Merci Mounir Mahjoubi !

240 drones dans les ciel de Paris, 20 000 boutons bleus d’urgence dans les rues de la capitale...

paru dans lundimatin#189, le 29 avril 2019

Mounir Mahjoubi, ancien Secrétaire d’Etat au numérique et désormais candidat à la Mairie de Paris, veut déployer 240 drones dans le ciel de Paris, chacun survolant un quartier, et installer 20 000 boutons bleus d’urgence dans les rues de la capitale pour appeler les forces de l’ordre en cas de problème. Et encore distribuer des boutons portables aux Parisiennes et Parisiens qui se sentent vulnérables : les personnes très âgées… Tout un programme pour lutter contre l’insécurité.

Enfin l’occasion d’être un bon, un vrai citoyen !

Je ne manquerai pas, pour ma part, d’appuyer en permanence sur les boutons bleus installés dans les rues pour indiquer qu’un chien vient de chier à l’angle de l’Avenue des Champs Elysées et de la Rue La Boétie, ou qu’un homme mal fringué a gravement insulté Macron en le traitant de menteur, ou qu’une fille a volé un peigne aux Galeries Lafayette, autant d’agressions de ma profonde honnêteté citoyenne et de mon sens du respect et de l’ordre.

Je veux appuyer sur le bouton bleu pour attendre les flics qui viendront aussitôt, et leur montrer du doigt deux hommes et une femme qui parlent ensemble depuis trop longtemps déjà sur le trottoir, ce qui agresse ma tranquillité d’esprit.

Je veux participer à une brigade citoyenne auxiliaire des drones dans leurs missions de surveillance et de délation, et gardienne du parc de boutons bleus, créée sous le nom de « Frères et Sœurs de la sécurité ».

Je veux disposer d’un brassard fluo spécial pour signaler par de grands gestes du bras au drone qui bruissera au dessus de ma tête un individu louche qui fume en terrasse avec un air méchant.

Je veux disposer d’un bouton spécial qui me permettrait d’entrer en contact directement avec la préfecture pour signaler la détérioration probable, par des vandales, des boutons bleus installés dans les rues, ou le vol de boutons portables à des petites vieilles qui s’apprêtaient à les utiliser en cachette.

Je veux participer à la conception de messages codés pré-enregistrés qui éviteraient aux usagers des boutons bleus de bafouiller sous l’émotion ou jargonner leur plainte dans un sabir imbitable. Ces messages codés pourraient être par exemple : « un gilet jaune m’a regardé d’un sale œil », « un gilet jaune a pissé sur la flamme du soldat inconnu », « un jeune black a osé sourire à une bourgeoise du XVIe probablement dans le but de la trousser et détrousser », « un enfant de 5 ans hyperactif a dit à sa mère : tu m’embêtes maman, je ne veux plus t’entendre », « une jeune femme s’est moquée ouvertement des tenues de Brigitte Macron »,… Il serait préférable bien sûr que le soldat inconnu, ou la bourgeoise, ou la mère de l’enfant, ou Brigitte Macron appuient en personne sur le bouton bleu, mais on sait la timidité des victimes à entamer une poursuite. Quant aux morts…

Je demande à disposer au plus vite d’un bouton bleu portable pour mentionner l’agression, l’offense à mon honneur de patriote, d’un de mes bons amis qui a osé récemment me rappeler les propos de Bertold Brecht à propos du soldat inconnu : « Pourquoi parle-t-on du soldat inconnu ? Parce que c’est un soldat qui s’en est pris tellement plein la gueule qu’il est devenu méconnaissable ».

Je demande que les boutons bleus dans les rues soient équipés de caméras de vidéosurveillance pour que l’agresseur soit filmé et identifié au moment où il redoublera sans aucun doute son agression lorsque la victime appuiera sur le bouton bleu pour clamer sa plainte.

