« Je préfère crever de moi-même dignement que de me laisser déshumaniser complètement »
À l’été 2001, Kamel Daoudi a passé 4 mois en Afghanistan. Au lendemain du 11 septembre, il est arrêté et emprisonné. On le suspecte d’avoir été en lien avec une association de malfaiteurs terroriste qui aurait projeté de frapper l’ambassade des États-Unis à Paris, ce qu’il a toujours nié. Condamné à 6 années de détention, il est aussi déchu de sa nationalité et interdit du territoire français. A sa sortie de prison, il s’oppose à son expulsion vers l’Algérie en faisant valoir qu’il y risque la torture, il est immédiatement assigné à résidence. La Cour européenne des droits de l’homme jugera en 2009 que la France n’est effectivement pas en droit de l’expulser de son territoire au vu des traitements inhumains qu’ils pourraient subir dans son pays d’origine.
Interdit de résider en France mais inexpulsable, c’est dans cette zone grise que vit Kamel Daoudi depuis bientôt 10 ans, sous assignation à résidence. Changé de résidence à 5 reprises, systématiquement assigné dans des petits villages où le contrôle social est aussi dense que l’impossibilité d’y trouver un emploi, son quotidien est rythmé par 4 pointages quotidiens à la gendarmerie (9h15, 11h45, 15h15 et 17h45) et l’interdiction de quitter son domicile entre 21h et 7h du matin. Fin 2016, il a été « transféré » du jour au lendemain, de Carmaux où il vivait avec sa femme enseignante et ses enfants, à Saint-Jean-d’Angély. 450 km le séparent désormais de sa famille. Début décembre 2017, le Conseil constitutionnel a examiné une question prioritaire de constitutionnalité déposée par l’avocat de M. Daoudi. La plus haute juridiction française a estimé qu’il n’était pas conforme à la constitution de restreindre la liberté d’une personne sans aucune limite dans le temps et sans tenir compte de son contexte personnel et familial. Cette petite victoire n’aura été que de courte durée pour le plus vieil assigné à résidence de France. Comme il nous le raconte dans cet entretien, le ministère de l’intérieur s’est démené depuis pour contourner les décision des « sages ». Depuis mercredi 7 février, M. Daoudi a entamé une grève de la faim et de la soif afin de s’opposer à la situation qui lui est faite ; et qui s’avère aussi inhumaine que sans fin.
(Photo : Ibn Sina)
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