« Depuis plus de trente ans, nous ne parvenons pas à régler le problème du chômage de masse ni celui de l’intégration à l’économie. »
« Le chantier sera celui de la société du travail. Dès le début du quinquennat, je demanderai au gouvernement de simplifier le droit du travail et de réformer l’assurance chômage. »
(Extrait du programme d’Emmanuel Macron, Mon contrat avec la nation.)
Redonner toute sa force à l’économie, voilà le programme.
Avec des recettes vieilles de plus de trente ans d’âge.
Accroître l’emprise de l’économie, accroître la soumission aux impératifs économiques, accroître la dépendance à la vie de l’entreprise, accroître la soumission aux impératifs de la concurrence « loyale et non faussée », accroître l’individualisme cupide, l’incorporation aux rouages des circuits monétaires, la fonctionnalité efficace, l’intégration disciplinée, l’enthousiasme productif (considéré comme un nouveau patriotisme).
À défaut de croissance (patriote ou pas), voilà ce qui doit croître.
Mais pourquoi, ces recettes ayant échoué depuis trente ans, en amplifier les doses disciplinaires ouvrirait à une quelconque voie « pour bâtir une France nouvelle » ?
Qu’elle soit orange ou bleue, ouverte au vent du monde de l’économie globale ou hexagonale de l’entreprise nationale pour une croissance patriote, la macronomie, orange ou bleue, donc, inventera un nouveau cul de sac, une nouvelle poupée russe dans l’impasse où tout se bloque, l’impasse économique.
Aucun macron, orange ou bleu, ne pourra ni nous sortir (chaque Française et chaque Français) ni se sortir de l’impasse où sa dogmatique économique l’emprisonne.
Une nouvelle loi “travaille” encore plus violente ?
Résoudre la question du chômage en supprimant les chômeurs ou, plus humanitairement, en les délocalisant ?
Quel que soit le macron tiré à la loterie électorale, il sera impotent. Tel Gulliver enlacé par d’innombrables « intérêts particuliers ».
Le macron orange, lié par sa foi européiste, pourrait bien devenir un nouveau Tsipras, un « bourgeois de Berlin », cul nu la corde au cou.
Le bleu macron, bien que plus tonitruant, pourrait voir s’élever, ironiquement, un nouveau « mur de l’argent », se dressant, cette fois-ci, contre “le marinopénisme”, ce marxisme péroniste si proche des phalangistes ultra chrétiens.
La finance, cette puissance abstraite et apatride, qui, depuis longtemps, a ingéré la France, pourrait rappeler un « fondamental économique » : comment solder le déficit permanent de la balance des payements ?
Faudrait-il rationner l’essence ? Interdire aux bons patriotes d’aller en vacances au Maroc ? Interdire les virements internationaux impliquant du change ? Finalement contrôler internet ?
L’illusion électorale se dégonflera bien vite.
Et le président fantoche, orange ou bleu, exhibera son inanité sonore.
Tout commence après.
Après le bal électoral.
Hors de labyrinthe électoral.
Contre le minotaure qui attend ; régénéré par sa dose de macronine et de spectacle bruyant.
Des mesures économiques de plus en plus réactionnaires (et désespérées) susciteront une opposition de plus en plus organisée. Contemplant les ruines et les ravages.
À la violence étatique croissante de l’économie, en guise de croissance économique, s’opposera le rejet le plus ferme, la désertion la plus étendue.
D’abord avec le mot d’ordre d’abstention générale.
Aucun président, tiré de l’urne, macron orange ou bleu macron, ne pourra restaurer « la confiance », et le calme, nécessaire au ronronnement de l’économie, le calme censé aller avec la confiance.
« Je veux redonner à chaque Française et chaque Français confiance en eux, confiance en la France et dans notre capacité collective à relever nos défis. »
(Programme d’Emmanuel Macron).
Autosuggestion ? Méthode Coué ? Mensonge de propagande ? Croyance absurde ? Incantation chamanique ? Discours managérial ?
Quoi qu’il en soit, l’avenir ne peut se dessiner ni en termes de macronomie régressive ni en termes d’économie du tout.
Il faut se préparer à saisir l’opportunité qu’offre cette ultime impotence criarde.
Les deux macrons
Dans la salle du spectacle de foire.
Comme le tirage de la grande loterie électorale a sélectionné deux macrons parmi les cinq nuances de despotisme économique, il est possible d’observer, plus spécifiquement, ces deux nuances « choisies ».
