Quai Valmy : résumé de l’audience de délibéré

Les 9 prévenus condamnés à un total de 30 années de prison et plus de 40 000 euros de dommages et intérêts.

paru dans lundimatin#117, le 11 octobre 2017

La présence policière était particulièrement marquée devant comme dans les couloirs du palais ce matin. Les murs de la salle d’audience étaient également soutenus par de très nombreux gendarmes.
Après installation des prévenus, l’audience a été ouverte par le tribunal qui s’est d’abord prononcé sur les conclusions soulevées in limine litis.
Le tribunal a déclaré recevable la constitution de partie civile du syndicat Alliance et a considéré que les mandats de dépôt de Kara et d’Ari R. étaient réguliers.

Le tribunal a ensuite examiné le fond du dossier et les chefs d’inculpation retenus. Le président a évoqué un usage restrictif de la notion de participation à un groupement formé en vue de commettre des violences et a considéré que le seul fait de se masquer le visage n’était pas suffisant. Sur l’élément intentionnel, il a estimé que l’individu devait avoir affiché sa volonté de participer ou à ce que les autres participent aux violences.

S’agissant du témoignage anonyme, le tribunal, sans se prononcer sur la qualité révélée du témoin, a rappelé sa force probante ou soulignant qu’il ne pouvait à lui seul suffire à établir la culpabilité et devait être étayé par d’autres éléments de preuve. S’agissant des violences aggravées, il a souligné que, outre l’usage de la barre métallique, des plots et des fumigènes, le fait de taper à mains nues sur un véhicule immobilisé dans lequel se trouvaient deux personnes, était suffisant pour les caractériser.
S’agissant de la destruction par incendie du véhicule, le tribunal a estimé que l’action commune avait contribué à la réalisation du dommage.

Le tribunal en est ensuite venu à l’imputation des faits.

S’agissant d’Angel B. et de Bryan M. il a estimé que la participation à un groupement violent ne pouvait être retenue dès lors que l’instruction n’avait pas permis d’établir où ils se trouvaient lors de l’assaut et les a donc relaxés de ce chef. Il est entré en voie de condamnation pour le refus d’ADN constant et reconnu de Bryan M. 

S’agissant de Kara, le tribunal a rappelé que sa culpabilité avait été reconnue par elle. Le tribunal, par la voix de son président M. Alçufrom, s’est ensuite longuement épanché sur les conséquences hypothétiques de son geste… « Et si le pare-brise s’était brisé, les policiers seraient sans doute mort »... Le président a également rappelé le parcours de Kara, venue des USA qui avait ensuite séjourné en Allemagne et au Kurdistan en soulignant « qu’elle s’était bien gardée d’agresser des policiers dans un autre pays » et en affirmant qu’ailleurs, pour de tels faits « elle aurait pu disparaitre de la circulation au sens propre comme figuré ». A en croire le président, c’est en connaissance du comportement de la police française qu’elle « 
s’est permise » d’agir ainsi…

S’agissant de Nicolas F., il a relevé que celui-ci avait immédiatement reconnu les faits et a insisté sur la gravité des actes commis. M. Alçufrom a considéré qu’en sortant de son véhicule en flammes, le policier « 
avait tenté d’échapper à une mort certaine », qu’il « fallait saluer le courage de M. Philippy » qui « n’était pas un policier kung-fu mais bien un homme courageux ».
Au regard des regrets circonstanciés et sincères ainsi que de ses garanties de représentation, le tribunal a estimé que « le risque de récidive était moindre le concernant ».