Je demande que les caméras de vidéosurveillance capturent la silhouette des auteurs d’incivilités qui appuieront sur les boutons bleus rien que pour faire chier les flics ou leur raconter n’importe quelle salade qui les ferait se déplacer pour des prunes. Un détecteur de mensonges au facies du témoin devrait être conçu à cet effet.

Je suggère que les micros incorporés aux dispositifs des boutons bleus puissent enregistrer et identifier la voix de la victime qui parle, en vue d’un fichier répertoire sonore des plaintes déposées qui limiterait les faux témoignages ou l’excès de plaintes comme les pompiers par exemple peuvent en recevoir chaque nuit où ils sont de service.

Je propose qu’à côté des boutons bleus de détresse et d’alerte, des boutons rouges aident à signaler l’ivresse sur la voie publique avec un plan du quartier visible sur écran, de sorte que les gens étrangers au quartier puissent indiquer très facilement et précisément la localisation du délit. De même des boutons blancs pourraient simplement transmettre des messages de réconfort urbain du genre « Bonsoir, tout va bien ici, rien à signaler », ou « Un oiseau s’est posé sur la branche du platane, quel bonheur ! », mais par des messages assez courts pour ne pas encombrer les ondes communicantes sur le réseau. Les « Frères et Soeurs de la sécurité » pourraient ainsi être aussi porteurs de joie et d’espérance, compensant la tâche sécuritaire si ingrate qui leur incombe en tant que simple citoyens.

Je suggère que des responsables de la bioénergie et de l’ergonomie sécuritaires réfléchissent sans tarder aux remèdes technologiques offerts aux manchots et culs de jatte que le handicap contraindrait dans l’urgence d’une forte émotion à frapper du front sur les boutons bleus pour transmettre leur plainte. Une des questions techniques qui se posent d’ailleurs dès maintenant est d’envisager des boutons bleus installés à différentes hauteurs pour que les infirmes en fauteuil roulant comme les enfants puissent, en cas d’agression, accéder sans difficulté au bouton le plus proche.

Je conseille de même la fabrication de panneaux fléchants, indiquant la proximité d’un bouton bleu afin d’éviter que la victime affolée et/ou violentée éprouve la double peine de chercher désespérément du regard un bouton bleu accessible. Une application sur leur smartphone « GPS boutons bleus » pourrait aussi renseigner à tout moment les usagers urbains de la géolocalisation des boutons bleus sur leur parcours de consommation ou de détente. Ce moyennant un abonnement-sécurité à un tarif abordable, ou gratuit pour les personnes les plus vulnérables en état d’utiliser un smartphone, ce qui éviterait un trop lourd investissement dans la distribution gratuite de boutons bleus portables.

Je propose la tenue annuelle d’une Assemblée générale des Frères et Sœurs de la sécurité, où l’on ferait le bilan de l’enthousiasme sécuritaire, des résultats obtenus grâce à l’enregistrement des données traitées sous formes de statistiques à l’Observatoire général de la sécurité, et la découverte des progrès technologiques qui favoriseront la délation de tous par tous, de toutes par toutes, de tous par toutes et de toutes pas tous.

Je suggère enfin que l’Assemblée annuelle des Frères et Sœurs de la sécurité se termine sur une grande fête des Boutons bleus et des drones, avec un grand jeu de désorientation au cours duquel des drones dernier cri auraient à détecter les incivilités les plus secrètes, jusque dans les recoins les plus obscurs de la capitale. La surveillance jusque même dans les chambres à coucher des maisons ou appartements pourrait être expérimentée au moyen d’une approche discrète des drones qui ne dérogerait pas aux plus élémentaires droits de l’homme et aux libertés fondamentales attachées à la vie privée.

Je propose qu’en cas de problème particulier relevant de ces mesures élémentaires de sécurité, chaque citoyen, chaque citoyenne puisse se rendre pour l’exposer dans une des nombreuses agences « France service » que notre Président Macron a eu le génie d’inventer ces jours-ci.

Patrick Condé

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