Macronomie

Orange ou bleue - La réaction économique prépare sa marche sur Paris
Par Jacques Fradin

Jacques Fradin - paru dans lundimatin#102, le 4 mai 2017

« Depuis plus de trente ans, nous ne parvenons pas à régler le problème du chômage de masse ni celui de l’intégration à l’économie. »

« Le chantier sera celui de la société du travail. Dès le début du quinquennat, je demanderai au gouvernement de simplifier le droit du travail et de réformer l’assurance chômage. »

(Extrait du programme d’Emmanuel Macron, Mon contrat avec la nation.)

Redonner toute sa force à l’économie, voilà le programme.
Avec des recettes vieilles de plus de trente ans d’âge.
Accroître l’emprise de l’économie, accroître la soumission aux impératifs économiques, accroître la dépendance à la vie de l’entreprise, accroître la soumission aux impératifs de la concurrence « loyale et non faussée », accroître l’individualisme cupide, l’incorporation aux rouages des circuits monétaires, la fonctionnalité efficace, l’intégration disciplinée, l’enthousiasme productif (considéré comme un nouveau patriotisme).
À défaut de croissance (patriote ou pas), voilà ce qui doit croître.
Mais pourquoi, ces recettes ayant échoué depuis trente ans, en amplifier les doses disciplinaires ouvrirait à une quelconque voie « pour bâtir une France nouvelle » ?
Qu’elle soit orange ou bleue, ouverte au vent du monde de l’économie globale ou hexagonale de l’entreprise nationale pour une croissance patriote, la macronomie, orange ou bleue, donc, inventera un nouveau cul de sac, une nouvelle poupée russe dans l’impasse où tout se bloque, l’impasse économique.

Aucun macron, orange ou bleu, ne pourra ni nous sortir (chaque Française et chaque Français) ni se sortir de l’impasse où sa dogmatique économique l’emprisonne.
Une nouvelle loi “travaille” encore plus violente ?
Résoudre la question du chômage en supprimant les chômeurs ou, plus humanitairement, en les délocalisant ?
Quel que soit le macron tiré à la loterie électorale, il sera impotent. Tel Gulliver enlacé par d’innombrables « intérêts particuliers ».
Le macron orange, lié par sa foi européiste, pourrait bien devenir un nouveau Tsipras, un « bourgeois de Berlin », cul nu la corde au cou.
Le bleu macron, bien que plus tonitruant, pourrait voir s’élever, ironiquement, un nouveau « mur de l’argent », se dressant, cette fois-ci, contre “le marinopénisme”, ce marxisme péroniste si proche des phalangistes ultra chrétiens.
La finance, cette puissance abstraite et apatride, qui, depuis longtemps, a ingéré la France, pourrait rappeler un « fondamental économique » : comment solder le déficit permanent de la balance des payements ?
Faudrait-il rationner l’essence ? Interdire aux bons patriotes d’aller en vacances au Maroc ? Interdire les virements internationaux impliquant du change ? Finalement contrôler internet ?
L’illusion électorale se dégonflera bien vite.
Et le président fantoche, orange ou bleu, exhibera son inanité sonore.

Tout commence après.
Après le bal électoral.
Hors de labyrinthe électoral.
Contre le minotaure qui attend ; régénéré par sa dose de macronine et de spectacle bruyant.
Des mesures économiques de plus en plus réactionnaires (et désespérées) susciteront une opposition de plus en plus organisée. Contemplant les ruines et les ravages.
À la violence étatique croissante de l’économie, en guise de croissance économique, s’opposera le rejet le plus ferme, la désertion la plus étendue.
D’abord avec le mot d’ordre d’abstention générale.

Aucun président, tiré de l’urne, macron orange ou bleu macron, ne pourra restaurer « la confiance », et le calme, nécessaire au ronronnement de l’économie, le calme censé aller avec la confiance.

« Je veux redonner à chaque Française et chaque Français confiance en eux, confiance en la France et dans notre capacité collective à relever nos défis. »

(Programme d’Emmanuel Macron).
Autosuggestion ? Méthode Coué ? Mensonge de propagande ? Croyance absurde ? Incantation chamanique ? Discours managérial ?
Quoi qu’il en soit, l’avenir ne peut se dessiner ni en termes de macronomie régressive ni en termes d’économie du tout.
Il faut se préparer à saisir l’opportunité qu’offre cette ultime impotence criarde.

