Serbie : la contagion d’origine étudiante

«   Nous nous sommes organisés à partir de rien et avons accompli beaucoup de choses… »

paru dans lundimatin#469, le 31 mars 2025

Le 15 mars 2025, une manifestation historique a eu lieu en Serbie, rassemblant entre 275 000 et 325 000 personnes qui ont battu le pavé contre les gouvernants serbes. Il s’agit de la plus grande mobilisation de l’histoire de la Serbie moderne, un pays qui, rappelons-le, compte environ 7 millions d’habitants. Cette manifestation a marqué un tournant pour le mouvement de protestation, signant son extension à l’ensemble de la société serbe grâce à la formation d’assemblées populaires dans tout le pays, alors qu’il était à l’origine essentiellement étudiant. Dans la lignée de l’article « Tout le pouvoir aux plénums ! », nous reviendrons sur le rôle essentiel des étudiants dans cette mobilisation.

C’est une véritable marée humaine qui a pris de court les autorités serbes. Lors d’une manifestation massive et relativement pacifique dans la capitale Belgrade, les protestataires ont fait entendre leurs voix derrière des chants comme « Pumpaj ! Pumpaj ! » (Pompe ! Pompe !), devenu le slogan du mouvement. Au milieu d’autant de symboles que la diversité politique du mouvement le permet, on pouvait voir des drapeaux nationaux ainsi que des drapeaux et symboles typiques de l’extrême gauche, de la gauche ou des écologistes. On retrouvait également fréquemment une main ensanglantée, le symbole principal du mouvement. L’aspect esthétique du mouvement ne se réduit évidemment pas à la pluralité des différents symboles, mais bien à cette image impressionnante d’une foule compacte et déterminée, forte de centaines de milliers de personnes parfois venues de loin malgré l’annulation de trains et de bus pour empêcher les manifestants de rejoindre Belgrade, des manifestants excédées par des gouvernants « incompétents » et « corrompus » qui ont selon eux conduit à la mort de 16 personnes suite à l’effondrement d’un auvent de béton dans la gare de Novi Sad, qui venait d’être rénovée, le tout dans des circonstances troubles de financements et de travaux bâclés.

En plus de son ampleur, la puissance de ce mouvement réside également dans sa dimension horizontale. En l’absence de leaders, la mobilisation dépasse les clivages politiques traditionnels et réunit désormais un large éventail de la société, aussi bien politiquement qu’au niveau des catégories sociales : étudiants, enseignants, travailleurs précaires, habitants des zones rurales ainsi que de jeunes diplômés en manque de perspectives. Il y a bien des partis qui ont tenté de s’y associer, mais heureusement leur influence reste limitée, comme l’explique Ivica Mladenovic, docteur en sciences politiques :

« Cette distance est en partie volontaire : les manifestants refusent d’être instrumentalisés par des forces politiques jugées complices du statu quo. »

Si les gouvernants serbes semblent tenir malgré l’ampleur des manifestations, ils apparaissent fortement bousculés par une mobilisation qu’ils n’avaient pas vue venir. Jouant sur la répression, comme lors de cette même manifestation où des armes sonores ont été utilisées pour disperser la foule, causant un mouvement de panique et des hospitalisations. Le président Vucic ne semble pas vouloir plier, faisant mine de compatir avec les manifestants tout en réprimant de l’autre main. D’autant que le président a des soutiens de poids : outre la classe dominante qui voit d’un mauvais œil ce mouvement d’inspiration démocratique radicale, l’Union Européenne semble bien timide à condamner les agissements du gouvernement serbe. Marta Kos, la commissaire européenne à l’élargissement, a même apporté son soutien au gouvernement en place. Ce soutien a évidemment suscité une vague de protestation, la population en Serbie se sentant déjà abandonnée par Bruxelles, ce qui dégrade encore l’image de l’Union Européenne, déjà bien entachée dans les Balkans.