Macron orange et bleu macron sont remis dans l’urne pour le prochain tirage.
Certes le tirage du pivot macron, macron orange ou Macron himself, ne peut passer pour une surprise. Pas plus que le tirage du bleu macron, du macron national.
La loterie serait-elle truquée ?
Certainement, puisque les urnes ne contenaient que des boules économiques, des défenseurs de l’économie, plus armés les uns que les autres (pour détruire toutes les formes de vie extérieures à l’incorporation économique).
La grande foire entourant le second tirage de la grande loterie, avec son entêtante musique tonitruante, le spectacle sportif d’un pugilat factice, tout cela crève les yeux et les tympans.
À ma droite, le bleu macron national, le chevalier de l’économie hexagonale et des entreprises patriotes ;
Au centre (droit quand même), le macron orange européiste et mondialiste, ouvert au monde, le champion de l’esprit des entreprises innovantes de la révolution numérique sans frontière.
Le macron orange
La réaction économique jeune et souriante.
Des légions de sous macrons ont œuvrés et œuvrent encore au rétablissement de l’économie de croissance, libérée, bonne et saine, ont mené et mènent encore une politique acharnée contre-révolutionnaire d’effacement systématique de toutes les places de résistance, tel que le droit social, les acquis sociaux (« conservateurs ») ou les statuts protecteurs (« corporatistes »).
Macron, le pivot macron, le centre du gouvernement des sous macrons, se tient, tel Richelieu, en exécuteur des places fortes trop légèrement concédées par des gouvernants incompétents ou bien trop faibles.
Haro sur les protestants de l’économie !
Il faut d’abord ramener l’unité économique du royaume, éliminer les oppositions (à cette économicisation à outrance), araser systématiquement les positions fortifiées d’autonomie, de protections, de « rentes » de situation.
Que veut le rapporteur adjoint de la commission Attali pour « la libération de la croissance » ? [1]
Et, d’abord, qu’est-ce que cette « libération de la croissance » ?
Ne prenons qu’un exemple, symptomatique :
Soit un rentier typique, bénéficiant de « franchises » indues, usant, et souvent abusant, d’un droit protecteur acquis au prix de violentes luttes séculaires et se retranchant derrière les termes d’un armistice désormais déplacé ou obsolète.
Soit un chômeur.
Un article, simple et clair, de l’économie nous dit : il n’y a de chômeur qu’autant qu’il y a de droit au chômage ; le chômeur est une construction juridique et non pas économique ; construction déconstructible donc [2].
Comment supprimer le chômage ?
Comment retirer cette épine, désignée dès la première page du projet Macron ?
La réponse est élémentaire : il suffit de supprimer le droit au chômage, cette vieille lune des « socialistes » du début du 20e siècle.
Comme Richelieu a mené une guerre sans pitié contre toutes les places de protection (concédées aux protestants), Macron, le pivot macron, va poursuivre la guerre sans pitié contre toutes les positions « rentières » dénoncées dans le rapport de la commission Attali.
Contre le droit social, en particulier.
Pour rétablir la « pureté » de l’économie fluidifiée, ramenée à de la mécanique pure.
Transformer toute personne en militant de l’économie, en atome des circuits économiques, se déplaçant d’emploi en emploi et de lieu en lieu à vitesse accélérée.
Adaptation. Intégration. Absorption.
Revenons alors à notre chômeur, ce rentier protégé.
Il est historiquement vérifiable que le chômage est une construction sociale datée, très récente.
Qu’est-ce qui existait « avant le chômage » ?
Eh bien, tout simplement la misère des miséreux.
Un chômeur n’est qu’un misérable muni de droits ou d’un statut juridique.
Supprimer le chômage revient à supprimer le droit protecteur (ce qui peut se faire simplement) et revient à transformer le chômeur en misérable dénué de droits.
Le programme du macron en chef, ou futur chef de l’état des macrons, est limpide : un chômeur ne pourra refuser l’offre d’emploi qui lui est faite, quel que soit le prétexte possible, tel que baisse considérable du salaire, absence de rapport entre le travail proposé et l’ancien travail, déplacement géographique insupportable pour des raisons familiales, etc.
La délocalisation du capital exige la délocalisation du travail.
Et le modèle allemand, si loué.
