Cauchemars et facéties #56

Une semaine passée sur les internets.

Cauchemardos - paru dans lundimatin#96, le 5 mars 2017

La police française, ses violences, ses dissimulations ; enfin, la très grande angoisse produite par l’internet, notamment sur ceux qui en vivent.

Je te tiens...

L’hebdomadaire Le Point, révèle l’existence d’une « note de la direction zonale des compagnies républicaines de sécurité datée du 1er mars (et non du 1er avril) de la région Est », qui demande aux officiers CRS de recenser leurs effectifs barbus ou « porteurs d’un bouc ».

« À compter de ce jour est mis en place un tableau mensuel recensant le nombre de fonctionnaires porteurs de barbe ou de bouc. (Ce tableau sera à envoyer à chaque fin de mois au plus tard le dernier jour ouvré).[...]

Dans la colonne "Nbre de porteurs de barbe", vous y mentionnerez tous les fonctionnaires de votre unité porteurs soit de la barbe ou du bouc. Dans la colonne "Nbre dérogations", vous y ferez apparaître le nombre de fonctionnaires ayant présenté un certificat médical (administratif ou non) lui autorisant un port de barbe. Aucune autre considération n’est à prendre en compte dans ce recensement qui reste très succinct.

L’hebdo rappelle que le « look du fonctionnaire de police est régi, il est vrai, selon des dispositions réglementaires » :

De la taille de la barbe à la coupe de cheveux en passant par le port de la boucle d’oreille, voire de piercings pour les hommes comme pour les femmes, tout est autorisé, mais dans des limites strictes.

Cependant, le journal n’indique pas ce qui motive, dans l’Est de la France, la recension par leur hiérarchie des CRS à la pilosité faciale « trop » développée...

Violences

Censure

Indécence

Le Bondyblog relate la garde à vue de 13 lycéen-ne-s, le 27 février, à la suite du blocus de leur lycée (contre les violences policières). Extrait :

La jeune fille de 16 ans rapporte que des policiers ont eu des paroles déplacées à l’égard de deux de ses camarades. “Abdel* voulait partager sa cellule avec son pote, le policier lui a répondu qu’il ‘ramènerait des capotes’, son collègue a ajouté, “c’est comme ça que ça a commencé avec Théo’”. Son récit est corroboré par plusieurs témoins de la scène. Les garçons en question, eux, n’ont pas souhaité témoigner.

Le lendemain, lors d’une manifestation à Nation :

Acharnement

Dissimulation

Arnaque

Violences (encore)

Alors que les lycéens ont continué de se mobiliser cette semaine contre les violences policières, en bloquant notamment leurs établissement à Paris et sa banlieue, ainsi qu’à Lille, ils ont de nouveau du faire face à la violence des forces de l’ordre.

Les lycéens de Jules Ferry racontent ainsi sur Paris-Luttes.info :

des agents de la BAC agressent des élèves. Ils enlèvent des poubelles et frappent les élèves qui s’approchent trop près de l’entrée principale du lycée. 8 agents de la BAC (brigade anti criminalité) qui n’avaient pas de brassard, et une petite dizaine de policiers en uniforme se positionnent en face du lycée. Mais lorsque qu’une quinzaine de lycéens arrivent avec quelques barrières pour rendre le blocus visible par tous, la BAC les frappe en poussant les barrières sur les lycéens, et ainsi en les cognant contre le mur. La BAC chasse ceux qui s’approchent trop proche d’eux, un agent crie à un élève « viens pas ou je te la mets ».

Carnaval

Le 28 février avait lieu le Karnaval des Gueux dans le centre-ville de Montpellier. Le site e-metropolitain.fr raconte que malgré « l’important dispositif de sécurité mis en place, le cortège festif a vite été le prétexte à des débordements et à l’expression politique de la mouvance anarchiste. » Un peu plus précisément :

La porte d’entrée d’American Vintage est complètement explosé. Quelques articles ont été dérobés. Le magasin étant équipé de caméras de vidéosurveillance, des vigiles ont fait le pied de grue cette nuit et ce matin pour éviter le pillage.

Les agences immobilières ont été la cible privilégié des tagueurs et casseurs. Tout comme la police ou les politiques. Le carnaval des Gueux, même s’il est habituellement sujet à des débordements, revêtait un caractère particulier cette année en raison des événements politiques et sociaux de ces derniers mois. L’appel avait également été lancé pour soutenir le Royal Occupé.

