Réponse aux idiots utiles de l’invasion turco-djihadiste

Droit de réponse à l’article « Mise au point sur l’agression turque au Rojava »

paru dans lundimatin#213, le 21 octobre 2019

Ce lundi, nous publiions un article intitulé « Mise au point sur l’agression turque au Rojava » qui anonçait "clarifier un certain nombre de points d’aveuglements d’une certaine gauche française quant à la situation actuelle au Rojava". Il s’agissait de prendre en compte la réalité des populations syriennes au moins autant que celle des kurdes qui se retrouvent bien malgré eux sous le feux des projecteurs, en particulier depuis l’invasion turque. Une réponse incisive à cet article n’a pas tardé à nous parvenir, signée par Le Collectif des Combattantes et Combattants Francophones du Rojava (CCCFR) et qui revient sur un certain nombre d’affirmations de la "Mise au point", pour défendre clairement les positions des YPG (« Unités de Défense du Peuple » au kurdistan syrien).

Un texte puant, au timing indécent, a récemment circulé au sein des milieux militants au sujet du Rojava, tout d’abord sur le site Agitations Autonomes puis repris par Lundi Matin, « Mise au point sur l’agression turque au Rojava ». Ses auteurs n’ont pas de scrupules à critiquer les combattants des Forces Démocratiques Syriennes au moment même où ils meurent et résistent face à l’armée turque. Ces écrits visent à saper l’élan de solidarité envers le Kurdistan syrien, alors qu’il est la cible de l’invasion turco-djihadiste. Notre priorité est d’organiser la solidarité envers nos camarades sur place, et certains d’entre-nous auraient souhaité ignorer purement et simplement ce ramassis de lieux communs. Malgré la tentative de répondre par le silence à cet écrit venant d’un obscur groupuscule, le CCFR a choisi d’en parler car il reprend des arguments qui, bien qu’éculés, circulent depuis des années déjà au sein d’une partie du milieu anticapitaliste français. Nous allons donc décortiquer point par point ce tissu d’inepties pour y apporter une réponse définitive.

  • « L’expérience politique menée au Rojava est idéalisée par la gauche occidentale qui la qualifie d’autogestionnaires sans citer un seul exemple concret » (3ème paragraphe).
    Les exemples ne manquent pas : il suffit d’aller voir les communes qui regroupent chaque famille du Rojava ou le réseau de coopératives qui ne cesse de se développer depuis le début de la révolution. Documentez-vous un minimum sur la réalité du terrain avant d’oser écrire sur ce sujet. De nombreux articles, livres ou documentaires ont décrit cette réalité autogestionnaire dont vous niez l’existence.
  • « L’autonomie de cette région ne découle pas d’un soulèvement, mais, dès 2011, d’un accord conclu entre le régime de Bachar Al-Assad et le PYD ». (3ème paragraphe). L’autonomie du Kurdistan syrien a été conquise par les armes, 1000 combattants du YPG sont morts en affrontant le régime dès 2011. Assad a ensuite décidé de retirer ses troupes vers les zones vitales à son régime. A la suite de ce retrait, un statu quo a perduré pendant des années. Il n’y a jamais eu « d’accord conclu entre le régime de Bachar Al-Assad et le PYD » entérinant l’autonomie de la région. Vous n’avez aucun document confirmant l’existence d’un tel accord en 2011, pour la simple et bonne raison qu’il s’agit d’un mensonge.
  • « En juillet et août 2015, des chercheurs d’Amnesty International se sont rendus dans 14 villes et villages des gouvernorats d’Hassaké et de Raqqa, et en ont conclu à l’existence de démolitions de logements et de déplacements forcés de populations sur des bases ethniques » (4ème paragraphe).

