Un vent de révolte au Pays Basque ?

« Souvent conquis, jamais soumis »

paru dans lundimatin#175, le 22 janvier 2019

Que se passe-t-il depuis quelques mois au Pays Basque nord ?
Alors que depuis la moitié des années 2000, et encore plus depuis la fin de la lutte armée en 2011, les luttes basques semblaient être entrées dans un sommeil profond, nous assistons depuis cet été à un retour de luttes autonomes et radicales.

Mais revenons un peu en arrière. Les luttes autonomes ont connus leur apogée au pays basque dans les années 80-90. En parallèle d’une lutte armée féroce de la part de l’ETA militaire, la jeunesse basque s’est organisée, créant des gaztetxe (squatt politiques, salles de fêtes), et se regroupant autour de la kale borroka (émeute urbaine). A Bayonne, différents groupes de jeunes ont dynamisé la vie politique du coin pendant une décennie.

Depuis la fin de la lutte radicale, et surtout depuis la mise en place d’un processus de paix forcé par les bureaucraties militantes, (processus de paix qui ressemble aujourd’hui beaucoup plus à un processus de pacification d’un territoire jusque là ingouvernable) et avec l’aval des institutions des chiens de garde locaux de l’état français, la dynamique radicale se meurt. Des organisations jeunes ont beau avoir essayé de recréer une dynamique au service des bureaucraties militantes (comme le groupe Aitzina depuis 2013), elles n’ont rien réussi, à part recréer des entre soi militant et des cocons bureaucratiques, formés de permanents d’associations payés et de porte-paroles sans esprit critique.

Mais depuis cet été environ, la lutte semble sortir de sa longue hibernation. Entre le nord et le sud, les occupants du quartier autogéré d’Errekaleor et les zadistes basques se sont regroupés autour d’un réseau, Aman Komunak. Ils ont porté des projets comme la construction de l’Ambazada à Notre dame des landes, et ont permis la création d’un véritable réseau entre tous les lieux autogérés du Pays Basque.

Pendant l’été, des tags ont fleuris partout au nord du pays basque, sur les mairies et les places, prônant une « guerre aux fausses paix », ce qui a eu le don de scandaliser l’intelligentsia de la gauche indépendantiste institutionnelle, qui essaye de faire du processus de paix un principe sacralisé.

A l’automne une dynamique s’est créée autour de l’accueil et de l’aide des migrants. Depuis les nouvelles politiques migratoires du gouvernement de Salvini en Italie, la nouvelle route empruntée par les migrants passe par la côte basque. Un élan de solidarité inattendu est arrivé des campagnes et des villes. Des camions entiers de don d’habits et d’argent sont arrivés, un local a été donné aux organisations d’aide aux migrants, et des centaines de gens ont passés des nuits à organiser des maraudes pour aider les migrants.

A partir de décembre des manifestations ont eu lieu pour dénoncer les violences policières, après qu’un bayonnais a perdu sa main à Bordeaux pendant une manifestation des gilets jaunes à cause de l’explosion d’une GLI F4. Le 18 décembre, pour la venue de Jean-Yves le Drian à Biarritz, la manifestation organisée a connu une répression inédite pour la cité balnéaire. Une jeune de 18 ans a été visée à la tête par un flash-ball. Nouvelles manifestations de dénonciation des violences policières. Cette fois ci, des bouteilles sont balancées sur la sous-préfecture, la centaine de manifestants était déterminée. Mais la police n’était pas présente. Paradoxalement, ces manifestations sauvages contre la police se sont déroulées en l’absence totale de dispositif policier.

Le jeudi 17 janvier, une nouvelle manifestation a eu lieu à Bayonne contre les violences policières. Cette fois-ci, la sous-préfecture et le commissariat ont été tagués, toujours sans aucune présence policière, mis à part trois motards qui suivaient le cortège à une centaine de mètres. La police ne réagit pas, laisse des projectiles être lancés sur le symbole de l’ordre républicain. Aucun média ne parle des débordements, malgré la présence massive de journalistes sur place à ce moment.

Les autorités ont-elle peur de jeter de l’huile sur le feu, dans une société basque qui en est aux balbutiements d’une révolte nouvelle et à la veille du G7 qui pourrait être l’occasion d’émeutes dans tout le pays basque ?

Ne nous y trompons pas, malgré l’absence de répression physique pendant ces dernières manifestations, les renseignements ont d’ores et déjà réenclenché les mises sur écoute, traçage et infiltration des milieux militants.

La mobilisation et l’organisation contre le G7 a déjà commencé, et semble toucher des pans entiers de la population basque, jusque là inactifs. La plateforme anti-G7 créée en novembre, composée de 35 organisations, allant des plus zadistes aux hamonistes, a averti les autorités : tous les moyens de lutte seront acceptés.

La gauche institutionnelle indépendantiste ne tient plus aucune troupe, les basques se révoltent sans en demander la permission. A Biarritz, les bruits de couloir confirment que le maire regrette déjà d’avoir accepté l’organisation du sommet dans sa cité impériale. Des appels à s’organiser, à saboter le G7 et son monde commencent à se multiplier.

L’insurrection et la guerre aux pouvoirs dominants ont toujours eu une place forte dans la culture basque. Les fêtes, spectacles, chansons, livres, etc. en ont fait un sujet central. Malgré les tentatives de destruction de la révolte par les bureaucraties indépendantistes, la révolte revient au Pays Basque.

La jeunesse basque s’organise autour de nouveaux lieux autogérés, autour de luttes multiples, contre les projets de construction sur nos montagnes et dans nos campagnes, pour la libération des prisonniers politiques basques, pour la réappropriation de la culture et de la langue basque par le peuple.

Soyons le caillou dans la botte de l’hexagone !

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