Un chant de solidarité et de liberté

Discussion avec des autonomes allemands au lendemain du G20 de Hambourg

paru dans lundimatin#112, le 13 mai 2019

Nous publions ici la traduction un entretien paru dans Qui E Ora #4 à la suite des évènements de Hambourg.

Il est difficile, depuis l’étranger, de suivre les débats qui ont émergés en Allemagne depuis le G20 de Hambourg. Il n’y a visiblement pas d’unanimité quant à la version et l’analyse des faits. Pourriez-vous nous en dire davantage et nous indiquer quelles sont les principales tendances ?
Jesse : Je voudrais tout d’abord mettre au clair le fait que nous n’avons pas simplement un débat au sein du « mouvement allemand », les mouvements étant variés, internationaux et incluant aussi des personnes provenant d’ailleurs et qui vivent en Allemagne depuis plus ou moins longtemps. Cela signifie qu’il faut bien entendu inclure les mouvements des communautés immigrantes, comme les kurdes solidaires aux luttes du Rojava et Bakur (la partie kurde en Turquie) et qui ont participé en masse à la grande manifestation de samedi avec 100 000 personnes.

Bien-sûr qu’il n’y a pas qu’une seule version des faits, les organisations et les groupes politiques sont très différents entre eux. En général, au sein des milieux autonomes /anarchistes, d’après ce que j’ai compris en lisant les communiqués et les déclarations récemment publiées, comme sur Linkusten indymedia, personne ne se dissocie de quoi que ce soit et les barricades incendiées, les expropriations, les différentes attaques contre la Police et autres interventions militantes (actions décentralisées) sont toutes justifiées car il s’agit là de moyens légitimes de résistance envers le système global du pouvoir neolibéral, représenté par le G20 et responsable du capitalisme, des guerres, de la faim, de l’exploitation, de la misère, de tortures et de morts.

En même temps, beaucoup de groupes autonomes/anarchistes qui se sont exprimés montrent souvent un certain degré (d’auto)critique par rapport à certaines choses qui se sont déroulées pendant les émeutes : incendies de commerces au-dessus desquels il y avait des habitations, destruction de voitures modestes, une certaine reproduction de machisme et d’exhibitionnisme, etc. Je pense qu’il est important de débattre de ces choses-là au sein du mouvement. Actions et résistances doivent toujours pouvoir être clairement communicables et compréhensibles, c’est-à-dire qu’il faut toujours s’interroger : pour quelles raisons fait-on quelque chose et qu’est-ce que cela implique ?

Mais étonnamment, cette fois-ci nous avons eu des expériences de dissociation, par exemple de la part du porte-parole du Rote Flora et de l’un des organisateurs de la manifestation Welcome to Hell. Le premier a déclaré dans le Schanzviertel : « Ce qui s’est passé est une erreur politique ». Mais malgré les critiques énoncées plus haut, beaucoup d’entre nous pensent que les émeutes, la défense des barricades, l’expropriation du grand supermarché REWE ou les incendies sont des actions d’une haute portée politique car prises dans le contexte de la résistance au sommet du G20. Et, pour être honnête, ces images étaient exactement celles que la plupart des gens voulaient donner.

Le second est allé encore plus loin dans ses déclarations en parlant de « violences insensées », de la « dimension outrageuse de la violence », ou encore que les « incendies et expropriations n’ont rien à voir avec la protestation légitime ». Dans un quotidien, à propos de la nuit de vendredi il a déclaré : « J’ai entendu des gens qui parlaient italien, français et espagnol, mais ce n’est pas nous qui les avons invités et nous n’avons jamais parlé avec eux auparavant ». Accuser les internationaux de « violences insensées » est la dernière chose à laquelle je m’attendais de la part d’un organisateur de la manifestation. Oui, je pense qu’il va y avoir de quoi discuter.

