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#260 | 26 octobre
 
 
 
Démocratie immunitaire
 

Donatella Di Cesare



Des sans-abri disposés provisoirement sur un parking comme des voitures. Ça se passe à Las Vegas, où les centaines d’hôtels de la ville sont fermés en raison de la crise. Mais les hôtels sont réservés à ceux qui ont de l’argent. Délogés du foyer Catholic Charities où ils avaient trouvé refuge en raison d’un cas de contamination, les sans-abri ont été alignés – en respectant la distance de sécurité – à l’intérieur de rectangles blancs tracés sur le bitume. Un handicapé a traîné là son fauteuil. Les photos sont glaçantes. Le virus braque un projecteur impitoyable sur l’apartheid social. [1]

 
 
 
 
 
Transmission - Patricia Farazzi
 

Pour Samuel Paty in memoriam



Et tout à coup, la délation, hors de la plainte légitime pour crime ou graves sévices, est devenue charnière et moyeu de toutes les relations, de toutes les « luttes », et elle s’avère pourtant être ce qu’elle a toujours été : une abomination. Le simple mot de délation devrait immédiatement nous évoquer les pires horreurs de l’Histoire. Devrait nous mettre en état d’alerte : quiconque y a recours a déjà mis un pied dans le mensonge et la résignation.

 
 
 
 
 
Visite guidée de la maison d’arrêt de Lyon-Corbas : La nasse blindée
 

Kamel Daoudi



Comme nous l’avions annoncé dans nos pages, Kamel Daoudi, assigné à résidence depuis plus de 12 ans, a écopé d’une peine de 12 mois de prison ferme à la suite d’un retard de 30 minutes sur son couvre-feu quotidien. Plutôt que de s’indigner du traitement judiciaire et extrajudiciaire ahurissant que M. Daoudi et sa famille subissent depuis bientôt 20 ans, il nous apparaît plus opportun de laisser place au témoignage et à l’enquête. Cette semaine, il nous fait donc visiter sa cellule du quartier d’isolement de la maison d’arrêt de Lyon-Corbas.

 
 
 
 
 
Qu’est-ce que la peur ?
 

Giorgio Agamben



Appuyée par les chiffres annoncés de cas positifs au Covid-19, la raison sanitaire impose depuis septembre de nouvelles mesures restreignant plus encore les libertés et compromettant les liens humains. Si les manifestions se multiplient, notamment en Europe, pour protester contre des décisions jugées disproportionnées, voire tout à fait inadéquates, l’on peut s’étonner que les sondages, en France comme en Italie, traduisent une assez large acceptation d’un gouvernement par la contrainte sans précédent. Commentant les développements 30 et 40 d’Être et temps de Heidegger, Giorgio Agamben remonte à la racine à la fois psychique et politique de l’état de sidération observé actuellement, qui semble permettre l’avènement d’une société bio-sécuritaire. L’homme est émotivement accordé : l’angoisse fondamentale qui surgit en lui, l’ouvre et le livre au monde, peut déchoir par cristallisation sur un objet qui fait alors vibrer la corde de la peur. Déjà agissante dans l’état d’urgence justifié par la menace terroriste, la peur ne serait-elle pas, plus que jamais, la force qui nous gouverne, au fondement même du pouvoir ?

 
 
 
 
 
Trump Catch Machine
 

Dork Zabunyan



Dans Fictions de Trump - Puissances des images et exercices du pouvoir (paru aux éditions du Point du Jour), le professeur d’études cinématographiques Dork Zabunyan tente d’imaginer les conditions qui pourraient présider à l’élaboration d’un film sur le 45e président états-unien. Pour ce faire, il explore certaine oeuvres cinématographiques antérieures réalisées autour d’autres figures majeures du pouvoir telles que Silvio Berlusconi ou Nicolae Ceaușescu, mais après avoir analysé le rapport boulimique de Trump aux médias, l’auteur démontre en quoi une certaine dénonciation de la vulgarité du président milliardaire relève de la paresse critique et ne permet pas de comprendre la puissance de l’image qu’il incarne. Coup de la corde à linge et saut de la 3e corde.