Un lecteur de lundimatin nous a justement fait suivre un communiqué, dont on a du mal à identifier la source, mais qui semble émaner de proches du « Royal Occupé », justement sus-cité. Dans ce texte les autrices expliquent :

Comme le dit très bien Montpellier Poing info, à Montpellier, cela fait des décennies que les pauvres, « les déviantes » et toutes celleux que notre société considère comme « indésirables », profitent de mardi-gras pour occuper le centre-ville et choquer les bourgeois. Le Carnaval est une fête contestataire qui existe depuis le Moyen-âge, à Montpellier comme ailleurs, c’est une tradition populaire, faisant donc parti du patrimoine culturel et historique de la ville. Il est étonnant que le maire de Montpellier ne soit pas renseigné sur les traditions locales. Donc OUI !« c’est moche et c’est pas joli », ça fait du bruit, et ça à toujours été fait pour ça. Le Karnaval des Gueux a toujours réuni les familles, les squatteuses, les clochardes, les étudiantes, les anarchistes, les saltimbanques et ne peut être réduit à l’une de ses facettes.

On comprend qu’un carnaval sans bruit, joie et fureur, à Montpellier ce n’est pas vraiment le carnaval :

La casse de vitrines bourgeoises, la danse, les lacrymos, les clowns et confettis ont toujours été de la partie dans cette fête populaire, unis en un seul et même cortège festif, avant tout, mais tout de même contestataire.

Alors pourquoi la fête de cette année a tant choqué ? Selon ces participantes, la tension entre les carnavaleux-ses et les forces de l’ordre s’étaient accrue lors des précédents éditions :

Si le Karnaval de cette année à été jugé plus violent que les précédents, c’est que les violences policières impunies de cette année ont poussé certaines Karnavalieres à se protéger en tenant la police à l’écart. Les années précédentes les abus policiers, la confiscation de chars et les interpellations gratuites étaient déjà de rigueur et cette année s’inscrit dans la continuité. En effet deux manifestants ont étés blessés à la tête par des coups de matraque, une autre manifestante a reçu un flashball dans le dos, des tirs à hauteur de tête ont également été signalés.

Elles expliquent par ailleurs l’appui du Royal à cette fête. Et rappellent les violences exercées cette année par les forces de l’ordre :

Comme on s’y attendait le lendemain du Karnaval les médias et les politiques tentent de rejeter toute la faute sur les squatteuses en accusant le Royal d’avoir développé toute la logistique nécessaire aux dégradations et aux violences contre la police. En effet, le dragon accroché dans le hall du cinéma s’est baladé joyeusement entre les batucadas, les danseuses et les confettis. Et oui comment le Royal, lieu culturel alternative de Montpellier aurait-il pu s’empêcher de participer à cette grande fête ?
[...]
Et pendant que les médias montrent du doigt les Karnavalieres pour quelque vitrines brisées, cartons brûlés et sous-vêtements bourgeois volés ;des personnes soignent dans le silence médiatique leurs plaies offertes par la bac.
[...]
À l’heure où un climat fasciste s’installe sans que personne ne s’en rende compte, les mouvements sociaux sont criminalisés, les lycéenes prennent la rue, des manifestations embrasent les quartiers populaires et des ZADs continuent de vivre partout en France. On entend chuchoter partout les personnes qui s’organisent hors de ce pouvoir, de cette politique et de cette justice ; que vivre, c’est lutter, et que leurs manœuvres douteuses ne nous arrêterons pas.

Bonne mère

Sans transition (promis, on arrête à partir d’ici de parler de la police) : Rue89 revient sur la prétention de Facebook a prévenir le suicide.

Avec plus d’un milliard d’utilisateurs, Facebook a compris qu’il était devenu un véritable espace public, et considère qu’il doit assumer d’y assurer l’ordre, mais aussi la sécurité.

Les équipes de Facebook se voient maintenant obligées de prendre position sur beaucoup de sujets : les catastrophes naturelles et attentats (avec le SafetyCheck), les fake news, le harcèlement... et maintenant le suicide.

Lorsque l’algorithme trouverait un utilisateur à risque, le réseau lui afficherait un message proposant de chercher de l’aide auprès d’un ami ou d’une instance.

Cette prétention implique évidemment que Facebook puisse détecter les intentions de ses utilisateurs avant leur passage à l’acte.