Une dernière chose sur les émeutes en général. Quand beaucoup de personnes différentes, avec des backgrounds différents, participent à un événement comme celui de Hambourg, et tiennent la police hors d’un quartier pendant plusieurs heures, il y aura toujours des aspects négatifs. Il s’agit d’un miroir de nos sociétés, le reflet et la reproduction de la violence structurelle interne aux sociétés et devient visible à ce moment-là. Cela ne veut pas dire que nous devons accepter tout ce qui se passe, au contraire, nous devrions non seulement émettre des critiques mais aussi intervenir dans certaines situations et en assumer les responsabilités. C’est ce qui a eu lieu à Hambourg quand des autonomes ont stoppé l’incendie d’un magasin. Mais croire que tout peut se passer sans aucune contradiction et que toi ou des petits groupes organisés peuvent avoir tout sous contrôle, ce n’est pas seulement naïf, c’est en plus complètement irréaliste.

Andrea : Il faut comprendre de quoi on parle. Je pense que le débat s’est focalisé sur les faits qui se sont déroulés dans la nuit de vendredi. On a une première position qui accentue et prône le moment de l’insurrection, l’absence de police dans la zone pendant un long moment et la possibilité de se déplacer au sein d’une masse importante de manifestants. Les gens disent qu’il s’agissait là d’un acte politique effectué par tous les moyens ; non pas un acte spécifique aux autonomes mais la réaction de beaucoup de monde, de ceux qui en ont assez et qui du coup se révoltent, se battent, créent du désordre, rentrent dans les commerces et prennent tout ce qu’ils veulent.

On peut comprendre cette révolte comme une réaction face à la répression des politiques et face à la violence policière utilisée dans les jours qui ont précédé. Cette position-là nous permet de placer l’insurrection dans le contexte de la répression quotidienne et de la violence du monde. Un chant de solidarité et de liberté.

De l’autre côté, on a ceux qui pensent que certaines situations auraient dû et pu ne pas avoir lieu. Des situations dominées par des personnes qui n’avaient pas la moindre idée de ce qu’ils étaient en train de faire. Cette autre position porte souvent à confusion et crée des malentendus. On la retrouve d’ailleurs dans la presse réac’ et conservatrice, comme une forme de dissociation. J’espère que nous serons assez forts pour repousser les efforts de leur propagande qui fait tout pour nous diviser et pour encourager la chasse aux« autonomes », au Rote Flora et aux camarades des autres pays qui sont venus pour participer aux protestations contre le G20. Nous devons toujours nous rappeler que la puissance de notre révolte c’est la solidarité.

Mais quelle est la position de la gauche institutionnelle à ce sujet ?
Jesse : La Gauche Interventionniste (Interventionistische Linke) a publié un communiqué intitulé « L’espoir rebelle de Hambourg », dans lequel il est écrit que « le concept politique d’insurrectionnalisme, qu’ils pensent être responsable des affrontements, apaise la soif de rébellion mais ne transmet pas d’espoir ni de solidarité ». Pour ma part, je doute que le fait de chercher à perturber le sommet ou à casser, comme pendant le G8 à Gênes ou le G20 à Hambourg, puisse être réduit dans le concept d’insurrectionnalisme. Je crois par ailleurs qu’une résistance violente peut transmettre de l’espoir en montrant, justement, notre désaccord et notre capacité à résister, à dépasser notre impuissance. De fait, ils n’ont pas pu faire tranquillement leur show et mener leur programme politique. C’est ce moment de dépassement que nous avons vécu ces jours-là à Hambourg.

