Phénoménologie de la violence politique : formes, sens et expériences sensibles de l’émeute.

Par Romain Huët

paru dans lundimatin#145, le 10 mai 2018

Romain Huët est Maitre de conférences à l’université de Rennes 2 ainsi que chercheur à l’Institut des Sciences de la communication (CNRS/Paris Sorbonne). A l’heure où le geste émeutier est redevenue une question morale pour les uns tactique pour les autres, il nous a fait parvenir ce très long texte qui a d’abord servi de support pour un séminaire à l’EHESS. Comme le titre l’indique il est question d’apréhender la violence émeutière depuis son expérience vécue, de l’émeute comme « point d’ébullition » du politique et « au bord de la politique en même temps qu’elle est son débordement. » Bonne lecture.

« Que reste-t-il au penseur abstrait quand il donne des conseils de sagesse et de distinction ? (…) Souhaiter seulement que ceux qui furent frappés ne s’abîment pas trop ? Faire des quêtes et des numéros spéciaux ? Ou bien aller soi-même y voir un petit peu, être un peu alcoolique, un peu fou, un peu suicidaire, un peu guérillero, juste assez pour allonger la fêlure, mais pas trop pour ne pas l’approfondir irrémédiablement ? Où qu’on se trouve, tout semble triste. En vérité, comment rester à la surface sans demeurer sur le rivage ? Comment se sauver en sauvant la surface, et toute l’organisation de surface, y compris le langage et la vie ? Comment atteindre à cette politique, à cette guérilla complète » (Deleuze, Logique du sens, Editions de Minuit, Paris, 1969, pp. 183-184).

Introduction

Cet article tente une phénoménologie de l’émeute afin d’éclairer l’expérience vécue de la violence émeutière. Il s’agit d’une tentative d’enquête sur l’immédiateté sensible de l’émeute. Ce qui m’intéresse, c’est de partir de la violence dans son immédiateté, c’est-à-dire de la violence en train de se faire afin d’appréhender comment la conflictualité physique surgit et se révèle dans le cours même de sa réalisation. En d’autres termes, il s’agit d’examiner l’expérience vécue de la violence émeutière en tant que celle-ci produit une série d’affects, de rapports sociaux, de pratiques symboliques et engagent une certaine thématisation du politique qui se manifeste par le corps et moins par la parole.

Il importe de souligner que ce propos ne qualifie ou ne disqualifie pas la violence émeutière. Est exclu toute perspective moraliste par rapport à la violence. Le souci est de ne pas exclure, entraver, domestiquer d’aucune façon les expressions de violence mais de les donner à penser dans ce qu’elles contiennent d’énergie. Il y a aussi la tentative de ne pas sombrer dans une esthétisation de la violence émeutière en montrant comment elle peut se vivre comme « joie » ou comme « pur objet de délectation » au risque d’en évacuer son sens politique.

L’analyse accorde donc une importance particulière à l’examen de la réalité sensible de l’émeute. Celle-ci est définie par des différentiels d’intensité exercés par la présence – en un même lieu et un même temps – de corps co-affectés dans leurs perceptions, leurs rythmes, et leurs déterminations. Il convient alors d’appréhender une émeute selon une perspective de « corps assemblés en des lieux » (Butler, 2016). Il y a, et c’est l’hypothèse que nous examinerons, une unité phénoménologique dans l’acte émeutier : cet acte se donne simultanément comme action et affection.

Si les émeutiers ont des opinions politiques, celles-ci sont pour l’essentiel symboliques. C’est plutôt la politique qui passe dans les sensations et non la sensation qui définit la politique. Mais l’émeute, telle qu’elle est pensée et vécue par ceux qui l’accomplissent, ne fait pas que répéter le politique en le faisant passer dans les corps. Elle étend le politique, lui donnant vie et densité, car au sein même du politique, elle libère les sensations habituellement contenues ; elle ouvre et fend le politique.

Le choix est ici de travailler une singularité, d’isoler l’émeute parmi tous les autres moments du politique. Il est évident qu’il s’agit là d’une part infime de la vie politique des émeutiers. L’émeute est donc une petite scène de la politique. Elle est le bord de la politique en même temps qu’elle est son débordement. Elle est une étude du politique à son point d’ébullition. Il s’agit là d’une invitation à penser à partir de singularités, de l’émeute comme singularité et à se demander ce que l’on peut retirer comme connaissance du réel des scènes de l’émeute.

1. L’émeute comme « scène », comme « machine désirante »

"De quoi se compose l’émeute ? De rien et de tout. D’une électricité dégagée peu à peu, d’une flamme subitement jaillie, d’une force qui erre, d’un souffle qui passe. Ce souffle rencontre des têtes qui pensent, des cerveaux qui rêvent, des âmes qui souffrent, des passions qui brûlent, des misères qui hurlent, et les emporte. Où ? Au hasard. À travers l’État, à travers les lois, à travers la prospérité et l’insolence des autres. Les convictions irritées, les enthousiasmes aigris, les indignations émues, les instincts de guerre comprimés, les jeunes courages exaltés, les aveuglements généreux, la curiosité, le goût du changement, la soif de l’inattendu, le sentiment qui fait qu’on se plaît à lire l’affiche d’un nouveau spectacle et qu’on aime au théâtre le coup de sifflet du machiniste ; les haines vagues, les rancunes, les désappointements, toute vanité qui croit que la destinée lui a fait faillite ; les malaises, les songes creux, les ambitions entourées d’escarpements ; quiconque espère d’un écroulement une issue ; enfin, au plus bas, la tourbe, cette boue qui prend feu, tels sont les éléments de l’émeute. […] Ce qu’il y a de plus grand et ce qu’il y a de plus infime les êtres qui rôdent en dehors de tout, attendant une occasion, bohèmes, gens sans aveu, vagabonds de carrefours, ceux qui dorment la nuit dans un désert de maisons sans autre toit que les froides nuées du ciel, ceux qui demandent chaque jour leur pain au hasard et non au travail, les inconnus de la misère et du néant, les bras nus, les pieds nus, appartiennent à l’émeute. […] L’émeute est une sorte de trombe de l’atmosphère sociale. […] Si l’on en croit de certains oracles de la politique sournoise, au point de vue du pouvoir, un peu d’émeutes est souhaitable. Système : l’émeute raffermit les gouvernements qu’elle ne renverse pas. Elle éprouve l’armée ; elle concentre la bourgeoisie ; elle étire les muscles de la police ; elle constate la force de l’ossature sociale. C’est une gymnastique ; c’est presque de l’hygiène. Le pouvoir se porte mieux après une émeute comme l’homme après une friction. Victor Hugo, Les misérables.

L’émeute est une scène : une scène d’intensités et d’affects. Évidemment, les émeutes sont hétérogènes en fonction de leur taille, des lieux, et de l’intensité du climat politique. Elles se laissent difficilement décrire dans un compte rendu unitaire et synthétique. Néanmoins, nous pouvons déjà mettre en avant quelques caractéristiques pour en approcher la forme et le sens.

1) L’émeute est d’abord une scène d’intensité. Elle est vibration. Dans l’émeute frisonne quelque chose. Ces « quelques choses » sont des corps qui tremblent, qui sursautent et qui sont aussi gagnés par une excitation contenue. Il n’y a guère de déchaînement dans l’émeute. Par exemple, le cortège de tête n’est rien d’une multitude hystérique et incontrôlée.