Il est désormais évident que le mouvement, qui se voulait essentiellement étudiant au départ, s’est étendu à toutes les sphères de la société. Cependant, cela n’aurait jamais été possible sans le travail minutieux des étudiants qui, pendant des mois, ont préparé le terrain et cherché à embraser ce mouvement, ce qu’ils ont finalement réussi à faire. Rappelons que peu de temps après le 1er novembre 2024, jour de la catastrophe de la gare de Novi Sad, les étudiants étaient en première ligne pour réclamer des explications et exiger des comptes de la part des dirigeants sur ce drame qui aurait sans doute pu être évité si d’importantes irrégularités n’avaient pas entaché les travaux. Les étudiants ont enchaîné marches et manifestations parfois sur de longs kilomètres pour rejoindre les campagnes rurales, et se sont organisés en « plénums » – des formes d’assemblées horizontales – dans les Universités, avec un réseau de coordination poussé entre elles, le tout sans leaders ni chefs autoproclamés, un véritable exemple de démocratie directe.

«   Nous nous sommes organisés à partir de rien et avons accompli beaucoup de choses… Nous avons uni le pays, les générations, éveillé la solidarité et l’empathie, et montré que le changement est possible lorsque nous nous battons ensemble.  »

Comme l’explique si bien une étudiante, émue par le chemin parcouru. Car oui, aujourd’hui, non seulement nous assistons à une véritable contagion de la contestation, mais aussi à quelque chose de plus grand encore : l’extension des assemblées populaires dites «  plénums  », non plus seulement dans les universités mais également dans les villes et communes de Serbie. Il s’agit d’une nouvelle forme de mobilisation dirigée contre ce régime, prenant racine dans ces mêmes manifestations étudiantes contre les gouvernants, qui se poursuivent toujours.

Le vendredi 21 mars, un de ces plénums, dont la spécificité est d’être ouvert à l’ensemble des citoyens dans un esprit de démocratie directe, s’est tenu pour la première fois au centre de Belgrade. L’objectif pour les gouvernés est de se réapproprier la politique, confisquée par la classe dominante qui l’exerce sans partage. C’est une véritable forme d’auto-gouvernement parallèle qui se met en place, montrant que les gouvernés n’ont pas besoin des dirigeants capitalistes pour se gouverner eux-mêmes. Plus ils en prendront conscience à travers l’exercice de la démocratie directe, plus ils en seront convaincus, jusqu’à comprendre que les dirigeants du système actuel ne sont qu’une entrave à une démocratie pleine et entière. Celle, pourquoi pas, des plénums : un pouvoir horizontal où les décisions viennent de la base, où tout le monde participe et prend des décisions, en opposition à celles, écrasantes et hétéronomes, imposées d’en haut par l’oligarchie libérale à travers sa démocratie représentative, qui n’a de démocratie que le nom.

Un constat partagé par les manifestants, notamment Nebojsa : «  C’est un exemple de démocratie directe, puisque la démocratie représentative, hélas, ne fonctionne pas en Serbie et que l’État a été kidnappé. Alors, nous, les citoyens, devons nous organiser en assemblées et prendre des décisions pour l’intérêt public.  » Ou encore Maya : «  Moi, j’en attends un changement social, un changement de la conscience citoyenne. Que les gens comprennent qu’ils peuvent prendre des décisions par eux-mêmes.  » Tous deux étaient rassemblés à l’occasion du premier plénum de Belgrade. Malgré une liste de revendications concernant, par exemple, une aide financière pour les professeurs en grève, aucune n’a été acceptée par le conseil municipal de la ville, ce qui était prévisible mais symbolique d’un pouvoir qui gouverne contre ses citoyens. Ailleurs, à Čačak, les participants ont exprimé leur volonté de destituer le maire, tandis qu’à Niš, le plénum a interrompu une réunion organisée par le parti au pouvoir.

Si cet élargissement a été permis suite à l’appel des étudiants à créer des plénums dans les communautés locales, certains avaient déjà décidé de franchir le pas. Notamment lors de la grève générale du 7 mars, les rues de Belgrade étaient noires de monde, témoignant de l’ampleur de la mobilisation. Un moment clé de cette mobilisation fut la tenue du premier plénum local au sein de la municipalité de Rakovica. Des marches ont été organisées sur les réseaux sociaux par des plénums de quartier, convergeant en deux colonnes : l’une partant de Resnik et l’autre de Petlovo Brdo. Ensemble, ils ont participé à cette assemblée populaire ouverte. N’ayant aucune expérience préalable de ce type de réunion, les habitants ont sollicité l’aide des étudiants, plus aguerris dans l’organisation de plénums. L’événement était dirigé par Marija, une étudiante de Rakovica impliquée dans le mouvement étudiant depuis le début du blocus de sa faculté.