Après les manifestations de Gênes en 2001, plus aucun pays n’a osé organiser de G8 dans une grande ville ce qui peut être vu comme une réussite. Et quand aujourd’hui le ministre de la Justice, Heiko Maas (SPD), déclare que « plus jamais un sommet du G20 ne sera organisé dans une grande ville allemande » – wow ! – alors c’est un succès et ça devrait être considéré en tant que tel. Mais nous sommes ouverts à la discussion sur les différents concepts politiques, bien sûr. En général, avec la gauche institutionnelle, nous n’avons pas beaucoup de rapports. Beaucoup d’entre eux se sont évidemment désolidarisés du moindre signe d’une résistance un peu plus militante, ainsi que des violences. Sahra Wagenknecht, l’une des dirigeants de Die Linke, a qualifié les contestataires de « criminels violents » et Jan van Aken, de Die Linke de Hambourg, l’un des organisateurs de la grande manifestation de samedi qui a compté 100 000 personnes, a affirmé : « il y avait sans aucun doute des groupes anarchistes et j’ai moi-même entendu qu’ils parlaient italien, mais cela n’a rien à voir avec la manifestation politique, ce ne sont que des fauteurs de troubles » (Deutschlandfunk, 10/07). Il s’agit là d’un exemple de la pauvreté de leurs arguments : on recommence à parler d’étrangers venus d’autres pays et on dépolitise les conflits politiques et les émeutes. Mais en réalité je n’en attendais pas moins d’eux.

Andrea :Je ne suis pas sûre que l’on puisse définir la Gauche Interventionniste (qui correspond plus ou moins au mouvement des Désobéissants en Italie) comme faisant parti de la gauche institutionnelle... De toute façon, jusqu’à présent, on ne les a pas encore entendus prendre leurs distances. Ils ont plutôt parlé du nombre de blocages et des différentes actions et ils ont soutenu que la colère des manifestants a commencé à partir de l’intervention des forces de l’ordre contre le camp de base.

Il y a quelques temps, les « Grünen » (Les Verts) étaient un parti de gauche ; aujourd’hui ils font partie du gouvernement de Hambourg, de ce même gouvernement, donc, qui pointe du doigt le Rote Flora et qui parle du « dur travail » de la police... On peut considérer que nous n’avons qu’un seul vrai parti de gauche et qu’il s’agit de Die Linke. Je pense pour ma part qu’ils aimeraient se désolidariser parce qu’en fin de compte, ils constituent un parti, mais dans les faits, je n’ai pas encore entendu ou lu quelque chose qui aille dans ce sens dans leurs déclarations. Jusqu’à présent, il me semble qu’ils se sont plutôt focalisés sur la violence des forces de l’ordre, et plus particulièrement sur la répression de la manifestation de vendredi, Welcome to hell.

Les quartiers de Hambourg qui ont été le théâtre des affrontements sont souvent décrits comme étant uniformément de gauche, sympathisants des autonomes et potentiellement aussi de la contestation. Néanmoins, on a vu également que certains habitants de ces quartiers avaient remis à la police des photos et des vidéos incriminant les manifestants, ou encore que certains d’entre eux étaient descendus dans la rue au lendemain de la manifestation pour nettoyer le quartier des signes de contestation. Qu’en est-il ?
Andrea : Comme ailleurs en Europe, la situation des quartiers alternatifs a beaucoup changé ces dernières années. Ils ne sont pas du tout uniformément de gauche et sont pour la plupart gentrifiés. En tout cas, de nombreux habitants éprouvent encore de la sympathie envers la gauche radicale. En ce qui nous concerne, on ne connaît pas encore exactement le nombre de photos et de vidéos qui sont parvenues à la police et qui ont été fournies par des personnes vivant dans le Schanzenviertel. Il y avait beaucoup de personnes qui étaient venues d’autres quartiers de la ville et plusieurs d’entre elles se sont filmées et ont pris des selfies (j’espère pour elles qu’elles n’ont pas envoyé aussi ces documents aux policiers...). De nombreuses vidéos proviennent des caméras de surveillance des magasins. Mais oui, il y a bien eu quelques photos qui ont été prises des fenêtres, ce qui signifie que ce sont des habitants qui les ont faites parvenir à la police.

