Plus ça pue plus on aime

Nos poubelles sont pleines.
Nos rues sont pleines de poubelles.

paru dans lundimatin#382, le 9 mai 2023

Les poubelles de nos rues sont pleines de poubelles et nos rues débordent de poubelles pleines.
De nouvelles poubelles s’amoncellent sur les poubelles pleines.
C’est un déferlement de poubelles pleines qui s’accumulent dans nos rues et qui transforment la rue en une immense poubelle.

La rue est une poubelle géante pleine d’ordures.
La rue est grosse de sacs obèses remplis d’ordures.
Des sacs obèses remplis d’ordures s’empilent sur d’autres sacs remplis d’ordures.
Un mur d’ordures se dresse dans nos rues.
Un mur d’ordures transforme la rue en une immense décharge à ciel ouvert.
Une montagne de sacs poubelles éventrés déverse des tas d’ordures dans nos rues.
Nos rues disparaissent derrière une montagne de sacs poubelles éventrés qui vomissent les ordures amoncelées dans nos rues.
C’est une avalanche d’ordures.
On ne sait plus très bien ce qui est de l’ordure et ce qui n’en est pas.
On ne fait plus la différence entre l’ordure et ce qui n’en est pas.
Nos rues sont salement envahies d’ordures.
Les ordures sont partout.
Nos rues sont couvertes d’objets brisés d’emballages d’épluchures de sacs.
Des tonnes de déchets de toutes sortes recouvrent nos rues.
Des tonnes de déchets de toutes sortes se répandent dans nos rues et nous entravent. Les rues sont bloquées par des tonnes de déchets.
Nous nous frayons un chemin au milieu d’un tas d’ordures qui nous entravent et au milieu desquelles il est difficile de marcher.
Nous devons marcher sur des tas d’ordures pour traverser la rue.
Nous devons trouver un passage au milieu des déchets des os de poulets des boîtes de pizzas et des bouteilles de shampooing antipelliculaire à la pomme.
Nos pas s’enfoncent dans la matière molle des déchets organiques.
C’est un océan de déchets qu’il nous faut piétiner sur notre passage.
Nous sommes inondés de déchets organiques.
Nous nageons dans une mer de déchets organiques dont le niveau continue de monter indéfiniment.
Nous nous noyons dans des tonnes de déchets organiques qui débordent de partout. Nous sommes emportés par un flot ininterrompu de déchets organiques.
Nous sommes submergés par un tsunami d’ordures et de déchets organiques.
Nous sommes ensevelis sous des milliers de mètres cubes d’ordures et de déchets organiques qui pourrissent au soleil.
Des ordures pourrissantes et des déchets organiques par milliers nous inondent de leur puanteur.
Une odeur pestilentielle émane des milliers de tonnes d’ordures au soleil.
Une odeur de viande avariée et de fruits pourris émane des milliers de tonnes d’ordures au soleil.
La puanteur de l’ordure généralisée se propage dans l’air de nos rues.
L’air est saturé d’odeurs nauséabondes et de parfums fétides qui se mélangent.
L’air est saturé de la puanteur de l’ordure généralisée qui se propage dans l’air de nos rues.
Nous marchons et nous respirons dans l’ordure généralisée.
Nous vivons dans l’ordure généralisée.
Nous lançons nos ordures.
Nous lançons nos ordures au milieu de la rue mais c’est sur nous que nous lançons des ordures.
Nous lançons nos ordures dans la rue mais c’est vers nous qu’elles sont dirigées.
Nous lançons nos ordures contre l’ordre social.
Nous lançons nos ordures contre la justice de classe.
Contre les paradis fiscaux.
Contre le capitalisme vert.
Nous rendons les ordures.
Nous les vomissons.
Nous les renvoyons.
Les ordures que nous lançons contre nous sont un juste retour des choses.
Nous lançons nos ordures dans nos rues car nous voulons du désordre.
Voilà pourquoi nous renversons nos poubelles.