Les deux macrons

Dans la salle du spectacle de foire.

Comme le tirage de la grande loterie électorale a sélectionné deux macrons parmi les cinq nuances de despotisme économique, il est possible d’observer, plus spécifiquement, ces deux nuances « choisies ».
Macron orange et bleu macron sont remis dans l’urne pour le prochain tirage.
Certes le tirage du pivot macron, macron orange ou Macron himself, ne peut passer pour une surprise. Pas plus que le tirage du bleu macron, du macron national.
La loterie serait-elle truquée ?
Certainement, puisque les urnes ne contenaient que des boules économiques, des défenseurs de l’économie, plus armés les uns que les autres (pour détruire toutes les formes de vie extérieures à l’incorporation économique).
La grande foire entourant le second tirage de la grande loterie, avec son entêtante musique tonitruante, le spectacle sportif d’un pugilat factice, tout cela crève les yeux et les tympans.
À ma droite, le bleu macron national, le chevalier de l’économie hexagonale et des entreprises patriotes ;
Au centre (droit quand même), le macron orange européiste et mondialiste, ouvert au monde, le champion de l’esprit des entreprises innovantes de la révolution numérique sans frontière.

Le macron orange

La réaction économique jeune et souriante.

Des légions de sous macrons ont œuvrés et œuvrent encore au rétablissement de l’économie de croissance, libérée, bonne et saine, ont mené et mènent encore une politique acharnée contre-révolutionnaire d’effacement systématique de toutes les places de résistance, tel que le droit social, les acquis sociaux (« conservateurs ») ou les statuts protecteurs (« corporatistes »).
Macron, le pivot macron, le centre du gouvernement des sous macrons, se tient, tel Richelieu, en exécuteur des places fortes trop légèrement concédées par des gouvernants incompétents ou bien trop faibles.
Haro sur les protestants de l’économie !
Il faut d’abord ramener l’unité économique du royaume, éliminer les oppositions (à cette économicisation à outrance), araser systématiquement les positions fortifiées d’autonomie, de protections, de « rentes » de situation.
Que veut le rapporteur adjoint de la commission Attali pour « la libération de la croissance » ? [1]
Et, d’abord, qu’est-ce que cette « libération de la croissance » ?

Ne prenons qu’un exemple, symptomatique :
Soit un rentier typique, bénéficiant de « franchises » indues, usant, et souvent abusant, d’un droit protecteur acquis au prix de violentes luttes séculaires et se retranchant derrière les termes d’un armistice désormais déplacé ou obsolète.
Soit un chômeur.
Un article, simple et clair, de l’économie nous dit : il n’y a de chômeur qu’autant qu’il y a de droit au chômage ; le chômeur est une construction juridique et non pas économique ; construction déconstructible donc [2].

Comment supprimer le chômage ?
Comment retirer cette épine, désignée dès la première page du projet Macron ?
La réponse est élémentaire : il suffit de supprimer le droit au chômage, cette vieille lune des « socialistes » du début du 20e siècle.

Comme Richelieu a mené une guerre sans pitié contre toutes les places de protection (concédées aux protestants), Macron, le pivot macron, va poursuivre la guerre sans pitié contre toutes les positions « rentières » dénoncées dans le rapport de la commission Attali.
Contre le droit social, en particulier.
Pour rétablir la « pureté » de l’économie fluidifiée, ramenée à de la mécanique pure.
Transformer toute personne en militant de l’économie, en atome des circuits économiques, se déplaçant d’emploi en emploi et de lieu en lieu à vitesse accélérée.

Adaptation. Intégration. Absorption.