Être de chairs, les émeutiers sont affectivement au monde. Ils luttent avec et à partir de leurs corps. La proximité des corps des émeutiers fait jaillir le sentiment d’une symbiose temporaire avec les autres corps affectés. L’émeute est affection du corps. Celui-ci éprouve toute sorte de sensations : la chaleur sous les masques et les écharpes, l’irritation des gaz lacrymogènes qui prennent à la gorge et, en de plus rares occasions, la douleur d’une grenade mal explosée, d’un tir de flash ball ou d’un coup de matraque. Dans son immédiateté, il ne faut guère voire l’émeute comme une opération stratégique. Elle est plutôt quelque chose qui s’éprouve comme une constellation de sensations, de passions et d’émotions éprouvées avec d’autres. En cela, les corps sont affectivement au monde ; l’émeute est un tourbillon d’affects.

2) L’émeute est « déplacement » ; déplacements saccadés des corps en fonction des affrontements. Presque immobiles, les corps reculent brusquement au moment des premières grenades lacrymogènes. Nombreux sont alors ceux qui tentent de calmer les plus effrayés dans leurs tentatives désespérées de s’échapper des zones de turbulences : « ne courrez pas » entend-on régulièrement au milieu de la confusion et parfois de la peur. Les corps se heurtent les uns aux autres, se désolidarisent parfois au sens où chacun est tenté de s’extraire par lui-même de la situation critique. Il y a aussi des solidarités improvisées. Un corps qui chute rencontrera toujours des mains pour le relever. Un corps blessé trouvera toujours des soins. Les corps se gênent aussi dans les moments les plus critiques. Quand les émeutiers sont forcés d’emprunter des rues étroites sous la pression policière, il n’est pas rare de voir des scènes proches de la panique. La densité des émeutiers face à l’étroitesse de la rue, ralentit jusqu’à gêner complètement la progression des corps. En ces moments, les corps sont co-vulnérables et exposés à la violence policière. Cette conscience de la co-vulnérabilité agite fiévreusement chacun. La frayeur se multiplie encore lorsque se fait entendre le son du choc des matraques qui se cognent entre elles avant de frapper les corps des premières lignes. Les émeutiers se retournent anxieusement pour apprécier l’avancée de la charge. Celle-ci semble s’approcher dangereusement de soi. L’émeutier presse le corps qui, devant lui, paraît bloquer toute progression. Il entre sa tête, l’incline, se colle au corps qui est devant lui pour atténuer les effets d’un éventuel choc des matraques. Cela ne dure que quelques secondes car les charges policières sont très circonscrites dans le temps et l’espace. Elles ne dépassent guère les cinquante mètres.

Plus rarement, les émeutiers percent l’espace. Ils se mettent à courir alors quand la rue se dégage soit parce que la police recule, soit parce qu’elle se retire. Ces brefs moments exaltent les participants. Ils sont accompagnés de cris de joie, de déterminations, de visages soulagés et joyeux. Les émeutiers se précipitent alors dans la rue tel un torrent. Ils sont traversés par quelque chose d’intense qui défie partiellement la peur et qui s’incarne dans le corps qui court, qui saute ou qui s’élance comme s’ils étaient lâchés en un essor puissant. L’émeutier impatient se libère. Néanmoins, il y a de nombreuses limitations et neutralisations de l’intensité. Le déferlement est toujours bref. Non loin de là, les forces de l’ordre réapparaîtront et l’emporteront sur ce déferlement. Le torrent ne se déverse que par à-coups avant d’être contenu. D’ailleurs, une émeute réussit lorsque le torrent déborde et qu’il n’est plus possible de le contenir. Les forces donnent la sensation de se fondre et de se confondre les unes aux autres. Pour les plus téméraires, et ceux-ci sont peu nombreux parmi les individus qui forment ce que l’on appelle dorénavant le « cortège de tête », les contacts directs avec les force de l’ordre sont éphémères et à distance : jets de pierres, de bouteilles, et, quand la densité du cortège de tête le permet, tirs de mortiers et plus rarement de cocktails Molotov. L’émeute est aussi rythme. Le rythme de l’émeute détermine sa joie. Le rythme selon lequel les émeutiers bougent leurs corps est important. Les courses sont longues, les trajets usent les corps, les fatiguent. Il s’agit là probablement d’une communication des corps ; vitesse des contacts, des heurts, des échappés. Une émeute réussie est une émeute où les forces de l’ordre ne cessent d’être dominées sur le plan du rythme (ils courent après les émeutiers), ils sont confondus dans la ville. « Nous promenons nos poulets » scandés par les émeutiers traduit cette joie de voir le pouvoir à la suite des émeutiers. Imposer son rythme est le principal objectif des émeutiers.

3) L’émeute comme perpétuel échec. Peu nombreux sont ceux qui assument une confrontation directe. Ces derniers s’accroupissent sous une banderole renforcée qui les protège relativement des tirs de flashball ou des éventuelles charges policières imprévues. Les corps assemblés avancent lentement, à petits pas mais sans trouble, jusqu’à gagner la bonne distance avec les forces de l’ordre. Mais en règle générale, les objectifs ne sont jamais initialement clairs si ce n’est qu’il faut maintenir une intensité, faire reculer la police de quelques mètres, faire céder le barrage d’une rue. Mais, dans l’immense majorité des cas, l’attaque contre la police se transforme en fuite. L’épreuve est presque systématiquement un échec. Même lorsque des pierres ou cocktails molotov sont jetés sur les policiers, les tireurs ne parviennent pas à atteindre leur cible. Le geste est continuellement un échec. Le résultat est donc rarement celui qui est escompté. L’émeute est un échec perpétuellement reconduit. Le corps à corps avec les force de l’ordre est exceptionnel, ponctuel et éphémère. L’essentiel se fait à distance. D’ailleurs, on remarquera que la plupart des techniques utilisées pour administrer la violence sont des techniques de distance : pierres, cocktails, feux d’artifice, tirs de mortiers. Les battons sont plutôt rares. Les boucliers inexistants. Cette distance ne s’explique pas seulement par l’asymétrie des rapports de force entre les émeutiers d’un côté et les forces de l’ordre de l’autre. Par exemple, il n’est pas rare de voir des forces de police isolées voire nassées par les manifestants. En ces moments-là, la violence ne se déchaîne jamais. Il s’agit plutôt d’inspirer la crainte mais de laisser aux forces de police le moyen de se dégager de la situation. La distance est surtout moins impliquante psychologiquement. L’essentiel est de se rendre insaisissable, de perturber plutôt que de blesser. Il s’agit de gêner, de s’approcher des forces de police mais sans être vu ou à la portée de leurs mains. Il importe de se dégager d’un contact trop direct avec les forces de police. Autre exemple, le jet de pierre fixe. Il a davantage lieu lorsque des barrières sont mises en place. Rares sont aussi les attaques quand les forces de l’ordre ne sont pas équipées. Ceci ne s’explique pas nécessairement par la position momentanée de vulnérabilité des forces de police, mais par la nécessité pour les émeutiers de dépersonnaliser la cible : la cible est d’autant plus importante qu’elle est prête à la violence. Rares sont les émeutes qui commencent quand les policiers ne sont pas prêts. On attend qu’ils aient leurs casques, leurs boucliers, bref qu’ils soient visiblement prêts à en découdre. Selon les termes de R. Collins, il s’agit probablement de l’évitement d’une « confrontation psychologique » avec l’adversaire (Collins 2008). Les émeutiers sont doués pour l’évitement de la confrontation. Ils jouent plutôt une comédie : inspirer de la crainte par la détermination et surtout par son expression : certains cris simulent la détermination et sont censés aider chacun à dompter la peur, mais aussi les blousons et sacs à capuche noirs, les pierres, les masques, les corps rassemblés. Il s’agit d’éléments « d’entraînement émotionnel » (Collins, 2008 : 248). Il y a là la recherche d’une expérience fondamentale de l’émeute : se trouver un rythme commun, un partage des affects, une tension vécue communément (panique, joie, peur). En quelques sortes, il s’agit de dominer émotionnellement la scène, repousser les barrières de la peur (peur qui s’exprime très rapidement à la moindre réaction policière). L’essentiel de la situation sociale est l’expression de la domination émotionnelle avant toute tentative d’atteinte physique concrète. Les probabilités de blesser un policier sont sommes toutes faibles. Exemple, aux invalides, trois policiers étaient face à 50 personnes. Il y eut beaucoup d’intimidation, mais les heurts ont commencé lorsque les forces de l’ordre disposaient d’un moyen de sortir et que des renforts étaient arrivés. Ce que je veux dire ici, c’est que la violence est domestiquée, elle n’est jamais vécue comme un relâchement ou un pur défoulement incontrôlé.

