PUNK anarchism

Éléments de PUNK philosophie
Miettes N°9

Jacques Fradin - paru dans lundimatin#293, le 21 juin 2021

Le pouvoir corrompt. Le pouvoir stable, durable, « parfait », supposé apporter « l’harmonie », ce pouvoir fixé transforme la corruption en architecture, pour un despotisme établi.
« La véritable démocratie » ne peut se suffire de se déployer contre l’État, ne saurait se suffire d’être anarchie.
« La véritable démocratie », non seulement doit déconstruire l’État, mais doit déconstruire tout état, toute position de stabilité ou toute institution installée, se prétend-elle « la plus parfaite ».
La véritable démocratie » est l’an-archie, le combat permanent contre toutes les institutions supposées « les meilleures » et posées irrévocables, le combat permanent contre les utopies merveilleuses et supposées éternelles. Y compris « les institutions anarchistes ».
Le seul chemin, pour éviter la dégradation de tout rêve en cauchemar, est d’empêcher tout « arrêt », toute stabilité établie, toute fantasmagorie d’une harmonie réalisable.
Le militant de l’an-archie ou du PUNK anarchisme est celui qui s’engage, sans effroi, dans le mouvement de la destitution des institutions, mouvement qu’il faudra, sans cesse, recommencer, sans halte ni fin.
NO FUTURE : tout Empire harmonieux de mille ans, que l’on tenterait de réaliser, puis de stabiliser, engage sur un chemin de corruption ; tout Empire sera désastré.

Miettes 9

Introduction à l’axiomatique de la dualité non dialectique
Comme généralisation de l’herméneutique heideggérienne.

Posons les thèmes :
Nous pouvons passer de Kant et Hegel à Heidegger et Schürmann, comme étapes de « l’historialisation » de toute analyse.
Il n’existe pas d’analyse qui ne soit pas historiquement déterminée (et, exactement, historialisée, pour faire toute sa place à l’errance, au chaos, à la contingence).
Avec les concepts, à critiquer : facticité (Heidegger), historial (l’an-archie de Schürmann), contingence (Meillassoux).
Et, à l’arrivée : l’absolu de la contingence (Meillassoux).
Comme nous avons poursuivi le chemin de la déthéologisation de la théologie négative (Miettes 5) nous pourrions compléter en suivant le chemin qui mène de la facticité à l’historialité et à la contingence.
Le Réel est « le niveau » théorique, posé axiomatiquement, de l’absolu de la contingence (au sens de Meillassoux).
Nous pratiquons, pour introduire le Réel, une sorte de mouvement hégélien : la nécessité logique de l’indéterminisme ou de l’aléatoire, pour expliquer « l’histoire », (nécessité examinée par Meillassoux), cette logique du chaos est posée « réelle », posée comme le Réel.
Il y a un Réel pour expliquer la contingence, l’erratisme, le chaos.
Le Réel ne peut être hors du principe de contingence (la nécessité de la contingence).

Précisons un peu.
Nous adoptons la définition heideggérienne du métaphysique.
Qui permet de déployer une théorie du métaphysique (défini comme la dogmatique du despotisme).
Nous avons, ainsi, une possibilité de définir la philosophie métaphysique (ontologique) en termes de discours normatif du monde (une conception du monde, si conception est entendu au sens actif de « procréation ») ; discours du monde métaphysique.
Notre définition théorique du métaphysique est heideggérienne : métaphysique = onto-théo-téléo-logie.
Métaphysique qui peut poser, en termes théo-logiques, qu’existe « un être suprême » (ou un suprême étant) : c’est-à-dire qu’est supposé exister un point de référence « absolu ».
Mais que devient l’analyse lorsque l’absolu est le chaos (du Réel) ?
De même que nous avons été obligés de changer le sens de « l’au-delà », de le séculariser, nous sommes obligés de changer le sens du terme « absolu ».
Nous poursuivons donc le chemin heideggérien de SORTIE du métaphysique (sortie de l’Éco-Nomie, sortie des téléologies, etc.).
Mais, comme Badiou et Meillassoux, nous abandonnons le projet « post-métaphysique » de l’herméneutique de la facticité.
Ou, plus exactement, cette herméneutique est intégrée comme pièce d’une science critique de la réalité. Réalité qui se définit par le complexe, ou la différence, Être / étants, et le discours normatif du monde.
Dans ce cadre critique (herméneutique) il faut renoncer à tous les « absolus », les absolus philosophiques en particulier : ces absolus sont des historials (Schürmann).
Une pensée avec « l’absolu » ne peut jamais être une pensée absolue, elle reste contingente et pensée de la contingence (il faut penser l’absolu contingent, comme on pense le Réel défondé).
Notre théorie accepte donc le diagnostic heideggérien d’une « structure forte » du monde occidental, la structure métaphysique, à condition d’ajouter, à la Schürmann, que cette « structure forte » est contingente (c’est une structure monde métaphysique en Réel, et, donc, arbitraire historiquement).