 
 
 
 
 
Le système de l’enfance
 

Lectures de Guy Hocquenghem et René Schérer



« Nous – les gauchistes – ne faisons du texte que l’usage le plus bête, le plus conforme, le plus “majeur” au sens de Deleuze-Guattari dans le Kafka, le plus dicté, le plus proche de la platitude utilitaire et de la soumission au sens. (…) Il n’y a pas eu d’écrivain ni d’écriture révolutionnaire depuis Mai. (…) Nous n’avons pas laissé surgir les façons d’écrire et de lire qui rompent avec les présupposés du faux et du vrai, du juste et du faux »

Guy Hocquenghem, A propos de Sartre, 1975.

« Les procès, les exclusions, je connais, je me les suis tous tapés. Exclu de chez les trotskistes, les maos me cassaient la gueule. »

Guy Hocquenghem, Lettre à ceux qui sont passés du col mao au Rotary, 1986.

Depuis des mois, dans le sillage de ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’affaire Matzneff, nombre de médias glosent sur la supposée complicité passée de la « gauche » des années soixante-dix, des « intellectuels » ou des « soixante-huitards », avec ce que nous nommons désormais la pédocriminalité. Cette controverse, jetant l’anathème sur tout un pan de la pensée critique de cette époque, ne prend pourtant appui que sur quelques citations décontextualisées ou sur des pétitions publiées dans les années 70 dont l’objet n’est que rarement mentionné.

Après Foucault, Dolto ou Deleuze, c’est maintenant le fantôme de Guy Hocquenghem, écrivain et fondateur du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (FHAR), qui se trouve sur le banc des accusés.

 
 
 
 
 
Depuis Beyrouth : L’instant
 

Ghassan Salhab



Il y a un an débutait le soulèvement libanais. Certains amis sur place commémorent l’évènement, d’autres comme Ghassan Salhab s’y refusent. Il nous a transmis ce très beau texte publié en arabe le 23 octobre par nos confrères libanais de Megaphone.

 
 
 
 
 
Les leçons du Professeur Moriarty
 

« Le despotisme est la solution à l’échec du rêve libéral de l’anarchisme économique » - Jacques Fradin



Une fois n’est pas coutume, Jacques Fradin s’en prend ici à la démocratie libérale. Mais à travers un « jeu », qui consiste à se demander si l’on peut distinguer aujourd’hui les démocraties des régimes dits « autoritaires ». Il définit ces derniers comme étant avant tout régis par la corruption et montre alors qu’on la trouve également dans les régimes ocidentaux. Ceux-ci n’échappent donc pas à l’autoritarisme qu’ils reprochent aux autres. Derrière cette enquête, c’est l’hypothèse du despostisme économique qu’il brosse à nouveaux frais : contrairement au rêve libéral de l’auto-organisation par les marchés, le despotisme repose sur l’idée qu’aucune harmonie sociale ne peut s’imposer d’elle-même - et qu’il faut donc l’imposer par tous les moyens à disposition. Corruption, propagande, culte de l’économie et état d’exception sont alors autant d’armes dans l’arsenal du despotisme. Bonne lecture.

 
 
 
 
 
L’inversion, la répétition, et autres opérations sur le temps
 

[exercices d’interruption de la communication]



« Vous allez me paraître con, mais… ». Le 15 tonnes garé sur le bord de la départementale, le gars avait ouvert sa portière quand j’arrivais à sa hauteur. Il venait livrer du fioul aux baraques avoisinantes. Moi je passais sur un vieux vélo. Depuis quelques heures un gouvernement avait proclamé un « confinement ». L’homme voulait me dire quelque chose. Visiblement.

 
 
 
 
 
Un cinéma qui se tient sage
 

Une critique cinématographique du film de David Dufresne



Un pays qui se tient sage de David Dufresne tient l’affiche, des séances partout – au cinéma public de Montreuil ; au cinéma indépendant d’art et d’essai du quartier latin comme au MK2 Bastille ou au Gaumont des fauvettes – tout le monde « en parle » de Télérama au Monde diplomatique. Bien sûr je me réjouis qu’à nouveau un film qui sort en salle parle des questions politiques actuelles et qu’à nouveau un film se pose la question de l’image au cinéma.

 
 
 
 
 
Chanson de la semaine
 

Baptême du zbeul de Ossama



Cette semaine, le rappeur Ossama nous gratifie de cette très belle ode à la délicatesse et à la sensibilité du « casseur ». [2]

 
 
 
 
 
 
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