4) L’air se remplit aussi de frissons, de couleurs, d’odeurs et de bruits sourds. Les barricades sont faites de poubelles et de mobiliers urbains à portée de mains. On y entend des cris d’encouragement, une fanfare parfois comme autrefois où il existait des roulements de tambour. L’émeute est sons et couleurs : fumées blanches, parfois jaunes, des gaz lacrymogènes, fumigènes, feux d’artifice, feux de poubelles, etc. Elle est bruit : poubelles qui glissent et tombent dans la rue, fracas de vitrines et cris de joie quand celles-ci cèdent, marteaux qui cognent les vitres, caméras et autres panneaux publicitaires, pétards, grenades assourdissantes et lacrymogènes qui fusent dans le ciel. L’émeute trouble les sens et donne à voir un paysage confus. Le monde perd de son évidence. La ville devient un espace confus où les repères changent. Cela procure aussi l’anxieuse sensation physique d’un espace qui se ferme, emprisonné par les colonnes des forces de police. Tout paraît étroit, très étroit, la condensation de la foule ajoutant à cette sensation de manquer d’air et d’espace. Seule, sur la zone de conflictualité, l’espace s’ouvre dans une agitation fiévreuse. Les mouvements se font plus rapides. En ce sens, on ne peut parler de l’émeute que comme d’une nuée ou d’un brouillard.

5) L’émeute suppose une « commune humeur » ou bien une ‘commune tonalité affective’. Dans une émeute, une petite minorité exprime cette volonté d’en découdre. La plupart reste en retrait des affrontements, observent, regardent, ou graphent. Cependant, dans le cortège de têtes, les personnes partagent un même état d’esprit, une même humeur. Celle-ci pourrait être l’attente de l’éclat de la violence, d’un chaos vécu. Rejouer le chaos en quelques sortes pour rejoindre l’état d’effervescence, les débordements, l’enthousiasme collectif et obliger le pouvoir à administrer la force, c’est-à-dire à prouver sa puissance et à ressentir cette puissance dans les corps. En témoigne par exemple la fierté des émeutiers lors des blessures non-graves qu’ils ont reçues : des bleus, des traces de flashball dans les cuisses, sont autant de corps marqués qui ont vécu la violence du pouvoir alors qu’habituellement cette violence est plus imperceptible, plus équivoque. Il y a dans la blessure du corps l’évidence de la violence du pouvoir. Dans leurs corps, s’inscrit la trace de l’émeute réussie. L’humeur commune est soutenue par la circulation des émotions au milieu des individus : la peur, l’excitation, le sentiment de poser un acte significatif dans le réel. D’ailleurs, avant les confrontations, il n’est pas rare de voir des émeutiers traîner des poubelles derrière eux sur des distances longues. Le geste a quelque chose d’insensé au sens où il n’aide pas l’émeute. Mais il en donne la constance.

6) L’émeute est spectacle : la violence prend la forme d’un spectacle, c’est-à-dire que ses auteurs lui donnent une forme idéalisée : odeurs, bruits, confusion des sens. A Nantes, alors que les émeutiers reculaient après une attaque lointaine des forces de l’ordre, l’un des participants, tout satisfait et manifestement joyeusement étonné s’exclama : « Putain, c’est la guerre ici ». Le spectacle est aussi la présence de « spectateurs » : les individus sont occupés tant par les gens qui les regardent que par leurs adversaires. Il y a des catégories très différentes de spectateurs : ceux qui regardent l’air effrayé, l’air consterné, ceux qui prennent plaisir au désordre, ceux qui filment, ceux qui applaudissent pour accompagner les gestes des casseurs. Toujours selon R. Collins, un « public proactif semble donc être un facteur relativement important du déclenchement, de la durée et de l’ampleur de la violence » (p. 244). Les membres présents, généralement non violents et dont l’unique acte consiste à être là, soutiennent les émeutiers et créent un « espace d’attention à l’acte violent ». La violence s’exerce sous la forme d’un spectacle. L’émeutier est concerné par celui qui le regarde et pas seulement par son adversaire momentané. Ce qui apparaît assez clairement dans le cadre des émeutes, c’est qu’une minorité fait acte de violences et qu’une majorité tient la position de spectateurs passifs créant ainsi un espace d’attention à l’acte violent.

2.1 L’émeute comme « événement » et « thématisation du politique »

2.1.1 L’émeute est vagabonde et non discursive

Le caractère éminemment politique de l’émeute ne fait aucun doute. En règle générale, il est plutôt convenu d’interpréter la « radicalité » des gestes comme une pulsion de vie politique. Les émeutiers forment une masse d’individus en quête d’élaboration d’une réelle vie politique. La participation aux manifestations sauvages ou aux émeutes n’est qu’un temps de la vie consacrée à l’expression de cette pulsion de vie politique. Celle-ci se fait aussi dans des champs à la campagne, dans des ateliers, dans des bars associatifs, des squats et bien d’autres lieux. De façon tout à fait générique, cette aspiration à la vie politique est la construction d’un temps vécu dont les fondements consistent à ajuster l’expérience quotidienne de la vie aux espérances révolutionnaires. Par exemple, il n’est pas étonnant de voir les zaddistes de Notre-Dame-des-Landes se défendre physiquement face à l’évacuation mais d’avancer également à l’envie cette idée généreuse : « ici s’inventent des formes de vie qui tentent d’échapper à l’emprise capitalistique et qui vise à la réappropriation du vécu, des sociabilités ainsi que de l’environnement matériel et naturel ».

