous avons toutes le nez en morceaux, la mâchoire pétée et des coquards en guise de regard. Toutes, nous sommes amochées et aucun compliment sur notre maquillage ou les courbes de notre cul n’y changera rien. Un corps de vaincue, ce n’est pas beau à voir.
Nous ne viendrons plus parce que nous avons compris que nous sommes vos ennemies. Nous vous traiterons donc comme tel. On rendra tous les coups, on ne laissera parler personne avant nous, on hurlera plus fort, on sera injustes, on sera aveugles, on fera peur. Pas par gaîté de cœur : simplement pour survivre. Si nous venons, si nous dialoguons, ce ne sera qu’après la preuve nette et indubitable de votre traîtrise auprès des vôtres. Si vous apprenez à vous taire, peut-être qu’on vous écoutera. Si vous vous organisez pour nous accompagner sur nos fronts, peut-être que nous vous dirons quoi faire. Si vous écrivez des poésies qui ne nous insultent pas, peut-être que nous les lirons. Si vous faites des chansons qui célèbrent nos victoires, peut-être qu’on les écoutera. Si vous vous acharnez à mettre en place des lieux et des fêtes qui nous accueillent, peut-être qu’on viendra. Même après tout cela, nous resterons méfiantes car ce sont nos vies et nos corps que nous mettons en jeu.
Entendez ceci comme un avertissement proféré d’une voix grave et tremblante de colère.
Entendez ceci
Vous n’aurez pas la paix.
Nous ne réclamons rien. Nous n’attendons rien. Même brisées et épuisées, nous continuerons à nous battre, avec un sourire en coin. Nous sourions parce que nous savons que, malgré les apparences, vous êtes fragiles. Sinon vous ne feriez pas preuve d’un tel acharnement à mater nos corps. Et nous serons belles le jour où le dernier complice des patriarcats sera pendu avec les tripes du dernier flic.
Chers hommes cis et hétéros
Les amochées vous saluent
Haine Rage Amour