En effet, comment déterminer le risque chez une personne de se suicider ? “Il faudrait tracer tout ce qu’on fait, avec qui on interagit…” Facebook ne s’intéresse pas seulement à ce qu’on poste : il regarde aussi ce qu’on like, avec qui on est amis, notre messagerie privée... L’algorithme analyserait aussi le vocabulaire d’un utilisateur pour repérer les éléments de langage qui traduisent un état dépressif ou suicidaire.

La méthodologie est certainement bien plus complexe que ça. Facebook ayant notamment tendance à utiliser les données que les autres utilisateurs détiennent sur vous-mêmes, comme le montre par exemple le célèbre « Vous connaissez peut-être » (sur lequel Rue89 s’était déjà penché, en montrant que cet algo utilisait, outre la géolocalisation, la présence de votre numéro de téléphone dans les répertoires d’autres utilisateurs).

Le site d’information craint en tout cas que de tels algorithmes puissent être adaptés pour détecter d’autres genres d’intentions :

D’ailleurs Facebook ne compte pas s’arrêter là, la prochaine étape serait de détecter les potentiels passages à l’acte des terroristes. Et cela inquiète l’avocate : “Ils vont dénoncer les gens ? Alors quoi, on va voir la police débarquer chez nous parce qu’on a mis une connerie sur Facebook ?”

Mais cette option n’est encore qu’à l’étude. En attendant, la mission de cette intelligence artificielle est de protéger les adolescents fragiles.

Déconnexion

Le site haro-grenoble.info explique comment se débarasser d’un compteur électrique intelligent Linky, une fois qu’il a été gentiment installé à l’insu de l’usager.

1) Coupez votre disjoncteur dans votre maison pour ne pas être en charge, afin d’éviter un flash dans le point 3 ci-dessous.

2) Repérez ce qu’on appelle « la grille » EDF qui supporte les fusibles EDF. Ceux-ci déterminent votre puissance souscrite. La grille se trouve en amont du compteur, soit dans la colonne de l’immeuble, soit dans votre coffret.

3) Déplombez-la et retirez en premier le fusible de la phase, puis ce qu’on appelle la barrette de neutre.

La suite est à lire ici.

Avec le sourire

Et voilà, ce qui devait arriver, arriva, le capitalisme est devenu vraiment très sympa !

Le site Widoobiz nous présente la startup de livraison de repas d’affaires Pop Chef. Ses patrons affirment ne pas fixer d’horaires ni de durée de travail à leurs employés, qui peuvent par ailleurs prendre leurs vacances du jour au lendemain.

Nos salariés sont libres de poser leurs vacances quand ils le souhaitent, s’ils veulent poser 3 semaines du jour au lendemain et qu’ils se sont organisés dans leur travail pour le faire, ils le font.

C’est pas contre-productif pour une entreprise d’avoir des employés aussi libres ?
Non, au contraire ! Un salarié fatigué ça c’est contre-productif. Avec François mon associé, on a toujours été d’accord sur le fait qu’un salarié heureux c’est un salarié libre. On n’a pas non plus de culture de l’horaire comme il existe dans la plupart des entreprises françaises. Chacun travaille quand il veut. On préfère voir un salarié 4h par jour à fond dans son travail et qui a du temps pour d’autres loisirs l’après-midi plutôt qu’un salarié qui traîne à la tâche et s’implique moins. Je trouve ça aberrant quand j’entends que certaines personnes restent au bureau jusqu’à 19h parce que c’est stipulé dans leur contrat alors qu’elles n’ont plus grand chose à faire depuis 17h…
[...]

En tant que CEO, j’ai toujours choisi la voie de la transparence. On communique tous les jours les chiffres. Quand ça ne va pas, on le dit. C’est comme ça que les choses fonctionnent et que nos employés ont confiance en nous.

[...]
Le modèle du patron qui a son bureau au dernier étage c’est dépassé. On ne s’octroie pas non plus de privilèges. On distribue des tracts avec eux, une fois par mois on effectue une livraison, c’est ce qui fait qu’ils ont confiance en nous et aiment travailler pour nous je pense.

Evidemment on ne connaît pas la contrepartie du temps de travail libre, et de la transparence. Que se passe-t-il quand les chiffres disent que « ça ne va pas » ?
On ne doute pas cependant que le « bonheur » soit un facteur important pour la productivité. Et plus que le bonheur (dont l’objectivation est rendue difficile), l’accomplissement personnel. Il est certain, surtout, que l’apparence de « sympathie » est une qualité importante pour une marque. Et qu’à l’heure des startup, le CEO incarne la marque.

