Sommes-nous responsables de l’avenir ? (bis repetita)

Un vrai-faux corrigé du bac

paru dans lundimatin#295, le 6 juillet 2021

Des professeurs de philosophie de l’académie d’Aix-Marseille nous proposent, en vidéo, le « corrigé » d’un sujet de bac donné cette année [1].

Celui-ci est en effet étrangement en rapport avec la contestation qu’ils mènent contre la réforme technocratique du bac imposée tant dans sa forme (numérisation de la correction) que dans son contenu (Grand Oral).

« Nous estimons avoir une responsabilité sur l’avenir de l’éducation de nos élèves, et nous refusons de remplacer la relation pédagogique par des écrans et des pseudo entretiens d’embauche » déclarent ces enseignants mobilisés et engagés dans une grève « dure » consistant à refuser, totalement et définitivement, ne serait-ce que d’ouvrir Santorin (le logiciel hébergeant les copies numérisées).

Constitués en collectif le 2 juin 2021 [2], pour réfléchir aux modalités et aux conditions de la session du bac 2021, ces 40 professeurs ont lancé, le 18 juin, un appel à ne pas ouvrir Santorin pour protester contre la dématérialisation des copies et la dépossession du choix de leur outil de travail. Un mois après, ils sont toujours là, et des assemblées générales se tiennent plusieurs fois par semaine pour envisager la suite d’une mobilisation pour cette session du bac mais aussi les suivantes, sachant les effets délétères de la Réforme du lycée et du Bac Blanquer.

Avec la numérisation imposée des copies du bac, Blanquer ne franchit pas qu’une étape dans la matérialisation de son délire numérique et scientiste, il installe la destruction du métier d’enseignant, l’abrutissement et l’aliénation des élèves ainsi que l’accroissement des inégalités entre élèves et établissements. C’est bien, en effet, à une soumission sans frein aux algorithmes et à l’intelligence artificielle, à un asservissement à l’idéologie technophile, à une subordination au grand marché éducatif que nous assistons.

Santorin, d’un mot, est le piège de la digitalisation à tous les étages de l’école afin de l’ouvrir à la marchandisation et de parachever sa destruction !

Il est ainsi particulièrement opportun de mettre en parallèle cette destruction avec les déclarations suivantes de Blanquer, lors de son discours d’ouverture aux assises de l’IA pour l’école le 13 décembre 2018, déclarations totalement délirantes, à tel point qu’on pourrait en venir à penser que cet homme flirte avec la démence la plus crue :

« On peut demain libérer le professeur. Je rêverais d’être le ministre de l’Éducation Victor Schœlcher des professeurs, autrement dit celui qui aurait réussi grâce à vous tous à faire que la correction de copies devienne quelque chose de très assisté par l’intelligence artificielle. On sait qu’il y a de premières innovations intéressantes en la matière, on est aux balbutiements de cela, mais il est évident que la correction pourrait considérablement évoluer dans les temps à venir, même si on n’en est pas encore à la copie de philosophie corrigée par l’intelligence artificielle. Mais je ne ferais pas de commentaires sur la correction en philosophie… ».

Et Blanquer d’ajouter :

« Notre ambition c’est évidemment de situer la France aux avant-postes de ce qui peut se faire en matière d’intelligence artificielle dans le domaine de l’éducation, avec des perspectives ouvertes considérables. D’une certaine façon, j’ai tendance à dire que nous sommes en phase enfin d’accomplissement, avec vingt-cinq siècles d’attente, de l’idéal socratique celui de l’interactivité, celui d’une maïeutique réalisée réellement, non pas parce que nous robotiserions l’éducation, non pas parce que nous la rendrions totalement technologique, mais au contraire parce que nous réussirions une interaction grâce à un couple réussi entre l’homme et la machine. »

La Silicon Valley en rêvait, Blanquer en serait le héraut français, à moins que... comme ces collègues d’Aix-Marseille nous lui disions : NON !

Ces 40 professeurs, qui sont l’honneur de toute la profession, risquent d’être salement et lourdement sanctionnés pour leur insoumission (de 10 à 15 jours de retrait sur salaire, voire davantage), sans parler, possiblement, de sanctions individuelles (comme à Dole, Melle, Saint-Denis, etc.), nous profitons donc de cet article pour rendre publique leur caisse de grève et nous vous invitons à l’abonder :

https://www.papayoux-solidarite.com/fr/collecte/caisse-de-greve-des-professeurs-de-philosophie-aix-marseille?fbclid=IwAR1cURlpGlyJ-j35vCSfz6GN7UGV24vAlymh9o6R4Boc1DkHmcDW9bvR31A

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