Réflexions sur la question jaune - Stéphane Zagdanski

« Si toutes les voitures étaient brûlées, toutes les vitrines brisées, le monde s’en porterait mieux. »

paru dans lundimatin#170, le 19 décembre 2018

« Tu n’opprimeras pas le salarié humilié, pauvre, parmi tes frères ou parmi les étrangers demeurant dans ton pays, dans tes portes. »
Deutéronome

Le monde meurt d’empoisonnement, il n’est que temps de s’insurger.

Le responsable de l’intoxication du monde, c’est le monopolisme publicitairement assisté.

Comme le Mal, dont il provient, ce système de domination et de ravage a emprunté divers noms dans l’histoire des temps modernes : « Bourgeoisie », « Capitalisme », « Nihilisme », « Spectacle », « Technique », « Néo-libéralisme »…

Hic et nunc, on le nommera le MACRON : Monopolisme Assisté par la Communication Rigide et Orgueilleuse d’un Nanti. Ailleurs il pourrait s’appeler le TRUMP : Toupet Ridicule d’un Ubu Mercantile Putassier. C’est idem.

Il est vain de discuter de questions sociales, politiques ou économiques avec qui n’a pas eu de bonnes lectures.

« Combien se prennent là-haut pour de grands rois, qui seront ici comme porcs dans l’ordure, laissant de soi un horrible mépris. »

La crapulerie d’un creux laquais du CAC 40 se nécrose à l’Élysée.

L’argent n’a pas d’honneur.

« Il y avait dans une ville deux hommes, l’un riche et l’autre pauvre. Le riche avait des brebis et des bœufs en très grand nombre. Le pauvre n’avait rien du tout qu’une petite brebis, qu’il avait achetée ; il la nourrissait, et elle grandissait chez lui avec ses enfants ; elle mangeait de son pain, buvait dans sa coupe, dormait sur son sein, et il la regardait comme sa fille. Un voyageur arriva chez l’homme riche. Et le riche n’a pas voulu toucher à ses brebis ou à ses bœufs, pour préparer un repas au voyageur qui était venu chez lui ; il a pris la brebis du pauvre, et l’a apprêtée pour l’homme qui était venu chez lui. »

Âpreté au gain : pauvreté d’esprit.

« Le capitalisme est un système de dépendances qui vont de l’intérieur vers l’extérieur et de l’extérieur vers l’intérieur, de haut en bas et de bas en haut. Tout est dépendant, tout est enchaîné. Le capitalisme est un état du monde et de l’âme. »

Les nantis ne sont pas gentils.

Le gouvernement ne désire pas votre bien.

Le pouvoir n’est pas à votre service. 

« Depuis que les sociétés existent, un gouvernement a toujours été nécessairement un contrat d’assurance conclu entre les riches contre les pauvres. »

L’ultime vérité du monopolisme publicitairement assisté, c’est la gestion génocidaire du globe.

À l’ère mafieuse des marchés financiers, la substance de l’argent c’est la dépossession. 

La société néo-libérale n’est qu’une vitrine immonde. Elle mérite d’être brisée.

Un gouvernement est une marchandise avariée comme une autre. Son pouvoir auto-proclamé d’améliorer la vie de ses gouvernés n’est que le fantoche de la falsification, le reflet plaqué or de sa profonde impuissance.

Au sommet du pouvoir campe un homme-sandwich de sa propre vanité.

La justice sociale ne se quémande pas. Elle se plaide sur les barricades.

« Là où la colère avance, la culpabilité recule ; c’est le secret du vide et du plein. »

Le monopolisme publicitairement assisté programme chaque jour l’obsolescence des choses, des êtres, et finalement du monde. Pourtant lui-même n’a rien d’éternel ; il est de bonne guerre de le lui démontrer.

Au Moyen-Age, le jaune était la couleur des maudits : Juifs, prostituées et autres proscrits.

Dans la Kabbale, le jaune représente la séfira Tiféret, qui veut dire « Beauté ». On l’appelle aussi Pourpre, « parce qu’elle comprend toutes les couleurs ».

« Un soleil, une lumière, que faute de mieux je ne peux appeler que jaune, jaune soufre pâle, citron pâle or. Que c’est beau le jaune ! »

L’esclavage n’a jamais été aboli ; c’est lui qui fabrique à l’autre bout du monde les marchandises dont seront gorgées vos vitrines de Noël.

