Cauchemars et facéties #47

Trouvées sur l’internet.

Cauchemardos - paru dans lundimatin#75, le 6 octobre 2016

Des junkies nazis ; des petits pots toxiques ; des policiers municipaux surarmés ; des frigos espions ; des ambulances Uber ; Apple en miettes ; des miroirs de l’espace. Et le futur ?

PLATEFORMES

« Désormais les administrations sont en concurrence avec d’autres prestataires des mêmes services, qui malheureusement pour elles ont quelques coups d’avance »
C’est ce qu’écrivait le Comité Invisible, dans son ouvrage A nos amis, en 2014. Une affirmation un peu saugrenue pour le lecteur français - biberonné à l’Etat providence.

On pouvait lire récemment dans internetactu que :

Pendant plus de 10 ans, la petite ville d’Altamonte Springs en Floride a tenté de développer une solution de bus à la demande pour assurer son transport public, sans succès. L’administrateur de la ville a récemment décidé d’appeler Uber. Il n’est pas le seul. De nombreuses villes américaines ont signé des accords avec Uber, Lyft ou Google (et son programme Sidewalk Labs). Il faut dire que beaucoup de villes bataillent pour parvenir à financer leurs services de transports dont le prix est souvent prohibitif sans que leur utilisation soit suffisante, notamment dans les villes étendues ou à faible densité. A Washington DC, la ville a même proposé à Uber de pouvoir répondre à certains appels aux urgences pour transporter certains patients.

Si Uber et autres se présentaient jusqu’à présent comme une solution complémentaire aux programmes de transport, la possibilité qu’ils puissent demain les remplacer n’est plus inenvisageable, s’ils se mettent à bénéficier de subventions publiques (l’accord entre Uber et la ville d’Altamonte évoque une subvention de l’ordre de 20 % à 25 % sur le prix des courses – notamment pour celles qui se dirigent vers les gares -, ce qui devrait coûter environ 1 million de dollar à la ville par an) !

REVOLVER

Le Figaro fait le point sur l’armement des polices municipales, qui évolue rapidement depuis que la menace terroriste a pris une si grande place dans l’actualité française.

La tendance est évidemment à la distribution d’armes de poings (parfois en complément des armes dites « non-létales » ou à « létalité réduite »), suivant un argumentaire bien résumé par le maire du Havre : « Si j’étais un policier municipal, j’aurais le droit d’être inquiet, d’avoir un peu peur de devenir une cible, de ne pas pouvoir me défendre »

En mai 2015 le ministère de l’intérieur a mis à disposition des mairies qui le souhaitaient un stock de vieux pétards autrefois en dotation dans la police nationale : des Manurhin MR73 (revolver six coups). Mais « les revolvers ne sont pas suffisants pour certains » d’après le Figaro. « Nos revolvers n’ont aucune force de pénétration. Nos balles n’ont pas réussi à traverser le pare-brise du camion du terroriste », déplore Yves Bergerat, délégué niçois du syndicat de police municipale (SNPM). Comme le dit le maire d’Asnières, Manuel Aeschlimann :

« Tant qu’à s’armer, autant ne pas le faire dans la demi-mesure et ne pas lésiner sur les moyens. »

FRIGOS

Jeudi 22 septembre a eu lieu une « des plus importantes [attaques informatiques] de l’histoire d’Internet » raconte Pixels. Cette attaque de « déni de service » (qui consiste à « saturer un site de connexions pour en bloquer l’accès ou faire tomber les serveurs qui lui permettent d’exister en ligne ») visait le blog de Brian Krebs, chercheur en sécurité informatique.

Le même jour l’hébergeur OVH subissait une attaque similaire. Ce qui fait la particularité de ces attaques, outre leur ampleur, c’est qu’elles sont menées non pas par une armée d’ordinateurs-zombies préalablement infectés par les assaillants, mais d’« objets » connectés.

La particularité des attaques ayant eu lieu la semaine dernière, et qui leur aurait permis d’atteindre ces débits inédits, est qu’il s’agit d’un botnet [réseau de machines infectées] non pas composé d’ordinateurs, mais de machines beaucoup plus simples – et notamment de caméras de surveillance. M. Klaba explique que son entreprise a repéré 145 607 caméras qui semblaient faire partie du réseau. »

A quant des attaques de montres-zombies ou de frigos-morts-vivants ?