Revenons alors à notre chômeur, ce rentier protégé.
Il est historiquement vérifiable que le chômage est une construction sociale datée, très récente.
Qu’est-ce qui existait « avant le chômage » ?
Eh bien, tout simplement la misère des miséreux.
Un chômeur n’est qu’un misérable muni de droits ou d’un statut juridique.
Supprimer le chômage revient à supprimer le droit protecteur (ce qui peut se faire simplement) et revient à transformer le chômeur en misérable dénué de droits.
Le programme du macron en chef, ou futur chef de l’état des macrons, est limpide : un chômeur ne pourra refuser l’offre d’emploi qui lui est faite, quel que soit le prétexte possible, tel que baisse considérable du salaire, absence de rapport entre le travail proposé et l’ancien travail, déplacement géographique insupportable pour des raisons familiales, etc.
La délocalisation du capital exige la délocalisation du travail.
Et le modèle allemand, si loué.
Supposons un plombier allemand mis au chômage, par effet de concurrence « loyale ». Il pourra recevoir l’ordre d’aller comme journalier agricole en Pologne (dans une ferme entreprise allemande). Pendant qu’un plombier polonais viendra, sous statut polonais et salaire polonais, remplacer, en Allemagne, le plombier allemand mis au chômage (dans la perspective d’une baisse des coûts et des prix) et réexpédié en Pologne.
Macron pro-européen ? Européiste, même ?
Il manifeste le rabougrissement de l’Europe considérée uniquement comme Union Économique ouverte, communauté économique, Commonwealth.
Que signifie alors Macron, le chef macron ?

La domination totale de l’économie.

L’approfondissement du totalitarisme économique, de l’emprise totale de l’infrastructure économique, avec son droit délabré, la loi privatisée (lex mercatoria), ses impératifs de bons comportements adaptés, la peur diffuse, l’ordre enfin restauré.
Macron, le chef des macrons technocrates économistes, le visage juvénile de l’arrivisme, n’est que le porte drapeau tricolore de tous les arrivistes narcissiques.
Qu’est-ce qui distingue le pivot macron du macron hype, feu Fillon hyper macron ?
Rien d’autre que l’apparence. Le porter beau. Une gueule de beau gosse.
La juvénilité si prisée. L’icône du jeunisme. Mais d’un jeunisme intégré, déjà cupide, fasciné par la réussite économique (et le fric), rapace, entièrement mobilisée dans la croisade économique et dans les pépinières (ou pouponnières) d’entreprises innovantes.
Enrichissez-vous ! Écrasez les concurrents ! Que votre seul mode de vie soit celui guidé par la performance économique !
Mort aux misérables !
Que de cynisme haineux derrière le sourire juvénile.
Du petit père des peuples nous passons au technocrate sans pitié, mais tout en sourire (de cinéma).

Le bleu macron

La résurrection du corporatisme (de l’État) français.

Le marinopénisme n’est en aucune manière un marxisme péroniste, encore moins un avatar du communisme anti-économique !
Le bleu macron est un économiste à l’ancienne, s’appuyant sur un libéralisme classique, un national libéralisme, un économisme du retour à l’État national planificateur patriote.
Le bleu macron est libéral hexagonal, pour le libéralisme dans un seul pays.
Et dont le slogan serait : heureux comme un entrepreneur patriote en son pays de France !
Entrepreneur heureux et même bienheureux, puisqu’allégés de toutes les contraintes sociales, syndicales, débarrassés de toute opposition interne à l’entreprise. Enfin être patron chez soi !
Le national libéralisme bleu macron est un économisme autoritaire, patronal ressuscité.
Le bleu macron ne critique jamais le libéralisme, ne condamne jamais l’économie.
Il prône un retour à la régulation nationale, à la planification patriote.
Ce qui peut amener à confondre le bleu macron, bleu marine, et le fondu macron, Mélenchon.
Il y aura une croissance bleu marine, ce sera une croissance patriote.
Et cette croissance sera impulsée par une économie « participative » ou « collaborative », mais ici au sens de corporatiste.
On rétablira la collaboration interclasse au service de la patrie. On réhabilitera le vieux schéma fasciste de la participation (prisée des gaullistes).
Ce ne sera plus le parti des patrons contre celui des ouvriers, mais le parti des étrangers (mondialistes) contre celui de la France (patriote).
La défense des (petits) entrepreneurs patriotes contre les multinationales apatrides constituera une règle centrale de la nouvelle économie patriote.
Puis retrouver le vieux schéma corporatiste de l’économie organique, saine et juste.
Que vaut dire, ici, remettre l’économie en ordre ?
Lutter pour la concurrence juste, loyale et non faussée.
Et, par exemple, stéréotype libéral, étendre cette concurrence loyale en annihilant les cartels syndicaux désastreux ou en interdisant toute concentration d’opposition à l’économie (comme l’édification de zones autonomes).
Une doctrine saine de réconciliation nationale de l’économie et de la société, de réencastrement, implique de « réformer » les syndicats en créant de nouveaux syndicats interclasses rassemblant les salariés, les cadres et les patrons, dans une seule union, pour défendre les métiers et combattre les intérêts personnels, partisans ou, soi-disant, de classe.