D’un autre côté, nous avons reçu des déclarations de certains propriétaires de magasins, une dizaine environ. Ils témoignent de la présence de gens venus pour s’amuser dans les rues et font une distinction entre l’agitation des groupes organisés autonomes, d’une part, et les touristes des affrontements ou les gamins qui ont participé aux dégradations, d’autre part. Cela ressemble aussi un peu à une prise de distance mais, après tout, ils ont refusé d’accuser le Rote Flora de tout ce qui s’est passé. Ça a été terrible de voir les images de personnes, cinq ou peut-être plus, hommes et femmes, qui voulaient effacer un tag qui était sans doute là depuis des années. C’était tellement dégradant... Mais ce qui est le plus intéressant, pour nous, c’est qu’il semble que la plupart d’entre eux n’était pas du quartier. Je connais un photographe qui a parlé avec certains d’entre eux. Il a eu l’impression que ces personnes n’étaient pas particulièrement « anti-gauche » mais qu’elles avaient été plutôt choquées des événements de la semaine et qu’elles ne savaient pas comment réagir : elles ont finalement décidé qu’elles pouvaient « nettoyer » le quartier.

Maria : Un quartier n’est jamais une entité homogène. Néanmoins, dans le Schanze, la solidarité des habitants envers le Rote Flora et envers les journées de Hambourg constitue réellement un sentiment partagé. Il y a bien sûr aussi ceux qui, ces jours-ci, envoient à la police des photos des affrontements mais je ne crois pas que les personnes qui se sont prêtées à ce genre de choses soient si nombreuses à vivre dans le quartier. Les quartiers, aussi alternatifs soient-ils, ne sont pas nécessairement des entités homogènes, pas plus qu’ils ne peuvent être définis comme des sanctuaires pour les autonomes. Il y existe sans aucun doute un niveau d’intégration plus élevé. Mais il arrive également que les « alternatifs » puissent se sentir gênés par les politiques des autonomes.
Jesse : Il semble que maintenant, au moins, les habitants du Schanze discutent entre eux et qu’ils parlent de ce qu’il s’est passé. Ça, ça pourrait représenter pour nous une précieuse occasion de prendre part à ces discussions, d’expliquer les raisons pour lesquelles certaines choses se sont produites, mais aussi d’écouter les perplexités et les critiques de chacun.
Est ce que les quartiers alternatifs allemands sont encore des sanctuaires pour les autonomes ? Ou est ce que les processus de gentrification ont chamboulé leur composition ?
Andrea : C’est une question dont nous n’avons pas vraiment parlé avec les camarades, je vais donc me contenter de vous donner mon sentiment personnel. Si à un certain moment les quartiers alternatifs avaient été un sanctuaire pour les autonomes je crois qu’ils le seraient encore, mais j’ai des doutes sur le fait qu’ils ne l’aient jamais été. Je crois qu’il s’agit plus d’une interaction entre rebellion et culture. Le quartier de Schanzenviertel serait-il encore désigné comme un « quartier autonome » sans le centre culturel autonome Rote Flora ? Ce que je peux constater c’est que de nombreux habitants du quartier ne se laissent pas embobinner par la propagande des journaux locaux qui nous racontent en boucle cette histoire de pauvres policiers et de méchants black blocs. La semaine dernière le centre Rote Flora a organisé une rencontre pour débattre ensemble, entre voisins. On a discuté des limites du consensus, des attentes et de la peur de la police ou des incendies dans la rue. Je crois que c’est une bonne méthode pour assimiler tout ce qu’il s’est passé.
