Piotr Pavlenski premier Gilet Jaune ou artiste visionnaire ?

« Quand d’autres personnes brulent Banque de France c’est reconnaissance de mon travail »

paru dans lundimatin#176, le 31 janvier 2019

— Par Yann Merlin —

Le 16 octobre 2017, l’artiste russe Piotr Pavlenski présente sa dernière œuvre, « Éclairage », au public français : il met le feu à la porte d’entrée de la Banque de France avant de se faire arrêter par la police.

Pavlenski revendique un art politique. En 2012, il se cout les lèvres en soutien aux Pussy Riot, en 2013, il s’enroule nu dans du fil barbelé devant l’assemblée de Saint-Pétersbourg afin de protester contre le système législatif répressif et se cloue le scrotum devant le Mausolée de Lénine une « métaphore de l’apathie, de l’indifférence et du fatalisme politique dans la société contemporaine, habituée à rester le cul assis devant la télé », explique-t-il alors.
En octobre 2014, il escalade, nu, un mur de l’enceinte du centre Serbski et se coupe un bout de l’oreille droite pour protester contre ce qu’il affirme être une utilisation politique des centres de psychiatrie. En novembre 2015, il met le feux aux portes du FSB, les services secrets russes et déclare : « le FSB opère par la terreur et détient le pouvoir sur 146 millions de personnes. La peur transforme les gens en masse agglutinée de corps disparates ». Accusé d’agression sexuelle contre une comédienne, il se réfugie en France en janvier 2017 et demande l’asile politique en assurant que ces accusations sont un coup monté des services russes.

Le photographe Yann Merlin a rencontré Piotr Pavlenski à de nombreuses reprises. De leurs discussions est ressortie ce texte singulier, mélange d’extraits d’interviews, d’éléments biographiques et de montages visuels. On y croise Walter Benjamin, des gilets jaunes et des performances artistiques comme autant d’assauts contre la société.

[Portait en Une : Yann Merlin]

« Toute Violence Fonde ou Conserve le Droit »*
« Critique de la violence » Walter Benjamin

Parallélisme et Mouvement

Depuis 2012, je m’intéresse presque exclusivement au sujet des réfugiés. Naturellement, le « cas » Pavlenski m’a très vite intéressé. Pour moi, c’est le même sujet sous un autre angle.
Surtout, il est question de revenir sur une œuvre, Eclairage, qui a été très mal médiatisée.

Eclairage de M. Pavlenski pose des questions qui nous intéressent au plus haut point.
Depuis, ces questions sont sorties de l’ombre sous la forme d’une remise en cause, non pas d’un système, mais d’une série de valeurs. Ces personnes, qui manifestent, portent leurs revendications à bout de bras malgré la répression qui touche indifféremment des radicaux et des pacifistes. Ceux qui restent chez eux soutiennent largement le mouvement car enfin, leur désir de faire démocratie est représenté mais ils ont peur.
Qui sont les Gilets Jaunes ?
« Des éléments du peuple Français qui sont prêts à mettre de côté leurs différences » entend-on.
En grande majorité, des citoyens qui veulent simplement être représentés correctement.
Si tout ce monde, en revendiquant sa citoyenneté, est réprimé alors que les questions qui sont posées sont largement démocratiques et légitimes, c’est que ceux qui s’y opposent ont un autre projet.
Le projet de ce gouvernement n’est pas clair pour tout le monde mais il est radical. La République aussi l’est car la République c’est le peuple et que depuis la seconde guerre mondiale, nous savons que le devoir de vigilance doit être absolu quand le pouvoir devient autoritaire. L’enjeu est majeur.
Qui pense Nouveau Monde, pense sacrifices.
Ce Gouvernement, qui se voit élu pour le changement et qui serait composé « d’une race supérieure de Républicains », sacrifie d’abord le droit et tout un système au nom d’une réalité que nous ne saurions comprendre.
En outre, ils vont nous l’expliquer grâce « à la science qu’on emploie pour éduquer les enfants » : la Pédagogie.
Mais que faut-il comprendre quand on entend qu’il n’y aurait qu’une seule voie ?
Que c’est un dogme.

Ce phénomène, celui des Gilets jaunes, est intéressant car il participe à un recentrage naturel de différents aspects de « l’écologie » politique. Cela annonce aussi, peut-être, le grand retour de la philosophie dans la société car chaque fois que les Sophistes s’emparent du pouvoir, les poètes sont là pour remettre la philosophie sur les rails. La poésie intervient quand la philosophie ne peut plus rien nous disait Maria Zambrano.

Oui, Pavlenski est un poète qui surgit du maquis urbain pour produire ses attentats visuels, « pour mettre à nue la mécanique de pouvoir » et la constante de cet artiste hors du commun, c’est de toujours viser juste et là où ça fait mal.

Piotr Pavlenski, avec Eclairage, a lancé un objet de réflexion vers la lumière qui est resté intentionnellement sous silence et dans un sens ignoré. L’artiste et l’œuvre ont été placés sous séquestres et les débats se sont déroulés sans publicité. Même la Saatchi Gallery de Londres qui faisait une rétrospective dans laquelle Piotr Pavlensky était présent, ne parle pas d’Eclairage, dans la biographie de l’artiste.
J’ai lu qu’un autre artiste Russe, Oleg Kulik, aurait dit que « Piotr Pavlenski est comme un caillou jeté dans l’eau. Il a déjà coulé, mais les cercles qui se propagent à la surface sont encore visibles ».

Je lui réponds que Piotr Pavlenski, est remonté des bas-fonds du marais un peu à la manière de la « Gloire », personnage de l’Arrache cœur de Boris Vian.
« La Gloire » qui est censée recueillir la honte des villageois se trouvant au fond d’un marais sous la forme de déchets, les remonte avec ses dents. Cette « honte », Piotr Pavlenski l’a tenue avec sa mâchoire et l’a lâchée sur la place du village.
Gloire donc à Pavlensky qui sauve l’honneur des artistes !

La matière culturelle nous sert de balise, d’abri pour la tempête, de boussole dans le grand désert du néolibéralisme, elle apaise la violence. L’art c’est sublimer. Piotr en réalité sublime le sujet citoyen et l’objet Révolution pour renouer avec sa vision primitive de la France, c’est-à-dire celle qu’il avait avant de mettre les pieds ici. Du coup, nous nous rappelons ce que nous avions presque oublié et d’où nous sommes censés nous exprimer.
La culture, surtout sous la forme poétique, est une arme absolue. Elle arme les consciences de ceux qui physiquement veulent, non pas comme c’est dit et rabâché, en découdre, mais changer la trajectoire.
La poésie s’est toujours imposée dans tous les champs médiatiques : le livre, la bande magnétique et vidéo, dans l’espace des lieux où elle est invitée, dans l’espace public, sur la pellicule 35 millimètres, dans l’espace numérique, sur les réseaux sociaux et ce n’est pas la première fois qu’elle s’invite dans le milieu de l’art.
Comment reconnait-on un poète ?
Il est désintéressé et s’occupe juste d’idéaux abstraits.