Macron orange ou bleu macron ?
Toujours la guerre qui est menée pour défendre l’économie.

[1Emmanuel Macron a commencé « sa carrière politique » sous la protection du parrain Jacques Attali. En tant que rapporteur adjoint de la commission Attali (fin 2007), il a engrangé un stock d’idées libérales (« libératoires ») qui constituent le fonds de commerce de sa marche sur Paris.

Impossible de comprendre le macron sans se référer aux 316 mesures proposées par la commission Attali.

Cette initiative trans-partis des débuts du quinquennat Sarkozy, la commission présidée par Attali, a regroupé les beaux noms du capitalisme français, de Stéphane Boujnah, PDG d’Euronext à Jean Kaspar, ex-secrétaire général de la CFDT, en passant par quelques universitaires médiatiques et encore moins de journalistes, soigneusement sélectionnés. En tout 43 membres qui seront des accélérateurs pour la carrière de Macron.

Et si Sarkozy a reculé et n’a, finalement, pas appliqué les recommandations « pro-concurrence » de la commission (les 316 mesures pour « libérer la croissance »), il revient à Hollande et à son ministre Macron de remettre les propositions de la commission Attali sur le devant.

La fameuse loi Macron (2015) pour la croissance et l’activité reprend plusieurs recommandations controversées : travail du dimanche, libéralisation des professions réglementées (l’uberisation), etc.

Mais avant cette loi, toute une série de mesures de la présidence Hollande viennent des 316 fameuses propositions : le CICE, la réforme territoriale, la priorité à la baisse de la dépense publique, la réforme des allocations familiales, etc.

Début 2008, la Commission « Pour la libération de la croissance française » mise en place par Nicolas Sarkozy, présidée par Jacques Attali ancien conseiller de François Mitterrand et nouveau transfuge socialiste a rendu sa copie, un pavé de 334 pages.

Censée être « composée de 43 personnalités de différentes sensibilités », cette commission représentait surtout (à de très rares exceptions près) les différentes sensibilités libérales. Elle ne compte pas moins de 17 PDG ou anciens PDG (AXA, Nestlé, Crédit Agricole SA, Essilor, Volvo, Areva, Orange, Cetelem…). Des ultralibéraux comme les anciens commissaires européens Mario Monti et Ana Palacio, les journalistes Éric Le Boucher du Monde et Yves de Kerdrel du Figaro ou Michel de Virville, maintenant DRH de Renault. Jean Kaspar, présenté comme ancien secrétaire général de la CFDT, est le seul qui ait ou ait eu des liens avec le mouvement syndical, même s’il « gère depuis dix ans son propre cabinet de conseil ».

Laissant entendre que ce rapport était équilibré, Attali s’est empressé d’affirmer : « Aucune des mesures qui est là ne peut s’appliquer sans être fait dans un ensemble. On ne peut pas supprimer les freins sur la roue gauche d’une voiture sans supprimer les freins sur la roue droite ». L’image est doublement erronée. D’abord parce qu’il paraît pour le moins inepte de recommander de rouler dans une voiture sans frein. Ensuite, parce que si l’on voit bien les freins qu’Attali préconise de supprimer sur la « roue gauche », il est difficile, même avec une loupe, de percevoir les freins qu’il propose de supprimer sur la « roue droite ». La dérèglementation tous azimuts des professions juridiques (avoués, notaires….) ne doit pas faire illusion, elle n’a qu’un objectif : permettre la concentration du capital dans ce secteur. Aucune proposition (sur 316) n’est faite pour diminuer la précarité du travail ou améliorer le pouvoir d’achat des salariés.

