Mémoire d’hier et d’aujourd’hui

« Nous avons décidé de mettre en lumière ces milliers de noms oubliés pour leur rendre l’humanité que la France et la responsabilité mondiale leur ont volée. »

paru dans lundimatin#186, le 9 avril 2019

Hier dans la soirée, des plaques transparentes portant le nom de réfugié.es mort.es en tentant de rejoindre l’Europe ont été apposées sur le terrain commémoratif du mémorial de l’abolition de l’esclavage. Dans la volonté de le prolonger, ces plaques ont également été disséminées dans la ville. Ces noms sont tirés d’une liste publiée par un journal allemand « Der Tagesspiegel » le 10 novembre 2017 : elle recense depuis 1993 les noms de 33293 personnes retrouvées mortes.

La ville de Nantes, important port du commerce triangulaire, a bâti sa richesse et son rayonnement sur la marchandisation de vies humaines. Cet héritage n’appartient pas qu’au passé, il est encore constitutif du patrimoine historique et est toujours une manne du dynamisme économique de la ville. En commémoration, un mémorial est inauguré le 25 mars 2012, tardivement et maladroitement. Est-ce suffisant pour tirer des leçons de ce sinistre passé ? Il n’y a pas de pardon sans action. Ce mémorial aurait dû réveiller plutôt qu’endormir. Il faut des engagements à la hauteur de ce passé. Or dans la politique actuelle de la ville, les expulsions se multiplient et les réfugié.es restent dans la détresse, n’ayant pas accès aux papiers, aux logements, aux soins, au travail, ainsi qu’à bien d’autres besoins ou loisirs.

En réaction à l’inaction et à l’ignorance de plus en plus flagrante du pays à l’égard de ces enfants, de ces femmes et de ces hommes qui ont risqué leur vie dans l’espoir d’une existence digne et juste, nous avons décidé de mettre en lumière ces milliers de noms oubliés pour leur rendre l’humanité que la France et la responsabilité mondiale leur ont volée.
Présentement, la France a envoyé cinq bateaux en Méditerranée en soutient aux gardes côtes libyens pour empêcher les embarcations des réfugiés de rejoindre les côtes françaises.

mes gloires plutôt que mémoire
mémoire glorifiée puis oubliée
ils ne conjuguent la mémoire qu’au passé
même amnésie même écran noir
alors qu’ici on commémore, aux frontières on se noie

les visages floutés, les portes fermées
vous ne voulez pas les voir, vous ne voulez pas savoir
alors qu’ils ne cherchent qu’une main pour sortir d’un cauchemar
mais l’asile vous effraye derrière vos clôtures blindées
parlant de « migrants », rejetant toute individualité

mémoires dérivées, sortez de vos sarcophages
mémoires anesthésiées, prêtez vos toits pendant l’orage
on se rappelle de l’abolition, mais pas de l’esclavage
sortez de vos cages et tendez vos mains
le mémorial d’hier est celui de demain

Collectif Baudroie

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