« Quand le soleil se noie dans une mer de brume,
Quand une vague de nuit déferle sur le monde,
Quand la vue s’est éteinte dans les yeux et les cœurs,
Quand ton chemin se perd comme dans un labyrinthe,
Toi qui erres et qui cherches et qui comprends,
Tu n’as plus d’autre guide que les yeux des mots. »

Ahmed Fouad Negm (strophe insérée au début du premier 33 tours qui lui a été consacré en France dans les années soixante-dix )

La conférence de Genève de septembre 1946 organisée par les Résistances Européennes avait pour thème « l’esprit Européen ». C’est cette réflexion que nous devons poursuivre car nous voyions bien ce qu’est devenu le projet et pour quoi, il a été détourné.
Le débat national ne résoudra pas le problème car le problème est Européen. L’Europe sera une démocratie ou une dictature et c’est le destin de l’Europe que les Gilets Jaunes tiennent entre leurs mains, le point de convergence ce n’est pas Paris c’est Bruxelles et cela ne saurait dépendre que de la seule volonté du Peuple Français. En revanche, le peuple français qui est un exemple pour le monde entier peut entraîner les autres dans un mouvement émancipateur.
L’artiste Piotr Pavlenskyi nous dit :

« Je ne suis pas « Gilette » Jaune moi artiste. C’est plus facile pour une personne que pour un groupe de faire une action mais pour pouvoir c’est plus facile contrôler une personne que un groupe. Quand beaucoup de gens veulent changer les choses le pouvoir obligé d’aller vers concorde. Pour moi c’est très important « Gilette » jaune, par exemple quand d’autres personnes brulent Banque de France c’est reconnaissance de mon travail, ça signifie : ok, on est d’accord avec lui ».

Il y a des questions qui sont posées par des philosophes et ils les écrivent noir sur blanc. Il y en a qui font court c’est le cas de Bergson et c’est aussi le cas de Benjamin. Pour moi, les deux ont en commun un certain sens du langage. Chez eux, le langage est une jungle au feuillage intense et sauvage. Pourtant ces endroits, ces jungles sont en dehors des contraintes du temps, pour toujours et pourquoi ne pas s’y promener ?
Je souhaite mettre en avant deux idées simples extraites de leurs œuvres qui communiquent avec notre présent. Pour Bergson, le réel est la réalisation d’un possible, pour Benjamin, toute violence fonde ou conserve le droit.

« Eclairage est la deuxième partie d’un dytique » nous dit Piotr.

Il faut donc voir ça comme un immense tableau qui traverse le monde et « éclaire » l’Europe. Je pense qu’il s’agit d’une lecture originale et très géométrique de la réalité du pouvoir. En fait, c’est un objet assez proche du cubisme par certains aspects, mais Piotr, lui-même et c’est le plus important, le voit comme une communication avec la peinture de Caravage. Une communication entre l’obscurité et la lumière. Cette œuvre vit à l’intérieur de chaque spectateur et, en France, qui ne voit pas dans l’iconographie des événements une extension de cette œuvre ?

Piotr Pavlenski est parti d’une figuration/abstraction, il y a la photographie, la video, mais le reste est abstrait. Le reste c’est l’ensemble de la procédure qui se déroulera jusqu’au verdict final et c’est ça l’inconnu. Il se pourrait donc que cet artiste présenté comme « un esprit à l’intelligence moyenne », fonctionne en fait par hypothèse et cherche à résoudre des équations un peu à la manière d’un mathématicien.
Il se sert de son corps pour produire des séries d’événements qui déclenchent des séquences qu’il observe. Au tribunal, il coupe la parole au juge, il ne respecte pas le rituel de la cour, il ne se lève pas. En prison un gardien le pousse, il le pousse à son tour, puis il le frappe, l’action produit un mouvement sur lequel il n’a pas d’emprise, le corps doit tenir et encaisser, il ne veut pas mourir puisqu’il il veut savoir.
Chaque « événement »qu’il provoque, entraine une réponse qui fait objet élément qui s’inscrit dans l’œuvre sous la forme d’une accumulation. Il entraine les différents agents du pouvoir mais aussi des personnes en dehors de cette machinerie, comme les témoins, les gens qui le soutiennent, les mécènes, dans sa pièce de théâtre improvisée. Il n’y a pas deux Pavlenski.
Le Piotr Pavlenski intelligent, humble, sensible et souriant existe et la personne n’est pas divisée. La clé pour comprendre Pavlenski, je pense que c’est Benjamin qui la détient.
Pavlenski est non pas acteur mais comédien qui improvise un personnage qui tantôt « surmonte les frontières », tantôt « éclaire » tantôt se « fixe » et je soupçonne que pour lui tout est théâtre plus que tout est prison. Etre artiste ne se choisit pas, nous le sommes ou ne le sommes pas, et je pense que c’est peut-être de ça, qu’il se sent prisonnier.
Le spectateur, qui par hasard tombe sur la pièce quand elle se joue, quand elle n’est pas enfermée dans le cadre (photo ou video), voit bien qu’il y a un hors champ et où, se situe la scène.
A l’heure qu’il est je ne sais pas s’il fera appel de la décision de justice. Je ne peux pas dire s’il y aura un nouvel acte.
L’autre parallèle entre les œuvres de Pavlenski et le mouvement des Gilets Jaunes : ça se passe en plusieurs actes.
Piotr Pavlenski est le metteur en scène d’un nouveau type de théâtre politique. C’est un théâtre à l’envers et les dialogues de « Eclairage » s’écrivent au fil du temps.

L’abstraction

L’abstraction commence ainsi : A la place de la Bastille, symbole répressif de la préhistoire de la modernité, a été érigé un bâtiment de la finance, symbole répressif de notre présent qui remet en question les valeurs de la Révolution française. La finance a fait une contre-révolution.

Piotr avec Eclairage pose plusieurs questions.

Je pense qu’il pose une première série de questions : le droit, qui se fait au nom du peuple français, peut-il agir aussi dans le champ symbolique. Quand un pouvoir autoritaire a persécuté le peuple. Qu’il a érigé des monuments qui affectent sa mémoire, devons-nous les conserver ? Sous l’angle de nos valeurs, qu’est-ce qui doit faire patrimoine ?
Puisqu’il y a violence peut-il y avoir Justice ? Et qui doit payer des dommages et intérêts ?
Si la justice n’est pas possible, ne faudrait-il pas changer le droit ?
Ce n’est pas la France qu’il accuse mais tous les pouvoirs autoritaires et en l’occurrence la « Maison France » de 2017, en l’emprisonnant, lui a tendu le bâton pour se faire battre.