Un des membres du CCFR était présent à l’été 2015 dans la zone où Amnesty International a recueilli la quasi-totalité des témoignages sur lesquels s’appuie son « enquête ». Ces témoignages sont ceux des résidents d’un village turkmène, situé dans les environs de Siluk, qui soutenaient majoritairement Daech et abritaient des djihadistes qui attaquaient à revers les positions du YPG. Malgré l’hostilité de la population, et l’aide qu’elle apportait aux djihadistes, le village n’a jamais été évacué. Alors que ses habitants apportaient une aide directe à l’ennemi, à quelques kilomètres d’une ligne de front où d’intenses combats avaient lieu régulièrement, le YPG continuait à leur reconnaître le droit de rester sur leurs terres. Les seuls cas où des déplacements temporaires de populations eurent lieu c’était pour leur sécurité, quand les villages étaient le théâtre de combats, ou quand ils étaient minés. Si les auteurs de ce texte préfèrent croire le témoignage d’ONG capitalistes plutôt que celui de militants communistes et anarchistes qui étaient eux sur le terrain, cela en dit long sur leur absence d’éthique militante et leur manque de discernement.

  • « Les YPG [...] ont mené plus récemment [...] aux côtés des soldats du régime des offensives contre l’opposition à Deir ez-Zor et Idlib » (4ème paragraphe).
    La région d’Idlib est depuis longtemps contrôlée par Hayat Tahrir Al-Sham (Al-Qaïda) et le Front de Libération Nationale (une coalition de djihadistes alliée à la Turquie). Quelle est la réalité de l’existence des autres acteurs dont vous parlez ? Combien d’hommes ont-ils ? Quelles localités sont sous leur contrôle ? Quel est leur programme politique ? Vous serez bien en peine de répondre à ces questions. L’ASL, telle qu’une partie de la gauche française la fantasme, n’existe plus depuis des années déjà. A Deir ez-Zor, les FDS ont combattu Daech, en même temps que le régime les chassait de l’autre côté de l’Euphrate. Daech, Al- Qaïda et les sbires djihadistes alliés à la Turquie, c’est donc cela « l’opposition syrienne » que vous défendez ?
  • « [...] mettre en place une conscription forcée dans les brigades des « Forces Démocratiques Syriennes » (4ème paragraphe).
    Il existe effectivement les HXP, les Forces d’Autodéfense (ou Forces de Protection Autonomes), des unités de conscrits mises en place par les assemblées de chaque canton, donc dans le processus démocratique prévu par la constitution de l’administration autonome. Leurs tâches consistent, notamment, à endiguer le trafic d’armes et à surveiller les bases militaires.

Même si le caractère obligatoire entraîne parfois des tensions dû aux refus de s’y engager, cette obligation est pour nous nécessaire pour deux raisons : la nécessité pour un peuple de savoir se défendre si nécessaire ainsi que la participation globale à la population à cette autodéfense. La première conduit forcément à l’engagement dans un cadre militaire et la seconde se justifie quand nous pouvons voir que certaines familles ont perdu plusieurs de leurs membres depuis le début de la révolution, surtout pour ce service qui ne dure qu’un an ! Malgré tout, des membres de ces unités sont volontaires pour y aller. De même, alors que seuls les hommes étaient obligés de rejoindre ses rangs, une unités de femmes, toutes volontaires donc, a d’ailleurs été créée récemment.
Contrairement à ce qui a pu être aussi, ces conscrits ne sont pas utilisés comme chaire à canon ni envoyés systématiquement en premières lignes.