Avec le sourire (2)

C’est le (nouveau) problème auquel a été confronté récemment Travis Kalanick, le CEO d’Uber. Une vidéo a circulé sur l’internet montrant une altercation entre lui et un chauffeur du service Uber Black. Le journal Le Monde a retranscrit le dialogue :

Fawzi Kamel : « Mais les gens ne vous font plus confiance. J’ai perdu 97 000 dollars à cause de vous. Je suis en banqueroute à cause de vous. Oui, oui, oui. Vous modifiez [les tarifs] tous les jours.
– Attendez une minute, qu’est-ce que j’ai modifié sur Uber Black ? Qu’est-ce que j’ai modifié ?
– Vous avez changé tout le business. Vous avez baissé les prix. »
(…)
– N’importe quoi.
– On a commencé à 20 dollars.
– N’importe quoi.
– On a commencé à 20 dollars. Maintenant le mile est à combien ? 2,75 dollars ?
– Vous savez quoi ?
– Quoi ?
– Certaines personnes n’aiment pas assumer leur merde. Ils accusent les autres pour tout ce qu’il se passe dans leurs vies. Bonne chance. »

Quelques heures après la révélation de cette vidéo, Travis Kalanick a été contraint de s’excuser :

Le moins qu’on puisse dire est que le PDG d’Uber ne sort pas grandi de cette discussion. Le sentant lui-même, il a rendu public un e-mail envoyé, quelques heures après la publication de la vidéo, à l’ensemble des employés de la compagnie dans lequel il écrit : « Dire que j’ai honte serait un euphémisme. »
« Cette vidéo me reflète clairement, et les critiques qui nous ont été adressées sont un dur rappel que je dois fondamentalement changer en tant que leader et grandir un peu. C’est la première fois que je suis capable d’admettre que j’ai besoin d’aide en tant que dirigeant et j’ai l’intention de l’obtenir. »

Il faut dire que l’image d’Uber devient calamiteuse. En plus des conditions de travail de ses chauffeurs ou de son positionnement pro-Trump (Travis Kalanick a accepté de conseiller le nouveau président américain, avant de renoncer ; par ailleurs, alors que des chauffeurs de taxis avaient engagé une grève pour protester contre le décret interdisant le territoire aux ressortissants de sept pays, Uber avait profité de la situation pour lancer une offre promotionnelle pour l’usage de ses services), ce sont cette fois les conditions de travail au sein de ses bureaux qui ont fait scandale aux Etats-Unis. Comme le rappelle le Nouvel obs :

Le New York Times a publié jeudi 22 février un article accablant sur l’ambiance chez Uber : basé sur des entretiens avec une trentaine d’employés actuels ou passés, la consultation d’e-mails internes, de tchats et d’enregistrements de réunions, indique le quotidien, il peint « une culture d’entreprise souvent débridée » ; ambiance macho répandue, à le lire : un directeur qui hurle une injure homophobe à un subordonné pendant une réunion, un manager qui empoigne les seins de collègues lors d’une sortie d’entreprise à Las Vegas (il a été licencié dans la demi-journée) où la cocaïne affluait, un autre qui menace un salarié aux résultats insuffisants de lui asséner un coup de batte de baseball...

Là encore, le PDG d’Uber avait été contraint de s’excuser.

... mais avec effroi

Les sociétés les plus puissantes de la Silicon Valley ne cachent pas leurs prétention politique ; c’est le cas d’Uber, à propos du travail, c’est le cas de Google ou Facebook, évidemment. On ne sait pas si les hauts-cadres de ces société sont concernés par cet article de Rue89, dans lequel son rédacteur en chef prétend que « la moitié au moins des millionnaires de la Silicon Valley se prépare » concrètement à LA catastrophe, qu’elle soit « naturelle » ou qu’elle consiste en une révolte massive contre eux-mêmes.

Steve Huffman, 33 ans, cofondateur de Reddit (une sorte de vaste forum estimé à 600 million de dollars), s’est fait opérer des yeux parce qu’en cas de désastre, il veut augmenter ses chances de survie sans lunettes ou lentilles de contact. Chez lui, il a des motos, des armes, des munitions, de la nourriture stockée. “De quoi voir venir un bon moment”, explique-t-il. Un ancien haut cadre de Facebook, lui, s’est acheté quelques hectares boisés sur une île du Pacifique Nord où il a installé générateurs, panneaux solaires, et un tas de munitions. Pas trop loin de zones habitées, parce qu’il a une théorie : on ne pourra pas survivre seul, il faudra former une milice locale.