L’émeute a une tonalité politique qu’elle emprunte largement aux registres romantiques. Elle est aussi événement au sens où elle peut être vue comme un moyen de forger des liens, de laisser place à des compositions de forces inattendues, et à des alliances passagères suivant un principe d’égalité des valeurs. Il est possible de participer à une émeute en ne faisant rien d’autres que de manifester sa présence, d’être-là, d’accompagner. Être dans une émeute, c’est déjà être connecté avec d’autres. La quête n’est pas identitaire. Elle n’est pas de former un « nous » s’alignant sur une condition partagée éprouvée dans l’instant. L’émeute vise plutôt à vitaliser des relations ; elle recherche une solidarité, une expérience commune, des affects partagés, de la joie. L’émeute est une machine désirante. Elle est un phénomène de propulsion affective, l’expression d’une énergie excédante.

L’émeute relève aussi du désir de produire un spectacle ; faire de l’émeute une forme sociale de l’envie. L’abondance des caméras, l’importance de l’acoustique et des couleurs sont des éléments clefs de ce spectacle : un spectacle de tensions [1]. Le film « insurgence » de E. Bordeleau (2014) à propos de la grève au Québec (Printemps Erable) en est l’exemple concret. Ce qui est mis en spectacle, ce n’est pas seulement l’esthétique de la violence, mais plutôt « une politique des corps impliqués et inscrite dans l’élément historique ». Car, comme E. Bordeleau le défend à propos de la grève, l’émeute expose le politique dans son caractère éminemment dramatique ; on y voit des vies intensifiées par la lutte, des vies polarisées par l’exigence d’un passage à l’acte (mettre son corps en danger) et les risques qu’elles encourent. Elle est l’expression de vies qui s’abîment. Elle allonge la fêlure jusqu’à un certain point. L’émeute indique une politisation dans la mutilation. De fait, ce que dit l’émeute, c’est que la vie politisée est aussi en partie une vie brisée (Bordeleau, 2014) La politique est drame tout autant que chaque sensation couve un potentiel insurrectionnel d’une vie qui gagne en amplitude et de collectifs qui façonnent leur consistance affective. L’émeute est accès concret et vibrant à un réel qui étouffe et mutile (Bordeleau, 2014).

L’émeute est donc événement, mais elle est aussi « thématisation du politique ». Si celle-ci est parfois difficile à saisir, c’est sans doute parce que l’émeute est largement non-discursive et vagabonde. Comme ceci avait déjà été évoqué dans un article paru en 2016 (https://lundi.am/La-sagesse-des-casseurs), le casseur ne cherche pas le meilleur argument car il ne possède ni ne diffuse aucune connaissance dans laquelle il s’agirait pour lui de se reconnaître. Il ne parle qu’au moyen d’énigmes. Une vielle dame ramasse un bout de vitre brisée : elle tient dans sa main la totalité de l’énoncé, mais elle ne peut entretenir avec lui qu’un rapport oblique à la vérité car cet éclat n’enseigne rien. La liberté du casseur est qu’il n’est assujetti à aucune obligation de parole. Il restitue simplement la vérité sur le terrain des sensations : sensation thermique des poubelles fondant sur le pavé, sensation olfactive de la peinture s’étalant sur les murs, sensation auditive du bruit des vitres brisées. Les métamorphoses et les cicatrices qu’il laisse sur son trajet sont les modalités de son dire-vrai. Qu’importe qui casse, le dire-vrai du casseur est impersonnel.

Plus largement, l’émeute n’a pas de mots d’ordre ou alors ceux-ci sont d’une telle généralité qu’ils ne se donnent pas aisément à comprendre. L’émeute n’est pas non plus une pure excitation momentanée ou une rage qui se déverse confusément. Elle est plutôt une colère froide, contenue et dirigée en des symboles précis. Cette colère est démonstrative au sens où elle retourne contre le pouvoir sa propre violence. L’émeute est alors réaffection car elle redonne à la vie sa teneur émotionnelle. On remarquera que, dans les mots d’ordre des émeutiers, il y a moins la référence au vécu, à une analyse de l’état du monde, qu’à une consistance définie par les gestes eux-mêmes. Le geste est événement comme pur sens. Par exemple, la casse est un acte de silence qui dit l’être des choses : vitrines brisées, graphs et éclats de peinture sont autant de marques par lesquelles ce qui est dissimulé – la corruption, l’agression de la vie par l’économie, la dépossession – advient à la vie perceptive.

2.1.2 L’émeute est un geste d’appel : plainte et porter plainte

Toujours sur le plan politique, l’émeute peut être considérée comme un « geste d’appel » de sujets qui ont la sensation de se manquer en ce monde-là. Cette expression, empruntée à G. Didi-Huberman (2016) qui l’emploie dans un tout autre contexte, désigne à la fois l’expression d’une plainte et d’un appel à l’intersubjectivité. Dans l’émeute, il n’y a pas de sujets. D’ailleurs, ces derniers prennent le soin de se dissimuler sous des masques et des écharpes même lorsqu’ils ne déploient aucune violence au cours des manifestations. Ceci signifie qu’il n’y a pas de sujets mais plutôt des agencements collectifs d’énonciation.

Précisons cette idée. En premier lieu, l’émeute expose une plainte ou plutôt un manque. Elle exprime un sujet qui se manque. Elle expose au pouvoir ce qui manque à la dignité de l’individu. L’émeute ne célèbre rien, mais elle confie plutôt à l’oreille les sensations persistantes que suscite un monde où l’on se perd, où l’on se résigne, où la vie est empêchée et où aussi, la protestation est toujours reconduite. En ce sens, il n’est pas étonnant que, pendant la Loi travail, la formule « Le monde ou rien » était scandée continuellement par les manifestants et écrite sur nombre de murs de France. Le geste est politique au sens où il s’agit d’une plainte de sujets qui se manque du fait de l’absence de monde, ou plutôt, d’un monde étroit et inappropriable. En second lieu, cette plainte ne tient pas uniquement à ces quelques formules. Par l’insubordination et la violence, la plainte se transforme en « porter plainte ». De là, on comprend mieux le sens d’une émeute. Elle est de susciter un événement étroit et sans envergure au sens où l’émeute n’est jamais conséquente en termes de transformations politiques. Mais, cet événement a de particulier le fait qu’il échappe au pouvoir, qu’il joue avec lui. L’émeute déclare alors l’impouvoir en creusant les failles du pouvoir. Pour être plus précis, elle objective les pannes du pouvoir dans la mesure où celui-ci doit se déployer massivement pour contenir relativement la puissance de l’expression émeutière. Mais surtout, elle objective le pouvoir.

Que signifie objectiver le pouvoir ? Dans l’action émeutière, ceci se perçoit dans deux modalités différentes :

  • Dans le rapport aux forces de police,
  • Dans le rapport à la casse
  • Dans le rapport aux forces de police
    Objectiver le pouvoir signifie que celui-ci, en réponse à l’action émeutière, est obligé de se manifester dans sa forme la plus élémentaire et la plus brutale, c’est-à-dire par la violence. Objectiver le pouvoir, c’est l’obliger à se rendre visible et à frapper les corps des ingouvernables. En bref, c’est l’obliger à se mettre en actes corporellement. Or, ceci est assez inédit car le pouvoir a plutôt tendance à se faire discret, imperceptible, indéchiffrable, diffus, dispersé et sans centre. L’émeute est alors une réponse à cette illisibilité du pouvoir. En le provoquant, elle l’oblige à se manifester dans ses formes les plus crues et les moins sophistiquées. En d’autres termes, le sens politique d’une émeute est de provoquer le surgissement du pouvoir en l’obligeant à des actes de violence dont la portée et le sens sont sans équivocité.