Reprenons le mouvement critique.
Nous nous plaçons dans le cadre du diagnostic heideggérien de l’occident comme monde métaphysique ; ce cadre métaphysique étant analysé en termes d’onto-théo-téléo-logie, avec la référence théologique à l’absolu.
Et comme le métaphysique est le discours « fort » du despotisme, la notion théologique d’absolu sert de garant au « pouvoir absolu » (un pouvoir bien fondé sur une dogmatique de l’absolu – nous retrouvons le thème de l’utopie fondatrice – encore une fois, les schémas utopiques merveilleux ne peuvent nous faire SORTIR du despotisme, au contraire, ils le renforcent).
Heidegger montre que le métaphysique, tel que théorisé par lui, est le socle discursif du despotisme. Et du mouvement interne irrépressible de ce despotisme vers un despotisme absolu.
Tout en acceptant cette analyse, complétée par Schürmann (sur la question de l’an-archie, du sans fond des principes fondamentaux ou de la contingence de l’absolu), nous en rejetons les conséquences, en termes de théologie post-fondationnaliste (la nouvelle théologie heideggérienne, comme celle de Bernard Sichère – auteur à lire « absolument » – ou la théologie derridienne, comme celle de John Caputo – ce théologien remarquable).
Pour nous les conséquences sont politiques : nous admettons le post-fondationnalisme, mais n’en tirons pas des leçons de théologie (renvoi, encore, aux Miettes 5).
La leçon de la destruction déconstruction heideggérienne est assez simple : aucune politique ne peut être fondée (caractéristique de la politique, en vide ou sur du vide, ce que nous développons depuis le début).
Il n’y a pas de terme absolu ; pas de modèle directeur ; pas d’utopie rectrice.
De manière paradoxale, cette déconstruction correspond au rejet de « la pensée faible » (de Vattimo, par exemple – voir la théologie post-fondationnaliste de Vattimo) mais en l’évidant, correspond à la réintroduction de l’idée « d’universel », idée d’universel qui, néanmoins, « affaiblit » à la limite « la pensée faible ». Le rejet de la pensée faible (de Vattimo, par exemple) se déploie comme un « appauvrissement », qui fait passer de la voie faible à la voie pauvre. En un sens, nous conservons la pensée faible, à condition de purger cette « pensée faible » de ses restes de métaphysique non critiqués. L’universel n’est que le Réel des insurrections, le Réel anté-forme (toute forme ou formation étant spécifique, localisée, etc.).
Universel au sens hégélien de « particularité négative » qui est désastreuse et qui met en cause l’ordre.
Est universel le processus, en Réel, qui défonde ou met en cause toutes les structures du monde.
L’universel est apophatique qui ne peut correspondre à aucune structure monde, ces structures étant contingentes, arbitraires, historiales.
Cet universel est nécessaire, au sens de Meillassoux de la nécessité de la contingence.
L’universel est ce qui propage le chaos.
Définissons alors le monde comme « la corrélation » (Meillassoux), la corrélation être-pensée (la rationalité du monde, que nous savons contingente, établie par la violence).
Heidegger nous dit que cette corrélation (cette réalité constituée et fondée dogmatiquement) est « factice » ou constitue « la facticité », c’est un simulacre contextualisé, localisé dans le temps et l’espace, ou historial.
L’analyse historiale du monde (comme la sociologie historique critique) est, donc, une voie obligée, pour découvrir (ou ouvrir) apophatiquement à l’universel pensé comme le Réel.
Encore une fois, une sorte d’évidence, est universel ce qui est sans forme ou ce qui brise toutes les formes.
L’universel est, donc, insurrectionnel.