Nous voulons montrer le désordre que nous souhaitons.
En lançant nos ordures nous disons non à l’ordre.
L’ordure est l’ennemie de l’ordre.
C’est parce que l’ordre nous oblige que nous lançons nos ordures et que nous renversons nos poubelles.
C’est parce que nous refusons l’ordre que nous lançons nos ordures et que nous renversons nos poubelles.
A travers nos ordures nous disons non.
Nous renversons nos poubelles pour ériger des barricades.
Les poubelles renversées dans nos rues sont les nouvelles barricades.
L’ordre veut cacher nos ordures.
Nous les exhibons.
Nous renversons nos poubelles.
L’ordre les ramasse.
Ce que nous voulons ce sont des ordures.
Nous voulons des ordures.
Nous les aimons.
Ce sont nos ordures.
Les ordures et nous sommes de la même famille.
Les ordures et nous c’est la même chose.
Nous faisons UN avec elles.
Les ordures c’est nous.
Nous les ordures c’est pareil.
Nous voulons vivre au milieu des ordures.
Nous voulons les voir.
Nous voulons les sentir.
Nous en avons besoin.
Sans les ordures nous ne pouvons pas vivre.
Nous en sommes dépendants.
Nous ne pouvons pas nous passer d’elles.
Les ordures sont comme l’air que nous respirons.
Les ordures sont notre oxygène.
Nous voulons les respirer.
Elles sont notre carburant.
Nous carburons à l’ordure.
En elles nous nous reflétons comme dans un miroir.
Nous pouvons nous voir en elles.
Nous pouvons voir notre vrai visage.
Nous pouvons nous y reconnaître.
L’image que nous renvoient les ordures c’est notre visage.
A travers elles s’exprime ce que nous sommes.
Elles disent la vérité de ce que nous sommes.
A travers elles se révèle la nature de ce que nous sommes.
Notre nature.
Nos ordures nous parlent et elles nous disent qui nous sommes.
Elles disent de nous que nous sommes comme elles.
Ce que les ordures ont à nous dire elles le crient.
Ce que les ordures ont à nous dire est un cri.
Elles nous crachent au visage et nous éclaboussent.
Nous sommes sales de nos ordures.
Nous en sommes couverts.
Nous sommes recouverts d’ordures qui nous salissent.
Nous voulons des ordures parce que nous le méritons.
Plus ça pue et plus on aime.
Nous voulons que ça pue.
Nous voulons que ça sente mauvais.
Ce que nous voulons c’est que nos rues pleines d’immondices sentent le rance et l’avarié.
Nous voulons que le monde soit plein d’immondices.
Nous voulons salir le monde.
Demain nous laisserons des poubelles pleines d’immondices.
Demain est plein de nos poubelles pleines d’immondices.
Comme d’autres civilisations qui nous ont précédé nous laisserons pour demain des poubelles pleines d’immondices.
Ce qui restera de notre civilisation ce sont des poubelles pleines d’immondices. Les archéologues du futur les trouveront.
Comme nous avons trouvé celles du paléolithique supérieur de l’Antiquité du Moyen- Age les archéologues du futur trouveront nos poubelles.
Du paléolithique supérieur il ne reste que les poubelles.
Le vent se lève.
Le vent disperse les déchets.
Le vent dissémine les déchets qui se répandent dans nos rues.
Les déchets s’envolent dans nos rues.
Le feu a pris.
Des tonnes de déchets éparpillés par le souffle du vent s’embrasent dans nos rues. Nos rues sont pleines de poubelles en flammes.
Des tonnes de déchets renversés et d’ordures fumantes brûlent dans nos rues.
Des tonnes de déchets renversés et d’ordures fumantes se consument lentement dans nos rues.
Des tonnes de déchets de poubelles éventrées et d’ordures incendiées rougeoient dans la nuit.
Des ordures.
Des poubelles éventrées.
Des déchets.
C’est ce que nous voulons.
C’est notre volonté.
Nous le voulons absolument.
C’est tout ce que nous voulons.
N.L.

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