POUR
SUIVRE LES CHANTIERS...Depuis 4 ans, une dynamique de Reprises de savoirs s’est initiée, en écho à divers mouvements de défense des terres et des communs. En lançant un appel à organiser des chantiers depuis des lieux de vies et de résistances, il ne s’agissait pas d’inventer du nouveau, mais de continuer à proposer des manières de grandir, de se défendre, d’être ensemble ; héritières de quotidiens politiques, des luttes et de l’éducation populaire. La presque centaine de chantiers qui a eu lieu nous a appris les un
es aux autres que c’est un travail de chaque instant d’expérimenter des relations aux lieux et aux autres humain es. On y tente de se défaire des dominations qui minent nos mondes communs, et des liens synthétiques que l’organisation capitaliste des territoires nous propose/impose, sans vraiment nous laisser le choix que de ruiner le monde. Et, alors que ce système à bout de souffle est en crise, les crispations de la classe dominante se manifestent par la pente fascisante glissante.Alors, on poursuit et on relance une saison de chantiers pluri versités – chantiers écoles ! Mais cette année on aimerait inviter ces chantiers qui prennent place dans des lieux concrets à explorer, questionner, tester leurs ancrages, leurs écologies, leurs relations territoriales. Difficile d’invoquer la figure de l’oasis dans l’époque telle qu’elle va. (Dans n’importe qu’elle époque d’ailleurs). Si elle est fragile, notre multitude de lieux est une trame que l’on doit à la fois chérir et activer. Écrivez-nous si vous souhaitez organiser un chantier.- Appel à organiser des chantiers Pluri versité
- Comment organiser un chantier
- Liste des chantiers passés et à venir
...POUR ALLER UN PEU PLUS LOIN OU POUR UNE RETERRITORIALISATION DES REPRISES DE SAVOIRS
Si avec l’invitation à organiser des chantiers pluri
versités, qui mettent à égale dignité les savoirs pratiques et théoriques, nous invitions à dépasser/déborder nos cercles affinitaires, nous avons conscience que toustes ne peuvent rejoindre une semaine ou un mois de chantier.L’appel à déserter des étudiant es d’AgroParis Tech en 2022 fut un véritable refus de perpétuer un modèle mortifère. Pourtant, la très forte couverture médiatique, notamment par les médias mainstream, a binarisé le débat avec des supposés « dedans » et « dehors », éclipsant les enjeux d’une politisation du refus. Cette opposition entre dedans et dehors (des institutions, des usines, des écoles, universités, des entreprises, « du système ») nous semble inopérante pour construire les alliances nécessaires à ce qui vient. En effet, nous pouvons/devons refuser la conduite nauséabonde du monde depuis là où chacun e se trouve, et cela comporte dans tous les cas sa dose de paradoxes avec lesquels nous devons tricoter.
En juin (France) et janvier (USA) derniers, des ambiances qui puent ont saturé l’espace médiatique dans des stratégies de disruption qui visent à nous boucher littéralement la vue avec de la merde. Ceci est rendu possible par le nombre d’heures passées par beaucoup d’entre nous devant les écrans, à n’avoir plus que le choix de la réaction, le tout associé à une accélération du numérique : l’IA, qui colonise jusque nos esprits et manières de réfléchir.
Que font nombre d’institutions de production et de transmission de savoirs, sinon jouer le jeu du pouvoir dominant ? Si on peut saluer un sursaut récent et massif dans le milieu de l’enseignement supérieur et de la recherche, les « managers » complices qui régissent nos institutions académiques contribuent largement à propager le discours majoritaire sur « l’adaptation » au réchauffement à +4°C comme seule alternative, plutôt que de prendre à bras le corps la nécessité d’élaborer de véritables transformations sociales et écologiques. Ces politiques s’accompagnent d’une négation de l’héritage des lieux de transmission de savoirs comme espaces de résistances, notamment en réprimant celles et ceux qui se tiennent debout contre la complicité au génocide des Gazaoui es.