Revenons alors au Réel inconsistant et sans unité (la multiplicité de Badiou, mais déplacée de la réalité au Réel).
L’unité ne peut caractériser que la réalité conformée et soumise au pouvoir à prétention unitaire ou unificatrice.
L’unité définit donc des instances particulières, des présentations, des situations, des mondes ou des réalisations consistantes, résultats d’opérations de structuration.
Par contre le Réel sans unité intervient pour toutes les situations, toutes les réalités, d’où son caractère universel.
Le Réel au-delà de l’unité est le NON-UN, non ontologique, au-delà du complexe ontologique.
Le Réel n’est pas une dimension ultime de sens ou d’objectivation ou de signification. Le Réel est sans destination.
Il faut donc casser l’objet de toute métaphysique, l’Être comme présence pleine de sens, l’Être pleinement intelligible (si l’Être est le terme qui définit la systématique du monde, il n’est pas intelligible immédiatement – comme présence pleine –, mais ne peut être que l’objet de la théorie critique, théorie qui peut poser, par exemple : Être = capitalisme, mais qui pose cette définition après un long chemin théorique, celui de la science critique).
Le Réel qui vient AVANT, au-delà, est le sans sens de la compulsion de répétition (ce qui constitue « l’avie »).
On peut alors nommer le Réel (de cette compulsion ou poussée aveugle) : Matière inarticulée.
Pour le matérialisme spéculatif ou transcendantal (que nous développons), la matière ne forme jamais un doublet avec le sens ou l’idéal (nous n’avons jamais de matière pleine de sens). Bien que la Matière soit déterminante (DDI) elle n’apporte aucun sens. Au contraire, elle déstructure et volatilise tout sens, sens qui est nécessairement un sens réalisé, contingent.
Toute notion de divinité, associée au sens (et à la métaphysique), est superflue et trompeuse (et notons bien que « divinité » renvoie à toute donation de sens, comme une utopie rectrice).
Il faut abandonner la notion « d’unité ultime » : il n’y a aucun besoin du dieu onto-théologique et téléologique de la métaphysique.
Nous n’avons pas besoin du dieu de la métaphysique ; ni du « dieu des poètes » (Heidegger).
Il faut « accepter » le « nihilisme » du Réel.
En résulte que l’intention, l’intentionnalité, la volonté, le dessein, la destinée, tout cela est interne à la réalité ; et ne peut être un nom pour le Réel.
Intentions, volontés, sont des éléments des constitutions ou des configurations de monde internes au monde (ce sont des cercles soumis à la destitution ou à la désagrégation).