En quelques sortes, par l’affrontement, l’émeute est dépotentialisation momentanée du pouvoir. Elle organise un face à face avec le pouvoir qui, ordinairement, n’est pas vécu. Or, ce face à face n’a pas d’intéressant le fait que les émeutiers puissent prendre le pas dans ce corps à corps avec la police. Ceci est plutôt rare. L’intérêt de ce face à face est qu’il permet de distinguer plus strictement le pouvoir et ses limites. Le pouvoir se déplace lentement, il ne s’adapte pas vraiment aux situations, il s’essouffle, il préfère se tenir à distance, il frappe indistinctement, etc. Le fait de courir sur une durée assez longue est par exemple le meilleur moyen d’accroître la désorientation des forces de police. Celles-ci se déplacent lentement et lourdement. En même temps qu’elle dépotentialise le pouvoir, l’émeute creuse donc sa vulnérabilité. Les courses rapides des émeutiers ouvrent à la possibilité de prendre les forces de l’ordre en surprise. Dès lors, la vulnérabilité de forces pourtant puissantes se fait jour. D’ailleurs, on remarquera que le fait de créer la surprise (arriver dans le dos de la police, encercler des policiers en faible nombre et non préparés à l’affrontement, etc.), et de constater que ceci est vécu comme tel par l’adversaire, est également déterminant dans l’amplification de la violence. Dans les courses poursuites rapides, les gestes de violence se font toujours plus intenses que dans un face à face statique. Ce sont dans ces moments où on peut jeter un pied sur un rétroviseur de voiture de police, faire tomber une moto d’état, etc.

  • La casse où la dépotentialisation du pouvoir sur le plan matériel
    L’émeute n’est pas seulement l’objectivation du pouvoir, mais aussi son altération sur le plan matériel. La consistance de l’action de casser réside ici. Ses destructions renferment une charge de réalité. Le cours habituel des choses est interrompu. Le paysage est transformé. Dans ces rues où il devient aisé de repérer le trajet exact des émeutiers, la vue de chaque parcelle du pouvoir égratigné ou vraiment explosé communique ce désir d’un certain monde. La casse des symboles du pouvoir est ce qui se communique. Elle s’offre au regard, à la fois ce qui rend visible ce qui peut, et doit, à tout prix, traduire cette fragilité « malgré tout » du pouvoir. Le pouvoir est d’ailleurs réduit à mettre en place des planches de bois sur ses vitrines pour éviter de nouvelles casses. Le pouvoir est alors à nu ; les images des destructions volontaires montrent un pouvoir égaré, vacant et vide. Il bat manifestement en retraite. La casse touche l’orgueil du pouvoir en l’obligeant à masquer ses efforts en marketing par d’immenses planches en bois censées protéger les vitrines. Sa perte est visible et il ne peut rien faire. Il n’est pas rare d’ailleurs de voir des enseignes faire descendre ses travailleurs pour faire opposition passivement aux casseurs. La situation est vécue par les émeutiers comme un amusement. L’effondrement y trouve ses éminents témoins passifs et impuissants ; des témoins de choix que le casseur ne pouvait qu’à peine rêver. Le lendemain, le paysage est allégé. Avec leurs fragiles planches de bois, les banques ou assurances deviennent interchangeables, indistinctes et homogènes. Ne survit que leurs ternes logos souvent raturés sous l’effet du passage des manifestants. Ces institutions se soustraient enfin au regard public. L’une des premières victoires de l’émeutier est ici : il a effacé momentanément la fierté orgueilleuse des établissements qu’il tient pour responsable de sa dépossession et qui s’exhibe dans l‘espace public. L’émeutier éprouve probablement cette sensation de clarifier l’espace des possibles. Face à l’illisibilité du monde, il en offre une version épurée. L’espace public s’offre alors à un autre regard : celui des graphes.

La casse et la saturation de l’espace par les graphs témoigne de ce désir de monde : désir qui consiste à faire de la rue autre chose le lieu que du spectacle d’une rencontre avec le pouvoir. Elle est aussi la contestation de la rue en tant qu’espace de circulation. La rue est un espace à (ré)investir, un espace de manifestation et d’apparition d’un sujet politique qui entend (re)posséder ce qui lui a été soustrait. Cette tentative de réappropriation se perçoit dans les tags, mais aussi dans toutes sortes d’événements organisés en amont ou en aval des manifestations : kermès, bals et autres banquets. Les manifestants font apparaître ce qui n’est plus vue depuis longtemps : la ville comme lieu d’initiatives spontanées, comme lieu où les individus se rencontrent, bavardent et s’organisent. Bref, elle instaure un monde dont on a oublié l’existence. Par exemple, dans chaque émeute raisonnera le slogan : « et la rue, elle est à qui ? Elle est à nous ». En règle générale, ce slogan est scandé d’autant plus fort que les rues se vident, que les magasins baissent à la hâte leurs stores, que la circulation se bloque et que les passants se font rares. L’espace se vide et donne cette sensation d’une pure présence au présent.

La simulation du chaos

L’émeute est simulation du chaos. Elle ne consiste pas seulement en l’affrontement avec les forces de l’ordre. Elle opère aussi des destructions bruyantes, des percées et des courants d’air. Le sens de ces fulgurances destructrices n’est pas de faire surgir une révolution ou des idées politiques radicalement nouvelles. Il est plutôt de faire surgir une vision et un son qui illuminent momentanément les sensations. En effet, la destruction est bruyante : le fracas du marteau sur la taule ou les vitres, les débris de verre dispersés sur le sol, les bouteilles de verre renversées de leurs containers, etc. La destruction crée également un vide ; un vide coloré par les nuages de lacrymogènes, de feux d’artifice et autres fumigènes. Produire un chaos coloré et bruyant fait surgir un état de confusion comme si, physiquement et dans le champ de la perception, les formes, les règles, les déterminations habituelles qui contraignent la vie étaient momentanément suspendues. Si le déchaînement collectif est momentanément rendu possible, c’est parce que les déterminations habituelles du monde paraissent perdre de leur efficacité jusqu’à être annulée. Il n’est alors pas étonnant de voir qu’une émeute ou une manifestation sauvage commencer toujours par le geste de renverser des poubelles, de les trainer par terre, afin de se procurer quelques projectiles empilés dans un caddy de supermarché, mais aussi simplement pour se laisser saisir par le son émanant du choc des bouteilles entre elles. La consistance n’est pas dans le geste de renverser la poubelle, mais dans la création d’une atmosphère préparatoire au chaos.

Le sens de cette simulation du chaos est d’une telle importance qu’il nous faut y revenir. Dans l’émeute, il n’y a pas des énergies mais seulement des intensités. Les émeutes suscitent le chaos ou, tout du moins, le simule en tant qu’elles offrent un chaos localisé, circonscrit dans l’espace et ponctuel. Comme G. Deleuze le rappelle, dans le chaos (1991), les déterminations ne disparaissent pas. Tout le monde sait bien que le pouvoir ne s’est pas effondré. Les émeutiers ont encore à courir et à se cacher pour échapper aux forces de police. Seulement, momentanément, les déterminations du pouvoir sont désorientées, quelque peu désaxées. Le pouvoir est face à son impuissance. Créer du chaos n’est pas créer quelque chose d’inerte ou de stationnaire (Deleuze, 1991 : 45). Il n’est alors pas étonnant de voir les émeutiers s’en donner à cœur joie, s’enthousiasmer et penser l’émeute comme une victoire. Le chaos trouve dans les bris de vitrine, les pétards et les feux d’artifice une existence physique.