Ces dernières années, les joies et espoirs apportées par le fourmillement des Reprises de subsistances étaient plus que nécessaire, et devaient se multiplier Esquissant ainsi des scénarii locaux « dans le territoire du Mervent, sud et centre Bretagne, dans l’élan des Soulevements du Mervent, où une joyeuse dynamique s’est organisée autour du ravitaillement des luttes : des cantines, des greniers des soulèvements, peut-être même un fournil et des brigades d’actions de solidarité paysanne. Se Nourrir, Se loger, Se chauffer, Se lier. Du Minervois où la filière laine se relance, au pays Nantais ou produire son énergie redevient quelques chose d’imaginable. Du Perche où les jus de pommes glanées irriguent les collectifs de luttes nationaux, au terrains de jeux des Batisseur-euses des terres qui rénovent de vieilles granges pour accueillir humain.e.s et non-humain.e.s ». Ce faisant, nous avons souhaité affiner collectivement nos compréhensions de la méga-machine et de son écologie néolibérale extractive qui prend la route du techno-féodalisme. Que cette compréhension se multiplie et embarque celles et ceux qui s’imaginent à ses marges ou bien prisonniers des ses rouages, dans des formes d’enquêtes collectives, nourries des résistances passées, des alternatives et des éducations populaires.
Parce que les alternatives ne suffiront pas pour créer des ponts, allons voir ce à quoi nous sommes lié [1], qui nous permettent de continuer le désarmement, le démantèlement [2].
es, même si c’est pas toujours beau à voir. Les existences générées par le capitalisme extractiviste, coupent chacun e des prises sur sa subsistance, laissant le champ au spectacle politicien qui glisse vers l’abîme. Ainsi, nos avancées doivent s’articuler avec la production et diffusion de savoirs oppositionnelsPlusieurs milliers d’entre nous sommes allés voir et dénoncer une Bassine à Sainte-Soline (reconnue illégale par la justice), un chantier d’autoroute dans le Tarn (annulé faute de nécessité impérieuse à le réaliser) et avons fait l’expérience insitu d’une compréhension renouvelée de ces infrastructures inutiles et imposées. Continuons d’aller dehors ensemble, éloignons nous des écrans qui pulsent les affects tristes, allons profiter du soleil et des senteurs du printemps, pour initier ces écoles du démantèlement.
Pour tout ça, et parce que l’idée nous trotte depuis un moment dans la tête, nous aimerions en plus des Chantiers et des Autres rentrées (voir § ci-dessous) vous proposer de tenter ensemble une saison de Marches-Composition.
APPEL A UNE SAISON DE MARCHES-COMPOSITION
On vous invite à aller vous frotter aux dehors, aux infrastructures qui font nos vies, aux socles géologiques qui les soutiennent, aux thématiques naturalistes que nous apprenons à voir, aux questions sociales qui peuplent les territoires... A aller voir ce qui fait nos/vos existences, en initiant une forme entre la réunion et la manifestation, entre le débat et le chantier : une forme d’enquête/rencontre ou encore d’arpentage biorégional [3].
Si nombreux sont les groupes qui utilisent déjà la marche, il s’agirait ici d’en faire un espace de « composition », un endroit de confrontation des regards, en n’allant pas marcher seulement avec ses potes, son asso, son école, pour chercher une confirmation à ses propres intuitions. En invitant un autre groupe à penser, problématiser, organiser, en prenant ce prétexte pour aller à la rencontre de personnes pas si loin mais avec lesquelles on n’arrive pas forcement encore à faire ensemble, on vous invite à organiser une marche pour voir se frotter les intuitions de chacun-es à la compréhension et aux savoirs des autres, à leurs regards sur l’époque, avec le paysage sous nos pieds et ce dont on dépend, comme médiateurs et facilitateurs.
