NTBLR [6/ ?]

Robin Garnier-Wenisch

paru dans lundimatin#318, le 27 décembre 2021

Le vrai problème au fond, au fond du fond, le vrai problème, le problème qui préoccupe vraiment les habitant·e·s, le problème qu’on dit comme ça LE problème, en faisant un hoquet quand on le dit. Comme si ça devait sortir et qu’au moment où ça sort ça nous faisait un bien fou et en même temps, ça nous faisait presque mal de le sortir. LE problème qu’il faut qu’on le dise, parce qu’on ne peut plus faire semblant. On ne peut plus ignorer LE problème numéro un, en tête de la liste des problèmes. LE problème qu’il faut régler, ce qui ne veut pas dire qu’après c’en sera fini des problèmes, mais LE problème qu’il faut régler rapidement pour justement pouvoir se focus bien comme il faut sur les autres problèmes qui deviendront à leurs tours et chacun dans le bon ordre bien sagement bien comme il faut les uns derrière les autres d’autres « LE » problème. LE problème numéro un : c’est la drogue.

La drogue circule sur la place, la drogue se diffuse, la drogue est présente de partout, la drogue se vend sous le manteau, la drogue se vend à la sauvette, la drogue se fume, la drogue s’injecte, la drogue se sniffe, la drogue s’achète. Dans les buissons, ce ne sont plus des oiseaux qui viennent nicher dans leurs petits cocons de plumes, non, ce ne sont plus les petits oiseaux qui viennent nicher dans les buissons, ils ont été remplacés par de la drogue les oiseaux, on a mis de la drogue dans leurs nids et ils ont été concernés par LE problème numéro un. La drogue au début ils s’en foutaient les oiseaux, en même temps c’est con un oiseaux, ça s’en fout de beaucoup de choses, y compris de la drogue. Ils cuicuitaient comme des cons sur la place, à construire des nids pour y pondre des œufs pour que d’autres cuicuiteurs viennent y éclorent, leurs transmettre tout ce qu’ils savent de leurs cuicuitages et puis mourir en sachant que ça continuerait de cuicuiter après eux. C’est débile comme façon de faire, c’est complètement con, c’est bien un truc d’oiseau à la con ça. Croire que cuicuiter c’est une fin en soi… Ils ont pas lu la Fontaine les zozios ? Ils ne savent pas que machin l’hiver fut venu, se trouva fort dépourvu  ? Imbéciles d’oiseaux, bien faits pour leurs gueules, enfin pour leurs becs, enfin tu vois le genre… Bien fait quoi, na ! C’est bien fait pour les oiseaux, ils sont morts, y’a plus de vie sur la place, il n’y a que de la drogue, de la drogue qui se cache dans les buissons, dans les poubelles, dans les caleçons des dealers et dans les soutifs des dealeuses. Iels se calent des boulettes odorantes comme des truffes au creux de leurs secrets intimes, iels se calent des mélanomes qui s’effritent sous la flamme du briquet. Pas besoin de bien s’y connaître en champignons pour savoir qu’on ne fera pas d’omelettes avec ces grosses truffes grasses qui sortent de sous-vêtements de sports. Pas besoin non. Non, non, non pas besoin de s’y connaître, il faut juste savoir effriter la grosse truffe et la mettre dans son pilon pour en faire un gros zder de taga taga qui fume bien blanc sur la place comme un fumigène de naufragé·e. Pas besoin d’être un·e spécialiste pour savoir que cette fumée qui sort de ces cigarettes mal fagotées ce n’est pas que du tabac. Moi non plus faut pas me prendre pour une truffe, je sais ce que c’est que le haschich, j’en ai déjà vu, jamais touché, jamais non, je ne vois pas l’intérêt, un petit verre de rhum je ne dis pas, pourquoi pas je ne crains pas la gaudriole, mais ta vieille schmer d’olive marocaine tu peux te la garder mon coco. Je touche pas à ton teuteu, je touche pas à la drogue, j’ai vu les ravages, j’ai vu ce que la drogue faisait et c’est pas beau à voir. C’est tellement pas beau à voir que personne ne veut le voir, alors paradoxalement ça se vend sous le manteau comme pour qu’on ne le voie pas, mais ça se vend sous le manteau au vu et au su de toustes. C’est paradoxal pas vrai ? Alors du coup tout le monde se dit que la drogue est là et qu’elle envahit tout et que bientôt dans l’œil du jeune qui traîne dans mon salon il n’y aura plus le respect ni l’amour, mais juste de la drogue qui suinte dans son cerveau. C’est pas beau à voir ce que ça fait la drogue, il faudrait l’interdire, mais c’est déjà interdit alors il faudrait la réinterdire, ou mieux attend, mieux encore on la désinterdit on laisse un peu le truc prendre et on la réinterdit comme ça toustes y verront bien ce que ça fait la drogue. Mais personne ne veut voir le problème, personne ne veut ouvrir les yeux. La drogue c’est de la merde, la drogue c’est du shit, c’est du caca sorti tout droit de ce troisième œil, de l’œil marron de Bataille, c’est de la merde odorante qui sort par l’œil qu’on ne montre pas, l’œil qui ne voit rien, sur lequel on s’assoit et dans lequel on met quelques fois des choses et des gentes mais ça reste select. C’est un œil qui permet aussi de cacher de la drogue parce que les keufs ne regardent pas dans cet œil, iels nous regardent dans les yeux, nous demandent de les baisser et des fois, quand on est au comico ou à l’arrière d’une fourgonnette il nous demande de baisser le reste et de tousser keuf-keuf pour que le troisième œil s’ouvre et qu’on y voit si des fois là-dedans c’est un œuf d’oiseau ou de la drogue qui s’y cache. C’est comme ça que les keufs iels trouvent des passeurs de drogue, des mules, ça s’appelle alors que non les mules ne pondent pas d’œuf, les oiseaux à la limite, oui les oiseaux ça pond des œufs, mais le problème c’est que oui, le problème, le problème numéro UN. LE problème avant celui de la drogue, le problème en fait qui est le vrai problème c’est que les oiseaux, tous les oiseaux sont morts...

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