S’agissant d’Antonin Bernanos, le tribunal a parlé d’une « identification formelle » par le témoin anonyme. Il a ensuite pris chaque planche produite par son conseil Arié Alimi, en examinant chacune d’elle et en relevant les différences avec l’assaillant allant jusqu’à évoquer une coloration des sourcils différentes. Pour autant, la différence de tonalités des couleurs du caleçon a pu être imputée à une différence des angles de prise de vue des photos… Sur le fait que le témoin anonyme (qui prétendait pourtant ne pas l’avoir quitté des yeux), n’ait pas vu Antonin se changer, le président a conclu « qu’il y avait trop de monde pour tout voir ». Le tribunal a ensuite retenu comme élément à charge les déclarations, selon lui, contradictoires d’Antonin
pendant l’instruction qui se seraient toutes révélées fausses. Le tribunal a même soutenu que le bornage de son téléphone et la triangulation réalisée permettaient certes de situer Antonin à un lieu très proche du magasin dans lequel il disait avoir passé l’après-midi mais pas à l’intérieur du magasin même. Le tribunal lui a imputé le port des coups au conducteur ainsi que l’introduction du plot dans la vitre arrière en raison de « la corrélation parfaite entre l’auteur des faits et Antonin Bernanos », invoquant dans le même temps « l’absence de tout doute raisonnable » quant à son identification. Le président a qualifié ces faits « d’une extrême gravité » représentant une « scène de guérilla urbaine » et a prétendu qu’il s’en serait pris aux policiers comme certains s’en « prennent à des noirs parce qu’ils sont noirs ». Le tribunal a, enfin, assis la condamnation sur l’absence de regrets exprimés, sur le refus de porter une appréciation sur les violences
subies par les deux policiers et sur les multiples recherches internet portant sur les effets des acides. Il a conclu à l’existence d’un risque de réitération.

S’agissant de Léandro L., poursuivi pour la participation à un groupement violent, le tribunal a estimé qu’il n’avait pas eu un comportement passif et qu’il avait encouragé par sa présence les auteurs des violences. Le président lui a à ce titre rappelé qu’à la question posée de savoir pourquoi il n’avait pas reculé il avait répondu à l’audience « qu’il n’avait pas à reculer ». Le tribunal a conclu à une participation « caractérisée » au groupement violent.

S’agissant de Thomas R., le président est revenu en détail sur son comportement pendant la manifestation, rappelant les coups portés par celui-ci et invoquant même les coups de poings qu’il aurait assené à la
voiture alors même qu’ils ne figuraient pas dans la prévention. Il a été reconnu coupable des faits de violences et de dégradation.

S’agissant d’Ari R. : le tribunal a considéré que sa photo de passeport correspondait en tous points (implantation des sourcils et des deux grains de beauté – pour rappel cette photo avait correspondu en tous
points à deux autres personnes au début de l’instruction…) à la photo prise de l’assaillant dans le métro. S’agissant de la mèche de cheveux caractéristique, le tribunal a expliqué s’être fondé uniquement sur la
photo en noir et blanc dont la défense avait eu connaissance (et non sur celle en couleur présente au dossier officiel..). Il a ensuite relevé que les vêtements saisis dans le squat (lunettes de soleil et gants noirs) étaient identiques à ceux visibles sur les vidéos. Reconnaissant Ari coupable des faits reprochés, le tribunal lui a opposé que son silence ne permettait pas de connaître sa motivation mais que de toute façon « aucune cause ne saurait justifier le passage à la violence ».

Pour finir, le tribunal a considéré que Joachim L., le suisse, avait été identifié sur photographie et que l’étude de sa téléphonie permettait d’établir sa présence en France au moment des faits. Le président a conclu en disant que Joachim L. aurait pu tuer les policiers et qu’un fumigène était au moins aussi dangereux, si ce n’est plus, qu’un cocktail molotov….

A l’aune de cette motivation, les condamnations suivantes ont été prononcées :

Angel B. = Relaxe
Bryan M. = Relaxe pour les faits de groupement, condamnation pour l’ADN à 1000 € d’amende dont 500 € avec sursis
Léandro L. = Coupable des faits de groupement, 1 an de prison avec sursis (et pas d’interdiction de manifester incompatible avec une telle condamnation)
Thomas R. = Coupable, 2 ans dont 1 an avec sursis
Kara = Coupable, 4 ans dont 2 avec sursis et maintien en détention
Ari R. = Coupable, 5 ans dont 2 ans et 5 mois avec sursis et maintien en détention
Nicolas F. = Coupable, 5 ans dont 2 ans et 6 mois avec sursis sans mandat de dépôt
Antonin B.= Coupable, récidive légale, 5 ans dont 2 ans avec sursis sans mandat de dépôt
Joachim L. = 7 ans avec mandat d’arrêt

Les six derniers sont également condamnés à verser solidairement, 5 000 € au syndicat Alliance, 6 100 € à l’agent judiciaire de l’Etat pour Mme. Allison Barthélémy, 7300 € à l’agent judiciaire de l’Etat pour M. Kévin
Philippy, 10 000 € à Mme Barthélémy au titre de son préjudice moral et 12 000 € à M. Phillipy au titre des préjudices subis. Enfin chacun devra payer la somme de 600 € pour les frais de procédure…..

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