Mais aussi, dans le droit français encore aujourd’hui, il existe par exemple des décrets du temps de la collaboration, comment l’expliquer alors que De Gaulle lui-même disait que le régime de Vichy était un gouvernement illégitime ?
Jean-Luc Godard en 1968 remettait en cause le CNC pour cette raison.

Plus récemment, toutes les réflexions au sujet de l’immigration choisie, s’inspirent des thèses de G. Mauco et c’est surprenant que cela ait été repris aussi par des responsables politiques qui sont identifiés dans le camp des partisans de la démocratie alors que ces valeurs ont apporté avec elles l’antisémitisme et des dérives parmi les pires de l’histoire de la France.
Enfin, depuis 2007, il a été clairement énoncé que la guerre était déclarée contre ce que nous appelons le système social à la Française, le programme du Conseil National de la Résistance. Les valeurs du CNR seraient-elles devenues illégitimes aujourd’hui ?
Même les acquis obtenus sous François Mitterrand sont revus et corrigés : l’âge de la retraite, la place de la culture et de la diplomatie, le RMI,… A quand la remise en cause des congés payés ? Tout de suite, il suffira de supprimer les cotisations et « d’augmenter » le salaire net. Les vacances aussi ça va se mériter peut-être. En attendant c’est le droit de manifester qui est visé.

Cela introduit une autre question : Qui sont les gardiens des acquis sociaux et des valeurs humanistes, en dehors de Nous, et si il y en a, que font-ils pour les préserver ?
Quel est notre pouvoir ou plutôt nos moyens réels face aux actions politiques qui vandalisent nos droits ? N’y-a-t-il pas la aussi Patrimoine ?

Plus que jamais, depuis 1945, et c’est visible dans le mouvement des gilets jaunes, les gens se dressent contre les doubles discours et réclament plus de cohérence avec notre identité car au-delà de notre état civil, celle-ci repose sur trois piliers : Liberté Égalité Fraternité et sur l’utopie de la Révolution Française de toujours plus d’avancée sociales, du pouvoir du Peuple par le Peuple et pour le Peuple. Ceux qui vous ont fait croire qu’elle était terminée vous ont menti, voilà pourquoi elle est moderne et éternelle, elle se construit dans la durée dans un mouvement de balancier qui oscille entre désir de construire et désir de détruire.
Voilà aussi d’où vient le large soutien au mouvement des Gilets Jaunes car la devise est le patrimoine de un et de tous.
Cette année nous aurions dû, normalement, faire la commémoration de ses 170 ans. C’est en 1848 qu’est rajouté le mot Fraternité et que la devise Liberté Égalité Fraternité est définitivement adoptée.
A la place, il a été question de célébrer Pétain et les généraux de la première guerre mondiale.
Comment interpréter cette double intention ?
D’autant plus que les principaux représentants du gouvernement actuel se prétendent démocrates exemplaires, des Sur-Républicains pour qui, les autres, c’est a dire Nous, leurs « opposants remplis de haine », sont parfois suspectés de ne pas l’être assez.

Dans l’une des expertises psychiatriques de Piotr Pavlenski, un expert avance, qu’il se sert des idéologies Humanistes comme d’un masque qui cache « sa marginalité » et ses « failles narcissiques ». « Un prétexte qui lui permettrait de passer à l’acte et qui aurait pour but de se retrouver sous les projecteurs des médias ». Rien que ça !
Ferait-il le même constat pour certains de nos éléments de la classe politique ?
En outre, l’expert lui accorde une intelligence moyenne, déduisons-en donc que Piotr Pavlenski, d’après lui, ne peut pas produire une réflexion intellectuelle susceptible d’être incomprise par ceux (représentants de différents pouvoirs) qui doivent le juger. Rien ne pourrait leur avoir échappé.

Piotr Le 11 janvier, lors de notre dernier entretien s’exprimait là-dessus, il est temps de lui redonner la parole :

« Entre 2014 et 2017 j’ai eu une dizaine d’expertises.
J’ai été dans grand centre psychiatrique trois semaines pour expertise.
Médecin regarde.
Dans ce centre, interdit the, interdit café interdit stimulant ou somnifère, il veut regarde « clair ».
Dans ce quartier c’est pour expertise.
Dans ce quartier 90 % c est assassin.
Par exemple, un homme avait tué l’assassin de son fils avec barre de fer. Il dit moi maintenant je vis tranquille, maintenant, tout est fini.
Un autre, croyant orthodoxe, il a tué une femme qui était avec ses enfants dans la rue. il était chez lui et après communication avec Dieu, il est sorti avec un couteau et a poignardé une femme qu’il ne connaissait pas, pour rien et il demande au médecin dit moi pourquoi j’ai fait ça, toi tu peux me le dire car je ne comprends pas pourquoi j’ai fait ça. Les gens avaient assassiné mais ils étaient pas violent avec moi.
Sur 9 expertises la majorité disaient que moi c’est totale psychiatrique. D’abord un dit moi grand malade, le deuxième dit non lui normal puis encore sept autres dit moi malade mais un grand psychiatre dans magazine écrire que moi pas malade et moi artiste.
Pourquoi quand psychiatre comprend pas quelque chose il dit que c’est psychopathologie ? J’ai compris que psychiatrie c’est langue de pouvoir qui peut te condamner. Si psychiatres avaient culturelle éducation ils comprendraient ce qui est de l’art. C’est la langue du jugement, c’est langue spéciale qui dit toi condamné. Par exemple hier (jugement du 10 Janvier 2018) tu peux écoute et voir structure de process.
Il (le juge) dire mon nom, mon âge, mon lieu de la naissance c’est comme langue de l’église.
Dans France c’est plus dur car en France dire n’importe quoi, dire moi Border Line, instinctif réfractaire à la loi. Le juge a utilisé juste les mauvais rapports, Dominique (Me Dominique Beyreuter Minkov son avocate) dire à lui ou est le rapport qui disait moi normal ( le rapport était introuvable dans le dossier papier). En Russie grand centre psychiatrie était très délicat avec moi dit ok Piotr c’est spécial mais lui pas malade.
Plusieurs personnes jugent : psychologues, psychiatres, policiers, juges d’instructions et chaque personne dire c’est seulement mon avis mais le juge sélectionne ce qui intéresse lui et après il peut faire de ce que lui il pense de moi.
Le juge hier (10 janvier) dire l’autre rapport (expertise introuvable) je ne peux pas le trouver parce que c’est langue de pouvoir. Il fait mon portrait avec langue de psychiatrie et langue de pouvoir, c’est langue de condamnation. Les pouvoirs se soutiennent entre eux. »

Durant l’audience il demande au juge d’ordonner le déplacement de la Banque ce qui provoque des éclats de rires.
Ce genre de question qui peut paraitre naïve contient une certaine dose de poésie. Lors de nos entretiens, il dit : Marquis de Sade personnage très important de l’Histoire de France et je n’ai pas trouvé de statue de lui dans Paris. Cela est-il juste demande-t-il ?
En fait, je devine que Piotr voudrait inverser le symbole, il verrait bien une statue monumentale de Sade place de la Bastille qui célébrerait la mémoire de celui qui fut enfermé par différents régimes, il voudrait pouvoir entrainer la France dans un hommage réparateur.