Ce "Ce à quoi nous sommes lié-es" est à la fois interrogatif, énonciatif, dénonciatif, revendicatif... La question des politiques de la relation qui nous occupe pourrait bien avoir besoin, entre milles autres choses, de marches collectives où l’on engage nos corps, nos sens, nos intelligences et mémoires collectives, pour aller se confronter aux manières dont le capitalisme ordonne et organise les territoires pour en faire, par le flux des marchandises et des médias, une matrice de nos diverses relations au monde. Mais ces « balades » peuvent être aussi l’occasion d’aller voir comment on peut jouer dessus, s’en défaire, tenter d’autres choses, s’organiser, comment reconfigurer nos relations. Et cela concerne tant des transformations des quotidiens et des subsistances que des questions collectives, de politique et de lutte. En partageant in situ nos regards sur « ce à quoi nous sommes lié-es », nous commençons à nommer, peser, nos modes d’existences, à un peu moins les fantasmer. Et c’est d’autant plus puissant si on le fait depuis « une assemblée en marchant », composée de personnes avec diverses connaissances, consciences, boulots, chemins, sur ces faisceaux de relations qui font nos vies.
Les Marches-Composition peuvent-être une autre forme d’élaboration et d’échange de savoirs : les savoirs du quotidien, des expériences vécues, des joies simples et des violences ordinaires. En marchant ensemble on se donne la possibilité d’adopter le point de vue de l’autre, de déjouer les récits hégémoniques et de révéler les mécanismes de perpétuation du pouvoir sur le terrain, d’identifier des ennemis communs et de fomenter des alliances fertiles. Elles s’inscrivent dans un cheminement, comme un des maillons nécessaires à la fabrications d’écoles terrestres, d’écoles bio-régionales, d’écoles du démantèlement. Les marches composition, restent à inventer, problématiser, expérimenter... Mais concrètement, pour se lancer et organiser une telle marche, il faut des gens, une date, un fil problématique, un bout de territoire... On tente par ici de donner quelques pistes pratiques > reprisesdesavoirs.org/
Une saison en écho
Fabriquer ensemble ce printemps une saison de Marches-Composition, c’est envisager de faire progresser ensemble les divers formats qu’elles pourraient prendre, d’en apprendre sur les manières de construire une problématiques selon les territoires sur les observations de terrain. C’est aussi se raconter ce que l’aventure a pu décaler en nous, ce qu’elle a permis comme prises de consciences communes, si elle nous donne des pistes pour la suite. Pour ça on vous propose de mettre en place des « échos », sous forme de vocaux, textes ou dessins, à partager pendant ou pas longtemps après la marche. Que ces échos puissent donner envie aux autres de tenter des choses, et qu’il puissent être compilés en juillet dans un « bulletin de liaison » qui serait prêt pourles Résistantes en août et que l’on pourrait diffuser pour imaginer les prochaines saisons !
On met en place une page sur reprisesdesavoirs.org, nourri-es de conseils que l’on a pu glaner de diverses expériences passés et de celles en train de s’écrire.
Alors écrivez nous : salut@reprisesdesavoirs.org
Plein de camarades proposent déjà des arpentages territoriaux bien pertinents. On pense à la récente marche sur les Data Center à Marseille, par le collectif des Gammares et la quadrature du net. Morceaux choisis :
« C’est sans doute très basique, mais pour se rappeler que les infrastructures du numérique sont matérielles et bien réelles, il semble assez efficace d’aller les voir. Savoir où elles sont, comprendre que tel bâtiment, c’est le poste de transformation RTE construit spécifiquement pour les data centers, que tel hangar chelou qu’on ne voyait pas avant, c’est un poste de partage des eaux entre la galerie à la mer, le « river cooling » et le réseau de thalassothermie de la SmartCity. On engage nos corps, on est une centaine à essayer de sentir l’air frais de la galerie à la mer par les petits trous dans la porte au milieu d’un échangeur autoroutier à côté de l’usine Panzani. On peut les cartographier, on peut presque les toucher, on voit très concrètement comment le système tient, et ça aide à s’en emparer. Et puis, dans une balade, tu fais des liens imprévus : tiens en fait juste à côté du data center, c’est Cemex, et là c’est le quartier de la Calade… et ça fait des sensations étranges entre le « geste architectural » qui consiste à orner l’ancien bunker nazi d’un « origami en acier » face à la vieille copropriété d’après guerre un peu délabrée. » [4]
Quelques scénarios de marches-compo...
