Qu’est-ce que l’Armée Syrienne Libre ?
Voilà maintenant six ans que la révolution syrienne a commencé. Elle n’a cependant pas fêté sa victoire ni la fin du régime comme ce fût le cas pour la Tunisie, l’Égypte ou la Libye. Mais, comme toutes les révolutions, elle n’a pas dit son dernier mot : les combats continuent et les armes n’ont pas été déposées. N’en déplaise à tous ceux qui voudraient la voir enterrer et malgré la fuite contrainte de beaucoup de ceux qui se sont soulevés.
Depuis leur exil forcé, ils vivent dans la douleur de voir leur révolution écrasée par les mots, les pressions géopolitiques et les bombardements.
Raconter cette révolution, c’est aussi faire le récit de son détournement. Comprendre qui tient encore le front, et comment certains en ont été écartés.
Il faut appréhender l’insurrection syrienne comme un univers fragmenté. Multiplicité de forces, d’histoires, de politiques, de structures et de réseaux.
Toutes ces forces ont le même ennemi : le régime de Bachar al-Assad, et un objectif partagé : la chute de ce régime.
Au sein de la fragmentation syrienne, au sein de la fragmentation de la rébellion syrienne, l’une de ses composantes peine aujourd’hui à garder sa place sur l’échiquier révolutionnaire : l’Armée Syrienne Libre (ASL). L’ASL constitue le prolongement en arme des premières manifestations de 2011 qui réclamaient la chute du régime. Le 29 juillet 2011, alors que les désertions au sein de l’armée du régime de Bachar al-Assad se multiplient pour rejoindre la révolution, l’ASL s’impose et se proclame « protecteur du peuple ». Derrière cet acronyme, de très nombreuses « brigades » constituées localement dans les quartiers et les villages qui résistent aux attaques du régime.
Incontournable au début du soulèvement, l’ASL a progressivement perdu de son influence dans le conflit mais elle survit.
En Route ! a décidé de retracer l’histoire de cette Armée Syrienne Libre, jusqu’à sa mise en échec par les autres forces en présence.
Comment le soulèvement de ces foules d’anonymes est il parvenu à s’organiser à une échelle plus grande que celle d’un quartier ou d’un village ? Comment est-il parvenu à faire face aux nécessités de la guerre ? Comment l’ASL s’est-elle fait mettre à l’écart du champ révolutionnaire ? Comment a-t-elle, petit à petit, perdu son autonomie et son indépendance ? Pourquoi s’est-elle rendue si vulnérables aux pressions géopolitiques étrangères ?
Nous essaierons de répondre à toutes ces questions au fil de deux articles. Cette semaine nous abordons la politique interne de l’ASL, c’est-à-dire ses formes d’organisation, de recrutement et de cohésion. La semaine prochaine, nous nous intéresseront aux facteurs extérieurs qui ont participé à son affaiblissement, en particulier l’arrivée de forces concurrentes et soi-disant alliées.
Notre travail de recherche s’appuie sur de nombreux entretiens menés avec des protagonistes de cette révolution au sein de l’ASL ainsi que sur la lecture de nombreuses publications portant sur l’organisation de la rébellion syrienne.
Décrire la complexité de ce soulèvement en un article serait impossible. Nous avons donc choisi de nous en tenir à la description des différents dynamiques à l’oeuvre et de leurs manières de s’organiser. Nous avons délibérément laissé de côté les enjeux confessionnels qui eux aussi sont vecteurs de clivages.
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