13 juin 2025
Après une fouille intense de nos sacs à l’aéroport et le visa obtenu, nous arrivons au Caire sans aucun problème. Ce n’est pas le cas pour tout le monde. Selon le vol de provenance, le jour et l’heure d’arrivée, beaucoup de nos camarades ont été retenu.es dans des aéroports ou directement expulsé.es par un vol retour. Les maghrébin.es sont spécifiquement pris.es pour cible, passant un interrogatoire quasi systématiquement.
La nuit est courte. Nous recevons un message dans la matinée avec les instructions suivantes : toutes les délégations doivent se retrouver à Ismalaia, en s’y rendant par ses propres moyens en taxi de 2 ou 3 personnes, pour faire pression sur les autorités égyptiennes et tenter d’obtenir une dernière fois le feu vert pour marcher dans le Sinaï.
Sur la route, à peine sortie du Caire, des bouchons à perte de vue. Notre chauffeur nous dit ne jamais avoir vu ça. Cette route est empruntée, mais pas autant. Premier checkpoint : Nous faisons profil bas. Sur le bas côté, des groupes d’occidentaux sont sortis des voitures et semblent ne plus pouvoir avancer. Nous passons sans problème en demandant au chauffeur d’accélérer. On continue la route et de nouveau un énorme bouchon. Nous comprenons que 90% des voitures sont là pour la marche. Ça klaxonne dans tous les sens, l’ambiance devient trépidante. Nous sommes là dans un objectif commun, et c’est beau de nous y voir rassemblés.
Il est 15h. Nous arrivons au 2e check point. Immédiatement, la police encercle la voiture et nous demande les passeports. Nous résistons en leur montrant que nous sommes en règle mais en leur disant qu’on ne lâchera pas notre passeport. En vain. Ils font pression. Nous donnons les passeports. Les agents se baladent avec des piles entières de passeport et rentrent tour à tour dans leurs bureaux. Nous descendons du véhicule, allons à l’encontre des marcheur.euses et nous nous rendons compte de l’étendu du mouvement : de Roumanie, du Chili, de Malaisie, du Canada, du Royaume-Uni, beaucoup d’espagnol.es et énormément de français.es. La délégation française semble être la plus importante. Nous estimons à environ 1000 personnes bloquées à ce checkpoint.
Immédiatement, nous sortons les drapeaux et les slogans. Nous chantons. Nous exprimons notre souhait : Free Palestine ! Nous n’avons plus de passeport, nous sommes stoppé.es sur notre chemin mais nous avons toujours nos voix pour porter haut et fort notre combat.
Nous apprenons que le long de la route, les marcheur.euses ont été arrêté.es sur 4 checkpoint différent. Il commence à faire chaud. Certain.es partent acheter des cartons de bouteilles d’eau pour les distribuer. Nous commençons a perdre patience et exigeons le retour des passeports.
16h : Un agent vient avec une première pile de passeports : agglutiné.es, nous sommes en cercle espérant entendre son nom pour reprendre son passeport. On s’organise comme on peut, par nationalités. La distribution dure des heures, en plein soleil.
19h : Nous sommes une cinquantaine à ne toujours pas avoir notre passeport. Avec une camarade, nous entreprenons une liste des ressortissant.es français.es sans passeport. Nous sommes 8. Nous voulons faire pression auprès de l’ambassade ou du consulat mais tout semble fermé. On va donc continuer à discuter avec les agents.
20h : 2 passeport français ont été retrouvés. Pour les 6 autres, nous sommes toujours dans l’attente. Pareil pour les autres nationalités. Les forces de l’ordre sont arrivées.
Celles et ceux qui ont récupéré.es leur passeport ne sont pas autorisé.es à repartir. Tout le monde se réunit entre délégation. L’idée est de rester camper cette nuit au checkpoint.
22h : ça fait maintenant 2h que nous attendons les 35 passeports manquants. Nous perdons patience. Ils le font exprès. Ils veulent nous ralentir coûte que coûte. La nuit est tombée. Des bus sont arrivés. Nous apprenons qu’au premier checkpoint, les marcheur.euses ont été déportés
dans des bus vers l’aéroport. Pendant que nous sommes toujours en négociation - ça fait 3h qu’on nous dit ’Attendez dans 5 min on vous les rend’ - les délégations sont assises, gardent leur position et commencent à être nassées. La tension commence. Ça s’énerve. Les autorités commencent à faire monter les personnes dans les bus, censés les faire revenir au Caire. De notre côté, nous ne pouvons rien risquer tant que nous n’avons pas notre passeport. Nous voyons la tension monter, les gens emmenés de force dans les bus. Quelques premiers blessés.
23h : tous les passeports on été rendus ! Il faut prendre une décision : rejoindre les autres dans la nasse en solidarité, partir de nous mêmes au Caire pour assurer une présence internationale et éviter l’expulsion à l’aéroport. Les délégations nous conseillent de rentrer au plus vite au Caire, par nous mêmes, et de ne pas inciter la résistance et la violence. Nous sommes un mouvement pacifiste.
14 juin 2025
Beaucoup de militaires dans la ville, les gens se font suivre, interrogés. Certains hôtels dénoncent la présence d’internationaux.ales.
Brève conclusion :
Certes, aujourd’hui les autorités égyptiennes ont en quelque sorte gagné : nous n’avons pas atteint Ismalaia, notre foule a été divisée et nous avons du rebrousser chemin. Mais nous sommes toujours là, déterminé.es à porter notre message coûte que coûte ! Nous faisons du bruit, nous dérangeons, nous perturbons la tranquillité de ces pays complices, et c’est en partie ce que nous voulons ! Alors continuons à résister et à crier haut et fort que nous ne supportons plus ce massacre, il a duré bien trop longtemps. Ne nous divisons pas, suivons notre objectif avec union. Ce serait les laisser gagner une nouvelle fois...
Ce n’est pas un échec. Cette marche contribue à l’éveil international des consciences.
Dans chaque pays, des citoyen.nes organisent des marches en soutien à celle pour Gaza.
Ce témoignage personnel n’est qu’une infime partie de ce qui a été vécu au Caire les vendredi 13 et samedi 14 juin. Nous avons vécu l’un des scénarios les plus favorables.