Poutine, la poule et le couteau

paru dans lundimatin#330, le 14 mars 2022

Alors de loin, « ici », on voit des formes, des formes,
les formes du pouvoir imbécile, despotyrannique,
tout le monde les voit, les photos des voyeurs professionnels
nous les montrent dans la presse pressée de nous montrer les formes
de l’inénarrable, du tragicomique de la puissance assise sur son cul
de gouvernance vachelarde et même plus,
cette grande table où il siège tout au bout et s’adresse
à deux rampouilles de l’armée assis eux à 15 mètres peut-être
sur sa droite à l’autre bout, ces burlingues de la burlingocratie, tout blancs,
l’un encore, dans une autre salle, où il est assis à signer quoi ?
des plans d’attaque peut-être ?

tandis qu’à deux autres burlingues espacés du premier de 10 mètres,
deux autres, des sous-fifres attendent, et qu’une secrétaire,
la pauvre, elle serait plus à l’aise en patins à roulettes,
fait la navette en courant avec courbettes empressées
pour faire passer les documents, quels documents ?
La vidéo nous montre le cirque, nous y assistons gratos.

Ou encore cette autre photo voyeuse
où il est assis au même burlingue tout blanc,
sur fond de murs tout blancs, face à une poignée d’oligarques
assis eux sur des chaises et masqués de rigueur,
pourquoi, mais pourquoi bon dieu cette distance ?
Covid ? non, pas seulement, marque de l’inaccessible aura du despote ?
distance de protection au cas où un infiltré viendrait
le buter et serait alors obligé,
à cette distance, de prendre le temps de viser au risque de se faire
buter le premier par un sniper de la garde rapprochée,
plus rapide, embusqué là dans un coin d’ombre ?
Les photos ne nous disent pas, elles sont même trompeuses,
agrandissent peut-être les proportions
comme celles qui vendent des apparts en ville,
où les dimensions sont élargies pour donner l’impression
que la pièce fait 6 sur 6 alors qu’en réalité elle fait 3 sur 3.

« Le rêve de l’individu, c’est d’être deux.
Le rêve de l’État, c’est d’être seul »
(Notre musique, JLG)
C’est réussi.

Et on pourra faire la même prise, capture de voyeur patenté,
à l’Elysée dans les dorures,
au Capitole amerloque dans le rococo,
et partout dans les lieux de
Pouvoir Foutoir à puissance où l’UN se distingue pour mettre
en relation l’image de boursouflure cruauté décisoire
avec l’image par ailleurs de terreur et massacre
sur l’autre terrain des opérations.
Les images du Pouvoir sont connes comme leurs pieds,
tandis que celles de la résistance sont à même le sol battu
où chefs de guerre-de guérilla
sont assis en tailleur -Massoud-Castro-Guevara,
avant de regrimper dans les lustres des tribunes et des Palais
lorsque le destin de la victoire s’en mêle – Castro.

Les « oligarques », voilà qu’ils semblent n’exister qu’à l’Est, en Russie surtout,
d’après nos géopoliticiens. Nos Pinaud-Bolloré-Arnault ne sont jamais
désignés comme oligarques, pourquoi ? Milliardaires seulement, ben oui,
qu’y a-t-il de mal à être riche demandait le Nain sur ses hauts talons ?
Oligarque pourtant ça dit plus, ça dirait même vrai, ça dit
collusion copinage complicité structurelle d’écrasement assassin des pauvres
entre police-politique-industrie de la richesse, ça dit Kapital mafieux,
ça dit règlement de compte incessant entre petites mafias locales
et super-mafia Warrior crapule ordurière KGB-FSB, ça dit oligarques partout
mais évitons le dos à dos, quand l’une Molosse agresse l’autre sans qualité.

Ça dit pour nos Dassault-Pinaud-Bolloré-Arnault complices asservissement
colonial, néo-national sur fond de crapulerie OTAN,
sourde guerre économique incessante,
laquelle on veut plus vraie, plus réelle que la militaire dont elle serait
la raison, tandis qu’un Medvedev dit le contraire, la réelle, la vraie
c’est la militaire, coup de pied au derrière des Européens-Etats-Uniens alignés
s’ils s’aventurent à continuer comme ça leur guéguerre économique.
Et le serpent se mord encore la queue et il aime ça :
la politique continuation de la guerre par d’autres moyens,
elle-même continuation de l’économie par d’autres moyens,
elle-même continuation de la politique par les mêmes moyens.