  • « [...] de ne pas permettre aux conseils locaux issus de la révolution et élus par les habitants de revenir siéger » (4ème paragraphe).
    Ces conseils locaux organisés par l’ASL n’avaient aucun pouvoir réel et étaient tenus par des chefs de tribus. Un fonctionnement qui n’avait rien de démocratique. Dans les zones libérées par les FDS, les populations ont pu s’organiser en communes où chaque communauté était représentée et disposait d’un droit à l’autodéfense (en organisant des conseils militaires locaux ou en gérant leurs propres forces de sécurité).
  • « [...] et d’empêcher le retour des réfugiés arabes dans leurs villes d’origines » (4ème paragraphe).
    A Manbij comme à Raqqa, les FDS ont autorisé le retour des populations dès que les conditions de sécurité le permettaient. Nous devions déminer ces villes le plus rapidement possible pour permettre le retour des déplacés. Deux camarades internationalistes, Olivier Hall et Jac Holmes, ont notamment perdu la vie dans ces opérations de déminage. Vos mensonges insultent leur mémoire.
  • « Enfin, pour ce qui est des « anciens membres de Daech », si des déserteurs de l’État Islamique ont effectivement pu être intégrés à tel ou tel bataillon rebelle suite à des processus de « déradicalisation » plus ou moins longs et crédibles, André Hébert, combattant français au sein des YPG, reconnaît lui-même dans son ouvrage Jusqu’à Raqqa que d’anciens membres de l’État Islamique sont aussi présents au sein de groupes armées associés aux YPG. » (8ème paragraphe)

Des anciens membres de Daech ont été intégrés dans les FDS à condition qu’ils y aient passé un temps court, sans combattre à leurs côtés et dans toutes les premières années de la création de ce groupe. Aucun rapport donc avec les commandants aguerris de Daech qui sont intégrés au commandement des groupes de l’opposition syrienne et qui combattent pour le même projet islamiste que celui de Daech, mais sous un drapeau différent.

  • « Pire, dans un contexte de névrose islamophobe et de psychose antiterroriste en France, la gauche ne trouve rien de mieux à faire que d’exacerber l’angoisse relative aux risques supposément encourus en France. » (dernier paragraphe).
    Vous faîtes un amalgame entre les musulmans et les terroristes de Daech. On peut parler du risque réel que les vétérans de Daech représentent pour les populations du Rojava et la population française, sans pour autant tomber dans l’islamophobie. Si les volontaires internationaux et les organisations de la diaspora kurde ne portent pas ce discours, mis en avant par les autorités du Rojava, qui d’autre pourra le faire correctement ?
  • « Les proches des combattants de l’État Islamique, arrêtés en Syrie par les YPG, alliés des Occidentaux, ils ont jusqu’ici été le plus souvent parqués dans des camps, en dehors de toute procédure légale » (dernier paragraphe).
    Le Rojava se retrouve à gérer seul ce fardeau que sont les familles et les complices de Daech, alors que son économie est déjà étouffée par une guerre interminable et un embargo quasi-total. Vous défendez les femmes de combattants de Daech comme des victimes alors qu’elles sont complices du génocide yézidi et aussi dangereuses que leurs maris (assassinats de gardes, levées du drapeau de Daech dans les camps de réfugiés où elles sont placées). En paraphrasant leur argumentaire mensonger et victimaire, vous faîtes le jeu de la propagande des dijhadistes. Il est aussi à noter qu’à aucun moment donné vous ne vous êtes questionnés sur le devenir des volontaires internationaux des FDS, plusieurs d’entre-eux, dans certains pays, risquant jusqu’à la prison pour leur engagement.

Il y a une ineptie ligne par ligne dans ce texte que nous venons de réfuter point par point. L’opposition syrienne dont vous nous parlez n’existe plus depuis longtemps, vous vous accrochez à des chimères faute de connaître la réalité du terrain. Incapables de choisir l’action, vous faîtes partie de cette catégorie de pseudo-révolutionnaires qui trouve sans cesse des excuses pour ne pas avoir à agir. Alors que le Rojava est attaqué, vous n’avez rien de mieux à faire que de semer le doute dans l’esprit de ses soutiens en France. Honte à vous, idiots utiles de l’invasion turco-djihadiste ! Dans un monde où il est de plus en plus vital de prendre parti et de s’engager, les « militants » de votre trempe sont condamnés à disparaître, et c’est tant mieux !

Le Collectif des Combattantes et Combattants Francophones du Rojava Le 21 octobre 2019

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