Où est le bec, où est la queue ?

paru dans lundimatin#383, le 16 mai 2023

Une vieille girouette grince d’habitude ; là elle pète et elle pue. Les habitudes ne sont plus ce qu’elles étaient.

Pour s’adapter à une demande de plus en plus présente, l’aérodynamisme de ces volatiles de fer blanc fut amélioré avec une symétrie parfaite de l’obstacle présenté au vent. Équilibré par les lois géométriques de son dessin, la prise au vent restant la même de chaque côté, la stabilité momentanée est alors trouvée. Les sautes éoliennes peuvent tournoyer comme dans des phénomènes orageux, somme toute assez fréquents, la direction prise peut évoluer, dans un sens ou dans l’autre, l’écoulement est identique. Si bien qu’à les regarder de profil, la question pointe : où est le devant, où est le derrière ?
De forme plate, elle ne peut être vue qu’en silhouette, un côté à la fois. De face, elle est une masse filiforme ne présentant rien d’autre ou presque que sa propre existence. Jeux d’ombres et de profils, de figurines animées par des desseins de marchands, elle est l’enseigne des vents. Semblables aux postures de l’Égypte antique, ces hiéroglyphes actuels sont chargés de symboliques diverses et avariées. Condamnées aux profils, les figurines vont de A à B, du recto au verso, sans trop tarder, selon le zéphir. Elles ne feront jamais face et resteront adeptes des tangentes. Parfois, elles sont prises comme emblèmes d’écrivains en mal d’ancrage. Les lecteurs de ces écritures sont incités à une passivité paisible et confortablement spectateurs des dégradations ; l’apocalypse peut bien venir, tant qu’on a une place assise pour y assister. Pas un strapontin de dernière minute, non, un siège, un vrai négocié avec des renoncements, avec accoudoirs et point de vue arrêté.
Spectacle « bouleversifiant », certes, mais confortable pour les aisés assis.
Renversement des valeurs éditoriales : l’écrivain décrivant le mieux l’ennui passif est adulé !
L’auteur le plus lu par les accros au Prozac savoure son fiel et le répand à qui-moins-moins.
Comme si ses descriptions réactionnaires n’inspiraient pas un ennui profond. La girouette et son style plat devient manche à air et se gonfle d’importance.
Pour en arriver là, il n’y a surtout rien à faire d’autre que de prendre une posture, une assise, un agir-couette qui donne le change du vilain gnome agronome puis pratiquant une entomologie des insectes urbains. La posture inamovible intervient dans la fabrique des convictions aussi glauques qu’incertaines.
L’incitation à l’agir-couette va de pair avec un applaudissement des tromperies, des trumperies de la banane : l’agir-couette y voit même une érection frontale, la « bêtise à front de taureau », un signe de temps perturbés.
De là à soutenir (en tartinant un éloge de la sous-baronne frontiste, la rassembleuse, l’héritière) la banalisation de l’offensive internationale d’extrême-droite.
Ma reine la pine ! À moins qu’elle ne soit marraine et lapine comme dans les contes de fées. Les voix des urnes couinent comme des lapins en cage voyant arriver du cresson et se multipliant dangereusement, encore comme des lapins. Quant à ce qu’il peut en être dit, la langue, la girouette la gère coite. Pas de cocoricos ni de gloussements, le silence du quant-à-soi. Le regard plutôt vers le cours du bit-coin que vers le nombre de réfugiés. Schizophrénie des nationalismes, souverainisme hexagonal d’un monde à part.
Banalisation du message chère au complotiste et au complotolâtre bananesque. Les nullités effacent les sentiments et les sensations comme les drogues dures qui sont parties pour s’implanter : pandémies, contagions, guerre à l’Est et menaces nucléaires…
Quatrième sécheresse en trois mois ! Que fait-on ? Vers où stagne-t-on d’un pas allègre et immobile ?
On regarde passer les vaches hors de leur pré, cherchant un point d’eau.
Sans rien faire. Surtout, ne s’engager nulle part.
Et pourquoi faire ?
Faire ?
Meuh, non.
Après avoir fait la description de la misère affective et sexuelle de l’homme occidental, en s’inspirant de lui-même et alentours, il épouse une jeunette (de vingt ans de moins) d’origine chinoise. Il n’a alors plus le look de zonard défait mais le melon sur un costard bourgeois. Est-ce pour protéger ce lien qu’il ne dira ni n’écrira rien sur la pandémie planétaire du Covid 19 ?
Ce n’est pas la girouette qui tourne mais le vent.
Où est le bec, où est la queue ?

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