Supposons un plombier allemand mis au chômage, par effet de concurrence « loyale ». Il pourra recevoir l’ordre d’aller comme journalier agricole en Pologne (dans une ferme entreprise allemande). Pendant qu’un plombier polonais viendra, sous statut polonais et salaire polonais, remplacer, en Allemagne, le plombier allemand mis au chômage (dans la perspective d’une baisse des coûts et des prix) et réexpédié en Pologne.
Macron pro-européen ? Européiste, même ?
Il manifeste le rabougrissement de l’Europe considérée uniquement comme Union Économique ouverte, communauté économique, Commonwealth.
Que signifie alors Macron, le chef macron ?
La domination totale de l’économie.
L’approfondissement du totalitarisme économique, de l’emprise totale de l’infrastructure économique, avec son droit délabré, la loi privatisée (lex mercatoria), ses impératifs de bons comportements adaptés, la peur diffuse, l’ordre enfin restauré.
Macron, le chef des macrons technocrates économistes, le visage juvénile de l’arrivisme, n’est que le porte drapeau tricolore de tous les arrivistes narcissiques.
Qu’est-ce qui distingue le pivot macron du macron hype, feu Fillon hyper macron ?
Rien d’autre que l’apparence. Le porter beau. Une gueule de beau gosse.
La juvénilité si prisée. L’icône du jeunisme. Mais d’un jeunisme intégré, déjà cupide, fasciné par la réussite économique (et le fric), rapace, entièrement mobilisée dans la croisade économique et dans les pépinières (ou pouponnières) d’entreprises innovantes.
Enrichissez-vous ! Écrasez les concurrents ! Que votre seul mode de vie soit celui guidé par la performance économique !
Mort aux misérables !
Que de cynisme haineux derrière le sourire juvénile.
Du petit père des peuples nous passons au technocrate sans pitié, mais tout en sourire (de cinéma).
Le bleu macron
La résurrection du corporatisme (de l’État) français.
Le marinopénisme n’est en aucune manière un marxisme péroniste, encore moins un avatar du communisme anti-économique !
Le bleu macron est un économiste à l’ancienne, s’appuyant sur un libéralisme classique, un national libéralisme, un économisme du retour à l’État national planificateur patriote.
Le bleu macron est libéral hexagonal, pour le libéralisme dans un seul pays.
Et dont le slogan serait : heureux comme un entrepreneur patriote en son pays de France !
Entrepreneur heureux et même bienheureux, puisqu’allégés de toutes les contraintes sociales, syndicales, débarrassés de toute opposition interne à l’entreprise. Enfin être patron chez soi !
Le national libéralisme bleu macron est un économisme autoritaire, patronal ressuscité.
Le bleu macron ne critique jamais le libéralisme, ne condamne jamais l’économie.
Il prône un retour à la régulation nationale, à la planification patriote.
Ce qui peut amener à confondre le bleu macron, bleu marine, et le fondu macron, Mélenchon.
Il y aura une croissance bleu marine, ce sera une croissance patriote.
Et cette croissance sera impulsée par une économie « participative » ou « collaborative », mais ici au sens de corporatiste.
On rétablira la collaboration interclasse au service de la patrie. On réhabilitera le vieux schéma fasciste de la participation (prisée des gaullistes).
Ce ne sera plus le parti des patrons contre celui des ouvriers, mais le parti des étrangers (mondialistes) contre celui de la France (patriote).
La défense des (petits) entrepreneurs patriotes contre les multinationales apatrides constituera une règle centrale de la nouvelle économie patriote.
Puis retrouver le vieux schéma corporatiste de l’économie organique, saine et juste.
Que vaut dire, ici, remettre l’économie en ordre ?
Lutter pour la concurrence juste, loyale et non faussée.
Et, par exemple, stéréotype libéral, étendre cette concurrence loyale en annihilant les cartels syndicaux désastreux ou en interdisant toute concentration d’opposition à l’économie (comme l’édification de zones autonomes).
Une doctrine saine de réconciliation nationale de l’économie et de la société, de réencastrement, implique de « réformer » les syndicats en créant de nouveaux syndicats interclasses rassemblant les salariés, les cadres et les patrons, dans une seule union, pour défendre les métiers et combattre les intérêts personnels, partisans ou, soi-disant, de classe.
Macron orange ou bleu macron ?
Toujours la guerre qui est menée pour défendre l’économie.