« Vous m’obligerez sensiblement de m’obtenir de prendre l’air, car je vous répète mille fois que je soufre horriblement a ne pas le prendre et que c’est une infamie de priver quelqu’un du bien de tous les animaux » (27 juillet 1780)
DAF de Sade, Lettres à sa femme. Ed Babel P14

GEOMETRIE

Mais Piotr pose aussi une autre question par le biais de la géométrie.
Il dit :

« Menace et fixation c’est très différent ; Menace et Eclairage c’est très ressemblant ».

« Pour Menace c’est porte FSB. FSB maison de Poutine et Poutine président de la Russie. Pour Eclairage c’est fenêtre et symétrie. Fenêtre car fenêtre c’est le fil conducteur de la lumière. Symétrie car la question c’est comparaison, si égal ou pas. C’est aussi Banque et Banque c’est maison de Macron et Macron président de la France. »

« Porte pour moi ça a été le plus important dans l’action Menace car pour moi, la porte c’est frontière qui peut être surmontée parce que moi besoin de rentrer dans mécanique de pouvoir.
Quand j’utilise porte je surmonte frontière et je peux rentrer dans mécanique de pouvoir pour voir différents niveaux cachés.
Par exemple prison, Hôpitaux psychiatrique, justice, médias sont des niveaux cachés de la mécanique du pouvoir. Le thème pour Menace c’est surmonter. »

« Pour moi fenêtre c’est comme un fil de fer conducteur de lumière donc avec Eclairage, j’ai eu besoin d’utiliser la fenêtre. Le thème c’est lumière.
J’ai fait éclairage car pour moi cette banque a la place de la prison c’est juste un changement de symbole.
Le pouvoir use toujours du symbolique. Il y a guerre tactique et géopolitique, la guerre idéologique, la guerre symbolique et psychologique, c’est notre présent. Chaque jour le peuple se fait insulter car c’est une façon pour le pouvoir de répéter : « C’est nous les plus forts ». Le pouvoir utilise la technique et les outils contre le peuple pour conforter sa position.
« Pour moi le feu c’est lumière et chaleur. Je comprendre le feu littéralement. C’est pour cela que j’ai appelé cette action Eclairage.
Eclairage, c’est toujours contre obscur et c’est aussi une communication avec la peinture de Caravage.

« « C’est aussi le thème voir car tous les jours les gens passent sans voir qu’à la place de la Bastille il y a Banque de France aujourd’hui. C’est exactement la Banque de France, qui a secrètement financé le criminel Versailles. C’est exactement la Banque de France, qui a mis un point lourd sur tous les principes révolutionnaires de la France. Et c’est exactement la Banque de France, qui a financé l’extermination de 35 000 Parisiens. Et c’est précisément cette banque de France que les autorités ont établie sur le site même de la Bastille. »

Aussi, il faut se souvenir que l’action de Piotr Pavlenski était accompagnée d’un texte qui parlait de « réveiller l’esprit révolutionnaire des Français  » afin qu’une nouvelle révolution parte de la et se propage jusqu’en Russie tel un puissant incendie.
Piotr Pavlenski aurait-il réussi à soulever la France, l’Europe et la Russie ?
Certainement pas, son intention était ailleurs.

Il voulait simplement répondre à une question qui revenait constamment dans la bouche de tous ceux qu’il rencontrait depuis qu’il était arrivé sur Paris. Au point que cette question est devenu centrale dans sa réflexion. Cette question, Piotr a fini par se l’approprier. Il l’a synthétisée ainsi : « Quelles différences entre mécanique de pouvoir Russie et mécanique de pouvoir France. Les gens toujours vouloir comparer, toujours faire comparaison ».
Comme en Russie, il allait d’abord tenter d’apporter cette réponse pour lui-même en se confrontant frontalement au pouvoir et ensuite observer.
Mais ce qui est très important pour lui dans chaque action c’est le contexte.
En fait, Piotr a eu le temps de s’apercevoir de ce que vivent les français dans leur quotidien, il a pu constater qu’il y avait décalage entre sa vision idéalisée et la réalité :

« Quand on est arrivé dans Paris on bougeait beaucoup, on changeait beaucoup d’appartements, je vois parfois c’était normale condition et parfois c’était trop pas bien conditions. Des gens volent pour manger
Par exemple étudiants doit payer beaucoup d’argent pour très mauvaises conditions parfois plus mauvaise conditions que prison. Par exemple toute petite chambre sans cuisine. Dans cette période j’ai vu et écouter les gens manifester pendant élections et pour moi tout devient clair quand après, gouvernement dire élection démocratique mais c’était choisir entre peste et choléra. J’ai compris que c’était technique de pouvoir. Bien sur Lepen c’est extrême droite et gens dire il vaut mieux Macron que Lepen mais c’est pas vrai, c’est pas choisir. Pour moi ce système c’est guerre des classes. Des gens dire il faut partir mais c’est une forme de désertion, on doit faire lutte et rester dans Paris. Guy Debord dit il faut pas travailler et ça c’était contre Arbeit Macht Frei. Aujourd’hui beaucoup de présidents disent Arbeit Macht Frei, Macron dit Arbeit Macht Frei, partout dire Arbeit macht Frei. Il faut se battre. Il faut pas partir. »

Symétrie

Le contexte pour nous, qu’est-ce que c’est ?

En France, nous vivons littéralement dans un contexte de mise à l’amende, avec surtout une remise en cause constante des acquis sociaux qui questionne le sens du mot en lui-même.
A partir de quand faut-il considérer que quelque chose est acquis si cela peut-être repris ?
Un acquis c’est pour combien de temps ? Un acquis c’est pour qui ?
Suivant la méthode expérimentée dans le domaine architectural, il y a ceux qui voudrait conserver de la « Maison France » la façade avec le fronton et changer tout l’intérieur pour moins de droits. En face, aujourd’hui, se dressent ceux qui souhaitent le changer pour plus de droits.
Moins de droits c’est dévaluer la Devise.
S’attaquer aux droits, c’est attaquer la mémoire de tous ceux, anonymes ou personnalités, qui se sont battus pour les obtenir.