Nicolas Sarkozy est d’accord avec l’essentiel, mais hésite pour l’application.

Nicolas Sarkozy a aussitôt déclaré : « Si certains sont été effrayés par le contenu de vos propositions, moi je les trouve plutôt raisonnables dans l’essentiel ». Le contraire eût étonné tant ces propositions reprennent tous les poncifs, toutes les idées reçues du sarkozysme à l’exception de la recommandation de ne pas respecter le « principe de précaution » et la suppression progressive des départements avec lesquelles le président de la République a pris ses distances. Il s’est donné bien garde, par contre, de commenter l’idée que 250 000 nouveaux immigrés par an pourraient donner à notre pays 0,5 % de croissance en plus.

Abaisser le « coût du travail ». Déréglementer. Retirer le maximum de protection aux salariés. Le florilège du libéralisme.

Beaucoup de commentateurs de ce rapport se sont contentés des 20 propositions phares mises en avant par la Commission. Il n’était pourtant pas intéressant de lire l’intégralité du rapport.

Éducation.

Permettre aux parents de choisir librement le lieu de scolarisation de leurs enfants (décision 6). C’est la fin de la carte scolaire, sereinement assumée par la commission.

Développer le tutorat des élèves des ZEP par des étudiants (dans le cadre d’un service civique hebdomadaire : le travail non rémunéré obligatoire) et des enseignants retraités. (décision 151)

Renforcer les formations en alternance (décision 13).

Renforcer l’autonomie des universités et faire émerger 10 grands pôles universitaires de niveau mondial (décision 19).

Développer les financements privés pour l’Université (décision 22). Étendre le modèle de l’alternance à tous les niveaux de formation. Et développer les formations professionnalisantes à l’université (décision123).

C’est la reprise de la vieille lune libérale qui voudrait que le chômage des jeunes soit dû à une inadéquation entre l’offre et la demande d’emploi.

Les PME.

Toutes les solutions préconisées sont tournées contre les salariés. Mais le fait que la grande majorité des PME fassent partie d’un grand groupe ou soient sous-traitantes d’entreprises donneurs d’ordre (qui dans les deux cas siphonnent leurs bénéfices) disparaît complètement du paysage.

La commission « décide » d’assouplir les seuils sociaux, de doubler pour 3 ans les seuils de 10 et 50 salariés en les faisant passer respectivement à 20 et à 100. Elle « décide » également de mettre en place dans les entreprises de moins de 250 salariés une représentation unique sous la forme d’un conseil d’entreprise exerçant les fonctions du comité d’entreprise, des délégués du personnel, du CHSCT, des délégués syndicaux. (décision 37)

La prévention en matière de santé.

Développer massivement la prévention (décision 66) mais à budget constant et sans revenir sur le passage, imposé par la Droite et le Medef avec l’accord de la direction de la CFDT, de la visite médicale obligatoire dans les entreprises non plus tous les ans, mais tous les deux ans.

La représentativité syndicale.

Fonder la représentativité syndicale sur les résultats aux élections professionnelles. Ce qui est positif mais aussitôt assorti d’une condition qui retire beaucoup d’intérêt à cette mesure : la représentativité d’un syndicat national serait liée à l’obligation d’être signataire d’au moins un tiers des 50 conventions collectives les plus importantes. (décision 116).

Réduction de la dépense publique (20).

Réduire dès 2008, la part des dépenses publiques dans le PIB. Cette réduction devra atteindre 1 % du PIB par an et à partir de 2009, soit 20 milliards d’euros de réduction par rapport à la tendance par an pendant 5 ans (décision 20).

Emploi des « seniors ».

Faire sauter le verrou de la retraite à 65 ans (décision 121) avancé sous la forme plus prudente de « permettre à chacun de retarder, s’il le désire, son départ à la retraite ». Lever toutes les interdictions au cumul emploi-retraite (décision 134) Dans les deux cas, tant pis pour les jeunes qui ne trouvent pas de travail !

Durée du travail.