Une amie en formation d’électricité, se chauffe à aller marcher avec une bande de meufs électriciennes qui s’organise dans le bâtiment, ses camarades de cours à peine majeurs, son chef d’équipe d’alternance chaud de repolitiser le réseaux, en invitant une historienne des réseaux et quelques zadistes amusées. L’idée serait d’aller voir les nouvelles batteries qui devraient « poper » dans nos villes et campagnes, comme supports de l’agrivoltaisation de terres et l’électrfiation des transports individuels.
Un pote veut proposer à ses camarades de son comité des Soulèvements de la Terre, à des naturalistes, et des skateurs qui trainent par là d’aller passer une journée à marcher en Beauce avec son oncle céréalier, qui a sa carte à la FNESA, pour qu’il nous raconte un peu ce monde qu’il va bientôt quitter pour la retraite, et que l’on puisse un peu mieux comprendre les enjeux tensions, contradictions de ces vies là.
A coté de chez moi il y a une centrale à énergie qui tourne au charbon qui devait fermer. Les gens de la CGT ont exploré très sérieusement des pistes pour transformer l’outil, et garder les emplois. Mais le tout nucléaire semble avoir choisit une autre option... Leur proposer de marcher le long des lignes THT, pour qu’ielles nous racontent cette histoire.
Avec une bande d’étudiant
es des beaux-arts on a marché sur les traces d’une manif contre les Pellets et les coupes rases de la forêt. Puis on est allé-es voir le régisseur technique du bâtiment qui nous a montré le système de chauffage de l’école. On a suivi le tuyau du chauffage urbain à travers la ville, pour aller le lendemain se balader en forêt avec un syndicat habitant qui s’organise, entre autres, pour une autre gestion forestière. On retiendra que quand il s’agit de se chauffer ou de choisir comment on veut le faire, il y a les propriétaires et les locataires !A vous d’esquisser et réaliser les marches-compo qui vous feront avancer dans vos liens à vos territoires de vie.
S’OCCUPER DES CAMPUS, POUR D’AUTRES RENTRÉES
Depuis deux ans, nous proposons à des collectifs de se saisir du moment de la rentrée pour mettre les universités en chantier. En posant des gestes qui puissent nourrir l’imagination quant à ce qui pourrait se vivre et s’expérimenter dans ces lieux, nous souhaitions voir s’installer un rapport de force face aux orientations libérales de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cette proposition a été saisie à Nantes, Saclay, Grenoble, Toulouse, Paris, ou encore Dijon.
Nous renouvelons cet appel pour favoriser la rencontre entre différentes forces qui s’organisent dans les universités mais aussi à côté de ces dernières : le centre social voisin menacé, les alentours d’un nouveau campus construit dans des quartiers populaires... et que puissent ainsi voir le jourun réseau de ravitaillement comme à Rennes ou unAtelier d’écologie politique (Atécopol) comme à Nantes [5].
Cette année, ce moment pourrait être orienté vers la construction d’un rapport de force dans le contexte de coupes budgétaires croissantes, accentuées par la politique opaque des « Key-labs CNRS » imposée arbitrairement par le gouvernement et qui met en péril de nombreux laboratoires dont les travaux ne servent pas les projets macronistes de start-upisation de la connaissance ou de répression massive des étudiant
es et professeur es quand iels dénoncent le génocide en Palestine et la colonisation.La coordo des Reprises de Savoirs
Reprises de Savoirs s’organise depuis l’écologie politique et les luttes, en vue de détricoter l’hégémonie des savoirs universitaires et experts, et pour reprendre et défendre l’égale dignité des savoirs manuels, des savoirs de subsistances, vernaculaires, sensibles. Ces savoirs sont élaborés et transmis depuis des lieux et des collectifs entre lesquels nous aimerions tisser des liens pour construire un large réseau d’entraide et de soutien mutuel. Notre boussole est la perspective politique révolutionnaire de l’(entre)-subsistance qui combat férocement la dévalorisation des savoirs et actions qui permettent le maintien de la vie, tant des humains que des autres-qu’humains, tout en affirmant le nécessaire considération des oppressions (sexistes, racistes, xénophobes, classistes, validistes, spécistes...) qui hiérarchisent et excluent.