Avec l’amende, certains technocrates, ont trouvé un filon qui touche le plus grand nombre. Amendes de stationnement, amendes d’excès de vitesse, amendes de train, amendes de métro, amendes de bus. L’amende est une taxe variable, trop variable même alors ils inventent des quotas qui sont appliqués par des sociétés privatisées. Ces quotas sont des objectifs qui peuvent être constamment modifiés discrètement. Ce n’est pas un hasard si les radars sont neutralisés par le mouvement des Gilets Jaunes. Nous verrons si cela a eu une incidence sur le nombre des morts sur la route.
L’amende est l’impôt insupportable par excellence car le plus injuste qui soit.
« En même temps », dans Paris et peut-être ailleurs, les trottinettes électriques ou les vélos des start-up peuvent stationner n’importe où.
Depuis M. Sarkozy, les amendes ne font plus l’objet d’amnisties alors que c’était très populaire.
Mais qui dit amende dit contrôle bien sûr !
Le contrôle est devenu une norme qui s’introduit dans le quotidien et produit une aliénation supplémentaire et artificielle qui répond aux seuls désirs de technocrates d’imposer cette nouvelle réalité sociale. Il parait donc assez surprenant de les accuser « d’être déconnectés de la réalité » puisqu’ils sont les créateurs de cette architecture sociale.
L’augmentation de toutes les charges des foyers touche à « l’écologie » économique des Français qui se retrouvent dans des situations précaires et instables. Ils se retrouvent aussi souvent surendettés, les fameux trente pour cent d’endettement pour vivre convenablement, qui peut encore s’y maintenir ?
Le contexte c’est aussi l’obsession sécuritaire et la multiplication du quadrillage video de l’espace public : Gares, Metro, Autoroutes. La surveillance.
Nous savons que la surveillance associée au big data est globale et nous acceptons de nous y soumettre pour répondre à l’ordre de la transparence.
Quels sont nos recours face à cette réalité ? Ce n’est pas le technocrate mais bien le citoyen qui est déconnecté et tout à coup, il réalise que quelque chose le dépasse de plus en plus. Quelque chose nous aurait-il échappé ?

Cette sécurité est au service de la nouvelle norme dans laquelle doit s’inscrire chaque individu. Cette norme fonctionne dans un ordre qui consiste à nous demander de renoncer à notre désir de citoyenneté car le consommateur est celui qui ne doit plus s’intéresser au sujet Politique. Il doit voter pour le candidat du pouvoir Médiatique détenu par l’Oligarchie. Le consommateur est celui qui reste à l’écart « des foules haineuses ». Pendant que les uns manifestent, il doit continuer son shopping quotidien. Tous les jours et en toute circonstances, il doit renvoyer l’image d’un individu épanoui, se photographier et accumuler les « preuves » qu’il vit dans le bonheur.

Ce contexte, Piotr Pavlenski l’a bien observé avec les yeux d’un étranger qui découvre un pays. La colère, il l’a entendu s’exprimer, le désir de révolte il l’entend monter des bas-fonds mais aussi d’ailleurs, de presque partout en fait.

Quatre éléments

Comment sortir de cette situation autrement que par la révolte ?

Cette question Piotr Pavlenski la pose en premier lieu à lui-même et peut-être aussi à son père qu’il a perdu définitivement l’année de ses 21 ans mais même avant sa mort, il a vu tomber celui-ci dans la résignation et l’alcoolisme.

« Après le communisme, mon père géologue ne travaillait plus, il n’arrivait pas à s’adapter au nouveau système qui se mettait en place. »

Ce père meurt d’une mort lente sans prise en charge de l’état. Piotr voit ça comme un suicide. « Je pence que mon père a faire cette type suicide lente, parce que il a fait confiance à l’État et a confié sa vie à l’État. Et puis il s’est rendu compte qu’il avait été trompé »
A partir de là, ses pensées politiques s’orientent vers une gestion des citoyens par eux même. Le citoyen ne peut pas compter sur l’Etat, il doit prendre en main son destin.

Dans les cinq mémoires pour l’instruction publique, Condorcet avertit que si la République fabrique des politiciens professionnels cela débouchera sur une nouvelle oligarchie qui confisquera le pouvoir du Peuple.

Piotr poursuit : « Balzac très important car il parle de la philosophie et de l’esprit néolibéral : c’est le personnage du père d’Eugénie Grandet, Felix Grandet. Cette histoire que j’ai lue dans la prison est très intéressante pour moi »

Oui Pavlenski est critique du néolibéralisme et en cherche la racine. Cette critique est évidente dans son œuvre Eclairage.

Je lui parle de Günter Grass, de l’entretien avec Pierre Bourdieu en 1999, qui disait que le néolibéralisme était une sorte d’anarchisme qui voulait supprimer l’État mais Pavlenski dit que ce n’est pas ça.

« Juste, c’est la mécanique qui a changé mais que l’état est toujours là et qu’il est de plus en plus fort. Il est de plus en plus fort contre le peuple, contre tous les opposants et autres indésirables. »
Il ajoute : « Le néolibéralisme c’est comme une secte. On demande juste à nous de croire et libéral media travaillent pour installer le croire. Le néolibéralisme c’est religion. Ceci est une religion de marché. Le néolibéralisme dit, que tout est un marché. Chaque interaction humaine est un acte d’achat et de vente.
Dans un premier temps, les libéraux m’ont soutenu. Mais aujourd’hui, les libéraux sont néolibéraux. C’est la même chose, mais avec un nom différent. Ils pensent en catégories de fanatiques religieux. Tout est construit Dieu/diable, Paradis/enfer. Tout ce qui sert le bloc de l’OTAN, c’est Dieu. Tout ce qui ne sert pas, c’est le diable. Pour moi, c’est difficile car c’est 21e siècle et ça continue. Après "Eclairage", les libéraux russes ont commencé à me empoisonner. De même, dans l’Union soviétique des années 1930, la nomenclature des partis avait empoisonné les personnes qui s’ingéraient dans leur pouvoir. Les médias libéraux occidentaux sont allés aussi loin que possible pour faire taire tout ce qui concerne Eclairage. Comme si rien ne s’était passé. Dans Russie, il y a des propagandistes soutenus par médias qui donnent des ordres pour dire si soutien ou pas soutien.
Quand je fais Menace, des propagandistes de Russie disent que je suis fou et d’autres propagandistes disent : Ah ça grand Art ! Mais avec Eclairage eux c’est l’inverse. Ceux qui me défendaient disent la même chose que ceux qui m’avaient attaqué : il est perdu.
Les gens qui me soutenaient en Russie se sont retournés aussi contre moi. Tout cela nous montre qu’il n’y a aucune différence entre les propagandistes du Kremlin et les propagandistes libéraux. Ils sont absolument identiques. »

Avec l’abstention, la crise de légitimité du pouvoir était prévisible par tous.
Ces personnes qui sont nombreuses dehors et dans leurs foyers qu’ont-elles en tête ? Elles attendent le retour de la vraie République car elles ont la nostalgie de l’harmonie qui va avec.
Mais ne savent-elles pas, que la République est toujours en mouvement et que de générations en générations, c’est le peuple responsable du progrès, qui veille sur elle comme sur ses propres enfants. Quand ses représentants manque à leurs devoirs, avec le cri du peuple, il apparait de nouveaux visages qui, s’ils ont la foi et sont loyaux aux éternelles valeurs, réussissent de nouveau, à rétablir le calme et quand ils travaillent dans le sens de plus de progrès sociaux, la douceur de vivre réapparait .

