Règle numéro 2 : « le monde et moi et patati et patatras »

paru dans lundimatin#145, le 10 mai 2018

intime de personne hormis du mythe Moi
trafiqué in-vitro où rien n’est plus réel
que l’inhumanité du monde qui vote un doigt
vengeur braqué à droite à gauche à blanc aux abois

… pantalon d’or souillé de saisons bousillées
poitrail d’azur bombé de forêts défrichées
debout sur toit building à bout de bras l’amour
Bill mime un baiser fou dans l’aurore enfumée ...

… soupirs Belle est soufflée par l’archet d’un démon
son corps un fil Belle danse en accordéon
éthérée survolant l’hystérie rose et nuit
mains sur regard blessé masquant monde esquinté ...

… Bill dos greffé au mur Belle à son sexe au fond
d’un cul-de-sac au clair de lune aiguisant l’ombre
des cris entortillés autour de tout qui sombre
dans le sursis d’amour où la mémoire encombre ...

… bidonville où Bill monnaie casi rien otage
dans la boue rouge où tumeurs prospèrent les bouges
aux toits envahis d’ordures de paraboles
inondant les regards déserts d’odieux mirages ...

… songe à Fukushima Belle en geisha se baigne
spectre blanc barbotant dans le bassin d’eau lisse
et nucléaire éclaboussant terre et mer et ciel
corps fendus cœurs fondus irradient l’impossible …

… flaque où flotte un cercueil blanc pur polystyrène
une salamandre asphyxiée dans un linceul
de cellophane y gît Bill par la main prend Belle
en pleurs cap sur la vie sans délai ni virgule …

… mémoire immensité livide immaculée
paradis parcouru d’allées de gravillons
où Bill erre hilare et arrachant son baillon
maudit Dog Pognon le tyran des pavillons ...

… sweet home au salon gazon fonce un escargot
la coquille éclatée par un privé hors la
loi vers quoi tendre sinon la faim alors là
Belle obèse avale un malaise au chocolat …

… lapant long serpent d’asphalte ondulant mirage
spectres sniffant parfums d’enfants qui jouent rient ragent
Belle et Bill vont nus lents rampants vers l’horizon
abolis châteaux saisons amours paysages ...

… flottant dans la brume sans loi ni nom hantant
l’immensité des cieux des cités sidérées
en proie à l’autophagie ici comme ailleurs
Bill rêve à l’envers suspendu au fil du temps …

… Belle en veuve blanche explosive hante un lieu bulle
où le gotha entre orgies et safaris brûle
or et cash jour et nuit dans le champ des webcams
connectées aux nerfs des affamés fasciné …

… dédale intérieur où Belle abeille aspire
le nectar d’un soleil à l’éclat bref et rare
dans l’ombre où faux bourdon Bill tresse un brillant fil
d’illusions perdues usées jusqu’à la corde ...

… routard vidé costumé touriste à fleurs fauves
perché sur le toit d’un wagon tombeau d’agneaux
Bill œil aimanté par un ballet d’étourneaux
part là où il ignore oublie le tour pris par ...

… Belle attifée nonne embarque et rame à la force
de sa faiblesse et go paradis noir et blanc
gribouillé aux confins de son âme où féroce
l’idée perdue du salut prend toute la place ...

… long long périple et halte à l’ombre des amours
muettes dans la guerre qui tonitrue sourd
partout Belle embrasse Bill embrase avec art
ce qui s’oppose à ce désir nommé départ …

… selfie accablant Bill trône sur vie gravats
câble au cou regard crevé crâne ouvert
langue cramée par l’air lacrymo qui serre
son cœur dans la brume où le coucou sans nid pleure ...

… Belle est blonde est brune est rousse habite un miroir
s’habille de soie blanche ou noire ornée de têtes
de mort et grimace ou rit sans fin sans espoir
de ne jamais vraiment savoir qui est la plus …

… l’iphone émet un cocorico ridicule
du lit Belle jaillit du drame où ON l’accule
à l’écran apparaît l’avatar Bill qui hurle :
« le monde et moi et patati et patatras »…

Emmanuel Thomazo

Illustration : http://sebastienthomazo.com/

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