[Photoreportage] Le dernier recours - Julien Pitinome

Etats d’urgence #2

paru dans lundimatin#170, le 19 décembre 2018

Les éditions Libertalia viennent de publier le second volet d’Etats d’urgence, une revue de photographie sociale et documentaire dont nous avions déjà publié les bonnes feuilles du premier numéro l’année dernière ainsi qu’un très bon texte d’Eric Fournier sur le rapport entre photographie et pouvoir ici. Voir le site de la revue www.etatsdurgence.com.

« Urgence sociale, urgence écologique, urgence humanitaire, il y a urgence et nous ne voulons pas être de simples spectateurs, de simples illustrateurs. Comme de nombreux autres photographes et journalistes, nous osons encore croire que les métiers de journaliste ou de photographe ne doivent pas être de simples caisses de résonance d’une actualité dont nous serions soustraits. »

On y trouve de nombreux photoreportages, sur l’Aquarius, avec les migrants dans les Alpes, à Calais ou dans les rues de Paris, au milieu de la ZAD ou des luttes sociales. Cette semaine nous publions ce photoreportage de Julien Pitinome intitulé Le dernier recours.

Au détour d’un post sur les réseaux sociaux, je découvre qu’un refuge pour animaux de la ferme organise des portes ouvertes à Wattrelos, à quelques kilomètres de chez moi. Ce 24 septembre 2017, je prends la route et je rencontre Christine Sardis. Cette « jeune fille », comme elle se définit, de 67 ans est à la retraite après avoir sillonné les rues de Roubaix dans le nord de la France avec son commerce ambulant. L’amour pour les animaux, elle l’a depuis toujours.

Dans cette ferme familiale, rue du Nouveau Monde, à Wattrelos, la vie avec sa demi-soeur a toujours été rythmée par la présence d’un grand nombre d’animaux. C’est tout naturellement que Christine s’est mise à s’occuper des animaux de la ferme voués à une mort souvent prématurée.

« Quand un animal n’est plus “utile”, l’attente dans le couloir de la mort ne se fait pas trop longue. L’euthanasie n’est pas une solution. »


Chevaux, poneys, ânes, chèvres, boucs, poules, cochons, oies… remplissent le vaste terrain de cette ancienne ferme transformée en refuge surnommé la Cour des miracles. Je me rends vite compte que la partie habitable de la ferme ne l’est plus trop. Elle est, comme le reste du bâtiment, donnée aux animaux. Chiens, chats, lapins et parfois quelques poules égarées y trouvent une place.

Plutôt loquace, Christine me raconte assez facilements on histoire. Après un drame familial qui a vu partir sa demi-soeur, Christine n’arrive plus à subvenir aux besoins des animaux qu’elle recueille et se retrouve seule. Sa retraite de 800 euros n’est pas suffisante. La nourriture, les soins vétérinaires et l’entretien du refuge sont à sa charge et dépassent largement ce qu’elle perçoit. Avec quelques voisins et amis, que je rencontre lors de mes visites mensuelles, elle décide de créer une association afin de recevoir de l’aide et du soutien dans sa lutte pour donner une chance aux animaux trop vieux, malades ou très abîmés par la vie. L’association Les Écuries du dernier recours voit le jour en avril 2014.

Christine se sent abandonnée par les pouvoirs publics. Épaulée par quelques bénévoles, elle donne tout à cette SPA pour animaux de la ferme. Des dettes importantes l’obligent à vendre la ferme de Wattrelos pour trouver un autre paradis qu’elle nomme « Paradou » pour ses « êtres adorés ». Christine, au gré de nos rencontres, me montre les différentes pistes envisagées pour l’avenir de ses animaux. Après six mois de recherches, un nouveau paradis est enfin trouvé. C’est à 500 kilomètres de la rue du Nouveau Monde que Christine et ses 120 animaux commencent une nouvelle vie, à la Roulonnière, près de Palluau-sur-Indre dans l’Indre-et-Loire. Le budget est serré et plusieurs mois sont nécessaires pour préparer ce déménagement particulier.

« Partir loin d’ici n’est pas un choix, mais une nécessité pour la vie de mes protégés. Je ne me pardonnerais jamais de les abandonner. »


Christine Sardis a dédié sa vie à la cause animale et ne compte pas en rester là. Offrir une famille et une fin de vie digne à ces animaux est ce qui lui permet de garder la force dans ce combat qu’elle poursuit, en paix, à la Roulonnière.

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