Il est incontestable que l’actuel président a été mis en place par l’élection et qu’il peut se prétendre légitime, le peuple peut dire : « oui nous vous avons élu » mais il a raison d’ajouter : « mais c’était pour nous représenter ».
En revanche, son argument qu’il a été élu pour son programme est un mensonge. Il ne tient pas car seulement trente pour cent y ont adhéré.
M. Macron ne peut pas faire comme si il avait été élu dès le premier tour. Il le sait, il devrait donc agir en conséquence, c’est-à-dire dissoudre l’assemblée puis nommer un nouveau premier ministre et pourquoi pas, finir son mandat. C’est comme ça en France quand c’est la démocratie.
Seulement voilà, il en est autrement, et un changement de masque apparait : celui du monarque autoritaire.
Un monarque autoritaire, le peuple n’en veut pas et le « Macron démission » vient de là.

Clair Obscur

Quelle différence entre art politique et art décoratif ?

Piotr a fait des études d’art. Dans une première école d’art traditionnel et dans une école supérieure d’Art contemporain. Il a une définition de l’art décoratif qui diffère de celle que nous entendons chez nous.
Son sujet c’est la mécanique du pouvoir qu’il décline en plusieurs thèmes.
L’air de rien et bien cachée « cette mécanique tourne grâce aux agents de décorations » nous dit-il. « Ces agents font partie de l’intelligentsia : artistes, écrivains, journalistes et autres qui la cautionnent ; une partie de la société collabore avec la mécanique de pouvoir. Cette partie est soumise par la peur du contrôle mais le plus souvent par l’argent » ou les deux.
Si Piotr exprime un dégoût pour la corruption intellectuelle, c’est qu’il vient d’un endroit où celle-ci s’est tellement développée qu’elle gangrène le moindre désir de création ou tout simplement de désir de vivre. « Tout y est fait pour servir le pouvoir et que se taise toute forme d’opposition. »

« En Russie, J’ai fait l’action, ou plus exact et plus correctement sera de dire que j’ai fait « événements de l’art politique ». La matière c’est photo, video, documents. Si je faisais une exposition de ces « événements de l’art politique » en France, ce serait donc dans un autre contexte, pour moi, cela deviendrait décoratif. Le contexte c’est le plus important. Si je travaillais pour commande du ministère de la culture de France, je tomberais dans production d’art décoratif. Pour moi tous les pays fonctionnent avec des systèmes de pouvoir plus ou moins élaborés et complexes qui visent à contenir la pensée critique. Je ne peux pas faire idéalisation de ce système. Je ne peux pas être un artiste décoratif. Ce n’est pas moi et je tiens à mon identité »

Mais Eclairage était aussi une action qui allait se dérouler juste avant la grande exposition organisée par Saatchi dans sa galerie de Londres. Exposition Saatchi, paradoxe et récupération ?
Saatchi, acteur incontournable du marché de l’art dont Annie Le Brun dans son dernier livre, nous rappelle que : « avant d’être le plus important promoteur de l’art contemporain en Angleterre, Charles Saatchi avait orchestré l’arrivée au pouvoir de Mme Thatcher » et son « there is no alternative » qui nous a contaminé.

« Pour Saatchi ? oui je sais qui est Saatchi bien sûr, je connais lui, je sais qu’il est un pouvoir dans l’art et dans la politique néolibérale mais si tu refuses de connecter avec tout le monde, ton opinion c’est seulement théorie.
C’est la même chose avec pouvoir médiatique si tu travailles qu’avec des journaux extrême gauche tu vas toucher cinquante personnes. Pour toucher le plus de monde il faut travailler avec journaux libéral. Pour l’exposition Saatchi j’ai compris que l’exposition était très engagée mais je voulais donner tout son sens au sous-titre : nouvelle révolution Russe et c’est pour ça que je me suis dit je vais faire Eclairage.* »
« Il y avait deux chemins possible :
soit les médias et le monde allait en parler et faire beaucoup de bla-bla dessus
soit ce serait « ta gueule » et ce serait le silence.
C’est ça aussi le chemin révélation.
C’est le silence des médias sur Eclairage qui dire la révélation.
médias doivent être objectifs.
Avant Eclairage je ne savais pas situation avec Médias, mécanique du pouvoir montre lui-même comme il est.
l’action peut détruire la décoration qui cache la mécanique et mettre à nu.
Qu’est qu’agent de décoration ? C’est chaque personne, chaque média qui dit par exemple « les médias sont libres » « nous sommes dans un système libéral nous sommes dans un pays libre »
Si je continuais à critiquer la Russie et si je me taisais sur ce qui se passe ici je serai un agent de propagande. Un agent de propagande soutient le gouvernement. Il le soutient toujours. Il répète le système c’est bien, c’est bien oui c’est très bon système…Il ment toujours pour argent pour respectabilité ou par peur
J’ai compris que des personnes voulaient que je fasse « spéciale narrative ».
Ils voulaient que je passe de rébellion, de dire que extrémiste d’avant est civilisé maintenant que lui ici. L’artiste rangé avec atelier, exposition, argent, respectabilité.
Ce n’est pas moi ce n’est pas ma vie. Nous avons une seule vie.
C’est ma mort si je ne décide pas ce que je vais faire et beaucoup de personnes attendent ça parce que eux ils ont fait ce choix de se ranger. Par exemple des artistes Russes qui rentrent dans le système du marché.
Quand j’ai pris mon statut de réfugié politique, j’ai pas dit que j’arrête l’Art Politique, j’ai pas menti.
Pour moi, pouvoir utilise culture pour propagande. C’est le pouvoir qui dit si le thème de l’artiste est bon thème ou pas. Maintenant, beaucoup d’artistes font art moralité, souvent aujourd’hui c’est l’art utile, c’est pas bien pour l’art.
L’art c’est un autre type de pensée
Le pouvoir ne soutient pas l’art, jamais. »