Le chaos n’est pas un pur désordre. C’est un mouvement au cours duquel aucune forme ne résiste. G. Deleuze définit le chaos par « la vitesse infinie avec laquelle se dissipe toute forme qui s’y ébauche » (1991 : 111). C’est la création d’un vide dans lequel rien ne dure. Quand une forme apparaît, elle se dissout quasi-immédiatement sans entraîner de conséquences. L’acte de destruction est précipitation dans le vide, elle est dissipation et annulation des formes, des lois, de la morale habituelle. Elle est évanouissement du pouvoir.

Pour terminer sur cette première analyse : l’émeute est une déclaration de l’impouvoir

Selon cette hypothèse inspirée G. Didi-Huberman bien que celui-ci ne parle pas de l’émeute, l’émeute serait une « déclaration de l’impouvoir » (Didi-Huberman, 2016 : 415). C’est osé déclarer l’impouvoir, c’est-à-dire le fait d’être tenu de vivre dans un monde impraticable. On comprend alors mieux le mélange entre joie et rage qui agite les émeutiers dans les scènes d’effondrement d’institutions bancaires, immobilières ou policières. Ces scènes expriment la transformation de l’impuissance en « imprécation » à l’adresse du pouvoir. En effet, s’attaquer à des vitrines, jeter approximativement quelques pavés à des forces de l’ordre, les insulter abondamment sont autant d’actes parfaitement inefficaces, mais qui n’existent que comme « imprécation » et affirmation d’un impossible dialogue, que les désirs de consensus et de délibération ne sont plus. On comprend alors l’immense apparente contradiction de l’acte de casser : Le bris de verre de la vitre qui s’effondre est le son qui rend sensible les failles du pouvoir en même temps qu’il est la trace de l’impouvoir exprimée par les émeutiers. L’apparente contradiction réside dans le fait de créer une brèche dans le pouvoir pour affirmer le manque et le désir et, dans le même temps, elle est déclaration collective de l’impouvoir, c’est-à-dire de l’incapacité générale à domestiquer ce qui domine pourtant les vies. L’impouvoir est bien réel et trouve alors dans l’émeute une « puissance de déclaration ». En paraphrasant G. Didi-Huberman, les émeutiers font alors bien plus qu’exprimer une plainte ; ils s’engagent dans un mouvement qui vise littéralement à porter plainte.

Ainsi, l’émeute est bien un geste politique : celui de se plaindre, mais aussi celui de provoquer le surgissement du pouvoir tout en se rendant ingouvernable. En 2016, nombre d’émeutiers s’étaient réunies en un collectif qui s’appelait « Génération ingouvernable ». Ce nom, emprunté à M. Foucault, désigne l’attitude critique qui consiste à l’art de ne pas être gouverné, de refuser les normes en particulier celles qui étouffent ou empêchent d’exister. Être ingouvernable, c’est être opaque, imprévisible, insaisissable, indéchiffrable, indéterminable. C’est le sens même du « Cortège de tête ». L’émeute est l’expression concrète de l’attitude de se rendre ingouvernable. Elle tient en particulier dans leur capacité à produire des zones d’opacité offensive dans la rue.

Enfin, l’émeute est un geste d’appel à l’intersubjectivité. Elle est toujours l’action d’une foule. Elle crée des lignes de fuite, des fulgurances, de courtes percées dans les symboles du pouvoir tout en faisant appel à l’autre, à une solidarité improvisée : se soigner dans les manifestations s’est particulièrement généralisé. Sont alors apparus les « streets medics » qui viennent porter soin y compris pour des affections tout à fait bénignes. Ces gestes mineurs, et souvent sans grande utilité autre que se donner du sérum physiologique pour soulager les yeux de l’acidité des gaz lacrymogènes, reconduisent cet appel à l’intersubjectivité. Elle rappelle et met en acte le principe selon lequel la vie est toujours dans les mains d’autrui, que celle-ci est exposée à la fois à ceux que l’on connaît et ceux que l’on ne connaît pas. L’émeute est alors un temps social où les corps sont affectés par l’exposition et la dépendance entre les personnes qui, pour la plupart, demeure pour soi des anonymes. Les corps sont obligés de se blottir les uns contre les autres, de se tenir fermement les épaules, de ne pas se « lâcher ». L’émotion n’est alors pas seulement celle d’un « je » mais plutôt celle d’un « nous ». L’émeutier est toujours précipité dans cette assemblée anonyme. Il y a comme l’impression d’une fusion au sens où chacun reconnaît sa propre situation dans celle des autres comme s’il y avait une résonnance affective. C’est là, son caractère transindividualisant.

En bref, l’émeute figure conjointement l’abattement, l’impouvoir et le sursaut. Elle est découragement et commencement. Elle est impouvoir et désir de monde.

2.2 Passion du réel : la tonalité existentielle de l’émeute

Parce que le pouvoir est momentanément dépotentialisé, l’émeute fait ressentir le sentiment de grandeur et ceci s’éprouve pour l’essentiel par un corps dans lequel se révèle la sensation : le sang bouillonne et bat. Le corps est alors un bloc de sensations, c’est-à-dire un compromis de percepts et d’affects. L’émeute forme littéralement des « êtres de sensation » c’est-à-dire que c’est le politique qui existe en chacun. D’une certaine manière, c’est faire exister en soi un moment du monde. En y laissant ses empreintes, en l’agitant, en creusant les vides, en rendant, par le pouvoir, le monde impraticable ; c’est notamment en le saturant de bruits, d’ombres, de lumières, en indéterminant le pouvoir.

Les émeutiers vibrent. S’ils vibrent, c’est parce qu’ils sont porteurs de forces entrevues. C’est une convocation de forces, faire voir des forces invisibles de la résistance, des tourbillons d’explosion. L’émeute fait lire et concevoir la force illisible de la protestation contre ce qui est. Elle rend sensible les forces qui peuplent les zones de résistance. L’émeute fait éprouver à chacun le sentiment d’une importance particulière. Cette importance, il la retire du fait qu’il est visé par le pouvoir ; il est écouté, surveillé, fiché S, et enfin, il est objet de préoccupations publiques. Peu importe que dans la vie de tous les jours, l’émeutier soit médiocre ou non. L’émeute le rend grand. Elle est fabrication de grandeurs bien que l’émeutier ne cesse d’être ce qu’il est. S’il est médiocre, il le reste. L’émeute le gonfle seulement le temps de sa réalisation.