ALGOPOLITIQUE

Un (pas très récent mais) très intéressant article d’internetactu à partir des travaux de Pasquinelli et intitulé « Vers l’algopolitique », qui décrit un monde (le nôtre) où la statistique au service de la politique laisse place aux algorithmes, dont le but « est de révéler un "nouveau sujet politique" », « de distinguer l’individu "antisocial" de l’ensemble des individus »

L’article revient sur la naissance des premiers « centres de données » (Google en 1998). Qui ont offert d’accumuler « l’information sur l’information » : les métadonnées. Elles qui révèlent « la dimension de l’intelligence sociale incarnée dans tout élément d’information » ; la nourriture de la gouvernance algorithmique.

« L’exploitation algorithmique des métadonnées permet de mesurer la production collective de la valeur et d’extraire la plus value des réseaux (ce que font les modèles d’affaires de Google ou Facebook), de suivre et prévoir les tendances et anomalies sociales (comme tente de le faire la science du climat ou les programmes de surveillance de la NSA), et d’améliorer l’intelligence machinique de gestion, de logistique et de conception des algorithmes eux-mêmes. Les centres de données ne sont pas seulement des espaces de stockage ou de calcul, mais des endroits d’où l’on ne cesse d’extraire du sens, rappelle le chercheur. […] Pour Pasquinelli, le datascape devient la carte qui permet de cartographier cet internet que l’on ne voit pas. »

Les grandes mines de données sont explorées, exploitées, par des algorithmes utilisant :

  • la détection d’anomalies
  • la reconnaissance de formes (pattern recognition) »
    Que ce soit pour « des prévisions météorologiques, l’analyse des réseaux sociaux, les marchés financiers ou les métadonnées des communications de la population ».

D’un côté, donc, reconnaître les « similarités dans les comportements de consommation, dans les requêtes des moteurs de recherche, dans les températures saisonnières…, qui soulignent une tendance dans des ensembles de données apparemment dénuées de sens ».

De l’autre repérer les anomalies : « les résultats qui ne sont pas conformes à la norme, à la tendance, au comportement moyen. Elles ne sont détectées qu’en regard des régularités, et inversement ».

« La détection d’anomalies est la paranoïa mathématique de l’Empire à l’ère des big data. Les deux fonctions de reconnaissance de formes et de détection d’anomalie sont appliquées aveuglément dans différents domaines : elles servent à la fois à prévoir les risques sismiques le long de la faille se San Andreas ou les crimes à Los Angeles, à l’image de PredPol, cet algorithme capable de détecter mieux qu’un humain dans quel quartier un crime est susceptible de se produire. Ce sont les mêmes techniques qui sont utilisées par Google et Facebook pour détecter des images pornographiques et les censurer, explique l’artiste Hito Steyerl, identifiant des modèles rassurants et des anomalies offensives dans l’analyse des images. »

Pour Michel Foucault la forme de pouvoir dominante au XXe siècle fut ce qu’il a nommé la biopolitique : pouvoir produisant et s’appliquant sur une « population », notamment à l’aide de la statistique. Mais désormais,

« La grande différence par rapport à la définition traditionnelle de la biopolitique, c’est-à-dire de la régulation des populations, est que dans la société des métadonnées, la construction de normes et la normalisation des anomalies est un processus d’étalonnage continu, en temps réel. Les formes et les anomalies redéfinissant sans cesse à la fois la tendance et les anomalies. »

PRÉVENTION

Après la mort de Keith Lamont à Charlotte la semaine précédente, la Justice américaine a décidé de réagir, selon Libération :

Dans la foulée des manifestations violemment réprimées à Charlotte (Caroline du Nord) après la mort d’un homme noir tué par la police et lors desquelles un manifestant est décédé, la justice américaine a annoncé qu’elle finance à hauteur de 800 000 dollars le développement d’un algorithme sur lequel planche un groupe de chercheurs de l’université de Cardiff et qui permettrait de prévenir des débordements en géolocalisant les propos incitant à la haine et à l’émeute sur Twitter. C’est la première fois que les autorités se tourneraient vers les réseaux sociaux dans le but d’anticiper des mouvements de violence. Peter Burnap, qui codirige le projet pour l’Université galloise, précise que cet algorithme ne concernera pas seulement les mots associés au racisme mais son champ sémantique sera très large. « Nous sommes en train de mettre en place un langage global pour identifier les propos haineux sous leurs formes les plus diverses », a-t-il souligné.