Les promoteurs de l’Art intègre dans ce qu’ils exposent une dose de contestation qui leur sert de vaccin qui permet d’éradiquer toute contestation à l’intérieur du corps néolibéral.
Ce qui existe, en dehors du cadre officiel de ces espaces immaculés, dans les OFF ou les bas-fonds de l’Underground, est immédiatement neutralisé. Le principe de sélection agit comme une déconstruction qui empêche la contestation de faire bloc et mouvement.
Avec l’expo « Art Riot » de Saatchi par exemple, nous devons comprendre que le lieu de la contestation, dans le monde, c’est la Russie, du coup, tout ça prend une forme particulière et avec Eclairage Pavlenski, a lui tout seul, change le cadre et l’angle de la proposition. Avec lui, la nature de l’exposition évolue et s’inscrit dans un cadre géopolitique beaucoup plus large.
Piotr Pavlenski avec Eclairage, « surmonte la Frontière »définie par la Saatchi Gallery ce qui explique peut-être, la métaphore du caillou. Pour certains, Piotr Pavlenski est vraiment ingrat. Non seulement, comme cela a été dit par le procureur le 10 janvier, vis-à-vis de l’état Français qui lui a accordé la protection mais aussi vis-à-vis du milieu de l’Art contemporain.
Le 13 novembre 2017, lors de la soirée de soutien pour Piotr Pavlenski, Caroline Moussion, agent d’Oleg Kulik disait qu’Eclairage remettait en cause le statut artistique de Piotr Pavlenski : « nous nous demandons si Piotr Pavlensky est un artiste ou un imposteur ».
Une façon d’expliquer aussi qu’un devoir de réserve s’imposait concernant son emprisonnement.

E comme Exil

Piotr avec Menace nous dit que le thème c’est surmonter, surmonter la frontière.
Mais dans cette thématique ne se trouve-t-il pas la problématique de l’Exil ?

A partir de quand y a-t-il Exil ?
A partir du moment où il y a danger pour la vie d’un homme, c’est à dire quand un ordre spécial a été donné. Peu de personnes peuvent prononcer ce type d’ordre.
L’homme qui « surmonte la frontière » expose sa vie si le pouvoir auquel il s’oppose est totalitaire mais sans le geste de celui qui surmonte, il ne peut pas y avoir « Eclairage » sur ce qui est.
C’est une évidence que tout le monde peut comprendre et accepter.
C’est le pouvoir totalitaire qui dit quand le dissident est allé trop loin et généralement, plus le pouvoir est totalitaire moins il tolère le « surmonter la frontière ». Quand la tolérance d’un régime au « surmonter la frontière » est nulle il est cent pour cent totalitaire.
En Russie, Piotr Pavlenski a été victime d’un coup monté par le FSB car Poutine ne pouvait pas se permettre de persécuter un poète (qui s’exprime dans la sphère artistique) car il tient à communiquer que la Russie est différente de l’URSS. Dans le contexte de la mondialisation ce n’est pas possible pour lui d’assumer quelque chose comme ça mais avec Menace, c’est différent. Avec Menace c’est lui qui est visé directement, il le sait. Avec cette accusation de viol, Piotr Pavlenski est entraîné sur un autre terrain que celui de l’art politique, sur le terrain de la criminalité.

« En Russie, pour "viol" donner une longue peine de prison. C’est le même comment meurtre. Parfois même plus. La prison en Russie est difficile. Surtout, si le prisonnier tombe dans la "prison noire". Les "prisons noires" sont celles dans lesquelles le contrôle est divisé entre l’État et le crime. C’est très bien pour prisonnier, si il tombe dans la "prison noire". Parce que dans la "prison noir" il peut rester lui-même et vivre en prison en paix. Mais si le prisonnier va à la "prison rouge", alors sa personnalité sera cassée. Les "prisons rouges" sont celles dans lesquelles le contrôle est absolument des policiers. Dans "prison rouges", prisonnier qui ne veut pas exécuter ordre il est battu, si il continu, les surveillants organisent un viol collectif, et après prisonnier qui est violé devient "intouchable". Il doit vivre séparément. Les autres prisonniers ne peuvent pas manger avec lui ni lui serrer la main. D’autres prisonniers peuvent lui faire faire le travail le plus sale : lavez les sols, les toilettes, lavez les vêtements aux autres prisonniers. Il est tout en bas de l’échelle et ne peut jamais remonter. Dans "prisons rouges" aussi il y a torture. Dans le processus de l’art politique, je n’ai jamais été victime. Mais si j’avais été condamné par le tribunal pour "viol avec menace de meurtre commis par un groupe de personnes", ce que je n’ai pas commis, je serais victime d’une calomnie pendant de nombreuses années en prison. Et pas seulement moi, mais aussi ma ex-petite amie. Oui, et deux enfants seraient également victimes, car s’ils restaient sans parents, ils se retrouveraient dans un orphelinat. Trop de victimes à cause d’une intrigue policière. Ou simplement une calomnie, qui s’est avérée bénéfique pour le FSB et la police. »

Quand il apprend les accusations, il comprend qu’il n’a pas une minute à perdre, cela devient une course contre la montre pour passer la frontière. En fait, quand il entre dans la mécanique du pouvoir une épée de Damoclès apparait, elle est invisible pour lui car c’est un secret. Secrètement une décision a été prise et ce qui peut arriver est susceptible de porter atteinte à sa vie.
Pour moi, c’est le donneur d’ordre qui définit l’instant qui déclenche la situation Exil. Dès cet instant spécial se joue une course contre le temps entre les chasseurs et le sujet. La « cible » ne peut pas agir tant qu’il ne voit pas clairement ce qui se joue contre lui.
Ce temps se situe dans l’instant d’avant la mort. La conscience de ce qui peut arriver terrorise la victime c’est le début d’une jouissance spéciale, celle du persécuteur. Ce temps d’avant la mort c’est une torture qui peut durer un temps très long ou très court et prendre des formes très diverses comme l’enfermement, la torture physique, la torture psychologique, l’exécution sommaire, le massacre collectif, le meurtre public, l’assassinat, mais quand l’ordre est donné le sujet change de peau, il rentre dans la peau du bouc émissaire.

Dans « Fixation » n’est-il pas aussi question du sujet place, quelque part ?
En attendant que Piotr trouve sa place, quelque part pour se « FIXER » ici-bas, il y a une place qui l’attend dans un ailleurs intemporel. D’ores et déjà nous savons qu’il sera présent dans la constellation des Exilés de l’Histoire.
Ce ciel étoilé vient recouvrir l’histoire de l’humanité dont une partie n’est jamais complètement révélée et connue de tous. La lumière dans cette partie du savoir provient de ces étoiles composées de victimes et de héros qui parfois se sont ou ont été sacrifiés. Dans cette constellation, il n’y a aucune place pour les imposteurs.

« Même dans les cultures les plus fermées, les hommes se croient libres et ouverts à l’universel ; leur caractère différentiels fait que les champs culturels les plus étroits sont vécus du dedans comme inépuisables. Tout ce qui compromet cette illusion nous terrifie et réveille en nous la tendance immémoriale a la persécution. Cette tendance emprunte toujours les mêmes voies, ce sont toujours les mêmes stéréotypes qui la concrétisent, c’est toujours à la même menace qu’elle répond. Contrairement à ce qui se répète autour de nous ce n’est pas la différence qui obsède les persécuteurs et c’est toujours son contraire indicible, l’indifférenciation. »

René Girard. Le bouc émissaire. coll Poche ed essais p35.