Près de 400 personnes étaient présentes. Dès l’ouverture de la séance, Marija a expliqué le fonctionnement de l’assemblée : comment prendre la parole (en levant deux doigts), comment demander une réponse (en levant un doigt), et comment se dérouleraient les discussions et les votes. Il est certain que cela casse légèrement l’idée des plus spontanéistes d’entre nous, ce qui nous ramène à l’idée de trouver un entre-deux. Cela n’est pas dérangeant dans ce contexte, d’autant que cette «  avant-garde  » étudiante s’organise de manière horizontale ; cela aurait été problématique si c’était un parti d’avant-garde hiérarchique de révolutionnaires professionnels.

Pour revenir à ce premier plénum local, quatre sujets principaux étaient inscrits à l’ordre du jour, tous issus des suggestions partagées par les groupes de quartier sur les réseaux sociaux. Le premier point portait sur la continuité des actions de blocage à Rakovica. Après une discussion ouverte, une large majorité a approuvé la poursuite de l’organisation par le biais de plénums réguliers. Ensuite, la question de la participation collective à la manifestation étudiante prévue le 15 mars à Belgrade a été abordée. Les participants ont échangé sur les trajets les plus pratiques, se sont renseignés sur les itinéraires suivis par d’autres groupes de quartiers et ont évalué plusieurs lieux de rassemblement possibles. Après un vote, un parcours spécifique a été retenu, prévoyant une jonction avec les groupes de la municipalité de Čukarica avant de poursuivre en direction du centre-ville. Le troisième point concernait l’établissement d’un fonds de solidarité destiné aux enseignants et travailleurs de Rakovica qui, en raison d’une grève considérée comme illégale, n’avaient pas perçu l’intégralité de leur salaire. Bien que le principe de ce fonds ait été approuvé par vote, la manière de le financer et de le gérer a été laissée pour une prochaine séance, au cours de laquelle des propositions détaillées devront être présentées.

Enfin, le plénum a discuté de l’organisation collective de repas et de rafraîchissements pour soutenir les participants à la manifestation du 15 mars. Les habitants ont suggéré, en accord avec les organisateurs étudiants, d’installer un stand pour Rakovica où chaque foyer apporterait sa contribution : petits pains, tartes, fruits, douceurs ou autres plats selon leurs moyens. La nourriture collectée serait ensuite transportée de manière coordonnée vers un point de rassemblement en ville, servant également de lieu de rencontre pour ceux suivant l’itinéraire choisi. Après un vote validant cette initiative, les participants se sont rendus au stand improvisé pour laisser leurs coordonnées, permettant ainsi de former des équipes responsables de la logistique. La séance s’est achevée par un hommage de quinze minutes de silence en mémoire des victimes de Novi Sad.

On voit une fois encore que les étudiants ont joué un rôle déterminant en formant les débutants à la pratique du plénum. Et ce n’est pas un cas isolé : les étudiants ont depuis aidé d’autres localités à organiser des plénums locaux, permettant à la démocratie directe de s’exercer pleinement. Les gouvernés font désormais trembler les gouvernants en Serbie, hantés par le spectre des plénums et de l’auto-gouvernement généralisé. S’il y a bien une conclusion à tirer, c’est celle concernant le rôle des étudiants, trop souvent oubliés car n’étant pas une classe en soi, mais plutôt un statut éphémère avant de rejoindre le marché du travail. Il n’en demeure pas moins que les étudiants constituent une catégorie sociale qui souffre dans de nombreux pays, confrontée à la précarité étudiante, à la nécessité de cumuler un emploi pour financer ses études, au mal-logement…