PRÉVENTION (bis)

Après la mutinerie de Vivonne (dans la Vienne) au mois de septembre, la Justice française a décidé de réagir, selon le Figaro :

L’Etat veut consacrer 40 millions d’euros l’an prochain à la « sécurisation » des prisons, selon les détails du budget 2017 de la Justice

BIBERONS

Selon le journal le Monde, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié mercredi 28 septembre, un rapport concernant l’alimentation des enfants de moins de trois ans. Dans lequel elle explique avoir retrouvé dans l’alimentation infantile-type une dizaine de contaminants préoccupants et à des niveaux d’exposition pouvant présenter des risques sanitaires (plomb, arsenic, nickel, acrylamide, PCB, dioxines, entre autres bonnes choses).
Que faire ? C’est simple..

La première recommandation ferme de l’Anses est de proscrire, pour les enfants de moins d’1 an, le lait courant en remplacement des préparations infantiles (laits pour nourrisson à reconstituer…). Outre les considérations nutritionnelles, le lait courant est en effet une source importante d’exposition à certains polluants organiques persistants, comme les PCB ou les dioxines.

Mais, « les PCB et les dioxines sont aussi présents dans le poisson ». Le plomb, lui, est présent dans les légumes et l’eau. On pourrait éviter de boire et de manger des épinards, mais « son omniprésence dans l’environnement – héritage de l’essence plombée, aujourd’hui bannie – rend difficile son évitement ». L’arsenic est présent dans « les préparations infantiles et le riz ». L’acrylamide dans les petits pots et les biscuits.

En somme, puisque tout est (faiblement) empoisonné, il suffit d’effectuer une genre de rotation :

L’agence recommande ainsi de « varier le régime alimentaire des enfants afin qu’ils ne mangent pas systématiquement les aliments les plus contaminés »

ÉCOLOGIE

Selon le Figaro :

Cinquante-deux scooters et motos ainsi qu’un camion« ont été incendiés le 1er octobre vers 02h50 sur un parking au pied de l’hôtel Pullman, dans le sud de Paris, »vraisemblablement à cause d’un fumigène" qui aurait mis le feu à un scooter avant de se propager au reste des deux-roues

IPOD TOUCH

« Un homme, visiblement très en colère, s’est déchaîné sur les produits de l’Apple Store du centre commercial de la Toison d’or, à Dijon », selon 20minutes, faisant environ 50k euros de dégâts.

Dans une vidéo diffusée sur Internet, on voit l’homme très énervé s’en prendre à tous les objets qui se présentent devant lui : iPhone, iPad, Macbook… L’homme a ensuite tenté de s’enfuir avant d’être rattrapé par les vigiles du centre commercial. Il a été remis aux policiers et conduit au commissariat.

Les enquêteurs évoquent un homme sans antécédent judiciaire, énervé par un problème de remboursement.

RÉPÉTITION

Libération fait le point sur une nouvelle arme qui équipe depuis 2013 les CRS, mais qui est « apparue dans la rue pendant les manifestations contre le projet de loi travail ». Il s’agit du Penn Arms PGL-65.

Il s’agit d’un fusil équipé d’un barillet permettant de tirer six cartouches de 40 millimètres. Son look est proche d’une sulfateuse d’Al Capone. »

La puissance [sic] de tir est de six coups en quatre secondes mais l’arme – comme toutes celles qui équipent les forces de l’ordre – ne dispose pas de mode rafale. Selon une note interne datée de juin 2013, qui régit l’usage du PGL-65, les seules cartouches autorisées sont des « lacrymogènes » et des « fumigènes ».

Il suffirait cependant d’une simple décision politique pour en faire évoluer l’usage. Le calibre 40 millimètres est en effet le même que celui des lanceurs de balle de défense.

(edit : La plupart des informations « révélées » par Libération seraient en réalité tirées d’un article publié sur Rebellyon.info il y a .. 3 mois. Les explications ici.)

MAL ENGAGÉ

Le Figaro revient sur une tribune publiée par l’ONG Universal Ecological Fund et signée par six climatologues brésiliens, argentins et européens qui estiment que la température moyenne sur la planète pourrait avoir grimpé de deux degrés (par rapport à l’ère préindustrielle) dès 2030. Alors même que l’accord de Paris (qui engage ses signataires à éviter une telle hausse) n’a toujours pas été définitivement signé…

La semaine dernière il relayait déjà les inquiétudes de plusieurs climatologues :

« La mauvaise nouvelle (pour l’objectif 1,5) est que nous sommes déjà aux deux tiers du chemin ».