Jesse : Je ne sais pas si vous parlez de cette rencontre qui a eu lieu dans la salle des fêtes du club de football de Sankt Pauli, mais ce jour-là, il y avait au moins 1000 personnes. C’était incroyable ! Et cela démontre que l’équipe de foot aussi et tant d’autres personnes soutiennent le centre Rote Flora. Mais il est vrai aussi que les quartiers et les territoires autonomes sont sujets aux mutations rapides de la gentrification, mutations qui au court des dernières décennies ont fait augmenter les prix des loyers et apporté de nouveaux résidents des classes sociales supérieures et donc moins liés à l’histoire de la résistance. Tout cela en modifie naturellement la composition. Prenons par exemple le quartier de Kreuzberg, un quartier alternatif de Berlin, dans lequel le parti de Angela Merkel (CDU) recueille seulement 8% des votes. Là-bas, tous les ans depuis 2003, est organisé le MYFEST qui est une alternative dépolitisée à la manifestation du 1er mai. C’est une aubaine commerciale pour certains habitants du quartier qui voient dans cet événement une possibilité de gagner de l’argent et se retrouvent de fait à soutenir cette logique de pacification. De plus, à Kreuzberg, au sein de la communauté turque, il y a beaucoup de sympathisants de Erdogan (50% des votes) ou du parti fasciste des Loups Gris (MHP, de 10 à 20% des votes). Tout cela pour dire que l’idée de « quartier alternatif » est en réalité complexe et contradictoire.
En ce moment nous imaginons que la repression post G20 bat son plein. Quelle est la situation des camarades qui ont été arrétés ?
Andrea : Les politiques et la police utilisent les personnes arrêtées comme un signal d’avertissement. Les interpellés ont passé de très mauvais moments et ont été maltraités. Peut être l’avez-vous su par les détenus italiens qui ont transité par la prison du “GeSa”. Les difficultés sont encore nombreuses, et il est compliqué par exemple de prendre contact avec ceux qui sont en détention car il leur est toujours interdit de recevoir du courrier ou même des vêtements. Il y a encore 40 personnes détenues dans divers instituts penitentiaires. [1]
Maria : Il reste encore 36 personnes incarcérées. La police a créé une équipe spéciale de 170 policiers créativement appelée BlackBlock. Ils sont chargés de visionner tout le matériel photo et vidéo qui leur a été envoyé. Il y a une assemblée contre la répression qui se tient toutes les semaines à Hambourg et qui s’occupe des personnes arrétées, qui connait leur nom à tous et qui s’est chargée de trouver pour chacun un avocat. De plus, se sont formés des petits groupes, repartis dans toute la ville, de soutien aux détenus.
Et quelles sont les stratégies de criminalisation en cours ? Existe-t-il une discussion publique à ce sujet ?
Andrea : Ils continuent sans aucun doute à essayer de diviser le front des organisations de gauche et ils vont consacrer beaucoup d’efforts à l’analyse des photos et des vidéos qu’ils ont. La police a même constitué une commission spéciale dans cette optique. Le gouvernement de la ville de Hambourg et les différents partis politiques soutiennent l’idée selon laquelle le Rote Flora est responsable des événements et qu’il doit par conséquent faire l’objet d’une expulsion. Comme si cela ne suffisait pas, ils songent également à faire fermer tous les espaces en lien avec ce dernier sur l’ensemble du territoire de la République Fédérale allemande. Ils discutent de la mise en œuvre du système du Gefährderdateien, un dispositif spécial de collecte de données des déplacements des potentiels militants d’extrême gauche. Le ministre de l’Intérieur a proposé d’instaurer l’utilisation de bracelets électroniques pour les militants de gauche. Mais, en même temps, comme je l’ai déjà dit, les gens parlent beaucoup de la violence et des mensonges des forces de l’ordre. De plus, il y a eu trop de témoins des événements ou de victimes des violences policières pour que l’on puisse croire aux discours cérémonieux du maire ou du sénateur à l’Intérieur qui prétendent qu’il n’y a pas eu de violences de la part de la police.
Jesse : Le ministre de l’Intérieur a également proposé que la police puisse tirer sur les manifestants avec une sorte d’ADN artificiel spécial. Cela afin de les marquer et de pouvoir les identifier et les arrêter après les manifestations. Par ailleurs, même le discours politique tenu au grand public s’inscrit dans un processus de délégitimation de notre résistance et de notre lutte. Les personnalités politiques, comme le ministre de l’Intérieur De Maizière par exemple, comparent les violences du vendredi soir ou les actions des anarchistes et des autonomes aux méthodes des fascistes ou des terroristes islamistes.