En ce sens, l’émeute n’est pas seulement une mise en acte du pouvoir et son altération. Elle est aussi une sorte de « passion du réel », une épreuve par le corps des revendications politiques. En effet, comme nous l’avons déjà vu, ce qui domine dans l’émeute, ce n’est pas la parole mais plutôt la mise en acte. Il s’agit de mettre en acte plutôt que de dire leur existence plurielle. Il s’agit de mettre en pratique l’intensité de cette demande d’expressivité et ceci passe par le corps en mouvement, qui s’oppose aux corps résignés, lents et habitués aux marches funéraires tels qu’on les trouvent dans les manifestations habituelles et traditionnelles. Le corps en mouvement est la mise en acte de cette revendication politique ; le vitalisme du corps, son endurance, sa capacité d’exposition appartient au registre de l’intensité. Dans le langage de Butler, il s’agit d’une forme politique de performativité plurielle et mise en acte (2016 : 38). Il s’affirme cette exigence de vivre corporellement le politique et d’échapper ainsi à une restriction qui ne viserait qu’à vivre abstraitement le monde. La récurrence de la référence à l’expérimentation montre combien cette recherche de vitalisme se présente comme une exigence politique de premier ordre. Exercer des formes de liberté et une réappropriation active du monde est le principe de ces expérimentations.

La tonalité existentielle de l’émeute est qu’elle dispose aussi à tuer l’ennui. Elle dispose à l’existence car, momentanément, elle montre la déroute du pouvoir. On le sait, ce dernier saura se reprendre ; Le casseur est d’ailleurs lucide. Il ne s’attend pas à ce que son geste transforme durablement le cours des choses. Il manifeste plutôt avec énergie sa passion du réel : détruire les symboles du pouvoir pour atteindre le noyau dur du réel. L’envie de casser est une façon politique de reprendre prise avec le réel. C’est retrouver le réel du monde. Celui-ci n’est pas anéantit. Il est marqué, scarifié, abîmé. La colère est ancrée sur les vitrines éventrées. Les lamentations des préfets, maires, policiers ajoutent encore davantage à cette joie d’inverser les registres de la puissance. En cela, l’émeutier est peut-être l’une des figures du « sujet intense » décrit récemment par T. Garcia. Ce sujet, produit par la société libérale, est marquée par la recherche de sensations fortes qui justifieraient la vie. Il s’efforce de se réveiller contre la monotonie et s’insurge contre l’idée de l’homme confortablement installé. Son besoin est avant tout celui d’éprouver ce sentiment de vivre vraiment. Mais si ce sujet intense existe, c’est aussi parce que le réel s’est retiré de lui. Ceci est physique (ressentir par le corps les frissons et l’emballement du pouls) mais aussi spirituel en tant qu’il s’agit de se sentir redevenir le sujet de sa vie. L’émeute participe probablement à cela : une tentative de déroutiniser le quotidien et l’occasion de développer une subjectivité intense, c’est-à-dire « être » avec le plus d’éclat possible.

2.3 L’émeute comme accès à l’espace commun d’apparition : sur la performativité des corps

De façon tout à fait élémentaire, l’émeute est l’assemblement public de corps. Cet assemblement ne cherche pas la discrétion mais la visibilité par le commun. Il y a là un premier enjeu politique ; se donner la possibilité d’apparaître dans l’espace commun, et ce non au nom de quelques motifs ou revendications stables et limitées. Les émeutiers revendiquent plutôt l’illimitées car chaque revendication particulière serait nécessairement débordée par une exigence hautement générale mais non moins à la tonalité révolutionnaire ; se trouver un monde où les vies, dans leur pluralité, peuvent s’épanouir.

Cet angle d’analyse, largement inspiré par les récents écrits de J. Butler (2016) insiste sur cette dynamique de l’apparition des corps dans le commun. La présence massive des corps ne représente pour autant personne. Elle ne cherche pas de représentation politique et encore moins de consentement populaire sur les moyens qu’elle entreprend pour se faire entendre. C’est ainsi d’ailleurs que les émeutiers sont assez indifférents au traitement médiatique dont ils font l’objet. Plutôt que de tenter désespérément de convaincre une prétendue « opinion publique », il s’agit plutôt d’apparaître comme une force et comme présence politique plurielle quand bien même le noyau dur des émeutiers repose sur une condition sociale plutôt partagée (majoritairement blanche et issue des milieux bourgeois) et sur des attentes politiques assez communes. Mais l’expression publique des émeutiers ne vise jamais ces conditions particulières. Elle s’efforce plutôt d’incarner cette force et cette présence politique plurielle et espère ainsi alimenter l’espace moral de l’indignation. Cette requête se traduit par ce slogan scandé régulièrement « Paris, Paris, rejoignez-nous » ou encore « Ne nous regardez pas, rejoignez-nous ». Cette invitation à amplifier la force plurielle restera évidemment toujours sans réponse. En tout état de cause, s’efforcer d’incarner une « force essentielle » et une « présence politique plurielle » n’est possible qu’en parlant peu et jamais en des termes précis de telle sorte que l’interprétation de leur geste ne puisse jamais être épuisé. Par exemple, pendant la loi travail, il n’a jamais été question de demander la démission de Valls ou El Komri, ni même du gouvernement. Il a toujours été question d’un refus de ce monde-là, du travail tel qu’il est aujourd’hui pensé, des dispositifs actuels de subjectivation, etc. Les revendications, si celles-ci existent et se laisseraient saisir par une formule, sont celles de l’exigence d’expressivité. L’émeute est la revendication corporelle d’une vie plus expressive, plus dense et plus souple. Il ne s’agit pas de dénoncer l’injustice, l’inégalité, la précarité, les effets néfastes du capitalisme. Le diagnostic de la négativité des conditions économiques et sociales d’existence est acquis. Se taire sur ces sujets, ou se montrer indifférent à des revendications particulières, indique leur compréhension de cette situation sociale et signale leur incrédulité quant à une possible réforme progressive de celle-ci. L’émeute tire son sens dans la tradition romantique : elle est plutôt un appel à la vie et cet appel est mis en acte par des corps rassemblés et par des gestes ; des gestes qui témoignent de l’intensité de cette demande. Les émeutiers ne sont certainement pas sans revendication. Ils ne tirent pas leur joie uniquement dans l’acte de simuler le chaos. Ils tentent d’exprimer le rassemblement déterminé de leurs corps. D’ailleurs, à titre d’exemple, cette détermination est largement mise en scène par les masques, habits noirs, sweat à capuche, fumigènes, banderoles renforcées et bâtons comme s’il s’agissait d’indiquer qu’aucune liste de revendications ne peut épuiser le sens de l’exigence d’expressivité. Sur ce point, il est tout à fait probable que cette exigence d’expressivité est surtout un fantasme dans la mesure où son inscription politique n’a que peu de chances d’aboutir. D’un côté, il est difficile de penser que le politique puisse se vivre sans fantasme. Mais d’un autre côté, ce fantasme a tendance à enfermer chacun dans des mondes étroits où certains mots sont abondamment répétés sans qu’ils n’aient une consistance substantielle. Les émeutiers évoqueront les « possibles », les « formes de vie », « le communisme réel », les « expérimentations », mais ceux-ci seront toujours employés dans des formulations vagues dont le sens reste encore vacant. C’est ainsi que les émeutiers, qui n’ont pas le monopole de ce vocabulaire, ont tendance à prendre la forme de « groupuscules » et court le risque, comme le suggère E. Bordeleau, « de façonner des communautés étroites, unilatérales, cherchant par tous les moyens à rendre leurs mises en jeu subjectives aussi intenses que sans retour » (Bordeleau, 2014).