Un dirigeant d’une entreprise numérique préfère ne pas avoir recours aux armes à feu, il prend des cours de tir à l’arc. Un autre, à la tête d’un fonds d’investissement, a un hélicoptère avec un réservoir plein, toujours prêt à décoller, et a fait construire un bunker, équipé d’un système de filtrage de l’air. Et il affirme que beaucoup de ses amis font de même.

Pourquoi, plus que dans beaucoup d’autres secteurs de la société, les millionnaires de l’internet craignent à ce point la survenue prochaine de l’apocalypse ?

L’un de ces survivalistes high tech livre une hypothèse : “Les gens les plus au courant des leviers qui activent la société comprennent qu’on vit en ce moment sur une très fine couche de glace.” Par exemple, eux plus que les autres savent à quel point nous sommes dépendants des technologies (l’acheminement des denrées par exemple) et combien les technologies sont faillibles (sensibles aux attaques). C’est moyen rassurant.

Mais il y a une hypothèse conjointe : certains craignent un effet backlash des torts que la Silicon Valley a causés à la société américaine dans son ensemble. En gros, ces gens se sont enrichis en automatisant le travail, en reléguant des pans de l’industrie dans l’Histoire, ils craignent une rébellion contre eux

L’auteur de l’article livre aussi d’autres explications : ces gens à force d’« inventer un avenir » radieux, pratique, technologique, imaginent aussi concrètement sa face ratée, sombre. Ils baignent de plus dans une culture geek imprégnée par le mythe de l’attaque de zombies. De plus, ils ont tellement d’argent, que non seulement ces préparatifs n’amputent pas de manière significative leur fortune, mais aussi qu’« ils sont déjà parés à tout », il leur faut donc « s’inventer une angoisse supérieure, un but ultime ».

Compassion

Evidemment, ce genre de petit luxe n’est pas donné à tout le monde dans la Silicon Valley, où, hausse des loyer oblige, même les employés très très bien rémunérés galèrent au quotidien.

Il gagne 160 000 dollars par an (152 000 euros) et pourtant il se plaint : « Je ne suis pas devenu informaticien pour en être à essayer de joindre les deux bouts. »

« Ce quadragénaire, employé chez Twitter, est un des témoins interrogés par le Guardian » et repris ici par Rue89.

On ne sait pas à quel point il exagère, toujours est-il que se loger dans la Silicon Valley semble être devenu un enfer. Les loyers y seraient devenus tout simplement les plus chers au monde.

L’article cite des salariés vivant dans des conditions miteuses, comme un employé d’Apple habitant dans un garage, ou un salarié partageant avec 12 autres informaticiens un appartement de deux chambres loué via Airbnb ; ce dernier paie 1 100 dollars par mois pour une chambre partagée à cinq.

Et acheter une maison se révèle tout simplement impossible :

Une quinquagénaire travaillant dans le marketing numérique pour une grosse boîte de télécoms raconte : « Nous gagnons plus d’un million de dollars [par an] à nous deux, mais on ne peut pas se payer de maison » [...] Un autre salarié, dont le trajet vers le bureau peut prendre jusqu’à deux heures et demie, explique : « Nous avons visité une maison qui aurait raccourci mon trajet au travail de 13 km [soit un bon tiers, ndlr]. Elle est partie en 24 heures pour 1,7 million de dollars. »

Le quotidien anglais a le bon ton de rappeler que, si pour les employés de la tech richement rémunérés, se loger est devenu une « galère », pour les personnes plus modestes la hausse délirante des loyers signifie plus simplement le déménagement forcé, ou pire...

Pour une personne âgée dont le service de soins est en bas de la rue, le déménagement peut être une condamnation à mort. Pour une famille d’immigrés avec deux enfants, quitter une ville sanctuaire [contre les contrôles policiers accrus par Trump contre les sans-papier] signifie que vous risquez l’expulsion.

Par ailleurs, la Silicon Valley n’est pas la seule zone concernée. Vous vous souvenez peut-être de la lutte contre la Googlisation de San Francisco. Et notamment de l’affaire des « bus Google » : la société possède ses propres navettes qui convoient ses employés, de plus en plus nombreux à habiter à San Francisco ; les loyers ont augmenté de manière substantielle autour des arrêts desservis par ces véhicules ; des militants avaient notamment bloqué plusieurs de ces bus. Plus récemment, voici ce qu’il s’est passé à Los Angeles - c’est cette fois Snapchat qui est concernée :

Avenir

Quand on parle de remplacement des humains par des robots, on pense plus généralement à la fin du travail à la chaîne. Et pourtant, les métiers « manuels » ne sont pas les seuls concernés par l’automation, bien au contraire. Numerama nous apprend que :

Une I.A., la « IBM Watson Explorer », remplacera 34 employés d’une assurance vie japonaise, la Fukoku Mutual Life Insurance, dans les jours à venir.