Maintenant, il faut qu’on reste unis, qu’on soutienne les personnes qui ont été arrêtées et qu’on continue à dénoncer la campagne politique qu’ils comptent mener contre la gauche radicale. Sinon, quelque chose me dit qu’ils trouveront un bouc émissaire à mettre en prison pour un moment. Il devient également évident qu’ils ont désormais l’intention d’intensifier la collaboration entre les différents services de police européens, afin d’identifier au niveau international, grâce à Interpol ou aux bases de données des polices nationales, les visages et les photos de ceux qui n’ont pas encore été identifiés.

Pour finir, on aimerait avoir votre avis sur ce qui s’est passé à Hambourg par rapport à la préparation du contre-sommet et aux attentes que vous aviez.
Jesse : En fait, on a peut-être réussi à faire plus que ce à quoi on s’attendait. La guerre psychologique de l’État et de la police était aussi dans nos esprits. Par exemple, ils avaient dit qu’ils réussiraient à arriver en une minute dans n’importe quel endroit de la ville de Hambourg. Au final, c’était n’importe quoi mais, même à moi, ça m’a fait un peu peur. Tout compte fait, j’ai surtout été très touché par la variété et la diversité de la résistance de masse sur l’ensemble de ces journées. Et je dois avouer que la variété, la diversité et le pluralisme de notre résistance et de la lutte dont on a fait l’expérience ces jours-ci, des actions militantes aux blocages, de la rave au cornering, des performances théâtrales (1000 zombies) à la masse critique contre le G20, des émeutes à la grande manifestation qui a compté plusieurs milliers de personnes… Eh bien, cette hétérogénéité de pratiques a été notre force. Donc ne nous laissons pas diviser ni séparer, nous ne devons pas nous affaiblir. Continuons à discuter et à débattre.
Andrea : Pour être honnêtes, nos attentes sont souvent différentes de nos souhaits, parce que nous ne sommes pas assez forts pour les faire devenir réalité. Mais, par exemple, pour la manifestation de jeudi, je pense que la plupart d’entre nous s’attendait à ce qu’il y ait une grande participation, ce qui a été le cas, et à ce que le rassemblement et la manifestation en soi soient bien organisés. À quelques jours du cortège, il devenait toujours plus évident qu’ils ne tolèreraient pas cette manifestation. Mais une chose est sûre, c’est qu’on ne s’attendait pas à une attaque aussi violente à ce moment-là, avant même que tout commence. Comme l’a également affirmé la coordination WELCOME2HELL, l’objectif du mouvement de contestation du G20 était d’interrompre ou d’empêcher l’événement, ou au moins de le perturber. En ce sens, on peut dire que nous avons atteint notre objectif. En revanche, personne ne pouvait s’imaginer les violences qui ont eu lieu le vendredi soir dans le quartier du Schanzenviertel. Il n’est pas surprenant qu’il y ait maintenant un débat général sur la violence, ni qu’il y ait un débat sur la violence au sein de la gauche. Mais je ne m’attendais clairement pas à ce qu’ils se fassent parmi les autonomes.

[135 personnes sont encore en prison : 6 italiens, 3 français, 2 russes, 2 hollandais, 1 autrichien, 1 suisse, 1 hongrois, 1 polonais, 1 tchèque, 1 sénégalais, 1 basque, 1 roumain, 1 serbe, auxquels il faut ajouter 13 allemands, dont 8 de Hambourg. 16 personnes ont été arrêtées mais libérées par la suite dont 1 grec, 1 vénézuelien, 1 turc, 1 hongrois et 12 allemands. Tous vivent ici, en Allemagne, et y ont leur résidence principale, ce qui fut l’un des motifs de leur libération avant les autres.

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