Les étudiants se rapprochent par bien des aspects de ce qu’on nommait autrefois le prolétariat dans sa forme la plus précaire, lorsque les étudiants ne sont pas eux-mêmes des travailleurs salariés. Les travailleurs sont eux aussi traversés par des contradictions similaires à celles des étudiants : certains s’en sortent mieux que d’autres grâce à un meilleur salaire ou des positions dans la hiérarchie qui les amènent souvent à prendre le parti du patronat. Pour les étudiants, certains bénéficient de bourses, d’autres de l’aide de parents issus d’une famille bourgeoise, tandis que d’autres n’ont rien de tout cela, si ce n’est leur force de travail à vendre pour financer une partie de leurs études. Le rapport de domination est certes moins frontal en milieu purement étudiant, si ce n’est l’autorité des professeurs, mais qui ne répondent pas à des intérêts économiques directs. Toutefois, la mise en compétition des étudiants, la pression des résultats, la marchandisation du savoir sont autant de phénomènes connus des étudiants qui peuvent ressembler à ce que vivent la plupart des employés de bureau.

Dans le cas des plénums, nous voyons bien que les étudiants sont les pionniers de l’autogestion radicale et de la démocratie directe. Une chose impensable dans un mouvement qui serait poujadiste, accusation parfois portée à tort contre les étudiants. On oublie trop souvent leur rôle lors de mai 68, où ils avaient précipité la suite des événements, tout comme ils le font aujourd’hui. Si la Serbie a aussi la spécificité de voir ses principaux «  talents  » partir faire des études à l’étranger, d’autres pays plus avancés connaissent une classe étudiante plus ou moins précaire. On en trouve un exemple flagrant en France, où nombre d’étudiants font la queue à l’aide alimentaire en raison de leur précarité grandissante. En 2020, la crise sanitaire liée au Covid-19 a brutalement révélé cette réalité : les fermetures d’emplois étudiants, la hausse des loyers, et l’insuffisance des bourses ont poussé de nombreux jeunes à se tourner vers des associations d’entraide comme les Restos du Cœur, la Croix-Rouge ou Linkee. Selon certaines estimations, environ un étudiant sur cinq vivrait sous le seuil de pauvreté en France. Ce phénomène persiste aujourd’hui, illustrant le fossé croissant entre les besoins matériels des étudiants et la réponse insuffisante des institutions publiques.

Mais pourquoi voyons-nous en priorité les étudiants des Balkans créer des formes d’auto-organisation et non les travailleurs ? Cela découle sans doute de certains facteurs. Le premier qui me vient à l’esprit est l’accès à la connaissance. Car oui, ne nous voilons pas la face : les étudiants sont sans doute la catégorie la plus consciente des dynamiques de pouvoir, pouvant, grâce aux études, développer une pensée plus cohérente, critique et radicale. Là où les travailleurs, loin d’être des idiots — entendons-nous bien — sont plus facilement aliénés et manipulés par les gouvernants qui dirigent leur colère sur des boucs émissaires : les étrangers, les «  assistés  », le « wokisme »… faute d’avoir le temps et l’énergie de développer les outils critiques nécessaires pour pratiquer leur autonomie individuelle. Ce n’est pas une fatalité à l’heure du numérique et d’internet qui ont permis un accès élargi à la connaissance. Cependant, le numérique n’est pas exempt de manipulation, d’où la nécessité d’être formé et que chaque travailleur devienne finalement un libre penseur.

C’est typiquement ce qui se passe actuellement : les étudiants forment les travailleurs à l’auto-gouvernement, leur permettant par la pratique de prendre conscience de leur pouvoir de décision, de déjouer les manipulations et de s’élever par la pratique et l’éducation du peuple par le peuple. Cette démarche était déjà présente lors des premiers plénums qui ont germé en Croatie en 2009, lorsque les étudiants des universités avaient ouvert leurs portes aux citoyens et aux travailleurs qui pouvaient librement participer. Les travailleurs peuvent tout aussi bien développer eux-mêmes des plénums, mais un certain niveau de conscience est souvent nécessaire, ce qui est difficile à atteindre sans un soutien initial, surtout à l’heure du néolibéralisme destructeur des consciences.