Notamment, l’I.A. devra analyser les certificats et les antécédents médicaux des clients, déterminer les paiements et facturer les dépenses médicales. Ainsi, elle devra gérer toutes les procédures d’élaboration d’un dossier jusqu’à le faire arriver dans les mains d’un superviseur humain qui s’occupera de l’approbation et du paiement final.

Ainsi, la IBM Watson Explorer devrait augmenter la productivité de l’entreprise de 30 %, en économisant déjà 1,1 million de dollars sur les salaires des employés : un investissement qui commencera à se transformer en bénéfice au bout de deux ans d’activité.

L’époque où les emplois de service seront remplacés par des machines semble se rapprocher. Washington a d’ailleurs publié récemment un document concernant l’utilisation future des I.A. dans le monde du travail, en ne cachant pas ses inquiétudes sur le sujet

Chiffrement

Le service de messagerie Riseup.net, notamment destiné aux militants, et uniquement financé par des dons, stocke le moins possible de données utilisateurs et se refuse de collaborer avec les services gouvernementaux, notamment américains. Pourtant il s’est récemment retrouvé dans la situation de devoir livrer des informations au FBI concernant deux comptes de messagerie qu’il hébergeait. Selon Nextimpact, qui rapporte l’affaire, Riseup a agit ainsi pour deux raisons : parce qu’elle avait épuisé tous les recours légaux, et parce qu’elle a jugé que les deux comptes - si l’on s’en tient aux prétextes sous lesquels le FBI a établi ses requêtes - violaient « l’esprit du contrat » qui lie Riseup à ses utilisateurs :

« Après avoir épuisé nos options légales, Riseup a choisi de se conformer à deux mandats du FBI » annonce l’équipe. Selon ses propres mots, la première demande concernait l’adresse de contact d’un groupe pratiquant l’extorsion par déni de service distribué (DDoS), quand la seconde était liée à un ransomware. « L’extorsion viole clairement la lettre et l’esprit de notre contrat social avec les internautes. Nous vous protégeons tant que vous n’avez pas d’agenda exploiteur, misogyne, raciste ou fanatique » ajoute Riseup.

Normalement, les prestataires de services web ne sont pas censés avertir leurs utilisateurs quand ils reçoivent une requête des services gouvernementaux concernant un ou plusieurs comptes utilisateurs. Apple avait inventé une technique pour contourner cette interdiction : le canari. Il s’agissait d’introduire dans ses rapports annuels le message « à [telle date] nous n’avons reçu aucune requête classée concernant des données d’utilisateurs » - celui-ci (le canari) disparaissant dans le cas inverse. Riseup explique pourquoi il n’a pas mis à jour son canari : étant donnée la façon dont il est rédigé, sa « disparition » aurait pu faire croire à une mise en cause grave et générale de la sécurité de ses services ; à l’inverse sa mise à jour (afin d’alerter plus précisément des problèmes auxquels étaient confrontés Riseup) aurait contrevenu à la loi.

Toujours est-il qu’en réaction à cette « compromission », Riseup indique qu’il va engager le chiffrement des emails stockés sur ses serveurs :

En réponse à ces événements, le service annonce le chiffrement du stockage des emails, avec une clé propre à chaque utilisateur. Il est pour le moment uniquement fourni aux nouveaux membres, avant d’être étendu à l’ensemble des comptes. Il est fondé sur la bibliothèque NaCl, via une extension pour le serveur IMAP Dovecot.

Riseup précise bien qu’il ne s’agit pas du chiffrement de bout en bout, mais uniquement du stockage lui-même. Il reste tout de même à voir l’efficacité concrète de cette mesure. Autrement dit, « avec le nouveau système de Riseup, vous placez toujours votre confiance dans le serveur auquel vous vous connectez ». Le chiffrement de bout en bout, côté client, est promis dans le courant de l’année.

Pour rassurer ses utilisateurs, l’équipe déclare que Riseup n’a pas été « compromis » par les autorités, par exemple avec l’installation de matériel spécifique ou la livraison de serveurs. « Plutôt fermer nos portes que d’en arriver là » lance-t-elle.

On peut lire (en anglais) le communiqué de Riseup ici.

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