Reprenons les étapes de la déconstruction :
Pour arriver à la conception de la révolution comme événement Réel (et non pas de la réalité), on peut, comme Meillassoux, partir de de la définition heideggérienne du métaphysique (ce que nous faisons dans cette Miette 9), partir de la critique de l’ontothéologie et procéder à son dépassement.
Ce qui amène à l’herméneutique post-ontothéologique. Herméneutique qui cherche encore (mais hors du théologique) une dimension « ultime » de sens (l’intention ou la volonté).
Mais il faut casser cette recherche d’une dimension « ultime ».
La dite dimension de sens est « historialisée », au sens de l’an-archie de Schürmann ; il n’y a plus de sens ultime, le sens est toujours historique, donc contingent.
L’introduction de la contingence peut se faire par la critique du corrélationisme : il n’y a pas de doublet matière / sens, ni de liaison entre Réel et Être.
Le corrélationisme affirme : l’Être est sens (logos).
Ce principe est brisé.
Puisqu’il y a un au-delà de l’Être, de l’Être posé comme sens, un au-delà sans sens ; qui implique que tout sens est une construction et, donc, fugitive ; le sens est an-archique, historial, erratique, simple contingence (le seul sens est le semblant ou le kaléidoscope illimité des simulacres de sens et qui imposent sens au milieu de gigantomachies interminables).
Si nous posons que le sens est la connaissance, l’expérience, la conscience, la volonté, les discursivités et finalement le langage, alors nous voyons que le sens est un objet du métaphysique ou de la métaphysique monde ; et peut se résumer par « la destination ». La téléologie, le plus crucial des principes métaphysiques.
Or la critique an-archique ou historiale dissout tout « principe de destination » (toute téléologie).
On peut alors, reprendre les étapes différemment.
En partant de l’idéalisme transcendantal de Kant, qui est un corrélationisme faible qui maintient la nécessité d’un « absolu » non connaissable ; absolu au-delà des structures transcendantales.
On arrive à l’idéalisme absolu de Hegel : l’absolu est inintelligible, mais la corrélation Être / sens reste absolue (le réel est rationnel).
Puis, en passant à l’herméneutique de la finitude de Heidegger, on pose toujours que l’absolu est inintelligible, mais cet absolu se combine à une « facticité radicale » ; l’absolu est historialisé.
L’historialisation signifie l’absence d’absolu ou de justifications absolues : toute procédure de vérité est historialisée.
L’absolu de la corrélation Être / sens est déplacé par l’historialisation.
Le corrélationisme fort de Heidegger doit absolutiser le principe de facticité et donc absolutiser l’historialisation. Le nouvel absolu est l’histoire et sa dynamique erratique.
Il y a un niveau de la théorie qui non seulement est impensable ou est l’impensable, l’inanalysable en lui-même sinon en ses effets, mais est l’IMPOSSIBLE.
La facticité historiale s’érige en ABSOLU, mais en absolu vidé par le principe absolu de la contingence (et notons que le principe absolu de la contingence renouvelle le jeu de Schürmann, sur le principe d’anarchie – l’absolu est la contingence, l’absence d’absolu, le principe est que tout principe est historial, an-archique – nous sommes toujours dans l’apophatique).
Les choses expérimentées, les structures d’expérience, l’expérience elle-même, ne sont pas seulement des « faits », et donc factices, des « faits » arbitraires, des simulacres, mais sont ABSOLUMENT sans fondement ; ou sans cesse défondés (autant qu’une « fondation » est une imposition de sens, contingente, historiale).
Il y a une histoire de l’expérience. Comme il y a une histoire de l’intuition.
L’intuition n’est pas un absolu (ou un fondement) ; mais la contingence historiale de l’intuition est absolue ; ce qui veut dire que l’intuition est socialement construite et déconstruite en Réel.
Le corrélationisme absolu de la facticité exige un « absolu minimal », exige la validité absolue du non absolu ou de l’impossible (encore une fois, c’est la logique apophatique ou paradoxale du Schürmann du principe d’anarchie qui est mise en œuvre).
Il est nécessaire que le Rien, Vide, Néant, soit nécessaire.
Toute chose, toute présence pleine de sens (archique ou archaïque) est historiale, contingente, erratique, au chaos.
Il ne peut exister de « communisme primitif ».
Le Réel est l’expression de la transcendantalisation de « la mortalité ».
L’expérience impossible de la possibilité de l’impossible se nomme Réel de désubstruction.
Comme on le sait, ce Réel n’est pas accessible à l’intuition, aux sens ; n’est accessible que par
une analyse critique régressive ; et qui paraît « insensée », irréaliste.
L’historialisation de la corrélation implique un niveau (hors de toute présence, pleine ou pas), celui de l’impossible. Si l’impossible est, évidemment, apophatique, il n’en reste pas moins déterminant (DDI). L’impossible indique qu’il n’y a plus de corrélation Réel / Être.
La contingence est le signe de l’écart irréparable entre le Réel impossible et le sens imposé.
Pour le dire plus facilement : il y a du Réel sans pensée ni sens, « antérieur » à la corrélation Être / sens qui ordonne le monde (de la réalité rationnelle ou économique).
Et notons bien que cette corrélation imposée, projetée, est ce qui autorise les sciences empiriques (qui sont donc aveugles sur leurs présupposés).

Finalement, après une critique déconstruction de plus d’un siècle (et plus si l’on remonte à Kant), le corrélationisme fort d’Heidegger, l’absolu historial de la corrélation ou de « l’Histoire de l’Être », ce corrélationisme se transmue en « matérialisme transcendantal » (ou spéculatif).
Matérialisme spéculatif qui énonce : on peut « penser » le Réel au-delà de l’Être-sens.
Mais cette « pensée » est indirecte ou négative.
« Penser » prend un sens scientifique ; celui qui dit « les mathématiques pensent ». Un sens ni phénoménologique, ni herméneutique. Où la phénoménologie est transformée en science de l’histoire réalisée, avec l’adjonction nécessaire du Réel, « historialisant » par défondation permanente.
Encore, pour le dire facilement : il s’agit de l’introduction d’un indéterminisme radical.
Penser (en termes mathématiques) veut dire penser par axiomes et théories (avec par exemple l’axiome du Réel : la contingence absolue s’exprime théoriquement par l’axiome du Réel).