L’on est esclave de son smartphone fabriqué par des esclaves. La boucle du nœud coulant est bouclée.

« L’esclavage direct est le pivot de l’industrie bourgeoise aussi bien que les machines, le crédit, etc. Sans esclavage, vous n’aurez pas de coton ; sans le coton, vous n’avez pas l’industrie moderne. C’est l’esclavage qui a donné leur valeur aux colonies, ce sont les colonies qui ont créé le commerce de l’univers, c’est le commerce de l’univers qui est la condition de la grande industrie. Ainsi l’esclavage est une catégorie économique de la plus haute importance. »

L’idée de la démocratie est morte avec l’invention des mass-media, soit la possibilité purement technique qu’un seul type puisse imposer son opinion à des millions d’autres sans être contredit. 

Ce sont les sbires et les garde-chiourmes du monopolisme publicitairement assisté qui pérorent dans les mass-media.

L’Économie et ses crises consubstantielles font le fumier de tous les fascismes.

1933 fut fécondé en 1918 et enfanté en 1929. En 1945, il est devenu l’autre face du monde…

Il n’y a des riches que parce qu’il y a des pauvres. 

« Toujours nous tisserons des étoffes de soie et nous n’en sommes pas mieux vêtues pour autant. Toujours nous serons pauvres et nues, toujours nous aurons faim et soif ; jamais nous ne parviendrons à nous procurer plus de nourriture. Nous avons fort peu de pain à manger, très peu le matin et le soir encore moins. Du travail de ses mains, chacune n’obtiendra, en tout et pour tout, que quatre deniers de la livre. Avec cela, impossible d’acheter beaucoup de nourriture et de vêtements, car celle qui gagne vingt sous par semaine est loin d’être tirée d’affaire. Et, soyez assuré qu’aucune de nous ne rapporte vingt sous ou plus. Il y aurait là de quoi enrichir un duc ! Nous, nous sommes dans la pauvreté et celui pour qui nous peinons s’enrichit de notre travail. »

Les hères – conformément à l’étymologie ironique du mot qui fait référence au Herr allemand, « maître, seigneur » , singent les riches dont ils ingèrent les mœurs par télévisions et magazines interposés. Comme une doublure de ce premier mimétisme-là, les riches – qui sont tous quasiment exclusivement nouveaux (riches de Chine, riches de Russie, riches du Moyen-Orient, riches d’Amérique, riches d’Afrique – dictateurs –, riches d’Internet, riches des Finances…) – se singent eux-mêmes en tant qu’ils sont essentiellement pauvres.

« Dieu dit : ‘‘Je donne l’argent aux hommes afin qu’ils le distribuent aux pauvres.’’ Le riche doit être assimilé à un encaisseur d’œuvres de bienfaisances qui doit partager ce que Dieu a prodigué en se disant : ‘‘Cet argent n’est pas à moi. Dieu est l’unique propriétaire des biens concédés aux gens pour un temps très court.’’ »

Ah, sommons les riches !

La bestialité policière est le visage sans masque du monopolisme publicitairement assisté.

« La société de l’abondance trouve sa réponse naturelle dans le pillage, mais elle n’était aucunement abondance naturelle et humaine, elle était abondance de marchandises. Et le pillage, qui fait instantanément s’effondrer la marchandise en tant que telle, montre aussi l’ultima ratio de la marchandise : la force, la police et les autres détachements spécialisés qui possèdent dans l’État le monopole de la violence armée. Qu’est-ce qu’un policier ? C’est le serviteur actif de la marchandise, c’est l’homme totalement soumis à la marchandise, par l’action duquel tel produit du travail humain reste une marchandise dont la volonté magique est d’être payée, et non vulgairement un frigidaire ou un fusil, chose aveugle, passive, insensible, qui est soumise au premier venu qui en fera usage. Derrière l’indignité qu’il y a à dépendre du policier, les Noirs rejettent l’indignité qu’il y a à dépendre des marchandises. »

Le monopolisme publicitairement assisté dévore chaque jour davantage d’existences qu’on ne brûlera jamais de voitures ni ne cassera de vitrines.