Lors des plénums en Bosnie-Herzégovine en 2014, si les travailleurs de Tuzla en ont formé localement, c’est aussi parce que des intellectuels leur avaient soumis l’idée de s’organiser en plénum pour manifester leur mécontentement. Des idées que les travailleurs de Tuzla se sont ensuite réappropriées. Une idée ne devient une force que lorsqu’elle s’empare des masses, ne l’oublions jamais. Cependant, il est essentiel que ces idées soient apportées sans volonté de les imposer. Les groupes et collectifs qui souhaitent partager des idées avec les masses doivent eux-mêmes s’organiser de manière parfaitement horizontale, ouverte, et non dans un esprit de conquête mais de coopération. Autrement, nous retomberons dans les mêmes erreurs que les Bolcheviks en URSS. Yohann Dubigeon auteur de « la démocratie des conseils » le sous-entendait déjà dans ses travaux : il s’agit de trouver le bon dosage entre spontanéisme et substitutisme. Nous ne devons pas attendre que la révolte tombe du ciel, ni chercher à enfoncer la porte des institutions sous la conduite d’un ou de plusieurs révolutionnaires charismatiques.

À la question de savoir par où commencer, on pourrait répondre vaguement : partout où il est possible de former des modèles d’auto-organisation similaires. Mais pour être plus précis, plusieurs pistes se dessinent si l’on observe les plénums tels qu’ils sont nés dans les Balkans. On pourrait ainsi envisager de construire des plénums directement dans les universités autour d’un projet commun (éducation gratuite, lutte contre la précarité étudiante, solidarité avec les travailleurs…), puis de chercher à essaimer ces pratiques dans l’ensemble de la société. C’est en grande partie ce qui s’est produit dans le modèle serbe et ce qu’avaient déjà tenté d’autres mouvements de plénums, à commencer par le tout premier, celui de Croatie en 2009. D’autant qu’un manuel expliquant comment organiser un plénum a été rédigé par les étudiants de la faculté de philosophie de Zagreb [1]. Il est également possible de partir directement de la sphère locale — quartier, commune ou ville — comme ce fut le cas en Bosnie en 2014, où des plénums ont émergé à la suite d’un vaste mécontentement populaire lié aux salaires impayés.

On pourrait aussi tenter de partir des lieux de travail, bien que cela soit un défi puisqu’il faudrait au minimum que l’idée d’organiser un plénum ou une assemblée similaire franchisse les portes des entreprises. Il n’existe d’ailleurs pas vraiment d’exemples récents de plénums formés au sein des entreprises. Et si l’on considère que les soviets ou conseils de travailleurs y ressemblent, il faut remonter au siècle dernier pour retrouver un tel phénomène. Cela n’a cependant rien d’impossible. La probabilité est simplement réduite par le fait que les grands pôles industriels n’existent plus vraiment dans les pays avancés, que les travailleurs sont soumis à des emplois toujours plus précaires (intérim, CDD, jobs saisonniers…) qui rendent toute révolte difficile par peur de perdre son emploi, comme on a pu l’observer lors des luttes contre la réforme des retraites en France, les mobilisations précaires en Espagne, ou encore les mouvements de travailleurs ubérisés aux États-Unis. Par conséquent, les différentes formes d’auto-organisation radicale ont tendance à se former localement, de manière plus globale (les Gilets Jaunes en France, les plénums en Bosnie-Herzégovine en 2014, en Serbie en 2025, Occupy Wall Street aux États-Unis en 2011, ou encore les assemblées populaires du mouvement 15M en Espagne en 2011).

Que le mouvement puisse et doive s’étendre aux lieux de travail est compréhensible et nécessaire, mais l’idée qu’il puisse naître directement de ces lieux semble aujourd’hui moins certaine. Il sera intéressant de suivre, dans les prochaines semaines, l’évolution du mouvement lancé par les étudiants serbes, pour en tirer davantage de conclusions. En attendant, nous devrions tous nous en inspirer pour penser l’auto-organisation au XXIe siècle face à un système capitaliste toujours plus destructeur. La jeunesse a montré la marche à suivre et prouvé que l’auto-gouvernement est une nécessité, une idée qui semble prendre son chemin en Serbie, en attendant de la voir germer ailleurs, comme des graines soufflées par le vent dans leur élan de jeunesse.

Lucas Skalski

[1Disponible en langue originale, en Anglais et en Français.

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