Les formes manquent, non pas « y mettre les formes »,
mais distinguer les formes, même en vain, lorsqu’elles s’effacent
sous le mensonge de l’informe cadré de la forme-à-marche forcée,
de la force-à-marche-formée.
La démocratie, non, nous ne vivons pas en démocratie, ça quand même !
mais en oligarchie, gouvernement de et par la richesse, qui
se dilue parfaitement dans la formation despotique impériale guerrière,
si nous l’avions oublié, l’autre là-bas nous le rappelle d’une poigne de fer
sous sa gueule d’acier de gangster autocrate.
Mais croit-on que le soft power vaut mieux ? le vieux Biden, le jeune Macron
et toute la ribambelle d’alignés Otaniques ?
Bon, encore une fois, le dos à dos ne nous mène à rien.

Guerre économique contre guerre militaire ? On voudrait nous faire
oublier le Vietnam, l’Algérie, l’Irak, la Libye, … épouvantables massacres
que l’Économie mais pas elle seule aura fomentés. L’Économie,
non pas l’infra ni la super mais l’hyper-structure,
l’Urstructure impériale chaotique, qui réclame foi du charbonnier
et génuflexions devant ses icônes et son Dieu sans visage,
sur le réseau arachnéen mondial. Mais une fois
qu’on a enfoncé ce clou rouillé sur la croix pourrie avec
un marteau sans manche et sans masse,
sommes-nous bien avancés les amis ?

La boule d’angoisse dans nos gorges,
c’est que la politique de l’amitié « là-bas »
ça veut dire prendre solidairement les armes
contre l’agresseur dit « totalitaire »,
« impérialiste », « fascisant »,
au nom de valeurs… oui dont on ne sait plus que faire,
ou dont on ne veut plus rien faire, « démocratie », « nation »…
mais enfin ce sont les leurs du moment.
Milices indéterminées du peuple armé de kalachnikovs distribuées
+ armée ukrainienne, contre
milices assassines Wagner + armée russe écrasante
de destruction totale composée
en grande partie au sol de mômes-troufions,
on demande affolés : « mais que font les mères russes ? ».

Sous les staliniens, on savait que les russes,
à la lueur d’une ampoule de cuisine,
buvaient joyeux jusque tard dans le nuit
en se récitant une foule de poèmes,
les poèmes étaient foule comme étaient foules
les acteurs de la révolution d’octobre.
C’était en guise de résistance intime au
communisme de caserne.
Ou en sont-ils aujourd’hui, après Tchétchénie, Afghanistan,
Géorgie, Crimée,…semblant usés de tant de stratagèmes,
perdue la foi dans la parole des poètes russes ?
prières non exhaussées ?

Que ceci, qui s’écrit « ici », maintenant,
à distance ne vienne pas donner le change,
au poème je ne prétends pas, juste le trouble
des affects.

Car nous solidaires « ici », forcément plutôt du côté
de l’agressé, nous revoilà à nouveau bientôt
si ça empire dans l’Empire,
comme 30 ans en arrière, lors de la guerre
en ex-Yougoslavie, probablement déchirés comme alors ils furent
entre partisans de l’intervention de l’OTAN en Bosnie comme au Kosovo,
et réfractaires à cette intervention-piège mortel de
l’autre impérialisme, géniteur de la Pax Americana
désastreuse des accords de Dayton.
ET d’ailleurs en Bosnie, les sécessionnistes Serbes
voudraient en remettre un coup,
peut-être savent-ils que
c’est le meilleur moment pour eux.

Nous « ici », déserteurs de la guerre économique despotique,
notre fuite pensante devant les formes de non-vie sousmain mise
de l’oligarchie locale-mondiale nous laisse
devant la guerre en Ukraine
comme une poule devant un couteau.
Nous ne serions pas les premiers gallinacés déboussolés
de l’histoire, lorsqu’à l’approche d’une guerre terrible,
l’organisation du pessimisme se renverse méchamment
en pessimisme de l’organisation.

Nous ne pouvons que le reconnaître, humblement,
avec quelques kilos de douleur bien pesée,
si le langage de la soumission et celui de la démission
s’abandonnent dans le « ne compter pour rien »,
si le langage de la destitution a quelque chance d’échapper
au désespoir tragique de son anéantissement
devant le fait brut et transcendant de La-Guerre.

Et que vive tout acte d’hospitalité pour le refuge des ukrainiens,
et de tous les autres !

Patrick Condé

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