Une voiture qui brûle, c’est une source de pollution en moins. Une vitrine brisée, un miroir aux alouettes de la marchandise qui disparaît.

« Mon Esprit ! Tournons dans la Morsure : Ah ! passez, Républiques de ce monde ! Des empereurs, Des régiments, des colons, des peuples, assez ! »

Si toutes les voitures étaient brûlées, toutes les vitrines brisées, le monde s’en porterait mieux.

« Celui qui, de sa journée, n’a pas les deux tiers à soi est un esclave, qu’il soit au demeurant ce qu’il voudra : homme d’État, marchand, fonctionnaire, savant. »

Le monopolisme publicitairement assisté est le premier et le pire des casseurs ; il pille et sacage le monde à grande échelle.

Des antennes paraboliques s’érigent dans tous les bidonvilles du monde.
Il y a un rapport de cause à effet entre le divertissement et la misère.

« Dans la Grèce moderne, la jaunisse est connue sous le nom de Mal d’or, et tout naturellement on peut la guérir avec de l’or. Pour obtenir une guérison complète, il suffit d’opérer comme suit : prenez une pièce d’or (de préférence un souverain anglais, puisque l’or anglais est le plus pur) et mettez-le dans une mesure de vin. Exposez aux étoiles le vin avec la pièce d’or pendant trois nuits ; puis buvez-en trois verres tous les jours jusqu’à ce qu’il n’en reste plus. Le breuvage vous aura complètement débarrassé le corps de la jaunisse. Le remède est souverain, dans le sens le plus strict du terme. »

Les casseurs ont leur valeur émeutière. Ils reflètent à la face effarée des nantis la violence qui fonde et corrobore le monopolisme publicitairement assisté.

Les casseurs effraient les causeurs ; si le monde creux de Macron tombe, ce sera grâce à eux.

« La grande salle à manger devenait comme un immense et merveilleux aquarium devant la paroi de verre duquel la population ouvrière de Balbec, les pêcheurs et aussi les familles de petits-bourgeois, invisibles dans l’ombre, s’écrasaient au vitrage pour apercevoir, lentement balancée dans des remous d’or, la vie luxueuse de ces gens, aussi extraordinaire pour les pauvres que celle de poissons et de mollusques étranges (une grande question sociale, de savoir si la paroi de verre protègera toujours le festin des bêtes merveilleuses et si les gens obscurs qui regardent avidement dans la nuit ne viendront pas les cueillir dans leur aquarium et les manger). »

Si les journalistes étaient capables de renverser un régime corrompu par leurs révélations, les casseurs n’auraient pas d’utilité.

Ne réclamez rien, c’est votre vie qui vous est due.

« L’assassin se lève au point du jour, tue le pauvre et l’indigent, et il dérobe pendant la nuit. »

Si les émeutiers s’interrompent avant d’avoir obtenu une métamorphose de la société du tout au tout, ils seront écrabouillés par ce vieux monde moribond qui ne craint même pas d’entraîner la nature dans sa chute.

Les « Natives » d’Amérique concevaient pour la nature une passion profondément spirituelle. Ce n’est pas un hasard s’ils furent les premiers génocidés des temps modernes. La poudre, le télégramme, la locomotive et le dollar eurent raison de leur gratuité. Les abjectes brutes qui annihilèrent leur mode de vie sont les précurseurs de ceux qui ravagent la planète aujourd’hui.

Technique et génocide font bon ménage. Des machines IBM comptabilisaient les déportés à Auschwitz.

Qui avait la naïveté de penser que le XXIe siècle serait moins génocidaire que le XXe ? Les deux procèdent de la même cause : la haine de la beauté. Dans un univers où toute vraie beauté a été irrémédiablement polluée par la laideur, il ne restait plus aux souilleurs qu’à s’en prendre à l’unique et véritable source de toute beauté : la nature. C’est désormais elle qu’ils sont en train, sciemment, de mettre à mort.


Rien ne me consolera d’avoir vu mourir les animaux du monde.

Stéphane Zagdanski

Stéphane Zagdanski est romancier, essayiste et artiste. Il est notamment l’auteur de Céline seul, La mort dans l’oeil et Debord ou la Diffraction du temps.

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