« Nous pourrions bien avoir dans la décennie qui vient notre première année à +1,5° ».

« Les émissions, pour l’essentiel liées à la combustion des énergies fossiles, continuent en effet à croître, menaçant même l’objectif 2°C »

En somme, comme le résume le journal :
« Les différents modèles climatiques proposent des centaines de scénarios pour réduire suffisamment vite les émissions de gaz à effet de serre, à l’origine d’un réchauffement mondial inédit. Mais seule une poignée d’hypothèses [« des cas particuliers »] permettent de rester sous les 1,5°C. »

Face à l’impossibilité de réduire rapidement les émissions de gaz à effets de serre (car « pour rester sous les 2°C, les émissions globales de CO2 [devraient être] nulles d’ici 2060 à 2075 »), les gouvernements pourraient se tourner vers des solutions de géo-ingéniérie : « miroirs dans l’espace, CO2 transformé en sable, nuage bloquant les rayons du soleil… ».

DROGUE

LCI, parlant de Rodrigo Duterte, le président Philippin :

Lors d’une conversation décousue tenue à son arrivée dans son fief de Davao, il a dit à des journalistes qu’il avait été décrit par ses adversaires comme "une sorte de cousin de Hitler". Rappelant l’extermination de millions de juifs par les nazis, il a ajouté : "Il y a trois millions de toxicomanes aux Philippines, je serais heureux de les massacrer. »

Nous conseillons à Rodrigo cet article du Guardian.

On y apprend qu’en effet :

when the Nazis seized power in 1933, “seductive poisons” were immediately outlawed. In the years that followed, drug users would be deemed “criminally insane” ; some would be killed by the state using a lethal injection ; others would be sent to concentration camps. Drug use also began to be associated with Jews. The Nazi party’s office of racial purity claimed that the Jewish character was essentially drug-dependent. Both needed to be eradicated from Germany.

Mais les nazis finirent par tolérer, voire encourager l’usage de certaines drogues :

At a company called Temmler in Berlin, Dr Fritz Hauschild, its head chemist, inspired by the successful use of the American amphetamine Benzedrine at the 1936 Olympic Games, began trying to develop his own wonder drug – and a year later, he patented the first German methyl-amphetamine. Pervitin, as it was known, quickly became a sensation, used as a confidence booster and performance enhancer by everyone from secretaries to actors to train drivers (initially, it could be bought without prescription).

Il faut dire que la méthamphétamine conquit rapidement la Wehrmacht :

In Berlin, it was the job of Dr Otto Ranke, the director of the Institute for General and Defence Physiology, to protect the Wehrmacht’s “animated machines” – ie its soldiers – from wear, and after conducting some tests he concluded that Pervitin was indeed excellent medicine for exhausted soldiers. [...] In 1940, as plans were made to invade France through the Ardennes mountains, a “stimulant decree” was sent out to army doctors, recommending that soldiers take one tablet per day, two at night in short sequence, and another one or two tablets after two or three hours if necessary.

Pour les sous-mariniers, les médecins allemands développèrent un chewing gum à la cocaïne, « the hardest drug German soldiers had ever taken. » :

It was tested at the Sachsenhausen concentration camp, on a track used to trial new shoe soles for German factories ; prisoners were required to walk – and walk – until they dropped.

Quant au Führer...

When Hitler fell seriously ill in 1941, however, the vitamin injections that Morell had counted on no longer had any effect – and so he began to ramp things up. First, there were injections of animal hormones for this most notorious of vegetarians, and then a whole series of ever stronger medications until, at last, he began giving him a “wonder drug” called Eukodal, a designer opiate and close cousin of heroin whose chief characteristic was its potential to induce a euphoric state in the patient (today it is known as oxycodone). It wasn’t long before Hitler was receiving injections of Eukodal several times a day. Eventually he would combine it with twice daily doses of the high grade cocaine he had originally been prescribed for a problem with his ears, following an explosion in the Wolf’s Lair, his bunker on the eastern front.

Aussi :

Mussolini – patient D, for Il Duce – was another of Morell’s patients. After the Germans installed him as the puppet leader of the Republic of Italy in 1943, they ordered him to be put under the eyes of the doctor.” Again, Ohler springs up. Again, he returns with a document in his hand. “There’s not enough material to say he was an addict. But he was being given the same drugs as Hitler.

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