Pour le dire en termes « historiques », d’histoire de la pensée, et si nous prenons, ici, spécifiquement, la philosophie spéculative de Meillassoux comme point de départ (de notre histoire, que nous avons fait remonter à Kant), philosophie spéculative avec UN seul principe, celui de l’absolue contingence, notre travail critique analytique consiste à pratiquer une dualisation de ce principe ; nous affirmons qu’il faut DEUX axiomes pour développer le principe de Meillassoux (comme celui de Schürmann, l’an-archie) ; deux axiomes + la détermination en dernière instance (DDI) de déconstruction.
En absolutisant la facticité (ou en historialisant les faits) il découle :
Il est absolument nécessaire que chaque étant et le système des étants, l’Être, soit un SIMULACRE ; simulacre traditionnellement nommé : abstraction réalisée.
Bien entendu cette proposition est « spéculative » (au sens du matérialisme spéculatif) ; elle découle d’une logique axiomatique ; mais elle n’est pas métaphysique.
Pour le métaphysique, la pensée de l’absolu se raccroche à « une chose absolue », comme « dieu ».
Ici, pour cette déconstruction, l’absolu n’est qu’un principe théorique, principe qui énonce l’absolue impossibilité d’une chose (d’un étant, ou d’un être, ou d’une réalité) qui serait absolument nécessaire ; tout est contingent ou historial.
Et l’absolu axiomatique de la contingence n’a rien à voir avec un absolu métaphysique (et, sans doute, comme nous l’avons fait pour le terme métaphysique de « vie », vaut-il mieux se débarrasser du terme « absolu », que nous conservons, ici, dans cette analyse critique de l’herméneutique heideggérienne).
Si la métaphysique est obsolète, l’idée d’absolu métaphysique, être ou chose absolus, doit être abandonnée.
Le Réel « absolu », l’absolu de la contingence, n’est ni être, ni étant, ni chose. C’est un principe de défondation qui explique la contingence posée comme thème central : on remonte de la contingence au Réel.
L’historialisation totale exige un principe absolu (de contingence ou d’an-archie) ; on ne peut éviter de le poser ; mais axiomatiquement (et non pas comme « reflet » d’une réalité).

Il s’agit d’éliminer, en sortant du métaphysique des absolus choséifiés (comme « dieu »), toute implication théologique.
En effet, la déconstruction herméneutique de l’onto-théologie (qui détruit toute « théologie rationnelle », qui serait avec, par exemple, un ordre naturel) ouvre la voie à des versions obscurantistes de la religion.
À partir du moment où « l’absolu » est posé comme principe « sans incarnation » (sans réalité), à partir du moment où le Réel est « défondé », n’est plus pensé en termes d’espace ou de place ou de localisation, ni même en termes de « ban-lieue » ou de Chôra au sens grec moderne, qui signifie « établissement » ou ville (en opposition totale au sens platonicien, qui désigne le Chaos), donc en déconstruisant le métaphysique, il a été « par inadvertance » (par errance ou erreur) ouvert un boulevard au « fidéisme ».
Le dépassement du métaphysique peut ouvrir un boulevard au « fidéisme », aux théologies post-fondationnalistes. En justifiant « la croyance » que l’argument contre l’absolu incarné permettait un retour au « fidéisme » classique (qui n’a pas besoin de « fondement » et se pratique contre « la théologie rationnelle »), au changement près que ce « nouveau fidéisme » consiste en une défense « militante » de « la religiosité » en général, et non plus d’une religion particulière (croyants de toutes fois, unissez-vous).
Si les religions sont bien, désormais, conçues comme historiales et contingentes, la religiosité a été érigée en nécessité (la nécessité « de croire »).
C’est contre cette nouvelle religiosité « épurée », contre la nécessité de croire, que se développent nos analyses.
La fin de la métaphysique peut n’être qu’un fin partielle, une fin « religieuse » de la métaphysique.
Ce passage du métaphysique à la religiosité s’exprime bien dans l’œuvre de Jean-Luc Marion, Dieu sans l’Être (et Marion sera élevé au statut « d’ennemi intime »).
L’aspiration religieuse (fidéiste) vers un absolu qui ne serait plus métaphysique (ni être, ni étant), absolu qu’il faudrait renommer, cette aspiration s’exprime aussi bien par la mystique de Wittgenstein que par la théologie sans l’Être des post-heideggériens.
Mais ce fidéisme est un nouvel habillage pour des déités très anciennes.
Et d’un point de vue analytique, l’aspiration s’oppose à la poussée. Si le dieu nouveau n’est pas pensé en Réel, sans incarnation ni localisation, il ne fait que renouveler le corrélationisme fort (de l’unité Être-sens) ; le fidéisme post-corrélationniste (ou post-moderne) involue en nouvelle postulation du sens, du sens maintenant plus difficile à trouver (et cette recherche du sens peut s’exprimer en termes de guerre, comme pour les « intégrismes »).
Si le fidéisme est une nostalgie du sens, il court à chaque moment le risque de devenir belliqueux, puisque repris dans les cercles métaphysiques de la souveraineté.
Certes le fidéisme à la Heidegger, où la divinité n’est plus liée à la foi, où la théologie cherche à sortir du métaphysique, ce fidéisme indique un cas limite (que ne suivent pas la plupart des « nouveaux théologiens »).
Et il a été bien analysé (par Derrida) que la sortie heideggérienne restait encore emprisonnée dans la métaphysique de la présence.
Le divin heideggérien, qui est un cas limite, cependant reste bien trop « présent ».
Dieu n’est plus une entité, ni une dimension de transcendance (qui résisterait mal à l’objectivation), dieu « n’existe plus » et ses modalités communes sont sans signification ; mais le divin n’est pas « l’absent qui détruit tout » (de Marcion).