Constellation Exil

La Porte et la Fenêtre

Houching Etezad est architecte. En 1967, le sujet de son examen des Beaux-Arts pour son concours d’architecte c’était la porte.

La porte c’est un trou dans un mur, c’est une ouverture. On peut voir la porte sous différents angles. Au départ, on a créé la porte pour se protéger. Dans les grottes, il n’y avait pas de portes.
Ce qui est important c’est que tu peux ouvrir la porte des deux côtés.
On peut décider de condamner la porte et ça devient prison.
La fenêtre c’est plus important. On a créé la fenêtre non pas pour faire rentrer le soleil mais pour avoir la vue. L’Homme a besoin de voir. La raison principale au départ c’est la vue. Après des années et des années, on a pensé que ce serait peut-être intéressant de faire entrer le soleil ce qui a donné l’orientation des maisons. L’orientation des maisons ce n’était pas pour la porte, c’était pour la fenêtre.
Dans l’orientation il y a aussi le souci de préserver l’intimité et d’orienter le regard sur des choses agréables comme le jardin. L’orientation c’est vie privée.
On a ajouté aux fenêtres une quantité de choses : rideaux, volets pour voir ou se cacher, pour vivre avec la lumière. Nous avons aussi réfléchi à la fonction fenêtre qui pouvait faire rentrer l’air.
Aujourd’hui avec l’air conditionné, il n’y a plus besoin d’ouvrir les fenêtres ; on a donc retiré une partie de la liberté - la liberté d’ouvrir la fenêtre.
La technologie nous permet de filtrer l’air et la lumière. On décide de normes sur la base de critères idéalisés qui intègre une certaine idée de l’égalité : même température, même air pour tous ; mais plus on avance dans ce monde « moderne », plus on perd la possibilité de choisir et c’est la liberté qui est conditionnée. L’accès aux cours d’immeubles est sécurisé, on a perdu la liberté d’entrer. L’accès y est conditionné ce qui signifie que même la curiosité est réglementée. Plus on avance, plus on perd nos libertés fondamentales au nom d’un hypothétique bien être. Surtout, nous sommes en train de perdre la notion même de cohabiter.
« On » c’est le pouvoir, c’est nous qui avons donné le pouvoir aux politiques de décider pour nous. »

Aujourd’hui, Piotr a-t-il la réponse au sujet de Symétrie ?

« Maintenant, je peux faire le point. Je vais tout regarder et peut être, dans une demie année je verrai tout clair.
Mais aujourd’hui pour moi c’est clair dans qu’est-ce que c’est bloc libéral médias en France. Avant, juste j’imaginais mais aujourd’hui c’est clair pour moi. Existe-t-il une différence entre les systèmes des pouvoirs russe et français ? Bien sûr il y a. En Russie, un réseau se trouve à l’intérieur de la cellule de prison et l’autre à l’extérieur. Et en France, les deux réseaux sont en dehors de la fenêtre et l’ouverture est donc libre. C’est là que réside la différence. Dans la position des barres sur la fenêtre de la cellule de prison. »

Avec Piotr Pavlenski, nous sommes loin du cliché du pyromane déséquilibré qu’on pouvait voir ici ou là dans la plupart des médias.
Cette façon d’interroger sa santé mentale et d’installer, dans les esprits, le doute sur sa personne, renforçait le sentiment de défiance que la Russie avait instaurée.
Pour moi, avec le diptyque Menace et Eclairage, Piotr Pavlenski a marqué tous les esprits européens, en bien ou en mal, mais c’est une œuvre majeure. Avec les Gilets jaunes, espérons que sa vision se réalise, en tout cas, elle fait utopie.

Le néolibéralisme s’affirme par le sample, il prend à droite et à gauche, il déconstruit, il procède par recyclage et récupération car il n’a pas de programme politique. Son fantasme est de créer une nouvelle humanité et une nouvelle société. Il veut paraitre comme démocratique mais pour le néolibéralisme la démocratie est un mode politique archaïque qui ne fonctionne pas. Cette idéologie ne place pas l’Homme au cœur de son projet mais l’économie, elle s’impose avec le soutien des mass-médias que l’Oligarchie contrôle, par la transformation du droit et par l’usage de la force.. .
C’est pour ça que Pasolini voyait dans la société du spectacle une dictature de masse qui voulait en finir avec la Culture.
Le sujet le plus important est donc bien fenêtre puisque comme le dit l’architecte, fenêtre c’est point de vue, c’est air libre, c’est voir et respirer, c’est liberté et vie privée.
Dans le projet de société néolibéral, il y a le devenir insider et outsider. Dans cette vision de la société, tout le monde n’a pas sa place mais l’homme politique néolibéral est soit disant capable « d’empathie » pour les Autres, il « entend et comprend » celui qui souffre à condition que celui qui souffre se remette en cause. Pour lui, le sujet qui souffre n’est pas la victime, c’est le coupable.
Les néolibéraux ne sont jamais responsables, le problème vient toujours des autres.
Au pays du néolibéralisme, le Peuple est un objet qui n’existe pas.
Ces derniers temps M. Macron et certains de ses proches disent « j’assume » !, mais ils n’assument pas leur idéologie, ils la cachent.
Le point commun entre l’extrême droite et les néolibéraux c’est que tous deux veulent en finir avec les valeurs du Conseil National de la Résistance, les valeurs de la Révolution Française.

Le gilet Jaune est un grain de sable qui s’est glissé dans « la mécanique de pouvoir » que Piotr Pavlenski a explorée.
C’est au tour des néolibéraux de ressentir que quelque chose leur échappe.

Dans ma lettre de soutien pour sa libération du 13 novembre 2017 voilà ce que j’écrivais :

Le silence en France de madame la Ministre de la Culture (sur la situation de Piotr Pavlenski) est aussi une triste réalité. Ce silence est pesant et il y a souffrance à se remémorer que nous sommes passés d’un temps où les deux grandes figures d’un gouvernement étaient incarnées dans Culture et Diplomatie, au temps présent, ou le ministre de l’intérieur incarne presque à lui seul un gouvernement.
Vraisemblablement, nous sommes passés d’un mouvement d’ouverture vers un contraire qui est sans doute insupportable pour tous ceux qui sont attachés à notre Devise :
« Liberté Egalité Fraternité » et c’est un réfugié qui nous le rappelle.

Propos recueillis les 18, 20, 28 décembre 2018 et 11 Janvier 2019 soumis à relecture suivant notre accord afin de s’assurer qu’il n’y avait pas de soucis de traductions, retranscriptions.

Paris le 15 Janvier 2019 05h34.

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