Ce sera bref parce qu’au fond tout cela est peu intéressant et il y a mieux à faire. Dans cet article on trouve les clichés habituels sur l’indigénisme, et la critique d’un parti politique à travers une militante qui, rappelons-le, n’y est même plus. J’invite les auteurs à ne pas prendre la mouche – nous ne sommes que rivaux –, et à consulter le programme du PIR [1] avec lequel, de toute évidence, ils tomberont d’accord s’ils acceptent de se remettre en cause.
Pour ma part je ne suis pas au PIR, je ne suis qu’un noir indigène anonyme, terriblement fatigué des litanies anti-identitaires. Le premier point que je veux faire est le suivant : les revues d’extrême-gauche, rares espaces de respiration dans l’hyperviolence ambiante, ne devraient plus se sentir tenues de publier ce type de discours : la droite le fait déjà bien suffisamment.
Deuxième point : non, nous ne sommes pas racistes – pas plus que les futur.e.s licencié.e.s de Michelin à Vannes et à Cholet ne sont capitalistes (vous devriez vous intéresser à cela plutôt qu’à nous). Vous ne faites que sophistiquer l’ « argument » du racisme anti-blanc. Si le phénotype apparaît dans nos dires, c’est qu’il est toujours présent dans nos actes, qu’on le veuille ou non. C’est la blanchité elle-même, comme configuration de domination politique et d’exploitation économique, qui a fait de la race une réalité fondatrice du monde moderne (voyez par exemple Naissance de la biopolitique).
Troisième point : non, nous ne cherchons pas un nouveau sujet révolutionnaire. Nous ne faisons que tenter de faire perdurer des traditions radicales non-européennes pluricentenaires, aussi vieilles que la colonisation et l’esclavage, et qui donc existaient bien avant qu’émerge la figure du prolétariat blanc (à ce propos, les deux maigres sources du décolonial que vous reconnaissez comme intéressantes le sont bel et bien, mais ce sont deux gouttes d’eau dans l’océan). Ce prolétariat blanc a bien souvent représenté, lors des épisodes impériaux, un ennemi pour nos peuples. Il continue de l’être à l’ère du néocolonialisme. Une alliance est possible et souhaitable, mais elle ne sera pas aisée.
Quelques derniers points, pêle-mêle. « Nous n’avons pas besoin d’un sujet clos sur lui-même dans sa fictive totalité, guettant avec une anxiété paranoïaque des signes menaçants d’étrangeté qui pourraient le faire différer, proie de la prédation de celles et ceux qui s’octroient le droit exorbitant à le représenter. Mais à nouveau des alliances sans condition d’identité. » Les auteurs établissent un parallèle entre les communautés fascistes et les collectifs politiques décoloniaux. Dans ces derniers collectifs, nous sommes vraiment très peu souvent en proie à la crainte de l’étrangeté. Par contre, la crainte du blanc qui refuse de reconnaître son appartenance à un système de pouvoir profondément marqué par la race, en plus de l’être par la classe et le genre, alors ça, oui. Se revendiquer de l’absence d’identité est un satané privilège. Nous, qui sommes interpellé.e.s racialement, avons choisi le retournement du stigmate.
Dans la phrase citée, je peine honnêtement à comprendre qui est le responsable grammatical de la « prédation », mais je crains que ce soit les militants indigènes fantasmés, à qui on reproche une fois de plus leur éloignement des classes populaires racisées – sans prendre la peine de s’assurer de la validité sociologique du propos (et donc en s’exposant à un racisme primaire qui peine à considérer que les indigènes puissent parler pour eux-mêmes – s’ils parlent, ils sont donc bourgeois !). L’alliance des classes moyennes racisées avec les classes populaires racisées est un travail politique de longue haleine, qui est en cours. Ces classes moyennes racisées peuvent subir des sévices dont les blancs pauvres n’ont pas idée, dont ils sont parfois aussi responsables (cf. islamophobie). Enfin, la diversité des racisations et des traditions est entièrement reconnue, c’est à partir de cette diversité qu’est mené un projet politique de subjectivation noire, arabe, indigène.
On a beau se torturer les méninges, on ne comprend pas comment un article sur le génocide en cours et le « libéral-fascisme » peut finir en anathème contre un parti à moitié disparu et une militante l’ayant déjà quitté. Palestine, Liban, Syrie, Kanaky, aujourd’hui Mayotte, la CGT recensant 50 000 licenciements en France pour 2025, les viols de Mazan… nos anti-identitaires n’avaient-ils pas mieux à faire, et sinon, à écrire ? Pour nous, désormais, il n’y a rien d’autre derrière ce type de refus que la volonté de domination frustrée de l’idéologue blanc ayant bien compris, mais refusant de s’avouer, qu’il ne pourra tout simplement plus jamais parler pour tout le monde. Il faut décidément publier autre chose.
Anamas Pamous
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