Le matérialisme du Réel doit donc être lié à un programme « d’athéisme radical ».
Athéisme qui peut commencer, manière Heidegger, par le rejet de « la nécessité du divin » et de « la nécessité de croire » (ce dernier rejet exigeant des « exercices spirituels », des exercices PUNK). Mais il faut aller plus loin, tellement est menaçante la chute dans la localisation ou dans une incarnation localisable (comme les constructions monacales avec des ordres).
L’analyse de type herméneutique de « la divinité à venir » ou d’un futur potentiel « à venir », cette analyse garde l’idée positive (et positivante, affirmationniste) d’un dessein, d’une destinée pleine de sens.
Cette analyse reste métaphysique : la divinité se manifeste par une présence « voilée » ; c’est une présence cependant. Présence qui peut prendre la forme d’une indication (furtive ou nocturne), d’une trace (de signes secrets), d’un visage (qui peut être défiguré).
Et à ce type d’analyse (clandestinement métaphysique) est lié « le messianisme » d’une apparition divine ou terrestre. C’est-à-dire la possibilité d’une réalisation exprimée comme présence d’une divinité ou d’une idée divine ; réalisation comme présence, purement contingente, virtuelle, sans dessein (immotivée), imprévisible (l’événement de l’apparition), MAIS néanmoins concrète ; et, exactement, concrète réalisée ET anhistorique, présente dans son absence, et qui contient une dimension de présence (et présentable) sous la forme de « l’espérance » ou de « l’espoir ».
Mais nous savons que l’idée d’une « présence absente » ou d’une présence (réalisée) espérée est opposée au principe de la dualité, qui sépare le Réel (l’absence) et la réalité (la présence).
Pour nous, l’idée de « présence absente » est impensable (au sein de notre théorie – si l’on veut penser « la présence absente », il faut revenir au métaphysique et « oublier » le Réel désubstructurant).
Le matérialisme spéculatif (qui adjoint un Réel à la réalité) refuse ce type d’analyse de la théologie post-fondationnaliste abâtardie.
Pour aller au bout du chemin de la sortie du métaphysique, il faut rejeter toute théologie.
Il faut refuser toute idée de « dieu ultime » ou de « société harmonieuse à venir ».
Même si le divin (ou ses succédanés « communistes ») n’est plus articulé en termes d’étant suprême ou d’absolu présent, il reste pris dans les filets du métaphysique de « la présence pleine de sens », cette présence est-elle virtuelle ou à venir.

C’est donc la vieille question gnostique du « sens » (et même du « sens du sens ») qui est reposée.
Si le monde est défini comme « être plein de sens », et donc métaphysique, « l’insensé » qui fracture le monde et qui caractérise le monde comme fracturé ou antagoniste (la vieille question du mal), cet « insensé », le Réel, trouve peu ou pas d’explication, sinon le déni ou la dénégation. Et telle est bien la place conflictuelle du mal ou de la maladie. Il faut donc casser l’onto-théologie, même sous sa forme herméneutique post-heideggérienne.
Il faut arrêter de se focaliser sur le sens, sur la signification, sur la spiritualité ou sur les idéalités.
Pas plus qu’il ne faut avoir peur du chaos, des ruines et des désastres, il ne faut pas avoir peur du non-sens : le militant PUNK est nihiliste.
Qui, à la manière gnostique, définit le monde comme mal (ou maladie, la maladie « d’amour ») ou comme enfer sur terre, et fait face au chaos, sans tenter de se protéger.

Jacques Fradin Économiste anti-économique, mathématicien en guerre contre l'évaluation, Jacques Fradin mène depuis 40 ans un minutieux travail de généalogie du capitalisme.
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