Marseille : l’usine Lafarge de la Malle envahie et sabotée par 200 activistes

Vidéo, communiqué et reportage photo

paru dans lundimatin#363, le 12 décembre 2022

Samedi 10 décembre, à Bouc-bel-Air, dans les Bouches-du-Rhône, 200 personnes se sont rendues sur le site de l’usine du cimentier Lafarge pour y entamer son démantèlement. En effet, l’entreprise est mondialement connue pour quelques prouesses : être parmi les plus gros pollueurs et émetteurs de CO2 en France, une mise en examen pour financement du terrorisme, une autre pour complicité de crime contre l’humanité, tout en continuant de se présenter comme l’un des fleurons de l’industrie française et à couler du béton par millions de tonnes. Si certains ne manqueront pas de s’interroger sur les moyens mis en œuvre par les activistes, les raisons, elles, n’auront échappé à personne. Une courte vidéo nous a été transmise, ainsi qu’un communiqué explicatif et ce que nous pourrions qualifier de roman-photo de ce samedi où le cimentier a perdu son incinérateur, plusieurs de ses engins de chantier, beaucoup de sacs de ciments et quelques armoires électriques. « Un jour, tout se paye » conclut un tag laissé sur site.
Un reportage plus long est attendu dans la journée.









































































Communiqué

Ce 10 décembre 2022 à 18h, 200 personnes ont envahi et désarmé par surprise l’usine Lafarge de la Malle à Bouc-Bel-Air dans les Bouches-du-Rhône. Dans une ambiance déterminée et joyeuse, l’infrastructure de l’usine du cimentier pollueur a été attaqué par tous les moyens : sabotage de l’incinérateur et de dispositifs électriques, câbles sectionnés, sacs de ciments éventrées, véhicules et engins de chantiers endommagés, vitrines des bureaux abîmées, murs repeints de tags...

Lafarge-Holcim, est un des plus gros pollueurs et producteurs de CO2 du pays. Visé par plusieurs procédures judiciaires anti-terroristes, la multinationale cherche systématiquement à étouffer les attaques qui lui sont faites. Ici à Bouc-Bel-Air, les fours qui ont été ciblés, longtemps alimentés par des déchets industriels et des pneus sont aujourd’hui le symbole du greenwashing. La pollution atmosphérique est considérable et a été maintes fois dénoncée par toute la presse et les riverain•e•s. Pour autant, les cheminées crachent toujours leur venin.

En France et en Suisse, cela fait trois ans que des actions de plus en plus déterminées visent Lafarge-Holcim : blocages « Fin de Chantiers » en 2020, occupations simultanées et sabotage de 4 sites par des centaines de personnes en juin 2021 lors de l’opération « Grand Péril Express », mobilisations successives contre la destruction du bocage de Saint-Colomban par Lafarge en Loire- atlantique, Zad de la Colline contre une extension de carrière Lafarge en Suisse.(voir liens et vidéos sur ces actions ci-dessous)

Après les échecs cuisants de la COP27 et prévisibles de la COP15 Biodiversité et sans attendre une COP 2050 et 3 degrés de plus, nous sommes revenu•e•s aujourd’hui en visant à se donner dès maintenant les moyens d’arrêter ces industries de la construction qui détruisent la terre.

« Lafarge et ses complices n’entendent rien à la colère des générations qu’ils laissent sans avenir dans un monde ravagé par leurs méfaits. Leurs engins, silos et malaxeuses sont des armes qui nous tuent. Ils ne cesseront pas sans qu’on ne les y force. Nous allons donc continuer à démanteler ces infrastructures du désastre nous même. Nous appelons toutes celles et ceux qui se soulèvent pour la terre à occuper, bloquer et désarmer le béton. »

Pourquoi viser Lafarge ?

Le groupe Lafarge Holcim, aux milliards de chiffre d’affaire ne recule devant rien pour continuer sa course délirante au profit et cela au mépris de toutes les conséquences écologiques et sociales engendrées. Poursuivi dans plusieurs pays, Lafarge et ses dirigeants ont fait preuve de leur cynisme à travers leur implication dans le financement de l’Etat Islamique en Syrie. Condamnés par les Etats-Unis en octobre 2022, à 778 millions de dollars pour avoir soutenu Daech, ils sont toujours mis en examen en France pour complicité de crimes de guerre contre l’humanité. Dans cette affaire, la succession de choix tactiques faits par l’Etat français, à travers des échanges entre la DGSE et Lafarge démontrent une fois de trop que la bonne tenue du capitalisme nécéssite que l’Etat et les industriels marchent ensemble.

Extraire la roche sous protection de l’Etat quitte à alimenter la guerre. Vendre le ciment pour reconstruire ce que les guerres auront démoli. Et au passage, détruire nos conditions de vie et nos environnements pour y ériger un monde de béton et de mort, fut-il fait de greenwashing à base de neutralité carbone ou ciments bas carbone produits par incinération des déchets. De l’extraction du sable, à la production de ciment et béton, et aux grands projets inutiles, toute la chaîne de l‘industrie de la construction représente une catastrophe écologique. Le secteur du BTP, de sa chaîne de production à son utilisation, est responsable de 39 % des émissions de CO2 au niveau mondial. Ici à Bouc-Bel-Air l’entreprise n’a jamais hésité à faire du lobbying pour dépasser les normes environnementales en matière de poussières et de d’oxydes de soufre fixées par l’Union européenne. Sur les 50 sites les plus polluants de France, 20 sont des cimenteries dont cette usine qui produit plus de 444 464 tonnes de CO2 par an et alimente ses fours de milliers de vieux pneus et toutes sortes de déchets toxiques.

Dans nos paysages comme dans nos imaginaires, le béton est devenu la norme sous la pression des lobbies et la complicité des pouvoirs publics. Il est au coeur des projets les plus aberrants de la dernière décennie : Chantiers du Grand Paris et des JO 2024, aéroport de Notre-Dames-des-Landes, extension de la carrière de Château-Gontier en Mayenne, ou encore à quelques kilomètres d’ici, bétonnisation des terres agricoles de Pertuis.... Puisque le pouvoir se crispe sur ses ressources et ses grands projets, puisqu’il invente même le terme d’éco-terrorisme pour légitimer sa traque des militant•e•s écologistes, puisque aujourd’hui
rien ne les arrête, nous les arrêterons nous mêmes. Mettre en échec par les moyens adéquats les projets écocidaires d’aménagement du territoire et détruire les infrastructure qui les rendent possibles sont les seules options pour rendre le monde à nouveau désirable.

Nous ne voulons pas d’éco-capitalisme colonial, d’économie de guerre ou d’une transition écologique cynique et manipulatrice. Voilà pourquoi nous avons attaqué Lafarge-Holcim aujourd’hui.

Bouc-Bel-Air, le 10 décembre 2022

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