Permettre aux entreprises de déroger à la durée légale du travail par accord de branche ou accord majoritaire d’entreprise (décision 136) Autoriser plus largement le travail du dimanche (décision 137)

La Sécurité sociale.

Supprimer, dans la Constitution, la distinction entre le PFLSS (Loi de financement de la sécurité sociale) et la loi de finance (décision 224). Nous n’aurions plus alors aucune garantie que les sommes collectées pour l’assurance-maladie ou les allocations familiales ne soient pas utilisées à la construction, par exemple, d’un deuxième porte-avions.

Conditionner les prestations familiales aux revenus des ménages (décision 268). C’est la méthode en deux temps pour en finir avec les prestations familiales : attaquer d’abord le salariat à plein temps, ensuite le salariat pauvre.

Moduler la franchise médicale en fonction du revenu (décision 269). C’est la même méthode en deux temps pour en finir avec une bonne partie de l’assurance-maladie obligatoire.

Organiser une gestion régionale de la carte sanitaire (décision 273). Cela signifie que la carte sanitaire nationale supprimée par le plan Hôpital 2007 ne serait pas rétablie et que l’inégalité sanitaire entre régions aurait de beaux jours devant elle.

Fusionner la part salariale et la part patronale des cotisations sociales (décision 299)

Supprimer 3 points de cotisations sociales en les finançant par 0,6 point de CSG et 1,2 point du taux normal de TVA (décision 300). Non seulement il n’y a rien pour augmenter le pouvoir d’achat mais la commission « décide » de le diminuer en augmentant la CSG et en instaurant la TVA sociale.

Supprimer le numerus clausus à l‘installation des pharmaciens (décision 212). Malgré la présence de la social-démocrate allemande Evelyne Ghebhardt, parlementaire européenne et rapporteur de la directive « Mac Creevy », la commission Attali ignore que cette disposition est déjà contenue dans cette directive et sera applicable en France dans moins de deux ans. Curieusement, la commission ne s’intéresse pas au numérus clausus des professions médicales, pourtant cruciales pour l’avenir.

Fonction publique

Mettre en œuvre de façon systématique le principe du non-remplacement de deux fonctionnaires sur trois partants à la retraite (décision 252) Augmenter la part des promotions au choix dans la fonction publique (décision 253).

Mettre en place des primes liées à la performance (collective et individuelle) des agents (décision 254).

Retraites.

Non seulement le rapport accepte tous les allongements (venus et à venir) de durée de cotisations mais il en tire la conclusion chère à tout libéral en estimant : « La montée en puissance de l’épargne retraite individuelle ou collective est donc nécessaire » (décision 305)

La méthode Coué poussée à son comble

De l’ensemble de ces 316 décisions, la commission Attali attend une croissance de 1 point supplémentaire chaque année. C’est la méthode Coué dans toute sa splendeur. Le simple fait, par exemple, de diminuer de 1 point par an la dépense publique alors que s’annonce une récession ou au moins un fort ralentissement de la croissance américaine ne pourrait avoir que des effets négatifs sur la croissance.

« Ce point de PIB pourrait signifier chaque année, par exemple, tout à la fois, 500 euros de pouvoir d’achat en plus par ménage, 150 000 créations d’emplois supplémentaires, 90 000 logements sociaux de plus, 20 000 enfants handicapés scolarisés, 20 000 place d’hébergement d’urgence créées en plus pour les sans-abris…. » ajoute la commission.

Elle a raison d’écrire « pourrait signifier » car le plus probable est que, si la potion amère de la commission aboutissait par quelque miracle, à une augmentation de la croissance, ce même remède de cheval permettrait aux profits de confisquer l’essentiel de ce surcroît de croissance.

[2Sur ce sujet de la définition juridique, historiquement localisable, du chômage et des chômeurs et du droit au chômage, lire l’ouvrage de généalogie foucaldienne de Christian Topalov, Naissance du chômeur, 1880-1910, Albin Michel, 1994.

Jacques Fradin Économiste anti-économique, mathématicien en guerre contre l'évaluation, Jacques Fradin mène depuis 40 ans un minutieux travail de généalogie du capitalisme.
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