La question n’est évidemment pas seulement de présenter son corps dans l’espace commun d’apparition. Il s’agit aussi d’obtenir une place, une visibilité particulière. Le recours à la spectacularisation de l’action est une des modalités par lesquelles les émeutiers parviennent à se rendre visible. Elle est une façon de forcer leur entrée dans la sphère de l’apparaître en raison d’ailleurs d’une difficulté d’accéder à cette espace d’apparition par la parole.

Évidemment, s’emparer de la rue, ou pour être plus juste, la traverser, n’assure aucunement que l’espace de l’apparaître soit acquis. En effet, de plus en plus de manifestations sont interdites par les préfectures. Nombre d’entre-elles sont aussi nassées avant même qu’elles ne démarrent. Dès lors, quand les émeutiers s’emparent momentanément de la rue, et parfois en nombre très limité (100/150 personnes), c’est une façon de soustraire cet espace au contrôle policier et administratif. En suivant les propos de J. Butler (Butler 2016), il me semble que l’émeute a quelque chose d’une résistance : elle est une forme de résistance contre les politiques d’accréditation ou de discréditation de certaines revendications par le pouvoir. Cette discréditation est manifeste quand les rassemblements sont interdits. Elle l’est tout autant quand les manifestants sont classés ironiquement dans la catégorie de « l’ultra-gauche » ou qualifiés de « professionnels du désordre » comme l’a récemment fait le Président E. Macron. Dès lors, le participant à une manifestation non-autorisée le sait pertinemment : sa pratique politique ne consistera pas à se faire tendre, mais plutôt à exposer son corps au risque de la blessure, de la mutilation ou de la détention. Comme nous invite toujours à le penser J. Butler (2016 : 158-159), l’engagement implique pour l’essentiel d’accepter de livrer son corps à un mal possible. Pour elle, il s’agit d’une définition classique de la « résistance politique ». En d’autres termes, parce que l’accès à la rue est restreint, ou encore parce que le rassemblement des corps est empêché, rendre celui-ci possible ne peut être inévitablement vécu que comme une résistance politique. Dès lors, on imagine bien que s’emparer d’une rue n’est pas un acte anodin. C’est revendiquer un espace public à soi, que l’on peut occuper. La rue, telle que l’on s’est habituée à la voir privatisée et soustraite à un usage public spontané, est alors contestée et revendiquée. Si ces mouvements dévalent trottoirs et routes, c’est parce qu’ils fantasment une place à occuper, à habiter, un espace où pourrait s’organiser des expérimentations de nature existentielle et politique. Il n’est pas anodin d’entendre régulièrement l’appel à construire des « ZAD » partout ou de penser l’occupation comme une pratique politique centrale et décisive. Par l’occupation, les manifestants trouvent et produisent un nouvel espace public. On remarquera que les premiers dispositifs matériels déployés sont ceux qui évidemment permettent de tenir (dortoirs, nourriture) mais aussi des dispositifs qui encouragent une certaine convivialité : fauteuils, feux, salles de concert. L’environnement matériel est alors redéfini ; il change de fonction (Butler, 2016 : 92). A rennes, c’est ainsi que « la salle de la cité » est devenue « maison du peuple » ; lieu de vie, de sociabilités, de vie culturelle et d’organisation politique. Les lieux, les places, ont toujours une certaine puissance. Ce sont des espaces non spectaculaires, dans lequel il se tisse des liens et où il se cherche d’autres histoires.

Nous avons vu de manière générique que l’émeute est une tentative d’apparition publique de corps rassemblés ; corps qui font souvent bloc/nasse ou nuée comme en témoigne la désignation fictive du « black block ». Pour terminer, il reste à apprécier cette épreuve du corps au cours de l’émeute. En effet, il n’est pas rare que les émeutiers s’emparent de rues vacantes. Il nous faut alors envisager ce que chacun est susceptible d’éprouver en ces moments-là.

Il ne fait pas de doute que les émeutiers ont des motivations politiques hétérogènes. Ce qu’ils ont néanmoins en commun, c’est le contact de leurs corps ; contacts rapprochés, voire accrochées, ce qui permet généralement de s’épargner d’une chute au cours des bousculades. L’émeute est alors vécue comme un temps collectif. Elle est un rassemblement avec d’autres. De fait, comme le suggère encore J. Butler (2016), le corps est pris dans des interdépendances ; il est pris dans des modalités de dépossession. Retenu par les uns, bloqué par les autres et, dans les moments de charge policière, le corps ne s’appartient plus. Il est plongé dans une passivité collective, incapable de se débrouiller seule. Par exemple, au cours de charge policière, il n’est pas rare de sentir son corps bloqué, forcé à la passivité. Alors que le bruit des matraques se fait plus vif et se rapproche, le corps est privé de mouvement. Chacun tente d’accélérer, pourrait d’ailleurs momentanément se désolidariser, du moins tenter de s’en sortir par un mouvement égoïste. Mais ce mouvement est enrayé par la masse des autres corps. Le corps ne peut rien. Les corps tiennent physiquement ensemble et s’exposent collectivement à la blessure. On peut alors y voir une alliance de circonstance entre les corps de chacun. C’est une alliance de corps distincts qui revendiquent, non par la parole mais par l’action corporelle (mouvement d’exposition) et l’exposition à de possibles violences. Les corps se laissent collectivement entraîner à la vulnérabilité. Le raisonnement de J. Butler s’avère tout à fait approprié pour comprendre cette idée (Butler, 2016 : 98-99) : ce contact avec le corps de l’autre est déjà un « mode d’être pour l’autre », une certaine manière d’être placée entre ses mains. Je suis placé dans les mains d’autrui sans que je ne sache quoi que ce soit de ce mouvement et de ses perspectives. Je suis alors constitué et dépossédé par l’autre.

Le corps n’apparaît pas seul. Il n’apparaît que comme nuée collective, qu’entre des corps. L’expérience politique de l’émeute se vit dans cet « entre » corps. Ces corps sont alors l’interprétation incarnée de la politique. En cela, on peut comprendre le sens d’une « performativité des corps » comme nous invite à le penser J. Butler. Il y a performativité des corps au sens où « l’action et le geste signifient et parlent à la fois comme « action et revendication », les deux étant inséparables (Butler, 2016 : 106). Les corps sont politiquement performatifs au sens où ils persistent à apparaître jusqu’à l’épreuve physique avec le pouvoir.

Bibliographie

Bordeleau, Erik
sous presseInsurgence (2013)  : La Grève Comme Abstraction Vécue. In Pratiques de l’enquête. Presses Universitaires de Liège. Pp. 1–16. Liège : Presses Universitaires de Liège.

Butler, Judith
2016Rassemblement. Pluralité, Performativité et Politique. Fayard. Paris.

Collins, Randals
2008Violence. A Micro-Sociological Theory. Princeton University Press. New Jersey.

Deleuze, Giles et Guattari, Félix

1991Qu’est-ce que la philosophie. Les Editions de Minuit, Paris.

Didi-Huberman, Georges
2016Peuples En Larmes, Peuples En Armes. Les éditions de Minuit. Paris.

[1Cette mise en spectacle est d’ailleurs possiblement ce qui pourrait inverser la tentative politique des émeutiers. En effet, la mise en spectacle est précisément ce qui déréalise la potentialité politique. Il n’est pas rare de voir les émeutiers se réunir dans le seul but de se communiquer, de se présenter que pour être photographié, c’est-à-dire que comme signe.

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