Sauvagerie. « Aucun prédateur n’a jamais su que faire de notre sauvagerie, puisqu’elle ne s’attache à aucune chaîne, ne se réduit dans aucune cage, parce qu’elle s’échappe toujours, trace toujours sa voie, s’appelle, se montre et disparaît, frappe, insiste comme la douleur, parce que c’est la douleur. Et la douleur est notre histoire.
Cette histoire qui est douleur aujourd’hui s’enflamme, s’écrie, franchit d’un bond les portillons, saccage la ville ennemie, la ville emprisonnée, la ville aux vieux noms coloniaux si respectables. La ville des peureux, la ville de ceux qui ont joué aux pharaons. Mais non. Nous ne nous soumettrons pas. Personne, ni à Santiago, ni au Chili, ni nulle part, n’accepte de payer de sa vie la folie de leurs richesses. » [1]
Nous. Jamais nous n’aurions pensé vivre dans un monde où nous pourrions sérieusement envisager d’écrire une phrase solennelle, une de ces bonnes vieilles phrases qu’on croyait définitivement rangées dans le magasin de curiosités de l’histoire, un de ces appels dignes de Marx aux « travailleurs (et travailleuses) de tous les pays, unissez-vous ! » Et pourtant, émeute après émeute, ville après ville, pays après pays, semaine après semaine, c’est bien la conviction de vivre un soulèvement commun qui nous habite. La crise de la gouvernementalité est générale : quidams de toutes les métropoles, rassemblez-vous.
Effondrement. Quand ceux qui n’ont pas reculé devant 3000 morts et disparus, fait sans hésiter 40’000 torturés, remobilisent l’armée après un simple début d’émeute, que la même semaine nous apprenons que la Chine interdit la vente de vêtements noirs sur son territoire, nous nous disons que l’Empire tremble, et que quoi qu’on en dise, tout bien considéré, l’effondrement du capitalisme est peut-être plus proche que cette fin du monde à laquelle ils tiennent tant.
Époque. Depuis 1968 et l’écrasement de son héritage sous la riposte néo-libérale, jamais le jeu n’a semblé si ouvert. Les gilets jaunes, Hong-Kong, l’Équateur, Haïti, l’Égypte,la Guinée, le Liban, la Catalogne, le Honduras, maintenant le Chili marquent l’ouverture d’une nouvelle séquence. Aussi réformistes que soient les revendications déclarées, nous sommes à la croisée des chemins. Une classe encore anonyme, confusément consciente, commence à comprendre que nos destins sont liés. La catastrophe écologique en cours est le théâtre d’une décision entre la nuit de la surveillance et les lueurs du retour du monde.
Quidams, encore un effort pour être tout à fait révolutionnaires. Nous appelons à la désobéissance incivile dans les métropoles du monde entier.
Santiago-Paris, 19 octobre 2019
Chile is seeing the worst riots in decades as Neoliberal policies erode ordinary people's living standards.
Protesters set ENEL HQ on fire after they raised electricity prices by 20%.#ChileResiste#toquedequeda #ChileDespierto #ChileProtests pic.twitter.com/pr5gZdmRCj
— Ian56 (@Ian56789) October 20, 2019