« Suicidez-vous nous crie l’époque » - Paul Gaillard

Un poème

paru dans lundimatin#220, le 9 décembre 2019

Suicidez-vous nous crie l’époque et ses maîtres du haut de leur tour.
Suicidez-vous suinte de leurs yeux de leur regard dégoûté de ce qui grouille en bas.
Ici d’horizon il n’y a qu’eux ou la corde ce n’est qu’une question de temps de timing.
Aujourd’hui seul en silence s’immoler dans le rayon fruits et légumes d’une échoppe ou demain appuyer sur la gâchette dans sa voiture de fonction sur le parking d’un hôtel standard ou après-demain avaler un seau de petites et si charmantes pilules cul sur son cuir devant sa télé ou n’avoir plus que le quand du suicide pour horizon.
Car il y a du progrès.

Les maîtres ne sont plus fous comme avant ici en démocratie tout au moins à tirer à balles mortelles à prendre ce risque dans la foule.
Ils nous laissent une vie pour nous suicider.
Ils nous suicident jour après jour jusqu’à mourir sans rien avoir vu venir de la vie.
Ils nous tuent sans la violence du crime sans avoir peur de notre vengeance.
Mais elle vient.
Sans la crainte de notre morsure.
Mais elle avance.
Et le goût du sang monte dans nos bouches gronde la rage.
Sur leur toit c’est aussi le vertige de la mort qui les fait signer ces maîtres un plan social une liste noire un permis de construire un camp nouveau un peu moins camp que les camps mais toujours camp.
C’est le vertige de la mort qui pousse les bouchons de champagne leurs bouchons de leur champagne à sauter par delà le ciel pour éborgner un ange un dieu ou un oiseau migrateur à qui ils hurlent une fois bien tombé à terre ici en bas de se suicider.
Et nous mourons par vagues alors dans le feutré d’une chambre seuls en silence d’avoir trop écouté d’avoir cru ne plus obéir s’échapper faire un pied de nez à l’ordre en se suicidant.
Mais ils rient les maîtres car ta mort leur sert.
Et Dieu borgne pleure à ton chevet.
Auquel tu t’es pendu.

N’écoutons plus les maîtres.
N’ayons pour guide que notre souffle.
Et pour horizon ici en bas le blanc de nos yeux puissant de tous les possibles.

05/12/2019

Paul Gaillard

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